Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en mai dernier et vient aborder la problématique des conditions de vente amiable du bien immobilier lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire. Ou comment échapper à une vente aux enchère publiques bien souvent désastreuse.
Article :
Il convient de rappeler que lorsque le débiteur est en liquidation judiciaire et qu’il a dans son patrimoine des actifs immobiliers, le mandataire liquidateur a vocation à réaliser les actifs pour payer les créanciers.
Le principe est fixé par l’article L 142-18 du Code de Commerce qui prévoit notamment une vente par adjudication judiciaire selon les règles établies par le droit de la saisie immobilière.
Cependant la procédure collective offre quelques aménagements et permet notamment au débiteur de vendre son bien à l’amiable si l’opportunité se présente.
La vente amiable offre bon nombre d’avantages par rapport à la vente forcée,
Dans cette affaire, la SCI M avait été mise en liquidation judiciaire le 2 mars 2011, Maître A avait été désigné mandataire liquidateur.
Sur requête de ce dernier, le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères d’un immeuble dont la SCI était propriétaire.
La SCI M a contesté l’ordonnance et préférait clairement opter pour la vente amiable de l’immeuble en question.
L’article L. 642-22 du code de commerce prévoit que toute réalisation d’actif doit être précédée d’une publicité en fonction de la taille de l’entreprise et de la nature des biens à vendre et l’article R. 642-40 précise que la publicité des réalisations d’actif doit être faite au moyen d’un service informatique accessible au public.
Le mandataire liquidateur avait effectué des démarches auprès de plusieurs agences immobilières et d’un notaire de la région du Morvan, et fait publier l’annonce de la vente de l’actif sur le site Internet du Conseil national des mandataires judiciaires
Le mandataire liquidateur considérait qu’au visa de l’article L. 642-18 du code de commerce, les ventes d’immeubles ont lieu suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière et c’est donc à bon droit que le Juge commissaire a ordonné la vente aux enchères.
La SCI M ne partage pas cet avis et considère que le juge-commissaire peut, si la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une cession amiable dans de meilleures conditions, ordonner la vente par adjudication amiable, ou vente amiable, sur la mise à prix qu’il fixe ou autoriser la vente de gré à gré aux prix et conditions qu’il détermine.
L’article R. 642-36 précise que l’autorisation de vente de gré à gré, ou vente amiable, détermine le prix de chaque immeuble et les conditions essentielles de la vente.
S’il est vrai que la lecture de ces textes laissent à penser que la vente de l’immeuble doit être poursuivie, en principe, comme en matière de saisie immobilière rien n’empêche à titre exceptionnel, lorsque la consistance des biens, leur emplacement ou les offres reçues sont de nature à permettre une vente amiable dans de meilleures conditions, le juge-commissaire, par une décision motivée, d’ordonner la vente par adjudication amiable sur la mise à prix qu’il fixe ou autoriser la vente de gré à gré au profit d’une personne dénommée aux prix et conditions qu’il détermine.
Si le débiteur souhaite échapper à une vente aux enchères publiques, il peut envisager une vente amiable pour lui permettre de vendre le bien dans les meilleures conditions.
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que si le débiteur souhaite une vente amiable, il n’en demeure pas moins qu’il doit réaliser toutes les démarches pour trouver un acquéreur et le présenter devant le juge commissaire et le mandataire liquidateur.
Faute d’offre déposée le bien ne pourra qu’être vendu aux enchères publiques.
Dans le cadre de cette jurisprudence la SCI considérait que les juges du fond devaient s’expliquer, indépendamment des offres reçues, sur la consistance des biens et leur emplacement et le point de savoir s’ils permettent d’envisager une vente amiable dans les meilleures conditions et qu’en s’abstenant d’évoquer la consistance du bien et son emplacement, pour déterminer si une cession dans de meilleures conditions pouvait être envisagée, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l’article L. 642-18 du Code de Commerce.
La Cour de Cassation ne partage pas son analyse et vient rappeler que l’autorisation de vente amiable d’un bien immobilier, actif de la liquidation judiciaire, suppose qu’une ou plusieurs offres d’achat aient été préalablement présentées.
Dans la mesure où le bien ne faisait l’objet d’aucune proposition d’achat consentie par une personne déterminée pour un prix défini, le juge commissaire n’avait pas à procéder à la recherche inopérante invoquée.
Cela est important car face à la rigueur de la jurisprudence et à la rigueur des textes, il appartient au débiteur de se positionner et de clairement organiser la procédure collective.
En effet, la vérification des créances puis le lancement de la réalisation des actifs, offrent un temps minimum pour le débiteur pour faire accepter l’idée d’une liquidation judiciaire et qu’il doit procéder à la vente de son bien.
C’est donc à lui seul de trouver un acquéreur et de faire toutes les diligences nécessaires.
Il peut éventuellement aborder ce point avec le mandataire judiciaire dès l’ouverture de la procédure collective notamment pour déterminer la valeur a minima du bien en passant par une requête expertise ce qui permettrait de gagner un certain temps.
C’est à mon sens la meilleure marche à suivre pour vendre le bien dans les meilleures conditions possible.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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