Honoraires de l’avocat et procédure de taxation à hauteur de Cour, exemples jurisprudentiels

Laurent Latapie avocat immobilier 2025

Exemples jurisprudentiels de taxation des honoraires devant le Premier président de la Cour d’appel. La première éclairant le lecteur sur l’existence de demandes reconventionnelles formées à hauteur de Cour par l’avocat en défense qui veut faire fixer ses honoraires. La deuxième relative à la capacité qu’à l’avocat de faire fixer ses honoraires même en l’absence du client appelant.  

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à deux jurisprudences qui ont été rendues par la deuxième Chambre civile ce 10 octobre 2024, N°23-12.720 & N°23-13.518, qui viennent aborder les spécificités procédurales devant le Premier Président de la Cour en termes de taxation des honoraires d’avocat.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans la première jurisprudence, et selon ordonnance attaquée rendue par le Premier Président de la Cour d’appel de Pau, Monsieur D avait confié à un avocat la défense de ses intérêts dans un litige l’opposant à son employeur.

 

Une convention d’honoraires avait été établie le 07 mai 2021 prévoyant des honoraires de base, honoraires éventuels en cas de départition ou de diligences non prévues, honoraires de résultat fixés à 15 % des condamnations prononcées et, dans l’hypothèse d’un accord amiable, du montant total brut des sommes obtenues ainsi qu’une clause de dessaisissement qui disposait notamment que, en cas de transfert de dossier à un autre avocat, les honoraires de résultat resteraient des dès lors que l’avocat aurait rédigé la saisine du conseil des prud’hommes valant conclusions.

 

Une convention d’honoraires claire

 

L’avocat avait effectivement déposé une requête devant le conseil des prud’hommes afin de contester le licenciement de Monsieur D et avait, par ailleurs, mené des négociations avec l’employeur de ce dernier.

 

Pour autant, Monsieur D n’ayant pas souhaité procéder à la signature du protocole transactionnel préparé par son avocat, la procédure s’est poursuivie jusqu’au conseil des prud’hommes.

 

C’est dans ces circonstances que, le 04 mai 2022, l’avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre afin de voir fixer ses honoraires.

 

La fixation des honoraires de l’avocat devant le Batonnier

 

Or, à hauteur de Cour de cassation, Monsieur D, le client, faisait grief à l’ordonnance du présumé Président de la Cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable sa demande reconventionnelle alors que, selon lui, les demandes reconventionnelles sont recevables avant l’appel à la seule condition prévue par l’article 78 du Code de procédure civile de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

 

Or, en l’espèce, Monsieur D, défendeur à l’action engagée par l’avocat aux fins d’obtenir, sur le fondement d’une convention d’honoraires, le paiement de celui-ci à demander à titre conventionnel en cause d’appel, à voir dire que certains honoraires payés étaient injustifiés et à en solliciter le remboursement.

 

Dès lors, Monsieur D considérait que cette demande de remboursement d’honoraires constituait une demande reconventionnelle qui était donc tout à fait attachée à la procédure en principal.

 

La demande de remboursement d’honoraires perçus

 

Il faisait donc grief au Premier Président de la Cour d’appel de retenir, pour déclarer sa demande irrecevable, qu’elle n’avait pas été émise devant le Premier Juge alors qu’il appartenait au Premier Président de rechercher si ladite demande, qui revêtait le caractère reconventionnel comme émanant du défendeur en Première Instance, ne se rattachait pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

 

De telle sorte que, selon lui, le Premier Président n’avait pas donné de base légale à sa décision.

 

La Cour de cassation fait droit finalement à l’approche de Monsieur D et considère qu’il résulte des articles 70 et 567 du Code de procédure civile qu’en l’absence de dispositions particulières, les demandes reconventionnelles ou additionnelles sont recevables si elles se rattachant aux prétentions originaires par un lien suffisant.

 

Or, pour déclarer irrecevable la demande reconventionnelle de Monsieur D, le Premier Président de la Cour d’appel avait retenu que la demande n’avait pas été formée devant le Bâtonnier et qu’elle était, par conséquent, irrecevable en applications des dispositions de l’article 564 du Code de procédure civile.

 

Une demande reconventionnelle rattachée au prétentions originaires

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et rappelle en tant que de besoin dans cette jurisprudence qu’il appartenait au Premier Président, s’il souhaitait donner une base légale à sa décision, de rechercher si la demande reconventionnelle ne se rattachait pas aux prétentions originaires par un lien suffisant.

 

 

 

 

 

Dans la deuxième jurisprudence, Cour de cassation, 2ème Chambre civile, 10 octobre 2024, N°23-13.518, là-encore, il était question de la taxation des honoraires de l’avocat devant le Premier Président de la Cour d’appel.

 

La question se posait de savoir quelles étaient les conséquences dans l’hypothèse où l’auteur du recours ne comparaissait pas devant le Premier Président statuant en matière de contestation d’honoraires d’avocat afin de savoir si oui ou non le défendeur au recours pouvait requérir quand même une décision sur le fond.

 

Quels sont les faits dans cette jurisprudence ?

 

Les consorts X avaient confié à Maître E, avocat, la défense de leurs intérêts dans diverses procédures.

 

Ils avaient par la suite saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Barreau de Castres afin de contestation des honoraires facturés.

 

Or, à hauteur de Cour de cassation, les consorts X faisaient griefs à l’ordonnance de constater que la juridiction de Premier Président n’était saisie d’aucun moyen d’appel et avait dès lors confirmé la décision rendue par le Bâtonnier le 02 juin 2022 en toutes ses dispositions.

 

La contestation des honoraires facturés par le client

 

Pour autant, les consorts X considéraient dans le cadre de leur pourvoi que, tout jugement doit être motivé sous peine de nullité, de telle sorte qu’en ayant constaté que Maître E, avocat présent à l’audience, avait sollicité à cette audience un arrêt sur le fond à la confirmation de la décision déférée.

 

Les consorts X considéraient que le Premier Président de la Cour d’appel, qui s’était borné à considérer la décision entreprise sans donner aucun motif à son ordonnance de nature à la justifier, avait violé l’article 455 du Code civil.

 

En l’absence du demandeur la fixation des honoraires par l’avocat défendeur

 

Les consorts X soutenaient encore que l’intimé peut requérir lorsque l’appelant ne comparait pas suppose que le Juge saisi vérifie la régularité, la recevabilité et le bienfondé de sa demande.

 

Or, les consorts X considéraient qu’en se bornant à confirmer la décision entreprise sans examiner le bienfondé du motif de la décision par laquelle le Bâtonnier de l’Ordre des avocats avait rejeté la réclamation des consorts X et fixé à la somme de 288.00 € TTC les honoraires dus selon une facture émise par ledit avocat, le Premier Président de la Cour d’appel avait violé les articles 455 et 472 du Code civil.

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas l’analyse des consorts X, qu’elle rejette par ailleurs, en rappelant qu’il résulte de l’article 466 du Code de procédure civile que, si sans motif légitime l’auteur du recours ne comparait pas devant le Premier Président statuant en matière de contestation d’honoraires d’avocat, le défendeur au recours peut, quant à lui, requérir une décision sur le fond.

 

L’avocat en défense peut faire fixer ses honoraires

 

Qu’ainsi, en ayant constaté que les consorts X, régulièrement convoqués à l’audience, n’avaient pas comparu, le Premier Président en a exactement déduit que le recours n’étant pas soutenu devait être rejeté ainsi que l’avocat l’avait demandé.

 

Ainsi, ces deux jurisprudences sont intéressantes, elles permettent de faire un petit point sur les dernières jurisprudences rendues en matière de taxation des honoraires et, notamment, sur les spécificités procédurales et vicissitudes qui peuvent être évoquées devant le Premier Président de la Cour d’appel, tantôt en formalisant des demandes reconventionnelles se rattachant aux prétentions originaires, de telle sorte qu’il avait un lien suffisant pour le faire, tantôt dans la deuxième procédure en démontrant que, si le demandeur n’est pas présent, rien n’empêche le défendeur de requérir une décision sur le fond à l’encontre du demandeur absent.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr