Décompte de créance, saisie immobilière et prescription

Dans le cadre d’une saisie immobilière, le débiteur peut-il contester le décompte de créance annexé au commandement de payer, peut-il solliciter d’autres documents bancaires, et surtout, peut-il se baser sur ce décompte de créance pour contester le TEG et en s’en servant aussi comme point de départ du délai de prescription à 5 ans, lorsque l’obtention du prêt en litige remonte à bien avant ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en mars 2018 qui vient aborder les moyens que peut opposer le débiteur saisi à l’encontre de l’établissement bancaire notamment sur le décompte de créance,

 

Fort d’un acte notarié de prêt immobilier en date du 24 septembre 2007 et de la défaillance de l’emprunteur, la banque avait fait délivrer à Monsieur G un commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 16 décembre 2016 et publié le 6 février 2017 pour paiement de la somme de 961 082,33 euros suivant décompte de créance joint,

 

Ceci fait, la banque a assigné Monsieur G à l’audience d’orientation du Juge de l’exécution près le Tribunal de Grande Instance,

 

Par jugement en date du 13 juillet 2017 le Juge d’orientation avait rejeté la demande de communication de pièces présentée par Monsieur G en sus du décompte de créance fourni, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle du chef de responsabilité contractuelle du créancier, débouté Monsieur G de l’ensemble de ses demandes, déclaré irrecevables comme prescrits les moyens de la nullité de la clause de stipulation d’intérêt du délai d’acceptation et a ordonné la vente forcé du bien.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur G a frappé d’appel la décision en litige et une fois de plus la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE vient briller par une sévérité particulière en rejetant l’ensemble des moyens de faits et de droits soulevés par le débiteur afin de contester les prétentions de la banque.

 

Dans le cadre de cette procédure, Monsieur G avait tenté de contester l’exigibilité de la créance de la banque en remettant en cause la validité de la déchéance du terme et ce notamment à la lueur des jurisprudences récentes qui ont été rendues en 2015 qui amènent le débiteur à penser que toute mise en déchéance du terme automatique était parfaitement contestée.

 

Or, la Cour rend une décision sévère,

 

En premier lieu elle considère, au visa de l’article 954 du Code de procédure civile que le débiteur n’a pas suffisamment développé les moyens sur lesquels les prétentions sont fondées.

 

Cela peut quand même sembler curieux dans la mesure où cette argumentation et les développements qui vont de pair ont été prises dans le cadre de ses conclusions de première instance puis reprises dans ses conclusions d’appel,

 

En deuxième lieu, Monsieur G contestait la validité de la déchéance du terme eu égard aux prescriptions de la loi et de la jurisprudence en la matière.

 

Or, la Cour considère qu’il ressort des termes de l’acte notarié de prêt au paragraphe « définition et conséquence de la défaillance de l’emprunteur » :

 

« Est réputé défaillant sans qu’il soit besoin d’adresser une mise en demeure en cas notamment de non paiement à bonne date, d’une quelconque somme due par lui. Le prêteur étant en droit, dans ces circonstances, d’exiger le remboursement immédiat du solde du contrat ».

 

Pourtant, est ce bien conforme à la jurisprudence en la matière ?

 

Pour la Cour, le contrat est sans ambigüité,

 

Il n’est pas contesté que Monsieur G n’a pas pu régler aucune mensualité de prêt depuis l’année 2013 et qu’il n’a pas repris les versements à l’issue du moratoire d’un an accordé au mois de février 2014 dans le cadre de la procédure de traitement de surendettement dont il a déjà bénéficié.

 

Dans ces conditions, la Cour considère que la banque était en droit de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de plein droit du prêt sans l’envoi d’une mise en demeure préalable alors même que la jurisprudence est pourtant claire en la matière.

 

Cette décision est curieuse sur ce point,

 

Par ailleurs, le débiteur avait également voulu contester le taux effectif global au motif pris qu’il était erroné, en remettant notamment en cause le décompte de créance fourni aux débats,

Cette argumentation permettait à la fois de contester le décompte de créance proposé par l’établissement bancaire,

 

Tout comme de contester la validité de la saisie immobilière,

 

Pour ce faire cependant, le débiteur a réclamé des éléments complémentaires à la banque, au delà de ce décompte de créance que celle-ci fournit classiquement dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière,

 

En effet, la banque lance sa procédure de saisie immobilière et assigne le débiteur à comparaitre devant le juge de l’orientation sur la base de documents prescrits par la loi, et qui comprennent notamment un décompte de créance,

 

Or la remise du décompte de créance n’est pas nécessairement suffisant et satisfaisant,

 

Bien plus, cela n’enlève rien au fait que le débiteur saisi, qui est considéré comme un paria par l’établissement bancaire, se retrouve sans décompte de créance et sans documents,

 

Le compte bancaire clôturé et l’accès internet aux comptes coupé, le débiteur se retrouve en manque d’information concrète pour pouvoir contester la créance de la banque et notamment vérifier sur les relevés bancaires antérieurs et postérieurs à la déchéance du terme prononcé,

 

Pourtant cette vérification d’usage permettrait de s’assurer que la banque n’a pas privilégié ses frais bancaires astronomiques au détriment du remboursement du prêt,

 

En effet, il n’est pas rare de constater que l’ensemble des frais et pénalités pouvant être pris sur un compte bancaire peut pousser à la déchéance du terme alors que bien souvent le débiteur mis en difficulté aurait pu faire ou a tenté de faire face en rattrapant son arriéré.

 

Ce rattrapage est alors mis à mal par l’ensemble des frais et pénalités qui sont prélevés en premier et qui empêche le débiteur de régulariser la situation dans de bonnes conditions.

 

Or, devant la Cour, Monsieur G avait renouvelé in limine litis sa demande de communication de pièces par la banque et afin d’obtenir divers justificatifs notamment pour obtenir communication d’un certain nombre de documents, savoir :

 

  • Justificatif de décompte de créance et du calcul des intérêts,
  • Justificatif de décompte de créance avec les intérêts année par année.
  • Toute attestation émanant de la banque afin que cette dernière rappelle les modalités de calcul des intérêts annuels sur une base de 360 jours annuel ou sur une base de 365/366 jours annuel.
  • L’offre de prêt et les conditions générales de l’offre de prêt ainsi que le justificatif de la déchéance du terme.

 

Pour autant, la Cour s’y refuse et ne somme pas, avant dire droit la banque de communiquer ces éléments,

 

La Cour s’estime suffisamment renseignée par la banque et considère que l’établissement financier a régulièrement communiqué le décompte de créance qu’il estime propre à justifier du principe du droit et du montant de sa créance et que ces documents sont suffisants pour permettre à la Cour de statuer sur les contestations.

 

Ceci est à mon sens fort regrettable car le propre du débat contradictoire est effectivement d’avoir d’accès aux documents permettant de se défendre dans de bonnes conditions,

 

Or, dans pareil cas, seul le créancier est suffisamment armé pour envisager une saisie immobilière ce qui est fortement regrettable.

 

Ceci d’autant plus qu’il n’est pas rare de constater que dès les premières difficultés économiques, la banque qui prononce la déchéance du terme clôture également le compte bancaire a découvert sur lequel les échéances de prêt étaient prélevées,

 

Cette clôture du compte amène bien souvent la banque à bloquer l’accès internet au débiteur mais pourtant client, qui n’a plus accès à ces informations bancaire et relevés,

 

Rendant le débiteur aveugle, ce dernier n’ayant plus aucune visibilité sur ces comptes, sur ses dettes et les frais et intérêts qui sont générés,

 

Pourtant la remise de ces documents peut avoir de l’importance dans le cadre de la contestation de la déchéance du terme, comme sus-évoqué, tout comme de la contestation du TEG et de la validité de la clause de stipulation des intérêts,

Et ce, à double titre,

 

En premier lieu, pour permettre au débiteur, et au juge saisi, de vérifier si le TEG est erroné,

 

En deuxième lieu, pour décaler le point de départ de la prescription en pareille matière, qui est de 5 ans, en vertu de l’article L312-33 du Code de la Consommation et de l’article 1907 du Code Civil.

 

En effet, le point de départ de cette prescription de 5 ans court, soit à compter du jour de l’acte de prêt, soit à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque lorsque l’examen de la teneur de l’acte ne permet pas de la constater,

 

Le point de départ de la prescription peut être décalée au jour de la révélation de l’erreur à l’emprunteur.

 

A condition que la banque fournisse un minimum de précision,

A condition que le juge somme la banque de communiquer ces éléments lorsque celle-ci ne les communique pas,

 

Or, dans cette affaire, la Cour considère que la prescription des demandes en déchéance du droit aux intérêts conventionnels et en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels résultant du Taux Effectif Global a commencé à courir à la date de la signature desdits actes.

 

L’offre de crédit ayant été accepté le 5 septembre 2007 et l’acte authentique de prêt ayant été signé le 24 septembre suivant, la prescription était dès lors acquise à la date de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 16 décembre 2016.

 

Dès lors, le débiteur invoque l’irrégularité du TEG figurant à l’acte de prêt en raison de l’absence d’explication des modalités de son calcul et l’erreur affectant le calcul des intérêts annuels déterminés par référence en année bancaire de 360 jours,

 

Bien plus, en tant qu’appelant, il fait grief au premier Juge d’avoir déclaré prescrite sa demande tendant à voir substituer le taux d’intérêt légal au taux conventionnel en faisant courir la prescription quinquennale à compter de la date du prêt alors que la seule lecture de cet acte ne permet pas de vérifier quelque éléments que ce soit au sujet du TEG,

 

La Cour relève que l’acte authentique du prêt immobilier reçu le 24 septembre 2007 reprend les caractéristiques du crédit énoncés dans l’offre de prêt accepté par Monsieur G le 5 septembre précédent pour un montant en capital de 1 038 100 euros dont 760 000 euros devaient être remboursés par les fonds à provenir de la vente d’un bien immobilier dans les 24 mois suivant le versement du crédit en l’état d’un montage au titre d’un crédit relais.

 

Le capital était alors remboursable en 360 échéances mensuelles moyennant un taux d’intérêt initial de 4,27 % l’an et un Taux Effectif Global de 5,54 % l’an dont le mode de calcul est détaillé à l’acte, de même que les charges annexes prises en compte pour le calcul de ce TEG à hauteur de 0,51%.

 

La Cour se contredit complètement,

 

En effet, d’un coté elle considère que la lecture de l’offre et de l’acte notarié ne permet pas de vérifier si, comme le soutient Monsieur G, le taux d’intérêt a été fixé sur une base de 360 jours par an, ce qui affecterait la validité du TEG,

 

Et de l’autre coté, elle considère que les erreurs que le débiteur invoque étaient susceptibles d’être décelées à la lecture de l’offre et du contrat de prêt,

 

De telle sorte que l’appelant ne démontre pas ne pas avoir pu les appréhender au jour de l’offre de prêt ou de l’acte de prêt,

La Cour retient même, et c’est un comble, que le débiteur ne ne démontre pas plus que les erreurs qu’il invoque lui auraient été révélé postérieurement.

 

Et pour cause, la banque se refuse de communiquer quoi que ce soit,

 

Cela est spécieux,

 

La Cour reconnait elle-même que la lecture de l’offre et de l’acte notarié du prêt ne permet pas de conclure que le taux d’intérêts aurait été fixé sur une base de 360 jours ou de 365 ou 366 jours,

 

Dès lors, force est pourtant de constater que l’emprunteur avait accepté cette offre de prêt et réitéré cet acte de prêt dans des conditions obscures, avec un véritable vide juridique et contractuel quant à la définition des modalités de calcul du TEG en question.

 

Bien plus, la Cour d’appel, qui ne se refuse rien, vient même considérer que rien n’empêchait par la suite Monsieur G de soulever la contestation en dehors de ce fameux délai de 5 ans.

 

Cela est véritablement spécieux,

 

Le silence de la banque, et la passivité à cet égard des juges du fond, empêchent le débiteur d’avoir accès à des informations qui permettraient de justement révéler l’erreur,

 

C’est aussi mal comprendre l’argumentation du débiteur qui rappelle en tant que de besoin que conformément au droit de la saisie immobilière le commandement de payer valant saisie immobilière est accompagné d’un décompte de créance.

 

Que ce décompte de créance fait état d’un certain nombre d’intérêts, frais et accessoires lesquels sont vérifiables et peuvent justement cristalliser des erreurs quant à la validité du TEG,

 

Pour autant, la Cour considère que ce décompte de créance ne peut servir de nouveau point de départ de la prescription au motif pris notamment de ce qu’il appartenait à l’emprunteur de rechercher bien avant cela si oui ou non le TEG était erroné,

 

Cela est regrettable,

 

A mon sens, la banque doit fournir les documents qui permettent de vérifier la véracité et la justesse du décompte de créance,

 

En ce considérant suffisamment éclairée par le décompte de créance, la Cour s’exonère d’un « devoir de curiosité » qu’elle oppose pourtant elle-même au débiteur qui aurait du s’interroger et interroger la banque dans les 5 ans de l’obtention du prêt,

 

A cet égard d’ailleurs, la Cour ne précise même pas si pareille démarche aurait eu un quelconque effet interruptif de prescription,

 

Bref, dans cette affaire la Cour s’est fourvoyée en présumant que la banque avait forcément raison et que son décompte de créance était forcément juste,

 

Cela n’est pas acceptable,

 

Fort heureusement, le conseil du débiteur malheureux se doit d’apporter la contradiction sur ce point, et se doit de tout faire pour préserver les droits de l’emprunteur, qui voit ses droits bafoués par la pratique bancaire et judiciaire lorsque celui-ci, du fait des mauvais hasards de la vie, a eu « l’outrecuidance » de ne plus respecter les échéances de son prêt,

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Audience d’orientation, entre expertise actuarielle et mise à prix

Le juge de l’orientation peut-il ordonner une expertise actuarielle pour vérifier le TEG, tout comme le taux d’endettement du débiteur saisi ? Le débiteur peut-il forcer une vente amiable ou bien encore contester la mise à prix du bien fixée par le créancier saisissant ?

 

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mars dernier par la Cour d’Appel de POITIERS qui vient aborder plusieurs problématiques dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, et plus particulièrement celle relative à la réalisation d’une expertise actuarielle judiciaire, au TEG,

 

En effet, alors qu’il n’est pas rare de constater que le juge ne s’embarrasse pas forcément des questions relatives à la véracité du TEG dans l’acte de prêt, cet arrêt, une fois n’est pas coutume vient confirmer le fait que le juge de l’orientation peut parfaitement opter, à titre avant dire droit, à une expertise actuarielle,

 

Dans le cadre de cette affaire, le juge de l’orientation ne se contente pas de désigner un expert aux fins de procéder à une seule expertise actuarielle,

 

En effet, le juge d’orientation, au visa des articles L313-1et R313-1 du Code de la Consommation, ordonné une expertise actuarielle avec mission de convoquer l’ensemble des parties assistées de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations de la tenue des rendez vous d’expertise sur la problématique spécifique du TEG.

 

Mais surtout, il ordonne dans le même temps, dans le cadre de l’expertise actuarielle, à l’expert de se faire aussi remettre les fiches d’instructions des dossiers préalables à l’octroi des prêts, les éléments de patrimoine et revenus des consorts H au moment de la souscription des emprunts.

 

Cela étant dit l’expert a pour mission de :

 

*déterminer le mode de calcul des TEG des prêts en question,

 

*déterminer les charges et frais qui ont été pris en compte voire ce qui ont été exclus

 

*déterminer si les TEG visés dans les deux prêts de 3,88 % et de 4,47% indiqués dans les prêts sont erronés et dans l’affirmative en préciser les erreurs, procéder à leur calcul et rétablir les tableaux d’amortissement en substituant au Taux conventionnel le Taux légal.

 

En même temps, dans le cadre de l’expertise actuarielle, l’expert avait également pour mission de déterminer enfin, si au jour de la souscription des contrats litigieux le taux d’endettement des parties concernées (emprunteurs et cautions), de déterminer si les engagements financiers souscrits apparaissaient au jour de leur souscription disproportionnés eu égard aux capacités de remboursement des débiteurs et de caution, et encore de déterminer toute autre anomalie pouvant avoir une conséquence sur l’exigibilité et la liquidité de la créance invoquée par la banque.

 

Dans ce même temps le Juge d’orientation a naturellement prorogé pour une durée de deux ans les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Cette décision avant dire droit est à relever par sa rareté en terme d’expertise actuarielle tellement rare en saisie immobilière,

 

Mais aussi par la pertinence des investigations pouvant être faites tant sur la justesse du TEG d’un prêt bancaire que sur les incidences que cela peut avoir sur l’exigibilité de la créance, sur la remise en question de l’éventuelle déchéance du terme et encore l’approche étant extrêmement complète de la part du Juge de l’exécution de vérifier.

 

Ainsi la banque aurait manqué à ses obligations de conseil de mise en garde notamment par rapport à la proportionnalité des engagements proposés aux revenus et charges des emprunteurs et cautions.

 

Pour autant, l’arrêt confirme la décision du juge de l’orientation qui aborde l’expertise actuarielle sur le terrain de la prescription pour rejeter sa portée et son résultat, pour débouter les consorts H de l’ensemble des demandes évoquées et a ordonné la vente aux enchères publiques du bien.

 

C’est dans ces circonstances que les consorts H ont frappé d’appel la décision.

 

En effet, le juge de l’orientation, dans le cadre de cette expertise actuarielle, mandate également l’expert judiciaire qu’il désigne afin de vérifier les questions au taux d’endettement du débiteur,

 

Enfin, le juge de l’orientation vient également s‘intéresser aux questions spécifiques de vente amiable ou bien encore de modification du montant de la mise en prix,

 

Cette dernière question attire très souvent l’attention des débiteurs saisis tant la mise à prix faite par les créanciers saisissants, semble extrêmement bas et en inadéquation complète avec la valorisation vénale du bien dans le cadre d’une éventuelle vente amiable.

 

Certes le coté attractif d’une mise à prix basse peut amener un jeu d’enchères frénétique,

 

Mais malheureusement, en cas de carence d’enchères ou de faibles enchérisseurs, le débiteur, qui perd déjà son bien immobilier se retrouverait à être encore débiteur d’une créance bancaire loin d’être désintéressé par la vente aux enchères du bien immobilier,

 

Chacun de ces points doivent être analysés à la lueur de ce que retient la Cour,

 

En effet, il convient de revenir sur l’expertise actuarielle qui a été ordonnée, avant dire droit, par le juge de l’orientation,

 

La cour souligne, en fin de procédure, et après la décision définitive du juge de l’orientation que la demande émise par le débiteur, et pour lequel le juge de l’orientation, avait pourtant fait droit avant dire droit, était prescrite,

 

Cela est curieux,

 

Pourquoi ordonner une expertise actuarielle avant dire droit si la demande est finalement prescrite,

 

Tout laisse à penser qu’in fine, tant le juge de l’orientation que la Cour, à sa suite, ont considéré que le point de départ n’était finalement pas décalée au jour de la révélation de l’erreur mais bel et bien au jour de l’offre de prêt,

 

Cependant, la Cour pousse plus loin son raisonnement,

 

La demande étant prescrite, le rapport d’expertise actuarielle réalisé ne peut servir de fondement à l’annulation de la clause de stipulation des intérêts,

 

Mais encore, dans la mesure ou le TEG serait erroné, rien n’empêchait le juge de considérer que le TEG erroné venait impacter de manière décisive le décompte de la banque qui ne pouvait donc pas saisir sur la base dudit décompte, lequel était erroné dans son fondement même,

 

En effet dans pareil cas, le rapport d’expertise actuarielle n’aurait il pas pu permettre de contester, sinon la clause de stipulation des intérêts, à tout le moins le caractère exigible de la créance,

 

Cette décision est là encore décevante sur ce point.

 

Par ailleurs, la Cour revient sur la problématique du taux d’endettement, dans la mesure ou les

consorts H quant à eux avaient évoqué l’idée de retenir un endettement à 100 % au motif pris que ces derniers sur le terrain juridique sont effectivement tenus au paiement de l’intégralité de la créance en qualité de caution.

 

Pour autant, il est bien évident que cette solidarité juridique n’a pas nécessairement vocation à impacter l’analyse du taux d’endettement des consorts H pris tant ensemble que séparément, alors même qu’ils ont des rapports entre eux de cofidéjusseurs, de telle sorte que la Cour d’Appel a effectivement rejeté cet argument.

 

Enfin, se posait la double question de la réalisation de l’actif,

 

Tantôt concernant la vente amiable,

 

Tantôt concernant la vent aux enchères publiques,

 

En effet, concernant la demande d’autorisation de vente amiable du bien là encore la Cour d’Appel brille par une certaine sévérité,

 

Elle précise que la vente amiable n’est pas de droit,

 

Il appartient au débiteur d’apporter les éléments permettant au Juge d’en apprécier la pertinence et de l’autoriser le cas échéant dans les conditions adaptées compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et de la diligence éventuelle du débiteur.

 

Qu’à défaut pour le débiteur de produire aucune évaluation actualisée de leur bien aucun moyen de vente permettant d’une part de l’évaluer par rapport au marché et d’autre part de caractériser leur bonne foi, la Cour d’Appel a considéré que la réelle volonté de parvenir à une vente et la faisabilité concrète de ce projet ne permettaient pas d’envisager une vente amiable.

 

Renvoyant ainsi l’actif à être réalisé aux enchères publiques,

 

Pour autant demeure entier la question de la fixation de la mise à prix,

 

Il convient de rappeler qu’en cas de carence d’enchères le bien est « adjugé d’office » au créancier saisissant,

 

Ce qui augmente d’autant sa capacité à fixer des mises à prix volontairement basses,

 

Le débiteur saisi appréciera…..,

 

Il convient malgré tout de se reporter au texte en question, savoir que l’article L322-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution prévoit que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant.

 

A défaut d’enchères, celui-ci est déclaré adjudicataire d’office à ce montant.

 

Or, ce même texte précise que le débiteur peur, en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le Juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l’immeuble et les conditions du marché.

 

Enfin, ce même texte précise qu’à défaut d’enchères le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale.

 

C’est dans ces circonstances juridiques que la Cour rappelle que la mise à prix proposée par le créancier poursuivant est de 140 000 euros alors que les consorts H considèrent que le bien peut être évalué sur une base de 350 000 euros, c’est dire le delta de près de 210 000 euros.

 

Ceci étant dit, la Cour rejette les prétentions des consorts H et rappelle que la mise à prix fixée par le créancier poursuivant ne correspondant pas à la valeur vénale de l’immeuble et ne présage en rien du montant du prix d’adjudication lequel résultera des enchères.

 

Cet arrêt est riche d’enseignement,

 

En premier lieu, le principe de concentration des moyens permet de faire remarquer que les moyens de contestation sont nombreux et que rien ne doit être oublié,

 

En deuxième lieu, et surtout, il montre bien qu’il est de la plénitude de compétence du juge de l’orientation de désigner tel expert judiciaire aux fins de procéder à une analyse actuarielle et vérifier également le respect des obligations de conseils et de mise en garde,

 

Enfin, et en troisième lieu, il rappelle la rigueur des critères de vente amiable, et de fixation de la mise à prix du bien en cas de carence d’enchères,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Prêt professionnel et TEG contesté à une décimale

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation en mai 2017 qui vient aborder la question spécifique de la contestation du taux effectif global et du taux d’intérêt erroné dans la cadre d’un contrat de prêt professionnel.

 

Dans cette affaire, une société commerciale avait assigné une banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du TEG mentionné dans deux contrats de prêt professionnel.

 

Dans le cadre de son pourvoi elle faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes fondées sur l’article R 313-1 du Code de la Consommation tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global, pour lequel elle réclamait la substitution du taux conventionnel au seul taux légal, ce qui peut représenter un impact économique non négligeable sur la totalité des deux prêts,

 

Malheureusement la Cour de Cassation rejette le pourvoi et relève que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 l’an mentionné dans le contrat de prêt professionnel et le produit du taux de période non contesté par le manque d’échéance de remboursement dans l’année à 5,743 % étaient donc inférieurs à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de la Consommation, de telle sort que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel et contrat de prêt.

 

Pour autant, cette jurisprudence relative au prêt professionnel est intéressante à plus d’un titre,

 

Dans le cadre d’une analyse a contrario de cette décision, il n’échappera pas, au lecteur attentif, que la Haute juridiction confirme que même dans le cadre d’un contrat de prêt professionnel l’emprunteur, fut-ce t’il professionnel ou commerçant, demeure bien fondé à assigner la banque en nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du Taux effectif global mentionné dans le contrat du prêt en question.

 

Dans cette affaire l’établissement bancaire B a consenti, les 23 mai et 24 septembre 2007, à la société J deux prêts professionnels,

 

Cette même société J a assigné l’établissement bancaire par acte du 18 septembre 2012, soit dans le délai de 5 ans suivant la classique prescription quinquennale qui est souvent opposée par la banque au demandeur.

 

Dans son assignation, la société J sollicitait la nullité de la clause d’intérêt conventionnel pour erreur du taux effectif global mentionné dans les deux contrats de prêt professionnel.

 

Or, dans le cadre de son pourvoi, la société J fait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de rejeter ses demandes tendant à voir constater le caractère erroné du taux effectif global annoncé dans son contrat de prêt professionnel et à voir substitué à compter de la date de ce prêt le taux d’intérêt légal au taux conventionnel.

 

En effet, elle considère que l’article R 313-1 du Code de la Consommation, dans sa rédaction issue du Décret n°2002928 du 10 juin 2002 applicable en la cause, dispose que le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire utilisée pour calculer le taux effectif global et calculer le cas échéant avec une précision de moyenne décimale a pour objet, non pas d’édicter une marge d’erreur admissible mais de déterminer le degré de précision dans l’expression dudit taux et les modalités d’application d’un chiffre arrondi.

 

De telle sorte que ni l’établissement bancaire, ni finalement la Cour d’appel, ne pouvait exciper, pour un prêt professionnel, des dispositions de cet article R 313-1 du Code de la Consommation caractérisant un seuil de tolérance d’une décimale alors même que la banque croyait bon opposer à la société J le fait que l’erreur de taux inférieur à une décimale entrainait une absence d’effet de l’erreur en tant que telle.

 

La société J précise, dans le cadre de son pourvoi, que le prêt professionnel entre dans la catégorie des prêts mentionnés au 3 de l’article L 311-3 du Code de la Consommation de telle sorte qu’il résulte des dites dispositions qu’il suffisait que taux effectif global applicable dans la cause est un taux annuel proportionnel au taux de période à terme échu exprimé pour son unité monétaire et lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire.

 

Le rapport ainsi calculé le cas échéant avec une précision d’au moins une décimale.

 

A ce sujet, la Cour de cassation rappelle qu’en présence d’un prêt, et d’un prêt professionnel, les parties peuvent s’accorder sur le calcul de l’intérêt conventionnel à savoir le taux de rémunération sur la base d’une année bancaire de 360 jours comme elles l’ont fait en l’espèce ainsi qu’en atteste l’article 2 des Conditions Générales du contrat litigieux qui stipule dans les conditions financières que le prêt donnera lieu au profit de la banque à des intérêts calculés sur le montant utilisé au taux indiqué dans les conditions particulières du présent acte sur la base d’une année bancaire de 360 jours, d’un semestre de 180 jours, d’un trimestre de 90 jours et d’un mois de 30 jours.

 

Pour autant, nonobstant l’éventuelle erreur inférieure à une décimale la société J rappelle qu’aux termes des dispositions légales règlementaires la banque devait calculer dans le contrat de prêt professionnel le taux effectif global sur la base d’une année civile de 365 jours.

 

Dès lors elle fait observer à la Cour que si au sein du contrat de prêt professionnel  le TEG est calculé sur la base d’une année bancaire de 365 jours, il apparaît inconcevable que l’établissement bancaire puisse à la fois présenter un calcul d’intérêt annuel sur la base d’une année de 360 jours alors qu’il justifie dans le même temps d’un taux effectif global calculé sur une base de 365 ou 366 jours.

 

La société J considère, quant à elle, que le seuil de tolérance d’une décimale visé dans l’article R 313-1 du Code de la Consommation ne porte que sur le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire et non sur le résultat du taux effectif global en tant que tel de telle sorte qu’elle serait bien fondé à obtenir la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

Pour autant, la Cour ne partage pas cet avis et considère qu’en tout état de cause que l’écart entre le taux effectif global de 5,672 % l’an mentionné dans le contrat de prêt est le produit du taux de période non contesté par le nombre d’échange de remboursement dans l’année de 5,143 % est inférieur à la décimale prescrite par l’article R 313-1 du Code de a Consommation de telle sorte que cet à bon droit que la Cour d’Appel a rejeté la demande d’annulation de la clause d’intérêt conventionnel du contrat de prêt.

 

De telle sorte que le moyen de la société J n’est pas fondé,

 

Le pourvoi est rejeté,

 

Pour autant, cette décision est intéressante à plusieurs égards.

 

En premier lieu, elle rappelle, en tant que de besoin, que les prêts professionnels entrent dans la catégorie des prêts mentionnés dans le code de la consommation,

 

En effet, l’article L311-3 du Code de la Consommation a vocation à imposer à l’établissement bancaire une justification des modalités de calcul du taux effectif global nonobstant la décimale près visée par l’article R 313-1 du Code de la Consommation.

 

Le deuxième point intéressant est qu’il convient de rappeler à l’emprunteur, fusse-t-il commercial ou professionnel que celui-ci à l’obligation de rapporter la preuve que le taux effectif global est erroné.

 

Cela peut sembler, sur un terrain purement économique et humain, curieux car s’il y a bien un professionnel de la finance en mesure de justifier des modalités de calcul du TEG c’est bel et bien la banque,

 

Pour autant, l’établissement bancaire se garde bien de justifier du bien fondé de son TEG, étant rappelé qu’au égard aux règles de procédure civile qui s’imposent, c’est au demandeur de démontrer une erreur dans le taux effectif global.

 

Cette erreur doit être démontrée sur un terrain juridique , cela va sans dire, mais également sur un terrain mathématique et l’on ne peut que recommander au demandeur qui souhaite assigner la banque en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels au titre d’une erreur dans le taux effectif global de rapporter la preuve mathématique et de faire réaliser une analyse pour pouvoir rapporter la preuve sur un terrain purement concret et factuel.

 

Enfin, il est malgré tout regrettable que la Cour de Cassation ne distingue absolument pas la question relative à l’obligation qu’a l’établissement bancaire de calculer le taux effectif global sur une base de 365 jours alors qu’in fine il apparaît clairement que les taux de périodes sont calculés sur une base d’une année bancaire de 360 jours.

 

Pourtant, il apparait logique que dans la même lignée le calcul des intérêts annuels se fasse sur la même base.

 

Dès lors il peut sembler curieux que d’un côté celle-ci valide un taux effectif global à 365 jours et ne fasse pas de difficulté à ce que l’année bancaire soit finalement calculée à 360 jours dès lors qu’il n’y a pas une erreur de plus d’un décimale sur le taux effectif global in fine.

 

Pour autant, cette décision attire l’attention en ce qu’elle confirme l’opportunité que doivent avoir les emprunteurs professionnels et commerciaux quant à leur leur faculté d’assigner la banque en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels, à condition que cette erreur du taux effectif global soit à la fois démontrée et à la fois supérieure à une décimale pour pouvoir espérer obtenir gain de cause.

 

SCI et délai de contestation du taux effectif global

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’année 2017 relatif à la question spécifique du taux effectif global d’un prêt bancaire, vaste sujet qui fait couler beaucoup d’encre,

 

Tant le sujet est d’actualité et amène à remettre en question l’ordre bancaire établi,

 

Tant on peut s’étonner du fossé parfois ressenti par les praticiens entre les principes visés dans la jurisprudence de la Cour de Cassation et les décisions rendues par les juridictions de première instance qui opposent parfois une interprétation et une appréciation souveraine des juges du fond qui ont tendance à considérer que le taux effectif global est nécessairement juste.

 

Ce que d’aucuns emprunteurs pourraient considérer se heurter à une véritable présomption de TEG juste s’explique procéduralement par le fait qu’en sa qualité de demandeur à la nullité de la clause de stipulation des intérêts du prêt, c’est à lui de rapporter la preuve de l’erreur,

 

Cela peut cependant être mal compris notamment par l’emprunteur en difficulté financière qu’il soit personne physique, simple particulier, profane et non averti, ou qu’il soit une société civile familiale dont l’état d’ignorance financière est parfois tout aussi important,

 

Par voie de conséquence, la démonstration peut être effectuée par une analyse actuarielle ou bien encore par une expertise judiciaire, laquelle n’est pas nécessairement acquise de plaine droit, et la pratique montre que bon nombre de juridictions ne ressentent pas le besoin de recourir à l’intervention d’un sachant impartial,

Or, dans pareil cas, faute d’expertise judiciaire, il n’est pas rare de constater que les juges du fond se satisfassent finalement assez facilement des explications « techniques » de l’établissement bancaire,

Pour autant, l’enjeu, et la lourde sanction attachée à ce contentieux, alimentent inlassablement le contentieux en la matière,

 

En effet, l’annulation de l’ensemble des intérêts conventionnels, passés, présents et futurs, représentent un enjeu économique majeur,

 

Les deux axes majeurs récurrents de contestation du TEG consistent en premier lieu à vérifier l’ensemble des frais et accessoires intégrés dans le taux effectif global, et en deuxième lieu à vérifier si les intérêts annuels ont été déterminés non pas sur une base habituelle de 360 jours par an, mais bel et bien sur une base de 365 ou 366 jours par an,

 

Il convient de rappeler que les dispositions légales imposent à l’établissement bancaire de justifier de la justesse de son taux effectif global et des modalités de calcul y afférents lesquels sont clairement définis par l’article L 313-1 du code de la consommation et R313-1 du même code.

 

Pour autant, avant de procéder aux contestations et vérifications relatives aux modalités d’établissement du taux effectif global, le demandeur doit d’abord passer le cap de la recevabilité,

 

En effet, la contestation du taux effectif global repose avant toute chose dans l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, ledit contentieux en nullité étant prescriptible par 5 ans,

 

Pour autant, ce délai de 5 ans semble en décalage avec des prêts bancaires, des prêts immobiliers, dont l’erreur peut apparaître bien après le délai de 5 ans,

 

C’est bien souvent lorsque, victime des hasards malheureux de la vie, l’emprunteur en difficulté financière ne pouvant plus faire face à ses obligations, se retrouve destinataire d’une déchéance du terme et d’un décompte de créance « enrichi » d’un grand nombre de frais et d’intérêts divers et variés qui laisse à penser à l’emprunteur que celui-ci s’est épuisé pendant des années à payer des échéances d’un prêt qui demeure du sur la base d’une somme tout aussi importante.

 

Dans pareil cas, il peut sembler parfaitement légitime que le débiteur s’intéresse finalement aux modalités d’octroi de son prêt et au taux contractuel,

 

Pour autant, il n’est pas rare que plusieurs années se soient écoulées entre la mise en place du prêt et la demande du débiteur en annulation de la clause de stipulation d’intérêts,

 

La banque, toujours réfractaire à aborder ce délicat sujet, n’hésite alors pas à faire état de la prescription quinquennale afin de se décharger de toutes formes d’obligations.

 

La question qui se pose alors est de savoir si la prescription quinquennale démarre au jour de la signature de l’offre de prêt ou au jour de la révélation de l’erreur.

 

La jurisprudence a évolué sur cette question puisque elle a considéré que le délai de prescription ne courrait pas forcément à compter de la signature de l’acte mais pouvait également courir au moment de la révélation de l’erreur.

 

Cette question a été consacrée par une jurisprudence du 11 juin 2009 dans laquelle la Cour de Cassation considère qu’en cas d’octroi d’un crédit à un consommateur ou à un non professionnel, la prescription de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel engagée par celui-ci en raison d’une erreur affectant le taux effectif global, court, de même que l’exception de nullité d’une telle stipulation contenue dans un acte de prêt ayant reçu un commencement d’exécution, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur,

 

Ainsi, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur, ou lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur.

 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence a d’ailleurs rappelé ce principe par un arrêt de décembre 2011, qui est intéressant, puisqu’il considère qu’eu égard à la complexité du calcul du taux effectif global, l’erreur ne pouvait être constatée par la simple lecture des conventions.

 

Il convient de rappeler que la complexité des opérations notamment en présence d’un crédit à taux variable, ne permet pas au simple particulier de voir ou de constater une ou plusieurs erreurs dans le taux effectif global.

 

En effet, les modalités de calcul sont particulièrement complexes et ne peuvent valablement être contestées en son temps par l’emprunteur qui n’avait pas à suspecter le caractère erroné du taux effectif global et qu’il n’était pas en mesure de constater l’erreur par le seul examen des conventions.

 

Toutefois, ces dernières années la jurisprudence s’est très sérieusement durcie et a dissocié emprunteur particulier et emprunteur professionnel et plus particulièrement emprunteur personne morale, notamment les SCI.

 

Ainsi, l’emprunteur personne physique particulier et simple consommateur avait le droit de considérer que le point de départ démarrait non pas tant à la signature de l’acte mais bel et bien au jour de la révélation de l’erreur,

 

Mais inversement, l’opportunité de décaler la prescription était fermée à toutes les personnes morales et donc les SCI, fut-ce t’elles familiales, ce qui est particulièrement regrettable.

 

Pour autant, cette jurisprudence de 2017 semble inverser la tendance ce qui est salutaire.

 

Dans cette affaire, la SCI avait demandé un prêt à la un établissement bancaire qui lui a notifié un accord de financement définissant les caractéristiques générales d’un prêt à long terme et indiquant qu’une régularisation de l’acte de prêt devait intervenir par acte notarié.

 

Cet accord avait été accepté le 24 février 2005 par la SCI et l’acte authentique réitératif de prêt étant finalement conclu le 31 mars 2005.

 

Par la suite, la SCI a souhaité engager une action aux fins de nullité de la stipulation du taux effectif global au motif pris que l’établissement bancaire n’aurait pas pris en compte les frais de garantie.

 

Cette assignation est signifiée le 15 mars 2010, dans la quelle la SCI sollicitait bien sur l’annulation de la clause de stipulation des intérêts et réclamait ainsi le remboursement de l’ensemble des intérêts perçus en sus du passage de l’échéancier au seul intérêt au taux légal.

 

La Cour d’Appel déclare irrecevable l’action de la SCI au motif pris que la prescription était acquise à la date à laquelle elle a été engagée, l’arrêt retenant que le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en nullité de la clause de stipulation des intérêts conventionnels engagée par la SCI, qui a souscrit un prêt pour les besoins de son activité, est la date à laquelle l’offre de la banque a été acceptée par la SCI

 

Ce qui constitue la date de contrat de prêt et donc le point de départ de la prescription quinquennale,

 

La Cour de Cassation, qui a pourtant opté pour un durcissement des droits des SCI, particulièrement en 2016, semble revenir sur sa position et semble changer son fusil d’épaule,

 

En effet, elle considère dans cette jurisprudence qu’en statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription se situe au jour ou l’emprunteur a connu ou aurait du connaitre l’erreur affectant celui-ci, la Cour d’Appel, qui a retenu comme point de départ de cette prescription la date d’un document ne constatant aucun taux effectif global a violé les textes susvisés.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient permettre aux SCI, qui sont d’ailleurs bien souvent des SCI familiales, de bénéficier de ce décalage de prescription, tant il est vrai que ce n’est que bien souvent en cas d’incident de paiement ou en cas de difficulté que les décomptes apparaissent et que l’erreur dans le taux effectif global peut se dévoiler aux yeux de l’emprunteur.

 

Dès lors, la SCI est donc bien fondée à envisager l’annulation de la clause de stipulation des intérêts même dans un temps éloigné de l’acte de prêt car désormais elle peut considérer que le point de départ de la prescription démarre au jour de la révélation de l’erreur,

 

L’arrêt est satisfaisant sur cette question,

Pour autant, il n’échappera pas au lecteur attentif que la Cour de Cassation a considéré que ce décalage de prescription pouvait également être évoquée par une SCI qui aurait souscrit un prêt pour les besoins de son activité professionnelle.

 

Deux bémols cependant,

 

En effet, si cet arrêt édicte désormais qu’il a matière à prendre comme point de départ de la prescription quinquenale le jour de la révélation de l’erreur, il n’en demeure pas moins que cette jurisprudence offre des limites importantes sur deux points précis.

 

Le 1er point est qu’il faut, pour bien comprendre l’arrêt de la Cour, que l’offre de prêt ne comprenne pas de taux effectif global, car tel était le cas en l’espèce,

 

En 2ème point, il n’échappera pas que l’assignation dans cette affaire a été signifiée le 15 mars 2010 afin de contester un acte authentique qui a été établi le 31 mars 2005.

 

Qu’en serait il si l’offre de prêt intégrait un taux effectif global quand bien même celui-ci serait erroné et si l’action faite par le débiteur, SCI, serait diligentée après le délai de 5 ans de la réitération de l’acte chez le notaire ?

 

Tout laisse donc à penser que la Cour de Cassation n’est pas allée au bout de son raisonnement et n’a fait qu’entrouvrir une porte qui peut malheureusement être rapidement refermée.

 

Pour autant, si d’aucun y verrait une bouteille à moitié vide, il convient d’y voir à mon sens une bouteille à moitié pleine,

 

En effet, il était que ce recul des droits des SCI initiée en 2016 finisse enfin, au profit d’une approche plus protectrice des droits des emprunteurs, qui peuvent emprunter par le biais de SCI familiales pour des raisons successorales ou familiales, et qui ont par là même un comportement bien éloigné d’un vrai professionnel,

 

Par voie de conséquence, la SCI demeure bien fondée à bénéficier de dispositions propres au code de la consommation et réclamer la nullité de la clause de stipulation des intérêts,

 

A force de solliciter le bénéfice des dispositions du code de la consommation, certaines SCI vont finir par opposer à l’établissement bancaire cette prescription biennale tant redoutée par cette dernière,

Déchéance du terme non valable et assignation en paiement, quelle efficacité ?

Il convient de s’intéresser à une nouvelle jurisprudence, rendue cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déchéance du terme d’un prêt bancaire lorsque l’emprunteur non commerçant est défaillant.

 

Cette jurisprudence rappelle que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier sur la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Les faits sont les suivants,

 

Le 24 novembre 2007, la banque avait consenti à Madame X un prêt immobilier d’un montant de 277 635 euros, ce qui n’est pas rien, remboursable en 240 mensualités de 1897.92 euros au taux fixe de 4,95 % l’an.

 

Les échéances du prêt étant demeurées impayées, la banque se prévalant de la déchéance du terme à la suite d’une mise en demeure reçue par Madame X le 5 janvier 2010 et demeurée infructueuse, l’avait alors assignée en paiement de la créance.

 

La Cour d’appel considère que pour condamner Madame X à payer à la banque la somme de 298 381.22 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010 et la capitalisation de ceux-ci,

 

L’arrêt frappé de pourvoi retient que s’il ressort des vérifications d’écritures que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Madame X, l’assignation en paiement qui s’en est suivie vaut déchéance du terme.

 

La Haute juridiction ne retient pas cette solution et cette motivation de la juridiction du deuxième degré,

 

Elle rappelle avant tout que l’établissement bancaire ne peut se prévaloir d’une déchéance du terme automatique pour un emprunteur non commerçant,

 

Or, la pratique bancaire démontre que les établissements bancaires ont pour fâcheuse habitude de prévoir une telle déchéance automatique dans des contrats rédigés de manière obscure leur permettant de prononcer la déchéance du terme et d’envisager, dans la foulée, une saisie immobilière du bien dans un délai extrêmement court et sur la seule base d’un ou deux impayés,

Cette déchéance du terme automatique est dangereuse car elle permet à l’établissement bancaire d’entrer dans ses droits de manière quasi automatique et de pouvoir lancer toute procédure de saisie immobilière à cette fin,

 

Elle est d’autant plus dangereuse lorsque l’offre de prêt est réitérée par acte notarié, par acte authentique, lequel acte authentique est revêtu de la force exécutoire, permettant ainsi au créancier, sur la seule base d’une déchéance du terme automatique découlant parfois d’un ou de quelques impayés, d’envisager sans grande difficulté la saisie immobilière de l’emprunteur en difficulté,

 

Pour que la créance soit exigible, elle doit faire l’objet d’une déchéance du terme,

 

Cette déchéance du terme doit répondre aux exigences du contrat de prêt mais doit également répondre aux critères jurisprudentiels qui imposent à l’établissement bancaire de solliciter l’emprunteur afin que celui-ci puisse régulariser les impayés avant de subir la déchéance du terme de l’intégralité du prêt,

 

Or, la pratique démontre que les difficultés rencontrées par l’emprunteur en situation d’indélicatesse financière demeurent conjoncturelles,

 

La préoccupation majeure de l’emprunteur est de faire face à ses obligations financières, nonobstant des difficultés économiques le plus souvent plus conjoncturelles que structurelles,

 

Or, dans pareil cas, avant le prononcé de la déchéance du terme il n’est pas rare de se retrouver face à un établissement bancaire qui se refuse à faire droit à une suspension des échéances du prêt, sauf à grand renfort d’intérêts intercalaires quasi prohibitifs, laissant l’emprunteur seul face à ses difficultés et l’exposant directement à une déchéance du terme,

 

Déchéance du terme prononcée, et nonobstant les efforts très importants de l’emprunteur en difficulté afin de rattraper son retard dans le paiement des échéances impayés, il est encore plus rare de constater que la banque envisage dans ce cas de remettre en place le prêt en litige afin qu’il se poursuive et que la dite déchéance soit purement et simplement annulée,

 

Pour autant, il est important de rappeler au débiteur qu’il n’est pas démuni et peut tout à fait contester cette déchéance du terme.

 

Il peut, en cas d’impayés, naturellement solliciter la suspension judiciaire des échéances en cas de silence ou de résistance de la banque, afin d’obtenir, bien souvent au forceps d’ailleurs, une suspension judiciaire des échéances du prêt,

 

Il peut également contester la déchéance du terme proprement dite lorsque si celle ci était déjà prononcée, en remettant en question son existence et sa validité voire son inopposabilité à son encontre pour amener judiciairement l’établissement bancaire à remettre en place le crédit avec son échéancier,

 

Il est bien évident que si le débiteur vient contester la déchéance du terme et que celle-ci n’est pas conforme, rien n’empêche l’emprunteur pendant cette période de poursuivre les paiements au profit des échéances à remettre en place et de faire constater par la juridiction saisie que l’ensemble des échéances ont été poursuivies de telle sorte que le prêt aurait vocation à se poursuivre naturellement.

 

Dans l’hypothèse où la déchéance du terme ne serait pas valable, il appartient à l’emprunteur, et son conseil, d’en tirer toutes les conséquences en reprenant le paiement d’échéances mensuelles,

 

Si la question de la déchéance du terme est génératrice de nombreuses jurisprudences et doctrines, cette nouvelle jurisprudence apporte une réponse complémentaire lorsque justement ladite déchéance du terme ne serait pas valable,

 

Cette jurisprudence de 2017 rappelle que peut constituer un abus la notification d’une déchéance du terme automatique à un débiteur de bonne foi sans avertissement préalable.

 

Mais surtout, elle précise, en sus que l’établissement bancaire ne peut palier sa déchéance du terme irrégulière en considérant que l’exigibilité de la créance en litige découlerait non plus de ladite déchéance du terme irrégulière mais de l’assignation qui s’en suivrait,

 

Ainsi, la jurisprudence étudiée rappelle que si le contrat d’un prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Mais surtout, elle précise, en ce que si la déchéance du terme peut-être remise en question, la banque ne saurait rattraper le « coche » en considérant que celle-ci a procédé à un commandement de payer par huissier ou bien encore en considérant que celle-ci en assignant en paiement vient consacrer l’exigibilité de la créance et donc sa déchéance.

 

Il ne faut pas s’y tromper,

 

Il est bien évident que l’assignation ne saurait entrainer par elle-même la déchéance du terme.

 

Dans la mesure où la déchéance du terme est subordonnée à l’envoi d’une mise en demeure à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception manifestant l’intention de la banque de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, il est bien évident que celle-ci ne peut-être compensée ou remplacée par une assignation ou même par un commandement de payer qui ne répond pas aux dispositions contractuelles du prêt.

 

Dès lors, dans l’hypothèse où l’établissement bancaire aurait manqué à ses obligations ou aurait « raté » la validité de la déchéance du terme, ce dernier ne peut tenter de régulariser la situation en assignant le débiteur ou en faisant signifier un commandement de payer,

 

L’établissement bancaire serait plutôt fondé à revoir la problématique à sa base,

La banque ayant plutôt vocation à procéder à la signification d’une nouvelle déchéance du terme conformément aux dispositions du contrat de prêt dont il se prévaut, sans tenter de créer une validation « a postériori » en signifiant tantôt un commandement de payer, tantôt une assignation en paiement, tantôt une assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation aux fins de vente immobilière,

 

Ainsi, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainerait la déchéance du terme celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier selon délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

De même, l’établissement bancaire ne peut faire découler de l’assignation ou de la procédure qui s’en suivrait une validation a postériori d’une exigibilité erronée,

 

Il appartient à l’emprunteur en difficulté, devenu débiteur fort de cette déchéance du terme particulièrement contestable d’être particulièrement vigilant, et de combattre cette notion d’exigibilité et de déchéance du terme,

 

Cette contestation permettrait à l’emprunteur de reprendre son prêt en cours, de reprendre ses paiements, au besoin sur la base d’un prêt au seul taux légal si le taux effectif global du prêt est également contesté,