Qu’en est il de la vérification des créances par le chef d’entreprise chez le mandataire judiciaire ? Le mandataire judiciaire peut il considérer que les créances vérifiées et contestées ont vocation à être admises au seul motif que le débiteur ne viendrait pas signer la liste des créances ?

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Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en novembre dernier qui vient rappeler que si le mandataire judiciaire a vocation à jouer un rôle important dans la vérification des créances, il n’en demeure pas moins que ce dernier n’a pas vocation à interférer au détriment du débiteur qui est bien fondé à contester la totalité des créances de la procédure collective.

Bien plus, la vérification des créances est une étape déterminante dans la procédure collective que le débiteur soit en procédure de sauvegarde, ou en redressement judiciaire, ou bien encore sous le coup d’une liquidation judiciaire.

Dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la vérification des créances permet de réduire le passif comme peau de chagrin et a vocation de rendre plus supportable le plan de sauvegarde ou le plan de redressement.

Concernant la liquidation judiciaire, la vérification des créances est tout aussi déterminante en termes de responsabilité du dirigeant et l’amènera plus facilement à une clôture pour insuffisance d’actif sans pour autant passer par les phases dites d’interdiction de gérer, de faillite personnelle ou d’action en responsabilité appelé auparavant action en comblement du passif.

La Cour de Cassation rappelle qu’aucune disposition ne subordonne le maintien de la contestation d’une créance, émise par le débiteur au cours de la vérification des créances, à l’existence d’observations de sa part sur les réponses reçues des créanciers en application de l’article L. 622-27 du Code de Commerce ou à la présence du débiteur au rendez-vous fixé par le liquidateur pour la signature de la liste des créances.

Le débiteur est donc parfaitement fondé à maintenir ses contestations qu’importe si le mandataire judiciaire y adhère ou pas car ce dernier n’a véritablement pas son mot à dire, il est extrêmement important de ne pas l’oublier.

Dans cette affaire une coopérative de céréales et d’approvisionnement avait déclaré à la procédure de redressement judiciaire de la société N et de Monsieur X son dirigeant.

Les débiteurs, avait formé appel de l’ordonnance d’admission de la créance et signifié leur déclaration d’appel au mandataire judiciaire, qui n’avait pas constitué avocat.

Les débiteurs ne l’avaient pas appelé en cause et la caducité de l’appel avait été prononcée.

Pour autant la Cour de Cassation rappelle que l’article R. 661-6 du Code de Commerce est inapplicable à l’appel en matière de vérification du passif, le lien d’indivisibilité qui existe en cette matière, entre le créancier, le mandataire judiciaire et le débiteur, impose à ce dernier, lorsqu’il forme seul appel contre la décision d’admission d’une créance, d’intimer, non seulement, le créancier, mais aussi le mandataire judiciaire, et de respecter à l’égard de chacun d’eux les règles de la procédure d’appel.

Il est vrai que les débiteurs étaient tenus, à peine de caducité de leur déclaration d’appel, de signifier leurs conclusions au mandataire judiciaire intimé n’ayant pas constitué avocat mais il n’en demeure pas moins que cette jurisprudence mérite une attention particulière car elle rappelle le rôle du mandataire judiciaire dans la phase importante et spécifique de la vérification des créances.

En effet, dans bon nombre de vérification de créances, le mandataire croit bon prendre la main alors que cela est parfaitement contraire aux textes en invitant très fortement le débiteur à contester ou pas telle ou telle créance.

Lorsque le débiteur souhaite contester une créance, il n’en demeure pas moins que passé le délai de réponse du créancier, le mandataire judiciaire croit bon reconvoquer le débiteur pour l’amener ou pas à accepter la réponse du créancier ce qui est à mon sens contraire aux textes.

Il n’a pas à subir de quelque manière que ce soit la censure du mandataire judiciaire et il en droit d’aller devant le juge commissaire

Le débiteur ne doit pas être assujetti au bon vouloir du mandataire judiciaire qui n’a pas à faire la pluie et le beau temps.

Il convient de rappeler qu’à la lecture des articles R. 624-7 et suivants du code de commerce, si les déclarations de créances se font entre les mains du mandataire judiciaire, il n’en demeure pas moins que c’est au débiteur de vérifier les créances.

Si le mandataire judiciaire, peut au titre de l’intérêt collectif des créanciers aider le débiteur dans ses contestations, il n’a pas à entraver la vérification des créances.

Il importe de préciser que si le débiteur conteste sa créance pour un motif, rien ne l’empêche devant le juge commissaire de soulever d’autres motifs, la procédure étant orale cela est parfaitement régulier.

Il donc extrêmement important pour le débiteur non seulement d’être accompagné et utilement conseillé dans le cadre de la vérification des créances car nonobstant l’approche comptable du bien fondé de la créance, bon nombre de techniques juridiques et judiciaires permettent de remettre en question la créance en termes de pouvoir, de délégation de pouvoirs, de justificatifs….

Cette jurisprudence vient clairement que le mandataire judiciaire n’a pas à impacter le débiteur dans sa vérification des créances.

Le débiteur a donc intérêt à maintenir ses contestations et à les soutenir qu’importe s’il ait été convoqué ou pas devant le mandataire judiciaire pour signer l’état des créances.

Si le débiteur n’entend pas réagir aux réponses à contestation de créances, le mandataire judiciaire est tenu de respecter ce choix.

Le mandataire judiciaire n’a pas le pouvoir de considérer la créance comme « admissible », et de « retirer » la contestation du débiteur,

La Cour de Cassation souligne que les contestations de créances déclarées, formulées au cours de la vérification des créances par le débiteur, doivent être mentionnées par le liquidateur sur la liste des créances qu’il remet au juge-commissaire, lequel ne peut statuer sur les créances contestées sans convocation préalable du débiteur.

Ce dernier dispose d’un recours contre la décision du juge-commissaire statuant sur une créance qu’il a contestée et est fondé à se prévaloir du défaut de convocation devant le juge-commissaire pour faire annuler la décision ainsi rendue.

Il convient de rappeler que dans cette affaire la société N a été mise en redressement puis liquidation judiciaire, respectivement les 31 janvier et 6 mars 2012

Maître Y désigné liquidateur, a communiqué à son dirigeant, Monsieur X, la liste des créances déclarées et l’a convoqué pour en vérifier le bien-fondé et procéder à la vérification des créances,

Monsieur X s’est rendu à cette convocation et a remis au liquidateur un mémoire contenant des contestations relatives à certaines créances déclarées.

Le liquidateur a avisé les créanciers des contestations et a transmis les réponses de ces derniers au dirigeant qu’il a convoqué par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pour signature de l’état des créances avant son dépôt au greffe.

Monsieur X, ne s’étant pas présenté au rendez-vous fixé, le liquidateur a adressé la liste des créances au juge-commissaire, sans mentionner les contestations préalables du dirigeant qu’il avait pourtant bien reçu,

Le juge-commissaire a signé l’état des créances, qui a été déposé au greffe du tribunal le même jour et la société N a relevé appel de l’ordonnance arrêtant l’état des créances, pour s’en trouver déboutée.

A mon sens, immanquablement en pareille matière le mandataire judiciaire engage sa responsabilité,

La Cour de Cassation rappelle qu’aucune disposition ne subordonne le maintien de la contestation d’une créance, émise par le débiteur au cours de la vérification des créances, à l’existence d’observations de sa part sur les réponses reçues des créanciers en application de l’article L. 622-27 du code de commerce, ou à la présence du débiteur au rendez-vous fixé par le liquidateur pour la signature de la liste des créances.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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