Déchéance du terme d’un prêt immobilier au profit d’une SCI familiale, quelle sortie de crise ? 

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

Est-il possible de remettre en question la validité de la déchéance du terme devant le juge de l’exécution, tant bien même une décision de justice aurait déjà été rendue, et échapper ainsi à une saisie immobilière ? Une SCI familiale peut-elle se servir des décisions protectrices de la CJUE en la matière ? Entre droit du consommateur et droit de l’entreprise en difficulté, quelle sortie de crise ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix en Provence le 31 octobre 2024, N°RG 23/08666, qui vient aborder l’hypothèse d’une saisie immobilière à l’encontre d’une société civile immobilière qui a eu « l’outrecuidance » d’envisager remettre en question la validité de la déchéance du terme réalisée par la banque dans des conditions plus que critiquables.

 

En effet, il n’est malheureusement pas rare de voir, premièrement, des banques solliciter des montages immobiliers par le truchement de la création d’une SCI, alors qu’en soi ce n’est pas forcément d’une nécessité absolue.

 

Le financement d’un prêt bancaire par le biais d’une SCI

 

Et, deuxièmement, en cas de difficultés économiques et en cas d’impayés d’une ou plusieurs échéances, de voir la banque finalement se précipiter assez rapidement sur l’idée même d’une déchéance du terme sans vraiment donner une chance à la SCI en difficulté de faire face à ses obligations avec un léger retard mais en lui donnant une légère marge de manœuvre pour faire face à ses difficultés.

 

C’est le cas dans cette affaire,

 

Quels sont les faits ?

 

Un jeune couple avec des enfants en bas âge, souhaite acquérir un bien immobilier.

 

Sur les bons conseils de leur banquier ces derniers organisent le montage de leur achat immobilier à travers la création d’une SCI familiale.

 

Cependant, le couple rencontre des difficultés financières et plusieurs impayés se cumulent,

 

Ces derniers tentent de trouver une solution amiable, et tente d’amorcer des négociations avec leur banquier.

 

Toute leurs tentatives restent lettre morte,

 

Bien plus, la banque se précipite vers une déchéance du terme, rendant la créance intégralement exigible et enclenchant de même concert une saisie immobilière afin d’envisager, finalement assez rapidement, la vente du bien immobilier qui était pourtant l’objet de ce financement, et donc l’objet d’un certain nombre de projets par les associés de la SCI,

 

La banque leur réclamant le paiement d’une somme de 213 578.34 € en principal, intérêts de retard, indemnités pour frais irrépétibles.

 

La saisie immobilière de la résidence des associés de la SCI familiale,

 

Dans la mesure où le commandement de payer valant saisie immobilière demeurait sans effet, par la suite, la banque avait assigné la SCI devant le Juge de l’orientation du Tribunal judiciaire de Grasse,

 

C’est dans ces circonstances qu’un jugement d’orientation a été rendu le 01er juin 2023 dans lequel le Juge de l’exécution de Grasse constatait que les conditions des articles L 311-2, L 311-4 et L 311-6 du Code de procédure civile d’exécution étaient remplies, fixait le montant de la créance du créancier suivant à la somme de 209 277.92 €, outre intérêts jusqu’à la distribution du prix de vente, et ordonnait la vente aux enchères publiques du bien immobilier dont s’agit.

 

Il importe à ce seul stade de préciser que le Juge d’orientation en première Instance avait rejeté les contestations de la SCI pour cause d’autorité de la chose jugée d’un jugement qui avait été rendu le 07 septembre 2015, signifié le 15 septembre suivant, lequel relevait d’une mise en demeure du 27 juillet 2021, de régulariser les échéances impayées suivi d’une lettre de déchéance du terme du 28 septembre 2021, qui comportait le détail des sommes dues au titre des échéances impayées, du capital restant dû, des intérêts de retard et des indemnités de déchéance.

 

Une décision de justice, servant de titre exécutoire à la saisie immobilière

 

Le premier Juge retenait que le décompte de la créance intégrée dans le commandement était conforme aux prescriptions de l’article R 321-3 du Code des procédures civiles d’exécution en mentionnant une somme due en principal de 209 277.92 € selon jugement du 07 septembre 2022, outre une indemnité pour frais irrépétibles, et outre des intérêts de retard au taux contractuel.

 

C’est dans ces circonstances que la SCI a formé appel du jugement précité et a tenté de remettre en question la validité de la déchéance du terme.

 

Une remise en question de la validité de la déchéance du terme

 

C’est dans ces circonstances que, par arrêt avant dire droit, la Cour d’appel avait été malgré tout assez réceptive à l’idée d’une problématique de validité de la déchéance du terme et avait rendu un arrêt avant dire droit le 08 février 2024 en soulevant d’office l’application du régime légal des clauses abusives et en posant la question du caractère abusif de la clause stipulée à l’article 14 des conditions de l’acte de prêt relatives à l’exigibilité anticipée.

 

La Cour prononçait la réouverture des débats et invitait les parties à formuler leurs observations sur le point de droit soulevé d’office et ses éventuelles conséquences sur le caractère liquide exigible de la créance en enjoignant notamment la SCI de produire ses statuts et un KBIS de son immatriculation au RCS.

 

Dès lors, tout laissé à penser qu’il y avait matière à envisager une remise en question de la validité de la déchéance du terme.

 

La validité de la déchéance du terme face aux décisions de la CJUE

 

Ceci d’autant plus que, bon nombre de jurisprudences nationales et Européennes ont abordé cette question.

 

En effet, il résulte d’un arrêt rendu par la grande Chambre de la Cour de justice de l’Union Européenne du 17 mai 2022 que les articles 6-1 et 7-1 de la directive 93/13 devaient être interprétés en ce sens, qu’ils s’opposaient à une législation nationale qui, en raison de les faits de l’autorité de la chose jugée et de la forclusion, ne permet ni au Juge d’examiner d’office le caractère abusif des clauses contractuelles dans le cadre d’une procédure d’exécution hypothécaire, ni au consommateur après l’expiration du délai pour former opposition d’invoquer le caractère abusif de ces clauses dans cette procédure ou dans une procédure déclarative subséquente lorsque lesdites clauses ont déjà fait l’objet dans la procédure d’exécution hypothécaire d’un examen d’office par le Juge de leur caractère éventuellement abusif.

 

Mais que la décision juridictionnelle autorisant l’exécution hypothécaire ne comporte aucun motif, même sommaire, attestant de l’existence de cet examen, ni n’indique que l’appréciation portée par ce Juge à l’étude dudit examen ne pourra plus être mis en cause en l’absence d’opposition formée dans ledit délai. (CJUE 600/19 IBERCAJA BANCO)

 

La Cour d’appel souligne encore qu’un arrêt du même jour, C-693/19 SPV PROJECT 503 SARL, et, C-831/19 BANCO DI DESIO E DELLA BRIANZA, mentionnent que les dispositions précitées doivent être interprétées en ce sens, qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit que lorsque une injonction de payer prononcée par un Juge sur demande des créanciers n’a pas fait l’objet d’une opposition formée par le débiteur, le Juge de l’exécution ne peut, au motif de l’autorité de la chose jugée dont cette injonction est revêtue et couvre implicitement la validité de ces clauses, excluant tout examen ultérieur de la validité de ces dernières, contrôler l’éventuel caractère abusif des clauses du contrat qui ont servi de fondement à ladite injonction.

 

Ainsi, aucun moyen de droit interne, autorité de la chose jugée, demandes nouvelles, ne peuvent être opposés au consommateur pour refuser d’examiner même pour la première fois en cause d’appel son droit à protection contre les clauses abusives en raison de la nécessaire effectivité du droit de l’union Européenne.

 

Le consommateur protégé par la jurisprudence de la CJUE face à la banque

 

L’article L 132-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable au contrat de prêt du 03 juillet 2014 dispose que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels au consommateur sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

 

La SCI Familiale, professionnel ou consommateur ?

 

Le droit positif interne en France considère que constitue une activité professionnelle celle d’une personne morale qui, en vertus de son objet social, procure sous quelques formes que ce soit des revenus s’agissant d’immeuble en propriété ou en jouissance, le volume de l’activité et la circonstance, qu’elle soit limitée à la gestion de son patrimoine étant indifférente.

 

Une autre jurisprudence, le droit Français précise encore que la SCI qui souscrit un prêt afin d’acquérir un immeuble conformément à son objet social agit à des fins professionnelles et ne peut donc invoquer à son bénéfice le caractère abusif de certaines clauses du contrat.

 

Dès lors, la Cour d’appel d’Aix en Provence rappelle en tant que de besoin que dans cette affaire, le jugement réputé contradictoire du 07 septembre 2022 et qui sert de titre exécutoire à la procédure de saisie immobilière, ne porte pas mention d’un examen du caractère abusif ou non de la clause de la déchéance du terme appliquée par le créancier poursuivant.

 

Ainsi, l’autorité de la chose jugée du jugement en question, signifié le 15 septembre 2022, est un moyen de droit interne qui ne peut être opposé à l’emprunteur en l’état de la nécessaire effectivité du droit de l’Union Européenne.

 

L’autorité de la chose jugée, titre exécutoire opposable à une SCI

 

Cependant, il appartient au préalable à la SCI en question d’établir sa qualité de consommateur ou de non professionnel susceptible de bénéficier du régime de protection contre les clauses abusives.

 

Or, la Cour s’attèle à l’analyse des statuts et souligne que l’article 2 des statuts de la SCI stipule que :

 

« Cette société a pour objet la gestion pour son propre compte de tous immeubles, bâtis ou non bâtis, qu’elle aurait acquis par vente ou de toute autre manière ainsi que l’aménagement, la rénovation, la transformation de tous immeubles à usage d’habitation sans entremise ni intermédiaire pour le compte d’autrui ainsi que toutes les opérations juridiques, administratives, ou financières et de gestion à caractère mobilier ou immobilier concourant à la réalisation de l’objet sans lui faire perdre sa nature civile et la constitution de toutes les suretés réelles ou hypothécaires et notamment l’acquisition d’un appartement de type T3 sur la commune de Cannes, bien ciblé dans le cadre de la procédure de saisie immobilière. »

 

La Cour d’appel souligne encore que le prêt souscrit le 12 septembre 2022 par la SCI auprès de la banque est donc en rapport direct avec son objet social dès lors qu’il constitue une opération financière dont la finalité est de financer le paiement du prix de l’achat du bien immobilier nommément désigné dans les statuts.

 

Par conséquent, pour la Cour d’appel le doute n’est plus permis.

 

La SCI ne peut se prévaloir de la qualité de non-professionnel et invoquer le caractère abusif de la clause de la déchéance du terme appliquée par le créancier poursuivant.

 

Cette jurisprudence est très intéressante puisqu’on ne peut que reconnaitre l’attrait juridique qu’a la Cour d’appel quant à la pertinence des jurisprudences rendues par la Cour de justice de l’Union Européenne et qui vient justement impacter l’application du droit interne quant à la validité des clauses abusives au regard des dispositions conventionnelles.

 

Cela est extrêmement satisfaisant.

 

Cependant, de plus en plus de montages financiers proposés par les établissements bancaires s’accompagnent d’incitations très fortes de le faire par le truchement de SCI que les emprunteurs ont vocation à créer, bien souvent à la demande expresse de l’établissement bancaire qui n’a pas de scrupule de le demander clairement.

 

Plusieurs enseignements ont vocation à être tirés de cette jurisprudence même si celle-ci n’est malheureusement pas salutaire pour cette SCI.

 

La sanction d’une déchéance du terme trop rapidement prononcée

 

Le premier est qu’immanquablement l’apport jurisprudentiel des décisions de la Cour de justice de l’Union Européenne qui vient effectivement sanctionner la banque qui prononce une déchéance du terme sur la base de conditions générales du contrat trop rapide ou trop automatique, ont vocation à être sanctionnées par la jurisprudence au motif pris de ce que ces dernières seraient des clauses abusives.

 

Cela est rassurant et permet de rééquilibrer le rapport de force entre l’établissement bancaire et emprunteur en difficultés en ce que la banque ne peut, malgré ses promesses initiales d’accompagner son client en toutes circonstances et quelles que soient les difficultés, de se précipiter vers une déchéance du terme à la première difficulté rencontrée.

 

Cela est effectivement rassurant car la pratique bancaire est effectivement plus que critiquable à cet égard.

 

Ce qui fait que, désormais, la jurisprudence impose une mise en demeure circonstanciée avec un temps suffisant pour permettre à l’emprunteur en difficultés de se repositionner et de trouver des solutions en partenariat cette fois-ci avec sa banque.

 

Une mise en demeure préalable obligatoire à la déchéance du terme

 

Ce qui montre que l’emprunteur a vocation à vérifier les conditions dans lesquelles la déchéance du terme est prononcée et doit effectivement amorcer une vraie discussion et doit amener l’établissement bancaire à amorcer une vraie discussion afin de trouver des vraies solutions de sortie de crise sans se précipiter vers une déchéance du terme et une saisie immobilière parfaitement inacceptable.

 

La deuxième des leçons est que ces jurisprudences permettent aux consommateurs, quand bien même ces derniers auraient été condamnés même devant le Juge de l’exécution, de revenir sur cette problématique de vérifications de validité des clauses de déchéance du termes comme étant ou n’étant pas abusives,

 

Cela est immanquablement rassurant car il est vrai qu’en pratique il n’est pas rare de voir des débiteurs assignés qui poursuivent toujours des tentatives de négociations avec la banque et occultés la phase judiciaire, de telle sorte que ces derniers se retrouvent condamnés en paiement et se retrouvent par la suite exposés à une saisie immobilière dévastatrice,

 

lorsqu’ils ont parfaitement compris qu’ils allaient voir leur bien saisi et vendu aux enchères publiques dans des conditions catastrophiques, lorsqu’ils essaient de se défendre à ce stade, il

 

Cette solution jurisprudentielle permettant au consommateur d’avoir un deuxième moyen de discussion quant à la validité de la déchéance du terme devant le Juge de l’exécution tant bien même ce dernier aurait été condamné par les Juges du fond.

 

La remise en question d’une déchéance du terme même après un jugement rendu

 

Même si je pense qu’il ne faut pas jouer avec le feu et qu’il convient de se défendre en soulevant tous les moyens de fait et de droit à la première assignation venue, il n’en demeure pas moins que ces jurisprudences de la Cour de justice de l’Union Européenne offrent des opportunités de sortie de crise non négligeables.

 

Quelles solutions pour une SCI familiale qui n’est pas un consommateur ?

 

Le troisième des points importants de cette jurisprudence est de rappeler malheureusement que la SCI n’est pas un consommateur et la Cour d’appel dans cette jurisprudence a pris soin d’opposer ces jurisprudences de la Cour de justice de l’Union Européenne afin d’amener établissements bancaires et débiteurs saisis de s’expliquer sur la qualification juridique qu’ils donnent à la SCI en question afin de déterminer si celle-ci est un consommateur ou un professionnel.

Dans cette affaire, la SCI et son conseil ont soulevés et mis en avant tout le caractère familial de la SCI en question car les associés n’étaient qu’un simple couple.

 

Finalement la Cour n’avait pas été sensible à cette argumentation en se rattachant non pas à la réalité matérielle de cette SCI qui était une simple SCI familiale avec un jeune couple et des enfants qui souhaitait se porter acquéreur et qui avait « bêtement » suivi les conseils bien avisés de la banque qui leur avait conseillé de passer par le montage d’une société civile immobilière pour les financer (sic…).

 

Des statuts de SCI familiale la définissant comme consommateur ?

 

Le quatrième enseignement revient à l’Homme de Loi ou à l’expert-comptable qui va établir ses statuts car si l’établissement bancaire se fait fort de propositions sur le montage de ces SCI car celle-ci a bien appréhendé l’intérêt de ce montage juridique qui permet d’évincer le débiteur en difficultés de tout recours ou utilisation des dispositions protectrices du Code de la consommation, il n’en demeure pas moins que celui qui va par la suite créer ces statuts à la demande de son client qui souhaite se porter acquéreur d’un bien, c’est finalement tantôt l’Homme de Loi, avocat ou notaire, tantôt l’expert-comptable qui, à bien des égards, également procède à l’établissement de ses statuts.

 

Je pense qu’il est important de penser que, dans ces cas-là, il n’est pas forcément inopportun de sortir des carcans et des modèles que ces derniers ont pour habitude d’utiliser de manière quasiment systématique et automatique, rien n’empêche le rédacteur d’acte des statuts de reconnaitre au sein de ces statuts la qualité de consommateur de la SCI qui n’aurait que pour simple objet celui de créer un logement familial en dehors de toute vocation dite à caractère professionnel.

 

Il m’apparait important de souligner que la rédaction de pareils statuts est actuellement encore anecdotique même si mon cabinet, dans certains cas, le propose, elle n’a pour l’instant pas fait encore l’objet de contentieux proprement dit et ne permet pas encore de savoir quelle interprétation pourrait en faire des Juges du fond quant au caractère professionnel ou non professionnel desdits statuts en question et de ladite SCI.

 

Pour autant, reconnaitre au sein des statuts que l’objet de la société civile immobilière ne consiste qu’à créer un cocon familial dans le cadre d’une société civile immobilière qui n’a qu’un but familial bien parfois à caractère successoral car il est parfois opportun de passer par des transmissions de parts sociales à des fins successorales plus que par des donations entre vif sur des biens immobiliers acquis à titre personnel mais peut amener à une interprétation des statuts qui laisserait à penser que ces derniers n’ont aucun caractère professionnel.

 

Si dans l’objet social de la société civile immobilière il est clairement précisé que la SCI n’a aucun caractère professionnel, que celle-ci n’est qu’une SCI familiale composée de membres, qui ne sont eux-mêmes pas plus professionnel de l’immobilier ou de la construction, pourrait amener finalement à attraire le droit de la consommation au sein des sociétés civiles immobilières.

 

Un objet social de SCI à redéfinir au regard du droit de la consommation

 

Pour ma part, mon cabinet a, à plusieurs reprises, abordé cette approche dans le cadre de la rédaction de statuts de société civile immobilière et reste dans l’attente d’une évolution jurisprudentielle sur cette problématique très spécifique qui découle directement de la réforme de la consommation et qui, pour l’heure, n’a pas encore vu le jour car, hasard faisant, ces derniers clients n’ont pas encore rencontrés de difficulté économique.

 

Cela mérite en tout cas une vraie réflexion quant à la rédaction de ces statuts car la saine lecture de l’arrêt de la Cour d’appel laisse à penser que, si dans les statuts cette dernière ne se reconnaissait justement pas la qualité de professionnel mais se reconnaissait la qualité de consommateur, cela pourrait amener effectivement à une interprétation différente des jurisprudences de l’Union Européenne par les Juges du fond Français.

 

Le droit de l’entreprise en difficulté au secours de la SCI familiale ?

 

In fine, le cinquième des enseignements qui découle de cette jurisprudence consiste à rappeler qu’il ne faut pas oublier que, tant bien même la SCI serait bêtement professionnelle et non pas consommateur, celle-ci a malgré tout un certain nombre de moyens de s’en sortir.

 

En effet, n’oublions pas que, en sa simple qualité de société civile immobilière, celle-ci a la possibilité, non pas de jouir des avantages des dispositions du Code de la consommation, mais de jouir des dispositions du Code du commerce puisqu’il convient de rappeler que depuis la réforme du 26 juillet 2005, les sociétés civiles immobilières ont le droit de bénéficier, tout comme les sociétés commerciales, des dispositions avantageuses et protectrices du droit de l’entreprise en difficulté et peuvent alors à ce moment-là se placer sous une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire et pouvoir bénéficier ainsi de l’arrêt des poursuites individuelles et de pouvoir présenter un plan qui peut être étalé sur dix ans.

 

Ce qui fait que ce serait à ce moment-là la Chambre des procédures collectives du Tribunal judiciaire territorialement compétent qui donnerait sa confiance sur un plan qu’il établirait jusqu’à dix ans et qui viendrait finalement pallier l’absence de confiance de la banque qui lui a refusé toute forme d’échéancier.

 

À bon entendeur…

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr