Fonds de titrisation et saisie immobilière

La contestation de la créance d’un fonds de titrisation en droit de la saisie immobilière, entre exception de nullité, créance clairement individualisée et identifiable et procédure en inscription de faux, autant d’obstacles pour le débiteur saisi qui entend se défendre devant le juge de l’orientation,

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix en Provence venant aborder la problématique d’une saisie immobilière engagée, non pas par le créancier initial, mais par le fonds de titrisation qui a bénéficié de la cession de la créance en litige,

 

Il convient de rappeler que la titrisation consiste en une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers, (ou immobiliers), tels que des créances,

 

Dans cette affaire, par jugement dont appel du 4 novembre 2016 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance a ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers saisis au préjudice de monsieur B pour une créance liquide et exigible de 66.660,44 euros en principal outre les intérêts et accessoires,

 

Monsieur B a frappé d’appel la décision et est venu opposer le fait que le fonds de titrisation n’était fondé à engager une procédure de saisie immobilière.

 

Là encore la Cour d’Appel d’Aix en Provence brille par une certaine sévérité à l’encontre du débiteur et donne l’amer sentiment que rien ne trouve jamais grâce aux yeux de la Cour lorsqu’il s’agit d’un débiteur.

 

Afin d’échapper à la rigueur de cette saisie immobilière, Monsieur B avait pris soin de soutenir un certain nombre d’arguments et venait notamment mettre en avant un moyen de nullité tiré de l’irrégularité d’un acte de signification.

 

Pour autant le fonds de titrisation s’y oppose et rappelle que s’il résulte des notes en délibéré, du jugement d’orientation, des conclusions des parties que la nullité des actes de signification des 28 juin 2005 et 18 août 2012 a bien été soutenue à l’audience d’orientation, il n’en demeure pas moins que celle-ci est contestable,

 

En effet, la contestation de la validité d’un acte qui le prive d’effet de droit, en l’espèce le caractère non-définitif des titres exécutoires, devant s’entendre d’une nullité de l’acte à raison d’irrégularité qui l’affecte, moyen soutenu devant le juge de l’exécution, a vocation à être rejeté, le débiteur l’ayant soulevé au mauvais moment au mauvais endroit,

 

La remarque peut sembler spécieuse, ou trop rigoureusement tranchée,

 

Même si, sur le plan du droit de la procédure civile, celui-ci a tout son sens,

 

En effet, la Cour d’Appel rappelle qu’aux termes de l’article 112 du Code de Procédure Civile :

 

« La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité. »

 

La Cour considère que l’appelant ayant soutenu dans ses conclusions devant le Juge de l’Exécution ainsi qu’il résulte du jugement déféré, préalablement au moyen de nullité, deux fins de non recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant, il en résulte l’irrecevabilité de l’exception de nullité,

 

Qui aurait du être soulevé avant,

 

Ceci fait que désormais la Cour ne vient même plus reprocher au débiteur, et à son conseil, d’avoir omis tel moyen de fait ou de droit, et ce, au titre du principe de concentration des moyens,

Désormais, elle va jusqu’à reprocher au débiteur et à son conseil l’emplacement de tel ou tel argument dans le corps de ses conclusions,

 

Dès lors, à bien y comprendre la Cour, le débiteur, (ou son conseil), aurait eu la « maladresse » de conclure d’abord sur des problématiques de fins de non recevoir au lieu de soutenir avant toute chose l’exception de nullité,

 

 

Il convient de rappeler que devant le Juge de l’Orientation l’ensemble des moyens de faits et de droit doit être soulevé sous peine d’irrecevabilité.

 

Dès lors, pareille décision de la Cour, doit être comprise comme une « piqure de rappel » au débiteur et à son conseil, dans la rédaction et l’établissement juridique et stratégiques des conclusions prises devant le Juge de l’Orientation sont fondamentalement déterminantes ceci d’autant plus qu’il n’y a pas d’effet dévolutif en cause d’appel en droit de la saisie immobilière,

 

De telle sorte qu’il serait impossible pour le débiteur et, ou, son conseil, de rattraper l’erreur commise en première instance devant la Cour d’Appel.

 

Ceci étant dit, il convient également de s’intéresser à la problématique de la cession de créance au profit du fonds de titrisation,

 

En effet, le débiteur, appelant, soutient que le créancier poursuivant agit en vertu de l’acte de cession de créances en date du 23 juillet 2010,

 

Celui-ci tente de faire croire que le fonds de titrisation envisagerait une saisie immobilière sur la seule base de la cession de créance alors qu’il devrait justifier d’un titre exécutoire,

 

La Cour ne s’y trompe pas,

 

Elle souligne qu’il résulte clairement du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 4 novembre 2015 que le fonds de titrisation vient aux droits de la Banque, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 23 juillet 2010, certes, mais ledit commandement de payer valant saisie de biens et droits immobiliers, repose aussi et surtout sur divers titres exécutoires énoncés de telle sorte que tout interprétation d’une poursuite en vertu d’un acte de cession de créance conduisant à une prescription à la date anniversaire du 23 juillet 2015 constitue immanquablement une dénaturation de l’acte d’exécution.

 

Il convient de rappeler de rappeler que rien n’empêche le fonds de titrisation d’envisager toute mesure d’exécution car la remise la remise du bordereau entraîne de plein droit, aux termes de l’article L214-169 du Code Monétaire et Financier le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires.

 

De telle sort que le droit de mettre en oeuvre les mesures d’exécution résulte expressément des articles L 214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier, fondant le droit de poursuite en matière de saisie immobilière de sorte que le fonds de titrisation est fondé à faire délivrer le présent commandement.

 

Pour autant, il est important de rappeler que plusieurs moyens de contestation sérieux peuvent être opposé au fonds de titrisation,

 

Dès lors, on peut retrouver regrettable de constater que le débiteur, ou son conseil, n’ait pas eu la présence d’esprit de soulever bon nombre de ces moyens de contestation,

 

Pour autant, il n’en demeure pas moins que celui-ci en soulève au moins un intéressant,

 

En effet, le débiteur envisage un axe de contestation plus sérieux en venant remettre en cause la validité et le non-respect des dispositions légales en la matière concernant la cession de créances.

 

En effet, les articles L214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier précisent que :

 

«La cession devient opposable aux tiers à compter de la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autres formalités de sorte que les dispositions invoquées de l’article L211-37 dudit code, intéressant la cession de créances afférentes aux obligations financières mentionnées à l’article L211-36, que ne sont pas les créances présentement cédées, sont inapplicables à la cause ce dont il suit que le moyen d’irrégularité est rejeté. »

 

A toute fin, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 1690 du Code civil sont inapplicables en matière de Titrisation.

 

Sur ce point, c’est à bon droit que la Cour d’Appel considère que bordereau de cession de créances déposé au rang des minutes d’un notaire qui doit contenir diverses énonciations, celles-ci prévues par l’article D214-227 du code susdit, dont la désignation et l’individualisation des créances cédées, comprend en l’espèce, après analyse des éléments de créances mentionnés suivis du nom de monsieur B, une indentification suffisante des créances cédées à l’encontre de l’intéressé, l’acte de cession étant suffisant pour identifier les créances cédées.

 

Dès lors, la Cour considère que, la suffisance de l’identification et le fait que l’opération de Titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, il n’y a lieu de mentionner sur le bordereau de cession les décisions judiciaires obtenues par la banque à l’encontre du débiteur co-contractant du créancier cédant,

 

Ce serait donc en vain que monsieur B demande l’application d’une jurisprudence de la cour de cassation du 1er décembre 2015 aux termes de laquelle, au cas d’espèce déféré à la Cour suprême, la cour d’appel ayant fait ressortir que les créances dont la cession était alléguée n’étaient pas suffisamment identifiées, s’agissant d’associés, contre lesquels le créancier disposait de titres exécutoires, d’une société également condamnée, cette Cour d’Appel a pu en déduire que le Fonds Commun de Titrisation ne pouvait pas se prévaloir des titres exécutoires dont bénéficiait la caisse à l’encontre des consorts X de sorte que le moyen est rejeté.

 

Cette jurisprudence du 1er décembre 2015 consacre l’obligation de faire apparaître, dans le cadre de la cession de créances à un fonds de Titrisation, chaque créance comme devant doit être clairement individualisée et identifiable.

 

Mais surtout, la Cour considère qu’in fine, le débiteur saisi n’a pas utilisé la bonne procédure en relevant que la contestation de la régularité des mentions de l’extrait notarié confirmant ou infirmant que parmi les créances cédées figure les créances détenues à l’encontre de Monsieur B, aurait du faire l’objet d’une procédure spécifique d’inscription de faux, laquelle n’a pas été mise en œuvre.

 

Là encore, le choix procédural émis par le débiteur est sérieusement malmené par la Cour qui vient, une fois de plus, rejeter les prétentions du débiteur tant sur le fond que sur la forme,

 

Sur le fond, la Cour appréciant souverainement l’acte authentique considère que la créance de Monsieur B est clairement individualisée et identifiable,

 

Sur la forme, la Cour reproche à Monsieur B de n’avoir pas retenu la bonne procédure permettant de contester l’acte authentique,

 

De telle sorte que si la créance en litige n’avait pas été clairement individualisée et identifiable, l’erreur procédurale l’aurait emporté au détriment du fond, soit, l’absence d’opposabilité de la cession de créance par le débiteur, et par là même, l’absence de qualité à agir pour procéder à une saisie immobilière,

 

Le débiteur se voit débouter de l’ensemble de ses demandes ce qui est bien regrettable.

 

Ceci d’autant plus que la créance est classiquement cédé au fonds de titrisation à vil prix,

 

Si dans cette affaire, la décision n’est pas favorable au débiteur qui a pris soin de contester cette cession de créances et la qualité du fonds de titrisation, cet axe de contestation, (peut-être mieux développé) demeure néanmoins pertinent.

 

En effet, la cession de créances au profit d’un fonds de titrisation se fait dans le cadre d’une procédure clairement déterminée par les textes et est assujettie au respect d’un certain nombre de règles de procédure.

 

Il appartient au débiteur, et à son conseil, de procéder aux vérifications d’usage pour chercher une faille, tantôt dans la régularité des mentions dans le corps même de l’acte notarié, tantôt dans l’obligation d’individualiser et d’identifier clairement les créances cédées.

 

Ces points de vérifications sont fondamentaux et il ne faut pas oublier que dans pareils cas si le débiteur entend contester la validité même de l’acte authentique de cession de créance, il devra non seulement le conclure devant le Juge de l’Orientation mais il devra, également, envisager une procédure de faux,

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Saisie immobilière et jugement de divorce

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel en février 2018 qui vient aborder le cas spécifique d’un créancier qui, suite à un jugement de divorce, envisage une saisie immobilière sur la base d’un titre exécutoire à l’encontre de deux époux qui ont divorcés peu de temps avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière,

 

La question se posait alors de savoir si le jugement de divorce, ainsi que sa mention sur les registres d’état civil et donc son opposabilité aux tiers, avaient vocation à impacter les droits du créancier,

 

Dans cette affaire, la société F avait poursuivi les anciens époux K et L (Monsieur K, et Madame L) pour procéder à l’exécution d’un jugement rendu en novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de Metz qui les avait condamnés au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, auquel venait s’ajouter une deuxième décision de justice, savoir un arrêt rendu le 9 décembre 2014 dans lequel la Cour d’Appel de Metz avait condamné Monsieur K à payer après compensation la somme de 58 000,00 euros.

 

Le créancier n’étant pas réglé a cru bon procéder à la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière afin de réaliser un actif ayant dépendu de la communauté conjugale.

 

Le créancier se prévalait d’une inscription d’hypothèque définitive publiée le 6 février 2015 et d’un commandement de payer valant saisie qui avait dénoncé tant à Monsieur K qu’à Madame L, le 6 avril 2016, et ce, pour une somme de 909 786,53 euros.

 

En première instance, le Juge de l’Exécution avait ordonné la vente du bien aux enchères et rejeté la demande de nullité du commandement de saisie qui avait été soulevée par les époux K et L,

 

En première instance, le Juge d’orientation avait pris soin de ventiler la créance entre époux en précisant que la société F poursuivait la saisie immobilière à l’encontre de Monsieur K pour une créance liquide et exigible de 909 000 euros et à l’encontre de Madame L pour une créance liquide et exigible 6 022,82 euros.

 

Ce même juge d’orientation avait alors ordonné la vente aux enchères publiques du bien et considérait que le jugement de divorce des époux K et L, n’était pas publié au moment de la délivrance du commandement de payer en date du 6 avril 2016, ne pouvait don être opposé de quelque manière que ce soit au créancier poursuivant,

 

Les consorts K et L ont donc interjeté appel de la décision.

 

La Cour d’Appel a estimé que l’appel était recevable.

 

Ceci étant dit, la Cour s’intéresse à la validité de la procédure de saisie immobilière,

 

La Cour rappelait que le commandement de payer valant saisie a été signifié le 6 avril 2016 à Monsieur K et L, avec la mention époux en biens commun, pour paiement d’une somme de 909 786,53 euros, et ce, dans un délai de 8 jours.

 

En réclamant le montant total de la créance aux époux, la société F a agit en qualité de créancier de la communauté conjugale.

 

Or, celle-ci était dissoute par un jugement de divorce prononcé le 9 mars 2015.

 

La question qui se posait était de savoir à quelle date, le jugement de divorce avait été publié afin de déterminer si à la date du commandement, ce jugement était opposable aux tiers par sa publication auprès du registre de l’Etat civil.

 

La Cour considère que le Juge d’orientation, en première instance, a reconnu à tort que tel n’était pas le cas, puisque le jugement de divorce ayant été inscrit en marge des extraits de naissance de chacun des débiteurs saisis le 27 janvier 2016, il était bien évident que cette inscription était antérieure à la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 6 avril 2016.

 

Dès lors, il convenait de retenir cette date d’inscription en marge des extraits de naissance pour reconnaître que la dissolution du régime matrimonial était bien opposable aux tiers.

 

Il en résulte que, s’agissant d’une indivision post communautaire, le créancier personnel d’un seul des co-indivisaires ne peut saisir en son ensemble le bien indivis.

 

En effet la retranscription des actes de divorce étant antérieure à l’engagement des poursuites, le prononcé du divorce est opposable aux créanciers,

 

Or, dans pareil cas, la cessation de la communauté des biens fait alors place à une indivision post communautaire qui ne peut prendre fin qu’en cas de partage, lequel n’est pas encore intervenu.

 

Il est donc bien évident que la société F ne pouvait poursuivre les co-indivisaires que dans la limite prévue par l’article 815-17 du Code Civil.

 

Immanquablement, le créancier qui a engagé des poursuites sur le fondement d’une copie exécutoire d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Metz en novembre 2012 et d’un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Metz en décembre 2014 à l’encontre des deux époux, ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre de la présente procédure, du droit de suite s’attachant à l’inscription d’hypothèque judiciaire.

 

Dès lors, la nullité du commandement de payer s’imposait, tout comme la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente,

 

Ainsi, dans l’hypothèse de mesures d’exécution à l’encontre d’époux divorcés et dont le jugement de divorce est opposable aux tiers pour avoir été retranscrit en marge des actes de naissance de chacun des époux avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier doit bien appréhender les créances qu’il détient distinctement à l’encontre de chacun des époux avant de foncer « tête baissée » en engageant une procédure de saisie immobilière,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Médiation et saisie immobilière, lorsqu’une mauvaise saisie vaut mieux qu’un bon accord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en ce mois de juin 2017 qui vient aborder le cas particulier d’une saisie immobilière qui se fait alors qu’une médiation est en cours entre l’établissement bancaire et son débiteur, et ce, conformément au contrat de prêt qu’il prévoit.

Dans cette affaire, la banque avait engagé à l’encontre de M. et Madame X une procédure de saisie immobilière,

Un jugement d’orientation avait été rendu le 9 juin 2015 constatant la régularité de la procédure et autorisant la vente amiable du bien puisque de prime abord, à bien y comprendre, les consorts X avaient mis le bien en vente afin de faire face à leurs obligations bancaires, nonobstant procédure et médiation,

La particularité de cette affaire est qu’effectivement la clause prévue dans le contrat de prêt permettait une médiation préalablement à toute présentation d’une demande en justice.

Pour autant, la Cour de Cassation, dans sa rigueur habituelle, considère qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut en l’absence de stipulations expresses en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée.

Dans cette affaire, les consorts X faisaient fait grief à l’arrêt confirmatif de considérer la demande de la banque recevable.

La Cour de Cassation considère que la procédure de médiation à la lecture du contrat n’était qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux.

Madame X a formé pourvoi contrat l’arrêt confirmatif au motif pris qu’elle considérait que dans la mesure où une procédure de médiation était envisagée et quand bien même ne serait qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux, il n’en demeurait pas moins que dans l’hypothèse où la procédure de la médiation était engagée, les parties devaient alors s’y plier et s’abstenir de recourir au juge tant que la médiation était en cours.

Dès lors, pour madame X c’est à tort que la banque a cru bon envisager une procédure de saisie immobilière alors qu’une mesure de médiation était envisagée et que la patience dont l’établissement bancaire aurait pu faire preuve ne pouvait en aucun cas lui nuire puisque le créancier était de toute façon garanti par une hypothèque judiciaire.

Ceci d’autant plus que la procédure de médiation était encadrée dans des délais raisonnables de près de deux mois,

Par ailleurs, l’article L 316-1 du Code Monétaire et Financier dispose expressément que la saisie du médiateur suspend la prescription.

Par voie de conséquence, les consorts X considéraient que la banque avait eu un comportement abusif en envisageant une saisie immobilière.

Inversement, la banque s’en défend puisqu’elle soutient que les pouvoirs du médiateur demeurent en revanche circonscrits, qu’il bénéficie surtout d’un pouvoir de recommandation et les parties peuvent par conséquent ne pas adhérer à leurs recommandations et peuvent par la suite saisir le Juge.

Dès lors, la saisine du médiateur ne constituerait pas un obstacle sérieux à une action en justice, et donc à une saisie immobilière,

La Cour de Cassation semble sensible à cette argumentation,

Bien plus, elle considère que si la banque peut accepter de différer l’introduction du recours judicaire à l’encontre de son client dès lors que le médiateur a été préalablement saisi, il n’en demeure pas moins que ceci n’est qu’une faculté que la banque a la liberté de lever comme bon lui semble afin de poursuivre le débiteur si besoin est.

C’est ce que d’ailleurs les faits démontrent,

La banque n’a absolument pas patienté.

Cet arrêt mérite attention car s’il est bien évident, si tout laisse à penser qu’effectivement, à la lueur des dispositions de l’article L 111-7 du Code des Procédures Civiles d’Exécutions qui disposent que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, le texte rappelle quand même que l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

L’article L 121-2 du même Code dispose, quant à lui, que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Madame X envisageait sur cette base juridique la condamnation de la banque au motif pris que ces démarches pouvaient être vécues par le débiteur comme des démarches particulièrement agressives alors même qu’une médiation, contractuellement prévue dans le contrat de prêt, avait été mise en œuvre par les débiteurs.

Dès lors, il est bien évident que si les dispositions de l’article L 111-7 n’empêchent pas le créancier de saisir le Juge de l’Orientation alors même qu’une médiation est envisagée, il n’en demeure pas moins que celle-ci pouvait être tout considérée comme abusive au motif que cela pouvait infléchir la médiation,

Ou à tout le moins déstabiliser suffisamment les débiteurs pour faire avorter la médiation,

L’attitude de la banque était particulièrement critiquable,

Ceci d’autant plus qu’il ressort des circonstances de la cause que le médiateur lui même a affirmé que le dossier était encore à l’étude et que la proposition de médiation n’avait pu être finalisée au motif que le dossier n’était pas complet, le médiateur ayant relancé à moult reprises l’établissement bancaire qui n’avait pas daigné apporter de réponses au médiateur,

Immanquablement, la banque s’est refusée à une médiation pourtant contractuellement prévue dans le cadre d’un contrat d’adhésion qu’elle a elle-même établi.

Il est dés lors particulièrement regrettable de constater que la Cour de Cassation ne retienne pas la responsabilité de l’établissement bancaire et considère qu’il n’y a pas matière à caractère abusif de la procédure de saisie immobilière en jugeant que la Cour d’Appel a pu retenir par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et que la demanderesse ne justifiait pas le caractère abusif de cette procédure.

Pourtant, il peut sembler largement critiquable de constater que la banque se sert de son contrat pour soutenir la déchéance du terme et envisager une saisie immobilière et se garde bien de faire face à ses propres obligations contractuelles pour dénier une médiation pourtant contractuellement prévue et pouvant potentiellement aider l’emprunteur,

Cette utilisation à géométrie variable des termes du contrat à son seul profit mériterait pourtant sanction,

La banque montre par là même sa mauvaise foi absolue.

Non seulement l’établissement bancaire ne patiente pas la phase de médiation pour saisir le débiteur, mais bien plus fait volontairement obstacle à ladite médiation en se refusant de collaborer,

Pour autant, il ne faut pas désespérer,

In fine, dans un univers sans solution juridique par nature acquise au profit de l’emprunteur il appartient à ce dernier, malgré tout, et en toutes circonstances, de faire preuve de pugnacité sans faille dans la défense de ses intérêts, et soulever, une fois de plus, l’ensemble des moyens de droit et de fait à sa portée contre l’établissement bancaire,

Laurent Latapie Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael,

Appel d’une Saisie immobilière, défaillance du débiteur ou impatience du créancier

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Basse Terre en février 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la délicate question de l’appel d’une saisie immobilière,

 

Et plus particulièrement de la faculté qu’a le débiteur défaillant en première instance, de faire appel d’une décision rendue par le juge de l’orientation en son absence,

 

Alors qu’un récent décret vient mettre fin à l’effet dévolutif de l’appel dans le cadre des procédures de référé, tout laisse à penser qu’il y a un véritable recul du droit au procés équitable et à l’accès au juge, tant ce principe d’effet dévolutif de l’appel est malmené en droit de la saisie immobilière, alors que les enjeux immobiliers, patrimoniaux et financiers sont immenses,

 

D’aucuns y verront, dans le cadre d’un appel d’une saisie immobilière, un moyen procédural efficace d’alléger la charge de travail des magistrats,

 

D’autres le vivront comme une atteinte majeure aux droits de la défense, au procès équitable, et finalement, à l’accès au juge tout simplement, plus particulièrement en cas d’appel d’une saisie immobilière,

 

Or, droit de la saisie immobilière faisant, si le débiteur n’intervient pas devant le juge de l’orientation, il est très sérieusement mis en difficulté si, in fine, il décide de faire appel d’une saisie immobilière, pour soulever des moyens de défense, en fait, en droit, en hésitant pas à soulever plusieurs moyens d’irrecevabilités permettant d’annuler la procédure de saisie immobilière tout entière,

 

Cette faculté de faire appel d’une saisie immobilière est à mon sens particulièrement importante car elle permet au débiteur de faire valoir ses droits en rappelant bien que le droit de la saisie immobilière demeure par nature attentatoire au bien immobilier de l’emprunteur défaillant et par là même au droit de propriété pourtant constitutionnellement consacré.

 

Ainsi, on ne peut que déplorer cette absence d’effet dévolutif de l’appel d’une saisie immobilière en cas de recours contre la décision du juge de l’orientation,

 

Cela est d’autant plus dommageable que dans le cas d’espèce, la banque, nonobstant l’appel d’une saisie immobilière engagé par le débiteur qui souhaitait soulever des moyens notamment de prescription, a quand même pris soin de ne pas renvoyer l’audience d’adjudication et a fait adjugé le bien aux enchères publiques.

 

En effet, dans cette affaires les consorts S avaient conclu à Pointe à Pitre le 11 février 2005, un prêt avec une banque aux fins de financer l’acquisition d’un bien immobilier et ce pour prés de 207 000 euros.

 

Ce prêt avait l’objet d’échéances régulières qui n’avaient pas fait l’objet d’incidents particuliers mais par acte notarié de février 2007, les mêmes consorts S avaient conclu avec la même banque, un 2ème prêt de 77 000 euros.

 

Les deux actes de prêt précisaient bien que le préteur pouvait se prévaloir d’une exigibilité immédiate de la totalité de la créance par lettre recommandée adressée à l’emprunteur en cas de non paiement du prêt.

 

C’est que la banque a formalisé le 15 mai 2009 en mettant en demeure les emprunteurs de régler les échéances impayées et en prononçant la déchéance du terme.

 

Pour autant, ce n’est que par acte d’huissier en date du 9 juin 2016 que la banque en question a fait délivrer aux consorts S un commandement de payer valant saisie immobilière afin de voir ce bien vendu.

 

Pour ensuite se faire signifier à une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation,

 

Malheureusement, il ressort des circonstances de la cause qu’en l’état des difficultés propres aux consorts S, ces derniers n’ont pas comparu et le juge de l’orientation a constaté qu’à l’audience d’orientation, le créancier poursuivant maintenait sa demande tendant à ordonner la vente forcée de l’immeuble, fixer l’audience à laquelle aurait lieu la vente aux enchères, déterminer les modalités de visite de l’immeuble, er arrêter le montant de la créance.

 

Dans la mesure où les consorts S n’ont pas comparu, le juge a considéré qu’au terme de l’article 472 du Code de Procédure Civile si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulier, recevable et bien fondée.

 

Le juge a considéré qu’au terme de l’article 311 -2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière ».

 

C’est en l’état des deux actes notariés revêtus de la formule exécutoire, du décompte de la créance et sur la base de la déchéance du terme contractuellement prévue et prononcée par le prêteur, que le juge de l’orientation a jugé que le créancier était bien muni d’un titre exécutoire que la créance était exigible et que le bien était saisissable.

 

Il ordonne la vente aux enchères publiques du bien saisi à l’audience du 15 juin 2016 et fixe la mise à prix à hauteur de 140 000 euros.

 

Cependant, après mure réflexion, les débiteurs saisis ont souhaités frapper appel de la décision, appel d’une saisie immobilière, notamment au motif de la prescription de l’action.

 

En effet, ces derniers considèrent que dans la mesure où la déchéance du terme est intervenue en mai 2009 et que la saisie immobilière n’a été engagée quant à elle que le 9 juin 2016, ils étaient parfaitement fondés à soutenir la prescription biennale consacrée par l’article L137-2 du Code de la consommation, et par une jurisprudence clairement acquise.

 

Deux particularités dans cette affaire.

 

La première est relative à la procédure de saisie immobilière et la deuxième est relative au fait que la banque n’a pas cru bon patienter la procédure d’appel et a procédé à la vente du bien par un jugement d’adjudication rendu le 15 décembre 2016.

 

En effet, classiquement, lorsque le jugement d’orientation est frappé d’appel, et nonobstant l’issue « probable » de l’appel d’une saisie immobilière en question, l’audience de criée fait l’objet d’un renvoi, afin de procéder à l’adjudication avec entre les mains une décision rendue par la Cour d’appel,

 

Pour autant, le juge d’adjudication prend acte de l’acte de l’appel d’une saisie immobilière et pour autant considère qu’au visa de l’article L311-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qu’« A moins qu’il en soit disposé autrement, toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d’un avocat. »

 

Par cette motivation, le juge de l’adjudication rejette ce qu’il considère être une demande incidente, au motif pris que cette prétendue demande incidente n’aurait pas été formalisée par dépôt de conclusions au greffe,

Qu’importe l’appel d’une saisie immobilière,

 

Or, il ne s’agissait pas tant de formaliser une demande incidente mais bel et bien de solliciter un renvoi en l’état de l’appel d’une saisie immobilière en cours dont le juge ne pouvait ignorer l’existence.

 

La banque poursuit donc sa vente et le bien est adjugé à hauteur de 186 000 euros, soit bien en dessous de la créance bancaire et bien en dessous de ce que pourrait valoir le bien selon les débiteurs.

 

Il est vrai qu’en ces temps de rigueur économique et de marché immobilier encore fragile, les adjudications ne brillent pas par des élans d’enchères portées « endiablées, les biens étant bien souvent adjugés à des valeurs inférieures à ce que pourrait estimer le débiteur dans le cadre d’une vente immobilière sereine,

Devant la Cour d’appel, l’établissement bancaire ne manque pas de contester l’argumentation du débiteur attachée à la prescription de la procédure de saisie,

 

La banque rappelle que la déchéance du terme est intervenue le 15 mai 2009, et qu’une première saisie immobilière a été engagée.

 

En effet, sur la base de cette déchéance du terme, une première saisie immobilière avait été engagée suivant commandement du 20 janvier 2010, publiée en mars 2010, soit seulement quelques mois après la déchéance du terme, et force est de constater que dans le cadre de cette procédure, les consorts S avaient usé de tous les moyens juridiques et judiciaires pour s’y opposer.

 

Ainsi, ces derniers avaient pris soin de se défendre et un jugement d’orientation avait été rendu le 14 octobre 2010 frappé d’appel car ils avaient été déboutés de leurs prétentions.

 

La Cour d’Appel de Basse Terre a le 14 février 2011 également débouté les consorts S de leurs prétentions et le 1er jugement d’adjudication avait eu lieu le 12 mai 2011.

 

L’immeuble objet de la présente procédure avait été une première fois adjugé à Monsieur C pour le prix de 180 200 euros.

 

Cependant, Monsieur C n’ayant pas réglé le prix d’adjudication, ni les frais, une procédure de réitération des enchères avait été engagée à son encontre.

 

La vente sur réitération des enchères avait alors été fixée au 12 mai 2012.

 

Aucun acquéreur ne s’étant présenté, le juge avait refusé la demande de renvoi de l’adjudication formulée par la banque et avait prononcé la caducité du commandement.

 

La banque, contestant cette décision avait alors fait appel et par un arrêt en date du 17 juin 2013, la Cour d’Appel de Basse Terre avait infirmé le jugement en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant le Juge de l’Exécution pour fixation d’une nouvelle date de vente sur réitération des enchères.

 

C’est ainsi que par jugement du 20 février 2014, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Pointe à Pitre avait ordonnée une nouvelle vente forcée avec une mise à prix de 80 000 euros en prorogeant les effets du commandement de payer valant saisie.

 

Appel avait été interjeté de cette décision et par arrêt de la Cour d’Appel de Basse Terre du 14 novembre 2014, celle-ci confirmait le jugement du Juge de l’Exécution.

 

Pour autant, les consorts S ont alors soulevé par conclusions en date du 25 mars 2015 un nouvel incident de péremption du commandement.

 

En effet, la banque avait prorogé le commandement le 27 février 2014, sur la base d’une décision du 20 février 2014 ordonnant la prorogation des effets du commandement aux fins de publication, mais en raison d’une erreur des services de la publicité foncière, le dépôt n’a été pris en compte que le 6 mars 2014.

 

En conséquence, le juge de l’orientation n’a pu que constater la péremption du commandement publié le 2 et 26 mars 2010.

 

Deux thèses s’affrontaient alors, en suite de cette « épopée judiciaire »,

 

Les consorts S considéraient que l’ensemble de la procédure qui avait été initiée entre le 20 janvier 2010 et le 16 juillet 2015 ne pouvait être interruptif de prescription au motif pris que le Juge de l’Exécution avait constaté la péremption du commandement publié en mars 2010.

 

A l’inverse, l’établissement bancaire considérait que la prescription ne pouvait nullement acquise en l’état de la prescription d’un commandement de payer.

 

Pour autant, les débiteurs ne se contentent pas de cette seule argumentation et soulèvent également bon nombre de moyens de droit récurrents en matière de saisie immobilière, et outre la question de la prescription, il soulevaient des questions de validité de la signification du commandement de payer par voie d’huissiers notamment afin de vérifier que la signature était la bonne.

 

Sont également contestés les éléments relatifs à la validité de l’assignation à comparaitre, des moyens relatifs aux obligations contractuelles de la banque, tout comme la demande d’annulation de la clause de stipulation des intérêts,

 

Pour autant, la banque se garde bien d’entrer en discussion sur ces différents points et se cantonne à soutenir l’irrecevabilité de l’appel, au visa de l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui stipule : « A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte ».

 

Dans la mesure où les consorts S ont été régulièrement assignés mais non pas comparus en première instance, la banque considère qu’ils ne sont plus recevables à formuler des contestations de fond ou de forme sur la procédure antérieure à l’audience d’orientation.

 

Pour autant, les consorts S tentent de s’affranchir de cette cause d’irrecevabilité en appel d’une saisie immobilière au motif qu’il appartenait au juge de première instance de vérifier si les conditions des articles L 331-2, L 331-4 et L 331-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution étaient réunies.

 

Cette argumentation était subtile car elle permettait de pallier l’irrecevabilité d’office en appel d’une saisie immobilière, alors même qu’il appartient quand même au juge de vérifier si oui ou non la créance était prescrite.

 

Faute pour le juge de le faire et de se satisfaire d’un simple commandement de payer valant saisie, la débiteur s’estimait bien fondé à contester le jugement, ce qui fait que c’est l’analyse du juge faite après l’audience d’orientation qui pouvait dès lors être contestée.

 

Palliant ainsi l’absence d’effet dévolutif de l’appel de la décision du juge de l’orientation…,

 

Pour autant, cette faculté de contestation de l’absence de vérification du juge de l’orientation est rejetée car la Cour d’Appel de Basse Terre,

 

La Cour considère que le débiteur n’est pas recevable à formuler pour la première fois devant la Cour d’Appel, en appel d’une saisie immobilière, des moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites du créancier, car il n’a pas comparu à l’audience d’orientation alors qu’il a été régulièrement assigné.

 

La Cour d’Appel considère que l’appel d’une saisie immobilière n’est pas manifestement abusif mais qu’en tout état de cause, les consorts S sont irrecevables.

 

Ils sont donc déboutés de l’ensemble de leurs contestations,

 

Ce raisonnement juridique vient malheureusement clore le débat,

 

Il ressort surtout de cet arrêt que la Cour d’Appel ne s’intéresse même pas à la question de la prescription et ne tranche pas la difficulté qui aurait pu laisser à penser qu’en l’état des éléments fournis par la banque, la première procédure de saisie immobilière était oui ou non prescrite.

 

La Cour considère qu’il n’y a même pas matière à répondre à cette question et que dans la mesure où ces arguments sont soulevés pour la première fois en cause d’appel d’une saisie immobilière, il y a donc lieu de les déclarer comme étant parfaitement irrecevables.

 

Cette rigueur juridique interpelle forcément,

 

Pour quelles raisons, le débiteur ne pourrait il pas évoquer devant la Cour d’Appel des nouveaux moyens de fait et droit dans la mesure où il n’a pu le faire en première instance, alors que dans tous les autres contentieux, l’effet dévolutif permet justement de le faire ?

 

Cela est contestable,

 

D’autant plus quant on connaît les calendriers spécifiques en pareille matière,
En effet, sous l’ancien régime du droit de la saisie immobilière, avant la réforme de 2006, les audiences du juge de l’orientation ne pouvaient faire l’objet de renvoi en tant que tel,

Désormais la procédure est plus « souple » sur ce point en première instance,

 

Pour autant, la procédure devant la Cour d’appel demeure strictement encadrée,

 

En effet, la procédure devant la Cour d’Appel est faite sur la base d’une assignation à jour fixe, laquelle est très souvent fixée dans des délais courts, sinon dans les deux mois de l’appel,

 

Dans pareil carcan procédural, il n’y a pas lieu de craindre que l’effet dévolutif de l’appel d’une saisie immobilière vienne engluer la saisie immobilière dans une procédure sans fin.

 

Une telle rigueur est salutaire pour l’établissement bancaire,

 

En effet, il ne faut pas oublier que l’établissement bancaire, qui semble avoir pressenti la décision de la Cour d’Appel rendu sur la base de l’article R311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, et qui semble s’être « irritée » de cette nouvelle tentative de contestation du débiteur, n’a pas hésité à solliciter la vente aux enchères du bien immobilier du débiteur sans attendre la décision de la Cour,

 

Cela est regrettable car il est bien évident que l’adjudication en tant que telle n’est pas contestable et l’effet translatif de propriété est de toute façon acquis dès le jugement d’adjudication.

 

Dès lors, dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la Cour d’Appel de Basse Terre considérait que la créance était prescrite et que l’établissement bancaire ne pouvait procéder à une saisie immobilière, dans la mesure où le jugement d’adjudication entraine un effet translatif de propriété quasi immédiat au profit de l’acquéreur, la banque ne pourrait pas rendre le bien au débiteur qui dans tous les cas perdrait sa maison.

 

Le débiteur pourrait s’exprimer seulement sur le terrain indemnitaire en engageant la responsabilité de la banque dans une nouvelle procédure qui viendrait exposer le débiteur à une précarité certaine le temps de la procédure.

 

Par voie de conséquence, il est regrettable, voire téméraire, que l’établissement bancaire ait cru bon vendre alors même que la Cour d’Appel ne s’était pas encore exprimée.

Ce que n’avait d’ailleurs pas manqué de remarquer Madame la Présidente à l’audience,

 

En tout état de cause, l’adage suivant lequel rien n’est gagné d’avance est de vigueur en droit de la saisie immobilière,

 

Le débiteur saisi, doit se défendre, tant dans une première saisie immobilière que dans la deuxième, et ce, à chaque fois, des l’audience d’orientation, sans attendre un appel d’une saisie immobilière jugé irrecevable, à tel point que le banquier, guère impressionné, n’hésite même plus à renvoyer la vente et fait adjuger le bien,

Déchéance du terme non valable et assignation en paiement, quelle efficacité ?

Il convient de s’intéresser à une nouvelle jurisprudence, rendue cet été 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la question spécifique de la déchéance du terme d’un prêt bancaire lorsque l’emprunteur non commerçant est défaillant.

 

Cette jurisprudence rappelle que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier sur la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Les faits sont les suivants,

 

Le 24 novembre 2007, la banque avait consenti à Madame X un prêt immobilier d’un montant de 277 635 euros, ce qui n’est pas rien, remboursable en 240 mensualités de 1897.92 euros au taux fixe de 4,95 % l’an.

 

Les échéances du prêt étant demeurées impayées, la banque se prévalant de la déchéance du terme à la suite d’une mise en demeure reçue par Madame X le 5 janvier 2010 et demeurée infructueuse, l’avait alors assignée en paiement de la créance.

 

La Cour d’appel considère que pour condamner Madame X à payer à la banque la somme de 298 381.22 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,95 % à compter du 3 février 2010 et la capitalisation de ceux-ci,

 

L’arrêt frappé de pourvoi retient que s’il ressort des vérifications d’écritures que la signature figurant sur l’accusé de réception du 5 janvier 2010 n’est manifestement pas celle de Madame X, l’assignation en paiement qui s’en est suivie vaut déchéance du terme.

 

La Haute juridiction ne retient pas cette solution et cette motivation de la juridiction du deuxième degré,

 

Elle rappelle avant tout que l’établissement bancaire ne peut se prévaloir d’une déchéance du terme automatique pour un emprunteur non commerçant,

 

Or, la pratique bancaire démontre que les établissements bancaires ont pour fâcheuse habitude de prévoir une telle déchéance automatique dans des contrats rédigés de manière obscure leur permettant de prononcer la déchéance du terme et d’envisager, dans la foulée, une saisie immobilière du bien dans un délai extrêmement court et sur la seule base d’un ou deux impayés,

Cette déchéance du terme automatique est dangereuse car elle permet à l’établissement bancaire d’entrer dans ses droits de manière quasi automatique et de pouvoir lancer toute procédure de saisie immobilière à cette fin,

 

Elle est d’autant plus dangereuse lorsque l’offre de prêt est réitérée par acte notarié, par acte authentique, lequel acte authentique est revêtu de la force exécutoire, permettant ainsi au créancier, sur la seule base d’une déchéance du terme automatique découlant parfois d’un ou de quelques impayés, d’envisager sans grande difficulté la saisie immobilière de l’emprunteur en difficulté,

 

Pour que la créance soit exigible, elle doit faire l’objet d’une déchéance du terme,

 

Cette déchéance du terme doit répondre aux exigences du contrat de prêt mais doit également répondre aux critères jurisprudentiels qui imposent à l’établissement bancaire de solliciter l’emprunteur afin que celui-ci puisse régulariser les impayés avant de subir la déchéance du terme de l’intégralité du prêt,

 

Or, la pratique démontre que les difficultés rencontrées par l’emprunteur en situation d’indélicatesse financière demeurent conjoncturelles,

 

La préoccupation majeure de l’emprunteur est de faire face à ses obligations financières, nonobstant des difficultés économiques le plus souvent plus conjoncturelles que structurelles,

 

Or, dans pareil cas, avant le prononcé de la déchéance du terme il n’est pas rare de se retrouver face à un établissement bancaire qui se refuse à faire droit à une suspension des échéances du prêt, sauf à grand renfort d’intérêts intercalaires quasi prohibitifs, laissant l’emprunteur seul face à ses difficultés et l’exposant directement à une déchéance du terme,

 

Déchéance du terme prononcée, et nonobstant les efforts très importants de l’emprunteur en difficulté afin de rattraper son retard dans le paiement des échéances impayés, il est encore plus rare de constater que la banque envisage dans ce cas de remettre en place le prêt en litige afin qu’il se poursuive et que la dite déchéance soit purement et simplement annulée,

 

Pour autant, il est important de rappeler au débiteur qu’il n’est pas démuni et peut tout à fait contester cette déchéance du terme.

 

Il peut, en cas d’impayés, naturellement solliciter la suspension judiciaire des échéances en cas de silence ou de résistance de la banque, afin d’obtenir, bien souvent au forceps d’ailleurs, une suspension judiciaire des échéances du prêt,

 

Il peut également contester la déchéance du terme proprement dite lorsque si celle ci était déjà prononcée, en remettant en question son existence et sa validité voire son inopposabilité à son encontre pour amener judiciairement l’établissement bancaire à remettre en place le crédit avec son échéancier,

 

Il est bien évident que si le débiteur vient contester la déchéance du terme et que celle-ci n’est pas conforme, rien n’empêche l’emprunteur pendant cette période de poursuivre les paiements au profit des échéances à remettre en place et de faire constater par la juridiction saisie que l’ensemble des échéances ont été poursuivies de telle sorte que le prêt aurait vocation à se poursuivre naturellement.

 

Dans l’hypothèse où la déchéance du terme ne serait pas valable, il appartient à l’emprunteur, et son conseil, d’en tirer toutes les conséquences en reprenant le paiement d’échéances mensuelles,

 

Si la question de la déchéance du terme est génératrice de nombreuses jurisprudences et doctrines, cette nouvelle jurisprudence apporte une réponse complémentaire lorsque justement ladite déchéance du terme ne serait pas valable,

 

Cette jurisprudence de 2017 rappelle que peut constituer un abus la notification d’une déchéance du terme automatique à un débiteur de bonne foi sans avertissement préalable.

 

Mais surtout, elle précise, en sus que l’établissement bancaire ne peut palier sa déchéance du terme irrégulière en considérant que l’exigibilité de la créance en litige découlerait non plus de ladite déchéance du terme irrégulière mais de l’assignation qui s’en suivrait,

 

Ainsi, la jurisprudence étudiée rappelle que si le contrat d’un prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

Mais surtout, elle précise, en ce que si la déchéance du terme peut-être remise en question, la banque ne saurait rattraper le « coche » en considérant que celle-ci a procédé à un commandement de payer par huissier ou bien encore en considérant que celle-ci en assignant en paiement vient consacrer l’exigibilité de la créance et donc sa déchéance.

 

Il ne faut pas s’y tromper,

 

Il est bien évident que l’assignation ne saurait entrainer par elle-même la déchéance du terme.

 

Dans la mesure où la déchéance du terme est subordonnée à l’envoi d’une mise en demeure à l’emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception manifestant l’intention de la banque de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de la totalité de sa créance, il est bien évident que celle-ci ne peut-être compensée ou remplacée par une assignation ou même par un commandement de payer qui ne répond pas aux dispositions contractuelles du prêt.

 

Dès lors, dans l’hypothèse où l’établissement bancaire aurait manqué à ses obligations ou aurait « raté » la validité de la déchéance du terme, ce dernier ne peut tenter de régulariser la situation en assignant le débiteur ou en faisant signifier un commandement de payer,

 

L’établissement bancaire serait plutôt fondé à revoir la problématique à sa base,

La banque ayant plutôt vocation à procéder à la signification d’une nouvelle déchéance du terme conformément aux dispositions du contrat de prêt dont il se prévaut, sans tenter de créer une validation « a postériori » en signifiant tantôt un commandement de payer, tantôt une assignation en paiement, tantôt une assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation aux fins de vente immobilière,

 

Ainsi, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entrainerait la déchéance du terme celle-ci ne peut, sauf dispositions expresses et non équivoques, être déclarée acquise au créancier selon délivrance d’une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

 

De même, l’établissement bancaire ne peut faire découler de l’assignation ou de la procédure qui s’en suivrait une validation a postériori d’une exigibilité erronée,

 

Il appartient à l’emprunteur en difficulté, devenu débiteur fort de cette déchéance du terme particulièrement contestable d’être particulièrement vigilant, et de combattre cette notion d’exigibilité et de déchéance du terme,

 

Cette contestation permettrait à l’emprunteur de reprendre son prêt en cours, de reprendre ses paiements, au besoin sur la base d’un prêt au seul taux légal si le taux effectif global du prêt est également contesté,

Saisie immobilière, entre défaillance du débiteur et impatience du créancier vendeur

Il convient de s’intéresser à un arrêt en droit de la saisie immobilière qui a été rendu par la Cour d’Appel de Basse Terre en février 2017 et qui vient aborder une nouvelle fois la délicate question de la faculté qu’a le débiteur défaillant en première instance, de faire appel d’une décision rendue par le juge de l’orientation en son absence,

Alors qu’un récent décret vient mettre fin à l’effet dévolutif de l’appel dans le cadre des procédures de référé, tout laisse à penser qu’il y a un véritable recul du droit au procés équitable et à l’accès au juge, tant ce principe d’effet dévolutif de l’appel est malmené en droit de la saisie immobilière, alors que les enjeux immobiliers, patrimoniaux et financiers sont immenses,

D’aucuns y verront un moyen procédural efficace d’alléger la charge de travail des magistrats,

D’autres le vivront comme une atteinte majeure aux droits de la défense, au procès équitable, et finalement, à l’accès au juge tout simplement,

Or, droit de la saisie immobilière faisant, si le débiteur n’intervient pas devant le juge de l’orientation, il est très sérieusement mis en difficulté si, in fine, il décide de faire appel, pour soulever des moyens de défense, en fait, en droit, en hésitant pas à soulever plusieurs moyens d’irrecevabilités permettant d’annuler la procédure de saisie immobilière tout entière,

Cette faculté de faire appel est à mon sens particulièrement importante car elle permet au débiteur de faire valoir ses droits en rappelant bien que le droit de la saisie immobilière demeure par nature attentatoire au bien immobilier de l’emprunteur défaillant et par là même au droit de propriété pourtant constitutionnellement consacré.

Ainsi, on ne peut que déplorer cette absence d’effet dévolutif de l’appel en cas de recours contre la décision du juge de l’orientation,

Cela est d’autant plus dommageable que dans le cas d’espèce, la banque, nonobstant l’appel engagé par le débiteur qui souhaitait soulever des moyens notamment de prescription, a quand même pris soin de ne pas renvoyer l’audience d’adjudication et a fait adjugé le bien aux enchères publiques.

En effet, dans cette affaires les consorts S avaient conclu à Pointe à Pitre le 11 février 2005, un prêt avec une banque aux fins de financer l’acquisition d’un bien immobilier et ce pour prés de 207 000 euros.

Ce prêt avait l’objet d’échéances régulières qui n’avaient pas fait l’objet d’incidents particuliers mais par acte notarié de février 2007, les mêmes consorts S avaient conclu avec la même banque, un 2ème prêt de 77 000 euros.

Les deux actes de prêt précisaient bien que le préteur pouvait se prévaloir d’une exigibilité immédiate de la totalité de la créance par lettre recommandée adressée à l’emprunteur en cas de non paiement du prêt.

C’est que la banque a formalisé le 15 mai 2009 en mettant en demeure les emprunteurs de régler les échéances impayées et en prononçant la déchéance du terme.

Pour autant, ce n’est que par acte d’huissier en date du 9 juin 2016 que la banque en question a fait délivrer aux consorts S un commandement de payer valant saisie immobilière afin de voir ce bien vendu.

Pour ensuite se faire signifier à une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation,

Malheureusement, il ressort des circonstances de la cause qu’en l’état des difficultés propres aux consorts S, ces derniers n’ont pas comparu et le juge de l’orientation a constaté qu’à l’audience d’orientation, le créancier poursuivant maintenait sa demande tendant à ordonner la vente forcée de l’immeuble, fixer l’audience à laquelle aurait lieu la vente aux enchères, déterminer les modalités de visite de l’immeuble, er arrêter le montant de la créance.

Dans la mesure où les consorts S n’ont pas comparu, le juge a considéré qu’au terme de l’article 472 du Code de Procédure Civile si le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge peut faire droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulier, recevable et bien fondée.

Le juge a considéré qu’au terme de l’article 311 -2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière ».

C’est en l’état des deux actes notariés revêtus de la formule exécutoire, du décompte de la créance et sur la base de la déchéance du terme contractuellement prévue et prononcée par le prêteur, que le juge de l’orientation a jugé que le créancier était bien muni d’un titre exécutoire que la créance était exigible et que le bien était saisissable.

Il ordonne la vente aux enchères publiques du bien saisi à l’audience du 15 juin 2016 et fixe la mise à prix à hauteur de 140 000 euros.

Cependant, après mure réflexion, les débiteurs saisis ont souhaités frapper appel de la décision, notamment au motif de la prescription de l’action.

En effet, ces derniers considèrent que dans la mesure où la déchéance du terme est intervenue en mai 2009 et que la saisie immobilière n’a été engagée quant à elle que le 9 juin 2016, ils étaient parfaitement fondés à soutenir la prescription biennale consacrée par l’article L137-2 du Code de la consommation, et par une jurisprudence clairement acquise.

Deux particularités dans cette affaire.

La première est relative à la procédure de saisie immobilière et la deuxième est relative au fait que la banque n’a pas cru bon patienter la procédure d’appel et a procédé à la vente du bien par un jugement d’adjudication rendu le 15 décembre 2016.

En effet, classiquement, lorsque le jugement d’orientation est frappé d’appel, et nonobstant l’issue « probable » de l’appel en question, l’audience de criée fait l’objet d’un renvoi, afin de procéder à l’adjudication avec entre les mains une décision rendue par la Cour d’appel,

Pour autant, le juge d’adjudication prend acte de l’acte de l’appel et pour autant considère qu’au visa de l’article L311-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qu’« A moins qu’il en soit disposé autrement, toute contestation ou demande incidente est formée par le dépôt au greffe de conclusions signées d’un avocat. »

Par cette motivation, le juge de l’adjudication rejette ce qu’il considère être une demande incidente, au motif pris que cette prétendue demande incidente n’aurait pas été formalisée par dépôt de conclusions au greffe,

Or, il ne s’agissait pas tant de formaliser une demande incidente mais bel et bien de solliciter un renvoi en l’état de l’appel en cours dont le juge ne pouvait ignorer l’existence.

La banque poursuit donc sa vente et le bien est adjugé à hauteur de 186 000 euros, soit bien en dessous de la créance bancaire et bien en dessous de ce que pourrait valoir le bien selon les débiteurs.

Il est vrai qu’en ces temps de rigueur économique et de marché immobilier encore fragile, les adjudications ne brillent pas par des élans d’enchères portées « endiablées, les biens étant bien souvent adjugés à des valeurs inférieures à ce que pourrait estimer le débiteur dans le cadre d’une vente immobilière sereine,

Devant la Cour d’appel, l’établissement bancaire ne manque pas de contester l’argumentation du débiteur attachée à la prescription de la procédure de saisie,

La banque rappelle que la déchéance du terme est intervenue le 15 mai 2009, et qu’une première saisie immobilière a été engagée.

En effet, sur la base de cette déchéance du terme, une première saisie immobilière avait été engagée suivant commandement du 20 janvier 2010, publiée en mars 2010, soit seulement quelques mois après la déchéance du terme, et force est de constater que dans le cadre de cette procédure, les consorts S avaient usé de tous les moyens juridiques et judiciaires pour s’y opposer.

Ainsi, ces derniers avaient pris soin de se défendre et un jugement d’orientation avait été rendu le 14 octobre 2010 frappé d’appel car ils avaient été déboutés de leurs prétentions.

La Cour d’Appel de Basse Terre a le 14 février 2011 également débouté les consorts S de leurs prétentions et le 1er jugement d’adjudication avait eu lieu le 12 mai 2011.

L’immeuble objet de la présente procédure avait été une première fois adjugé à Monsieur C pour le prix de 180 200 euros.

Cependant, Monsieur C n’ayant pas réglé le prix d’adjudication, ni les frais, une procédure de réitération des enchères avait été engagée à son encontre.

La vente sur réitération des enchères avait alors été fixée au 12 mai 2012.

Aucun acquéreur ne s’étant présenté, le juge avait refusé la demande de renvoi de l’adjudication formulée par la banque et avait prononcé la caducité du commandement.

La banque, contestant cette décision avait alors fait appel et par un arrêt en date du 17 juin 2013, la Cour d’Appel de Basse Terre avait infirmé le jugement en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant le Juge de l’Exécution pour fixation d’une nouvelle date de vente sur réitération des enchères.

C’est ainsi que par jugement du 20 février 2014, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Pointe à Pitre avait ordonnée une nouvelle vente forcée avec une mise à prix de 80 000 euros en prorogeant les effets du commandement de payer valant saisie.

Appel avait été interjeté de cette décision et par arrêt de la Cour d’Appel de Basse Terre du 14 novembre 2014, celle-ci confirmait le jugement du Juge de l’Exécution.

Pour autant, les consorts S ont alors soulevé par conclusions en date du 25 mars 2015 un nouvel incident de péremption du commandement.

En effet, la banque avait prorogé le commandement le 27 février 2014, sur la base d’une décision du 20 février 2014 ordonnant la prorogation des effets du commandement aux fins de publication, mais en raison d’une erreur des services de la publicité foncière, le dépôt n’a été pris en compte que le 6 mars 2014.

En conséquence, le juge de l’orientation n’a pu que constater la péremption du commandement publié le 2 et 26 mars 2010.

Deux thèses s’affrontaient alors, en suite de cette « épopée judiciaire »,

Les consorts S considéraient que l’ensemble de la procédure qui avait été initiée entre le 20 janvier 2010 et le 16 juillet 2015 ne pouvait être interruptif de prescription au motif pris que le Juge de l’Exécution avait constaté la péremption du commandement publié en mars 2010.

A l’inverse, l’établissement bancaire considérait que la prescription ne pouvait nullement acquise en l’état de la prescription d’un commandement de payer.

Pour autant, les débiteurs ne se contentent pas de cette seule argumentation et soulèvent également bon nombre de moyens de droit récurrents en matière de saisie immobilière, et outre la question de la prescription, il soulevaient des questions de validité de la signification du commandement de payer par voie d’huissiers notamment afin de vérifier que la signature était la bonne.

Sont également contestés les éléments relatifs à la validité de l’assignation à comparaitre, des moyens relatifs aux obligations contractuelles de la banque, tout comme la demande d’annulation de la clause de stipulation des intérêts,

Pour autant, la banque se garde bien d’entrer en discussion sur ces différents points et se cantonne à soutenir l’irrecevabilité de l’appel, au visa de l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui stipule : « A peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte ».

Dans la mesure où les consorts S ont été régulièrement assignés mais non pas comparus en première instance, la banque considère qu’ils ne sont plus recevables à formuler des contestations de fond ou de forme sur la procédure antérieure à l’audience d’orientation.

Pour autant, les consorts S tentent de s’affranchir de cette cause d’irrecevabilité au motif qu’il appartenait au juge de première instance de vérifier si les conditions des articles L 331-2, L 331-4 et L 331-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution étaient réunies.

Cette argumentation était subtile car elle permettait de pallier l’irrecevabilité d’office, alors même qu’il appartient quand même au juge de vérifier si oui ou non la créance était prescrite.

Faute pour le juge de le faire et de se satisfaire d’un simple commandement de payer valant saisie, la débiteur s’estimait bien fondé à contester le jugement, ce qui fait que c’est l’analyse du juge faite après l’audience d’orientation qui pouvait dès lors être contestée.

Palliant ainsi l’absence d’effet dévolutif de l’appel de la décision du juge de l’orientation…,

Pour autant, cette faculté de contestation de l’absence de vérification du juge de l’orientation est rejetée car la Cour d’Appel de Basse Terre,

La Cour considère que le débiteur n’est pas recevable à formuler pour la première fois devant la Cour d’Appel des moyens de fait ou de droit tendant à contester les poursuites du créancier, car il n’a pas comparu à l’audience d’orientation alors qu’il a été régulièrement assigné.

La Cour d’Appel considère que l’appel n’est pas manifestement abusif mais qu’en tout état de cause, les consorts S sont irrecevables.

Ils sont donc déboutés de l’ensemble de leurs contestations,

Ce raisonnement juridique vient malheureusement clore le débat,

Il ressort surtout de cet arrêt que la Cour d’Appel ne s’intéresse même pas à la question de la prescription et ne tranche pas la difficulté qui aurait pu laisser à penser qu’en l’état des éléments fournis par la banque, la première procédure de saisie immobilière était oui ou non prescrite.

La Cour considère qu’il n’y a même pas matière à répondre à cette question et que dans la mesure où ces arguments sont soulevés pour la première fois en cause d’appel, il y a donc lieu de les déclarer comme étant parfaitement irrecevables.

Cette rigueur juridique interpelle forcément,

Pour quelles raisons, le débiteur ne pourrait il pas évoquer devant la Cour d’Appel des nouveaux moyens de fait et droit dans la mesure où il n’a pu le faire en première instance, alors que dans tous les autres contentieux, l’effet dévolutif permet justement de le faire ?

Cela est contestable,

D’autant plus quant on connaît les calendriers spécifiques en pareille matière,
En effet, sous l’ancien régime du droit de la saisie immobilière, avant la réforme de 2006, les audiences du juge de l’orientation ne pouvaient faire l’objet de renvoi en tant que tel,

Désormais la procédure est plus « souple » sur ce point en première instance,

Pour autant, la procédure devant la Cour d’appel demeure strictement encadrée,

En effet, la procédure devant la Cour d’Appel est faite sur la base d’une assignation à jour fixe, laquelle est très souvent fixée dans des délais courts, sinon dans les deux mois de l’appel.

Dans pareil carcan procédural, il n’y a pas lieu de craindre que l’effet dévolutif de l’appel vienne engluer la saisie immobilière dans une procédure sans fin.

Une telle rigueur est salutaire pour l’établissement bancaire,

En effet, il ne faut pas oublier que l’établissement bancaire, qui semble avoir pressenti la décision de la Cour d’Appel rendu sur la base de l’article R311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, et qui semble s’être « irritée » de cette nouvelle tentative de contestation du débiteur, n’a pas hésité à solliciter la vente aux enchères du bien immobilier du débiteur sans attendre la décision de la Cour,

Cela est regrettable car il est bien évident que l’adjudication en tant que telle n’est pas contestable et l’effet translatif de propriété est de toute façon acquis dès le jugement d’adjudication.

Dès lors, dans l’hypothèse où, par extraordinaire, la Cour d’Appel de Basse Terre considérait que la créance était prescrite et que l’établissement bancaire ne pouvait procéder à une saisie immobilière, dans la mesure où le jugement d’adjudication entraine un effet translatif de propriété quasi immédiat au profit de l’acquéreur, la banque ne pourrait pas rendre le bien au débiteur qui dans tous les cas perdrait sa maison.

Le débiteur pourrait s’exprimer seulement sur le terrain indemnitaire en engageant la responsabilité de la banque dans une nouvelle procédure qui viendrait exposer le débiteur à une précarité certaine le temps de la procédure.

Par voie de conséquence, il est regrettable, voire téméraire, que l’établissement bancaire ait cru bon vendre alors même que la Cour d’Appel ne s’était pas encore exprimée.

Ce que n’avait d’ailleurs pas manqué de remarquer Madame la Présidente à l’audience,

En tout état de cause, l’adage suivant lequel rien n’est gagné d’avance est de vigueur en droit de la saisie immobilière,

Le débiteur saisi, doit se défendre, tant dans une première saisie immobilière que dans la deuxième, et ce, à chaque fois, des l’audience d’orientation, sans attendre un appel jugé irrecevable, à tel point que le banquier, guère impressionné, n’hésite même plus à renvoyer la vente et fait adjuger le bien,