Le moyen tiré par la banque de la qualité de professionnel du débiteur saisi et, par voie de conséquence, de l’application de la prescription quinquennale, peut-elle être soulevé par la banque pour la première fois en cause d’appel, ou aurait-elle du le soulever forcément devant le Juge de l’orientation ?
Continue readingSaisie immobilière, projet de distribution et liquidation judiciaire
La question est de savoir si l’action tendant à voir constater la caducité d’une procédure de distribution dans le cadre d’une saisie immobilière au titre de l’arrêt des poursuites individuelles peut être engagée par le mandataire liquidateur alors qu’il n’a exercé aucun recours à la suite de la notification du projet de distribution amiable par lettre recommandée avec accusé de réception ?
Dans quelles conditions les effets de la liquidation judiciaire s’imposent au stade de l’établissement d’un projet de distribution en suite de la vente aux enchères publiques d’un bien immobilier ?
Appel d’une décision du juge de l’orientation, ce que doit dire la Cour d’appel
Sur appel d’une décision du juge de l’orientation, que doit décider la Cour d’appel ? Que doit-elle préciser et surtout que doit-elle ne pas oublier dans le cadre d’une procédure d’appel qui ne jouit pourtant pas de l’effet dévolutif ? Lorsque le vice de procédure peut servir au débiteur.
Continue readingFixation de créance en saisie immobilière et liquidation judiciaire
Le débiteur saisi doit-il impérativement contester la créance du créancier saisissant devant le juge d’orientation ou peut il encore le faire par la suite devant le juge commissaire en cas de procédure collective ouverte pour justement empêcher la saisie immobilière du bien immobilier ?
Continue readingIndemnité d’occupation suite à adjudication en saisie immobilière
Qu’en est il du sort du débiteur saisi lorsque le bien immobilier a été adjugé dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière ? Entre expulsion de plein droit et indemnité d’occupation.
Continue readingLe protocole d’accord, titre exécutoire d’une saisie immobilière ?
Un créancier bénéficiant d’un protocole d’accord n’engageant qu’un seul des deux époux au paiement d’une créance peut-il envisager une saisie immobilière sur le bien commun des deux époux ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en ce mois de décembre 2018 qui vient aborder la problématique de la saisie immobilière dans le cadre d’un protocole d’accord conclu qui n’engage qu’un seul des co-débiteurs de la créance bancaire.
Dans cette affaire Monsieur et Madame B avaient souscrit un prêt auprès de la société M GESTION aux droits de laquelle la banque vient, un prêt .
La banque les avait fait assigner devant un le Tribunal de Grande Instance de Lyon qui les avait condamnés à lui payer une certaine somme au titre du solde de ce prêt .
Monsieur et Madame B ont interjeté appel de cette décision.
Dans le cadre de cet appel un protocole d’accord avait été conclu entre les parties le 29 avril 2008 et le dit protocole d’accord avait été homologué par arrêt la Cour d’Appel du 24 juin 2008.
Pour autant, et sur le fondement de ce protocole d’accord homologué, la banque avait fait délivrer à Monsieur et Madame B un commandement de payer valant saisie immobilière.
Suite à l’audience d’orientation, le juge de l’orientation avait rejeté toutes les contestations de Monsieur et Madame B et avait ordonné la vente forcée du bien immobilier objet de la saisie.
Les débiteurs saisis ont tout naturellement interjeté appel de la décision du juge de l’orientation,
Pour confirmer le jugement ayant ordonné la vente forcée, la cour d’appel, quant à elle, retenait que la banque disposait de la faculté d’agir en recouvrement sur les biens communs, celle-ci ne s’étant pas privée de cette possibilité en déchargeant dans ledit protocole d’accord Madame de sa dette de telle sorte qu’elle n’avait pas à recueillir son consentement exprès pour maintenir son droit.
Il ressortait en effet dudit protocole d’accord que Madame B avait été libérée de sa dette et n’avait pas donné son consentement pour engager le bien commun.
En effet, la créance dont se prévaut la banque était fondée sur ce protocole d’accord signé le 3 avril 2008 et homologué par arrêt de la Cour d’Appel de Lyon du 24 juin 2008.
Ce protocole d’accord avait eu pour objet de mettre un terme aux litiges et contentieux opposant les parties et avait notamment fixé la créance due par les époux B au titre d’un prêt consenti le 15 décembre 2008 dont ils étaient co-emprunteurs.
Dès lors que la banque avait déchargé Madame B de sa dette, la question était de savoir si le créancier pouvait saisir le bien commun.
En effet, l’immeuble objet de la présente procédure était commun aux époux B.
Il convient de rappeler que l’article 1415 du Code Civil prévoit que chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres mais engage alors les biens communs,
De telle sorte que cet article porte interdiction de poursuivre le paiement de dettes résultant d’un emprunt ou d’un cautionnement sur les biens communs, sauf le consentement exprès de l’autre conjoint.
Il en serait également de même en l’état d’un protocole d’accord.
Tel n’est pas le cas dans cette affaire, car immanquablement, Madame B n’était plus tenue au paiement de la dette.
C’est donc à bon droit que la Cour de Cassation a considéré que la transaction libérait Madame B de tout engagement et toute obligation de paiement au titre du prêt,
Monsieur B restant le seul tenu au remboursement du prêt, la Cour d’Appel ne pouvait procéder à la vente du bien commun.
Par voie de conséquence, la banque, en signant le protocole d’accord (qu’elle avait d’ailleurs elle même rédigée) reconnaissait libérer Madame B de tout engagement et de toute obligation, de telle sorte qu’elle ne disposait plus de la faculté d’agir en recouvrement sur les biens communs.
Il convient de rappeler que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Dans le cadre de l’article 2.1 du protocole d’accord, la banque a libéré Madame B de tout engagement au titre du prêt, dont Monsieur B restait seul tenu au remboursement à hauteur de 300 000 euros.
Dès lors, la Cour de cassation considère que l’article 1415 du Code Civil n’était pas applicable, que la dette de remboursement du prêt était restée une dette commune, la Cour d’Appel a violé l’article 1134 du Code Civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016,
Bien plus, dans le cadre de l’article 2.3 du protocole d’accord, Madame B libérée de son obligation à paiement, avait expressément consenti à ce que Monsieur B s’engage au remboursement du solde du prêt et avait accepté que ces paiements soient acquittés avec les seuls revenus de Monsieur B.
Pour autant, la haute juridiction considère à juste titre que cette stipulation ne permettait pas au prêteur d’agir en recouvrement sur un immeuble commun, de telle sorte que la Cour d’Appel a violé les articles 1134 et 1415 du Code Civil.
La Cour de Cassation a donc cassé l’arrêt de la Cour d’Appel de Lyon en rappelant qu’en l’état du protocole d’accord la banque ne disposait plus de la faculté d’agir en recouvrement des biens communs dans la mesure ou elle avait déchargé Madame B de sa dette et n’avait pas recueilli son consentement exprès pour maintenir son droit.
Cet arrêt est intéressant car la Cour de Cassation dit qu’en application du protocole d’accord conclu le 29 avril 2008 et homologué le 24 juin 2008, la banque privée ne peut poursuivre le recouvrement de sa créance sur le bien immobilier commun et en conséquence, de telle sorte que la banque est à juste titre déboutée de sa demande de vente forcée.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Acte authentique et créance indéterminable : l’impossible saisie
Une saisie immobilière peut-elle être engagée sur la seule base d’un acte authentique ayant force exécutoire alors que le solde rendu exigible après la déchéance du terme est augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et surtout de l’indemnité forfaitaire, dits éléments qui ne sont pas nécessairement déterminés dans le cœur de l’acte ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en ce mois de mars 2018 et qui vient aborder la question spécifique du caractère exécutoire d’un acte authentique,
En effet, la question est de savoir si oui ou non le débiteur peut contester l’acte authentique pour remettre en cause son caractère exécutoire.
Cet acte authentique revêtu du caractère exécutoire est un acte bien pratique pour le créancier qui, en cas de défaillance du débiteur, peut immédiatement engager des mesures d’exécution sans passer par une décision de justice,
Il n’échappera d’ailleurs pas au lecteur attentif que la jurisprudence commentée n’a pas été publiée au Bulletin, ce qui laisse quand même à penser que les rares jurisprudences bénéfiques pour les débiteurs et les emprunteurs en difficulté sont diffusés au « compte goute »…,
Dans cette affaire, une banque avait consenti un prêt bancaire à une société X par acte authentique, établi par un notaire, et revêtu de la force exécutoire,
Le même acte authentique formalisait également l’engagement de caution solidaire des consorts Y,
Face à la défaillance de la société X, la banque a fait signifier à l’encontre des consorts Y, cautions solidaires, par acte du 24 décembre 2015, un commandement aux fins de saisie immobilière sur leur résidence principale,
La procédure de saisie immobilière est engagée devant la juridiction du Tribunal d’instance de Colmar, ce qui est important car la procédure est spécifique et différente, en l’état de l’application du droit local d’Alsace Moselle.
C’est dans ces circonstances que le Tribunal d’Instance de Colmar, par ordonnance du 27 janvier 2016, a ordonné l’exécution forcée de l’immeuble appartenant aux cautions.
Les cautions ont alors formé un pourvoi immédiat contre cette ordonnance,
Le président du Tribunal d’instance, (car la procédure prévoit cette démarche spécifique) a renvoyé l’affaire la Cour d’Appel.
Ladite Cour d’appel ayant fait droit aux prétentions des cautions, la banque s’est pourvu en cassation,
Pour motiver son pourvoi, la banque rappelle qu’aux termes de l’article 794-5 du Code de Procédure Civile Locale une créance pour laquelle une vente forcée peut-être ordonnée doit être déterminée et résulter de l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée est sollicitée.
La banque laisse à penser que tel est le cas,
Pourtant, cela est loin d’être acquis,
Des lors, le titre exécutoire doit contenir le montant dû conformément à ses dispositions intégrées à l’article L11-5 du Code de Procédure Civile d’Exécution.
Qu’il en résulterait dès lors que la somme doit être déterminée et fixée sans élément extérieur et ultérieur à l’acte authentique.
Or, la difficulté rencontrée est que l’acte authentique en question et en vertu duquel la requérante avait sollicité la vente forcée du bien des cautions mentionne pourtant les conditions du prêt consenti qui sont par ailleurs reproduites dans un tableau d’amortissement.
La banque quant à elle considérait que les éléments constitutifs de la créance, requis par l’article L11-6 du Code Procédure Civile d’Exécution étaient bel et bien présents dans le cœur même de l’acte authentique,
Fort heureusement, le débiteur ne l’entendait pas de cette oreille,
La caution considérait que la créance invoquée à l’appui de la requête en saisie immobilière ne résultait pas directement de l’acte authentique en tant que tel,
Sauf à devoir la déterminer un fois la déchéance du terme acquise dont le solde rendu exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et surtout de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé.
Ce décompte de créance est d’importance car l’ensemble des pénalités frais et intérêts viennent très souvent bousculer l’équilibre de la créance pour un débiteur conscient de ses défaillances mais qui n’imagine jamais se retrouver avec une créance aussi importante lorsqu’il regarde le décompte proposé dans le commandement de payer,
Ainsi, dans cette affaire, le débiteur, et caution, considérait que seul le commandement de payer qui avait été signifié le 24 décembre 2015 détaillait la somme réclamée qui était, à cette date, de 166 919.05 euros au titre du capital restant dû en principal arrêté au 26 octobre 2015 soit bien après l’acte authentique en question.
Dès lors, selon le débiteur l’acte authentique ne pouvait suffire à rendre la créance déterminable.
Dans cet arrêt qui n’est pas publié, rappelons le encore, la banque tentait de passer outre cette difficulté en soulignant le fait que c’était seulement en vertu des dispositions applicables au département du Bas Rhin du Haut Rhin et de-là Moselle que la difficulté apparaissait,
En effet, elle soutenait que dans la mesure ou le titre exécutoire établi par Notaire portant sur une somme d’argent déterminée contenant une clause de soumission en exécution forcée immédiate à laquelle le débiteur avait consenti, c’était à bon droit que la banque avait requis l’exécution forcée d’un acte authentique à l’encontre de la caution personnelle dans la mesure où cet acte contenait une clause de soumission à exécution forcée immédiate à laquelle toutes les parties avaient consenti.
Pour autant, rien ne laissait à penser que cette clause de soumission à exécution forcée immédiate n’empêchait pas le débiteur de contester le caractère exécutoire de l’acte authentique,
Ceci d’autant plus que les conditions du prêt consenti étaient reproduites dans l’acte authentique avec le tableau d’amortissement,
A bien y croire la banque, les éléments constitutifs de la créance y figuraient bien.
Fort heureusement, les débiteurs cautions contestent cette argumentation,
Ils considèrent, à juste titre, que le la somme due au titre de l’engagement de caution résultait essentiellement du décompte de la créance arrêtée au 26 octobre 2015 et était détaillée seulement dans le commandement de payer qui avait été signifiée au débiteur poursuivi,
De telle sorte que la créance en question ne résultait nullement de l’acte authentique sauf à devoir déterminer une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’était pas encore fixé,
Pour la Cour de cassation, les conditions des articles L111-2 , L111-5 et L11-6 du Code de Procédure Civile d’Exécution n’étaient pas caractérisées,
La sanction est immédiate,
L’acte authentique perds son caractère exécutoire et ne peut donc constituer un titre exécutoire en tant que tel.
La Cour de Cassation, une fois n’est pas coutume, dans cet arrêt non publié, fait droit finalement à l’argumentation du débiteur.
Selon la Haute juridiction, il résulte de l’article 794-5 du Code Procédure Civile Locales applicables en Alsace et Moselle devenu l’article L111-5 du Code Procédure Civile d’Exécution que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s’ils ont pour objet le paiement d’une somme déterminée et non pas seulement déterminable,
La Cour relève ensuite que si l’acte authentique en vertu duquel la vente forcée avait été sollicitée mentionnait les conditions du prêt consenti reproduites dans un tableau d’amortissement la créance invoquée à l’appui de sa requête ne résultait pas de l’acte sauf à devoir la déterminer une fois la déchéance du terme acquise par le solde rendu exigible augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l’indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n’est pas encore fixé.
La Haute juridiction confirme le raisonnement de la Cour d’Appel qui a exactement déduit, sans se contredire et sans dénaturer l’acte authentique notarié du 1er octobre 2013, que la créance pour laquelle la vente forcée du bien était poursuivie n’était pas suffisamment déterminée.
Ce raisonnement est intéressant,
Pouvons nous y voir une absence totale du caractère exécutoire de l’acte authentique ou un caractère exécutoire mais pour lequel le caractère non déterminable empêcherait une saisie immobilière ?
Sur cette question, la Cour de Cassation ne répond pas clairement,
A bien y comprendre, l’acte authentique serait insuffisant lorsque la créance pour laquelle la vente forcée du bien était poursuivie n’était pas suffisamment déterminée,
Mais est ce que pour autant ce raisonnement empêcherait une saisie immobilière ?
C’est ce que laisse à penser l’arrêt en tout cas c’est comme ça que l’arrêt sanctionne l’établissement bancaire,
Pour autant, sommes nous surs du fondement juridique retenu par la Haute juridiction ?
En effet, d’un coté la Cour de Cassation semble faire une avancée non négligeable en reconnaissant quand même que le principe même de la créance à vocation à être remis en question sérieusement dans la mesure où le créancier ne peut se satisfaire d’une créance insuffisamment déterminée dans l’acte authentique,
Cependant, l’arrêt ne semble pas complet,
En effet si la Haute juridiction que la créance est insuffisant déterminée pour fonder une mesure de saisie, je pense cependant qu’il faudrait clairement faire enlever à l’acte authentique son caractère exécutoire faute de créance suffisamment déterminée.
Cela mettrait fin peut-être, à une pratique ô combien douteuse qui consiste pour la banque, détentrice d’un acte authentique et de deux ou trois échéances impayées, de prononcer la déchéance du terme et d’enclencher très rapidement une procédure de saisie immobilière,
Cette jurisprudence viendrait apporter un nouvel équilibre,
Faute de créance suffisamment déterminable, le créancier ne pourrait saisir aussi facilement,
Il serait alors contraint d’engager une action judiciaire pour obtenir un titre exécutoire et saisir par la suite,
L’emprunteur malheureux serait alors en mesure de mieux faire valoir ses droits à contestation en engageant, dans un débat serein, la responsabilité de la banque qui a peut-être mal ou trop rapidement prononcé une déchéance du terme dévastatrice,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Décompte de créance, saisie immobilière et prescription
Dans le cadre d’une saisie immobilière, le débiteur peut-il contester le décompte de créance annexé au commandement de payer, peut-il solliciter d’autres documents bancaires, et surtout, peut-il se baser sur ce décompte de créance pour contester le TEG et en s’en servant aussi comme point de départ du délai de prescription à 5 ans, lorsque l’obtention du prêt en litige remonte à bien avant ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en mars 2018 qui vient aborder les moyens que peut opposer le débiteur saisi à l’encontre de l’établissement bancaire notamment sur le décompte de créance,
Fort d’un acte notarié de prêt immobilier en date du 24 septembre 2007 et de la défaillance de l’emprunteur, la banque avait fait délivrer à Monsieur G un commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 16 décembre 2016 et publié le 6 février 2017 pour paiement de la somme de 961 082,33 euros suivant décompte de créance joint,
Ceci fait, la banque a assigné Monsieur G à l’audience d’orientation du Juge de l’exécution près le Tribunal de Grande Instance,
Par jugement en date du 13 juillet 2017 le Juge d’orientation avait rejeté la demande de communication de pièces présentée par Monsieur G en sus du décompte de créance fourni, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle du chef de responsabilité contractuelle du créancier, débouté Monsieur G de l’ensemble de ses demandes, déclaré irrecevables comme prescrits les moyens de la nullité de la clause de stipulation d’intérêt du délai d’acceptation et a ordonné la vente forcé du bien.
C’est dans ces circonstances que Monsieur G a frappé d’appel la décision en litige et une fois de plus la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE vient briller par une sévérité particulière en rejetant l’ensemble des moyens de faits et de droits soulevés par le débiteur afin de contester les prétentions de la banque.
Dans le cadre de cette procédure, Monsieur G avait tenté de contester l’exigibilité de la créance de la banque en remettant en cause la validité de la déchéance du terme et ce notamment à la lueur des jurisprudences récentes qui ont été rendues en 2015 qui amènent le débiteur à penser que toute mise en déchéance du terme automatique était parfaitement contestée.
Or, la Cour rend une décision sévère,
En premier lieu elle considère, au visa de l’article 954 du Code de procédure civile que le débiteur n’a pas suffisamment développé les moyens sur lesquels les prétentions sont fondées.
Cela peut quand même sembler curieux dans la mesure où cette argumentation et les développements qui vont de pair ont été prises dans le cadre de ses conclusions de première instance puis reprises dans ses conclusions d’appel,
En deuxième lieu, Monsieur G contestait la validité de la déchéance du terme eu égard aux prescriptions de la loi et de la jurisprudence en la matière.
Or, la Cour considère qu’il ressort des termes de l’acte notarié de prêt au paragraphe « définition et conséquence de la défaillance de l’emprunteur » :
« Est réputé défaillant sans qu’il soit besoin d’adresser une mise en demeure en cas notamment de non paiement à bonne date, d’une quelconque somme due par lui. Le prêteur étant en droit, dans ces circonstances, d’exiger le remboursement immédiat du solde du contrat ».
Pourtant, est ce bien conforme à la jurisprudence en la matière ?
Pour la Cour, le contrat est sans ambigüité,
Il n’est pas contesté que Monsieur G n’a pas pu régler aucune mensualité de prêt depuis l’année 2013 et qu’il n’a pas repris les versements à l’issue du moratoire d’un an accordé au mois de février 2014 dans le cadre de la procédure de traitement de surendettement dont il a déjà bénéficié.
Dans ces conditions, la Cour considère que la banque était en droit de se prévaloir de l’exigibilité immédiate de plein droit du prêt sans l’envoi d’une mise en demeure préalable alors même que la jurisprudence est pourtant claire en la matière.
Cette décision est curieuse sur ce point,
Par ailleurs, le débiteur avait également voulu contester le taux effectif global au motif pris qu’il était erroné, en remettant notamment en cause le décompte de créance fourni aux débats,
Cette argumentation permettait à la fois de contester le décompte de créance proposé par l’établissement bancaire,
Tout comme de contester la validité de la saisie immobilière,
Pour ce faire cependant, le débiteur a réclamé des éléments complémentaires à la banque, au delà de ce décompte de créance que celle-ci fournit classiquement dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière,
En effet, la banque lance sa procédure de saisie immobilière et assigne le débiteur à comparaitre devant le juge de l’orientation sur la base de documents prescrits par la loi, et qui comprennent notamment un décompte de créance,
Or la remise du décompte de créance n’est pas nécessairement suffisant et satisfaisant,
Bien plus, cela n’enlève rien au fait que le débiteur saisi, qui est considéré comme un paria par l’établissement bancaire, se retrouve sans décompte de créance et sans documents,
Le compte bancaire clôturé et l’accès internet aux comptes coupé, le débiteur se retrouve en manque d’information concrète pour pouvoir contester la créance de la banque et notamment vérifier sur les relevés bancaires antérieurs et postérieurs à la déchéance du terme prononcé,
Pourtant cette vérification d’usage permettrait de s’assurer que la banque n’a pas privilégié ses frais bancaires astronomiques au détriment du remboursement du prêt,
En effet, il n’est pas rare de constater que l’ensemble des frais et pénalités pouvant être pris sur un compte bancaire peut pousser à la déchéance du terme alors que bien souvent le débiteur mis en difficulté aurait pu faire ou a tenté de faire face en rattrapant son arriéré.
Ce rattrapage est alors mis à mal par l’ensemble des frais et pénalités qui sont prélevés en premier et qui empêche le débiteur de régulariser la situation dans de bonnes conditions.
Or, devant la Cour, Monsieur G avait renouvelé in limine litis sa demande de communication de pièces par la banque et afin d’obtenir divers justificatifs notamment pour obtenir communication d’un certain nombre de documents, savoir :
- Justificatif de décompte de créance et du calcul des intérêts,
- Justificatif de décompte de créance avec les intérêts année par année.
- Toute attestation émanant de la banque afin que cette dernière rappelle les modalités de calcul des intérêts annuels sur une base de 360 jours annuel ou sur une base de 365/366 jours annuel.
- L’offre de prêt et les conditions générales de l’offre de prêt ainsi que le justificatif de la déchéance du terme.
Pour autant, la Cour s’y refuse et ne somme pas, avant dire droit la banque de communiquer ces éléments,
La Cour s’estime suffisamment renseignée par la banque et considère que l’établissement financier a régulièrement communiqué le décompte de créance qu’il estime propre à justifier du principe du droit et du montant de sa créance et que ces documents sont suffisants pour permettre à la Cour de statuer sur les contestations.
Ceci est à mon sens fort regrettable car le propre du débat contradictoire est effectivement d’avoir d’accès aux documents permettant de se défendre dans de bonnes conditions,
Or, dans pareil cas, seul le créancier est suffisamment armé pour envisager une saisie immobilière ce qui est fortement regrettable.
Ceci d’autant plus qu’il n’est pas rare de constater que dès les premières difficultés économiques, la banque qui prononce la déchéance du terme clôture également le compte bancaire a découvert sur lequel les échéances de prêt étaient prélevées,
Cette clôture du compte amène bien souvent la banque à bloquer l’accès internet au débiteur mais pourtant client, qui n’a plus accès à ces informations bancaire et relevés,
Rendant le débiteur aveugle, ce dernier n’ayant plus aucune visibilité sur ces comptes, sur ses dettes et les frais et intérêts qui sont générés,
Pourtant la remise de ces documents peut avoir de l’importance dans le cadre de la contestation de la déchéance du terme, comme sus-évoqué, tout comme de la contestation du TEG et de la validité de la clause de stipulation des intérêts,
Et ce, à double titre,
En premier lieu, pour permettre au débiteur, et au juge saisi, de vérifier si le TEG est erroné,
En deuxième lieu, pour décaler le point de départ de la prescription en pareille matière, qui est de 5 ans, en vertu de l’article L312-33 du Code de la Consommation et de l’article 1907 du Code Civil.
En effet, le point de départ de cette prescription de 5 ans court, soit à compter du jour de l’acte de prêt, soit à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque lorsque l’examen de la teneur de l’acte ne permet pas de la constater,
Le point de départ de la prescription peut être décalée au jour de la révélation de l’erreur à l’emprunteur.
A condition que la banque fournisse un minimum de précision,
A condition que le juge somme la banque de communiquer ces éléments lorsque celle-ci ne les communique pas,
Or, dans cette affaire, la Cour considère que la prescription des demandes en déchéance du droit aux intérêts conventionnels et en nullité de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels résultant du Taux Effectif Global a commencé à courir à la date de la signature desdits actes.
L’offre de crédit ayant été accepté le 5 septembre 2007 et l’acte authentique de prêt ayant été signé le 24 septembre suivant, la prescription était dès lors acquise à la date de la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière signifié le 16 décembre 2016.
Dès lors, le débiteur invoque l’irrégularité du TEG figurant à l’acte de prêt en raison de l’absence d’explication des modalités de son calcul et l’erreur affectant le calcul des intérêts annuels déterminés par référence en année bancaire de 360 jours,
Bien plus, en tant qu’appelant, il fait grief au premier Juge d’avoir déclaré prescrite sa demande tendant à voir substituer le taux d’intérêt légal au taux conventionnel en faisant courir la prescription quinquennale à compter de la date du prêt alors que la seule lecture de cet acte ne permet pas de vérifier quelque éléments que ce soit au sujet du TEG,
La Cour relève que l’acte authentique du prêt immobilier reçu le 24 septembre 2007 reprend les caractéristiques du crédit énoncés dans l’offre de prêt accepté par Monsieur G le 5 septembre précédent pour un montant en capital de 1 038 100 euros dont 760 000 euros devaient être remboursés par les fonds à provenir de la vente d’un bien immobilier dans les 24 mois suivant le versement du crédit en l’état d’un montage au titre d’un crédit relais.
Le capital était alors remboursable en 360 échéances mensuelles moyennant un taux d’intérêt initial de 4,27 % l’an et un Taux Effectif Global de 5,54 % l’an dont le mode de calcul est détaillé à l’acte, de même que les charges annexes prises en compte pour le calcul de ce TEG à hauteur de 0,51%.
La Cour se contredit complètement,
En effet, d’un coté elle considère que la lecture de l’offre et de l’acte notarié ne permet pas de vérifier si, comme le soutient Monsieur G, le taux d’intérêt a été fixé sur une base de 360 jours par an, ce qui affecterait la validité du TEG,
Et de l’autre coté, elle considère que les erreurs que le débiteur invoque étaient susceptibles d’être décelées à la lecture de l’offre et du contrat de prêt,
De telle sorte que l’appelant ne démontre pas ne pas avoir pu les appréhender au jour de l’offre de prêt ou de l’acte de prêt,
La Cour retient même, et c’est un comble, que le débiteur ne ne démontre pas plus que les erreurs qu’il invoque lui auraient été révélé postérieurement.
Et pour cause, la banque se refuse de communiquer quoi que ce soit,
Cela est spécieux,
La Cour reconnait elle-même que la lecture de l’offre et de l’acte notarié du prêt ne permet pas de conclure que le taux d’intérêts aurait été fixé sur une base de 360 jours ou de 365 ou 366 jours,
Dès lors, force est pourtant de constater que l’emprunteur avait accepté cette offre de prêt et réitéré cet acte de prêt dans des conditions obscures, avec un véritable vide juridique et contractuel quant à la définition des modalités de calcul du TEG en question.
Bien plus, la Cour d’appel, qui ne se refuse rien, vient même considérer que rien n’empêchait par la suite Monsieur G de soulever la contestation en dehors de ce fameux délai de 5 ans.
Cela est véritablement spécieux,
Le silence de la banque, et la passivité à cet égard des juges du fond, empêchent le débiteur d’avoir accès à des informations qui permettraient de justement révéler l’erreur,
C’est aussi mal comprendre l’argumentation du débiteur qui rappelle en tant que de besoin que conformément au droit de la saisie immobilière le commandement de payer valant saisie immobilière est accompagné d’un décompte de créance.
Que ce décompte de créance fait état d’un certain nombre d’intérêts, frais et accessoires lesquels sont vérifiables et peuvent justement cristalliser des erreurs quant à la validité du TEG,
Pour autant, la Cour considère que ce décompte de créance ne peut servir de nouveau point de départ de la prescription au motif pris notamment de ce qu’il appartenait à l’emprunteur de rechercher bien avant cela si oui ou non le TEG était erroné,
Cela est regrettable,
A mon sens, la banque doit fournir les documents qui permettent de vérifier la véracité et la justesse du décompte de créance,
En ce considérant suffisamment éclairée par le décompte de créance, la Cour s’exonère d’un « devoir de curiosité » qu’elle oppose pourtant elle-même au débiteur qui aurait du s’interroger et interroger la banque dans les 5 ans de l’obtention du prêt,
A cet égard d’ailleurs, la Cour ne précise même pas si pareille démarche aurait eu un quelconque effet interruptif de prescription,
Bref, dans cette affaire la Cour s’est fourvoyée en présumant que la banque avait forcément raison et que son décompte de créance était forcément juste,
Cela n’est pas acceptable,
Fort heureusement, le conseil du débiteur malheureux se doit d’apporter la contradiction sur ce point, et se doit de tout faire pour préserver les droits de l’emprunteur, qui voit ses droits bafoués par la pratique bancaire et judiciaire lorsque celui-ci, du fait des mauvais hasards de la vie, a eu « l’outrecuidance » de ne plus respecter les échéances de son prêt,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Audience d’orientation, entre expertise actuarielle et mise à prix
Le juge de l’orientation peut-il ordonner une expertise actuarielle pour vérifier le TEG, tout comme le taux d’endettement du débiteur saisi ? Le débiteur peut-il forcer une vente amiable ou bien encore contester la mise à prix du bien fixée par le créancier saisissant ?
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mars dernier par la Cour d’Appel de POITIERS qui vient aborder plusieurs problématiques dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, et plus particulièrement celle relative à la réalisation d’une expertise actuarielle judiciaire, au TEG,
En effet, alors qu’il n’est pas rare de constater que le juge ne s’embarrasse pas forcément des questions relatives à la véracité du TEG dans l’acte de prêt, cet arrêt, une fois n’est pas coutume vient confirmer le fait que le juge de l’orientation peut parfaitement opter, à titre avant dire droit, à une expertise actuarielle,
Dans le cadre de cette affaire, le juge de l’orientation ne se contente pas de désigner un expert aux fins de procéder à une seule expertise actuarielle,
En effet, le juge d’orientation, au visa des articles L313-1et R313-1 du Code de la Consommation, ordonné une expertise actuarielle avec mission de convoquer l’ensemble des parties assistées de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations de la tenue des rendez vous d’expertise sur la problématique spécifique du TEG.
Mais surtout, il ordonne dans le même temps, dans le cadre de l’expertise actuarielle, à l’expert de se faire aussi remettre les fiches d’instructions des dossiers préalables à l’octroi des prêts, les éléments de patrimoine et revenus des consorts H au moment de la souscription des emprunts.
Cela étant dit l’expert a pour mission de :
*déterminer le mode de calcul des TEG des prêts en question,
*déterminer les charges et frais qui ont été pris en compte voire ce qui ont été exclus
*déterminer si les TEG visés dans les deux prêts de 3,88 % et de 4,47% indiqués dans les prêts sont erronés et dans l’affirmative en préciser les erreurs, procéder à leur calcul et rétablir les tableaux d’amortissement en substituant au Taux conventionnel le Taux légal.
En même temps, dans le cadre de l’expertise actuarielle, l’expert avait également pour mission de déterminer enfin, si au jour de la souscription des contrats litigieux le taux d’endettement des parties concernées (emprunteurs et cautions), de déterminer si les engagements financiers souscrits apparaissaient au jour de leur souscription disproportionnés eu égard aux capacités de remboursement des débiteurs et de caution, et encore de déterminer toute autre anomalie pouvant avoir une conséquence sur l’exigibilité et la liquidité de la créance invoquée par la banque.
Dans ce même temps le Juge d’orientation a naturellement prorogé pour une durée de deux ans les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.
Cette décision avant dire droit est à relever par sa rareté en terme d’expertise actuarielle tellement rare en saisie immobilière,
Mais aussi par la pertinence des investigations pouvant être faites tant sur la justesse du TEG d’un prêt bancaire que sur les incidences que cela peut avoir sur l’exigibilité de la créance, sur la remise en question de l’éventuelle déchéance du terme et encore l’approche étant extrêmement complète de la part du Juge de l’exécution de vérifier.
Ainsi la banque aurait manqué à ses obligations de conseil de mise en garde notamment par rapport à la proportionnalité des engagements proposés aux revenus et charges des emprunteurs et cautions.
Pour autant, l’arrêt confirme la décision du juge de l’orientation qui aborde l’expertise actuarielle sur le terrain de la prescription pour rejeter sa portée et son résultat, pour débouter les consorts H de l’ensemble des demandes évoquées et a ordonné la vente aux enchères publiques du bien.
C’est dans ces circonstances que les consorts H ont frappé d’appel la décision.
En effet, le juge de l’orientation, dans le cadre de cette expertise actuarielle, mandate également l’expert judiciaire qu’il désigne afin de vérifier les questions au taux d’endettement du débiteur,
Enfin, le juge de l’orientation vient également s‘intéresser aux questions spécifiques de vente amiable ou bien encore de modification du montant de la mise en prix,
Cette dernière question attire très souvent l’attention des débiteurs saisis tant la mise à prix faite par les créanciers saisissants, semble extrêmement bas et en inadéquation complète avec la valorisation vénale du bien dans le cadre d’une éventuelle vente amiable.
Certes le coté attractif d’une mise à prix basse peut amener un jeu d’enchères frénétique,
Mais malheureusement, en cas de carence d’enchères ou de faibles enchérisseurs, le débiteur, qui perd déjà son bien immobilier se retrouverait à être encore débiteur d’une créance bancaire loin d’être désintéressé par la vente aux enchères du bien immobilier,
Chacun de ces points doivent être analysés à la lueur de ce que retient la Cour,
En effet, il convient de revenir sur l’expertise actuarielle qui a été ordonnée, avant dire droit, par le juge de l’orientation,
La cour souligne, en fin de procédure, et après la décision définitive du juge de l’orientation que la demande émise par le débiteur, et pour lequel le juge de l’orientation, avait pourtant fait droit avant dire droit, était prescrite,
Cela est curieux,
Pourquoi ordonner une expertise actuarielle avant dire droit si la demande est finalement prescrite,
Tout laisse à penser qu’in fine, tant le juge de l’orientation que la Cour, à sa suite, ont considéré que le point de départ n’était finalement pas décalée au jour de la révélation de l’erreur mais bel et bien au jour de l’offre de prêt,
Cependant, la Cour pousse plus loin son raisonnement,
La demande étant prescrite, le rapport d’expertise actuarielle réalisé ne peut servir de fondement à l’annulation de la clause de stipulation des intérêts,
Mais encore, dans la mesure ou le TEG serait erroné, rien n’empêchait le juge de considérer que le TEG erroné venait impacter de manière décisive le décompte de la banque qui ne pouvait donc pas saisir sur la base dudit décompte, lequel était erroné dans son fondement même,
En effet dans pareil cas, le rapport d’expertise actuarielle n’aurait il pas pu permettre de contester, sinon la clause de stipulation des intérêts, à tout le moins le caractère exigible de la créance,
Cette décision est là encore décevante sur ce point.
Par ailleurs, la Cour revient sur la problématique du taux d’endettement, dans la mesure ou les
consorts H quant à eux avaient évoqué l’idée de retenir un endettement à 100 % au motif pris que ces derniers sur le terrain juridique sont effectivement tenus au paiement de l’intégralité de la créance en qualité de caution.
Pour autant, il est bien évident que cette solidarité juridique n’a pas nécessairement vocation à impacter l’analyse du taux d’endettement des consorts H pris tant ensemble que séparément, alors même qu’ils ont des rapports entre eux de cofidéjusseurs, de telle sorte que la Cour d’Appel a effectivement rejeté cet argument.
Enfin, se posait la double question de la réalisation de l’actif,
Tantôt concernant la vente amiable,
Tantôt concernant la vent aux enchères publiques,
En effet, concernant la demande d’autorisation de vente amiable du bien là encore la Cour d’Appel brille par une certaine sévérité,
Elle précise que la vente amiable n’est pas de droit,
Il appartient au débiteur d’apporter les éléments permettant au Juge d’en apprécier la pertinence et de l’autoriser le cas échéant dans les conditions adaptées compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et de la diligence éventuelle du débiteur.
Qu’à défaut pour le débiteur de produire aucune évaluation actualisée de leur bien aucun moyen de vente permettant d’une part de l’évaluer par rapport au marché et d’autre part de caractériser leur bonne foi, la Cour d’Appel a considéré que la réelle volonté de parvenir à une vente et la faisabilité concrète de ce projet ne permettaient pas d’envisager une vente amiable.
Renvoyant ainsi l’actif à être réalisé aux enchères publiques,
Pour autant demeure entier la question de la fixation de la mise à prix,
Il convient de rappeler qu’en cas de carence d’enchères le bien est « adjugé d’office » au créancier saisissant,
Ce qui augmente d’autant sa capacité à fixer des mises à prix volontairement basses,
Le débiteur saisi appréciera…..,
Il convient malgré tout de se reporter au texte en question, savoir que l’article L322-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution prévoit que le montant de la mise à prix est fixé par le créancier poursuivant.
A défaut d’enchères, celui-ci est déclaré adjudicataire d’office à ce montant.
Or, ce même texte précise que le débiteur peur, en cas d’insuffisance manifeste du montant de la mise à prix, saisir le Juge afin de voir fixer une mise à prix en rapport avec la valeur vénale de l’immeuble et les conditions du marché.
Enfin, ce même texte précise qu’à défaut d’enchères le poursuivant ne peut être déclaré adjudicataire que pour la mise à prix initiale.
C’est dans ces circonstances juridiques que la Cour rappelle que la mise à prix proposée par le créancier poursuivant est de 140 000 euros alors que les consorts H considèrent que le bien peut être évalué sur une base de 350 000 euros, c’est dire le delta de près de 210 000 euros.
Ceci étant dit, la Cour rejette les prétentions des consorts H et rappelle que la mise à prix fixée par le créancier poursuivant ne correspondant pas à la valeur vénale de l’immeuble et ne présage en rien du montant du prix d’adjudication lequel résultera des enchères.
Cet arrêt est riche d’enseignement,
En premier lieu, le principe de concentration des moyens permet de faire remarquer que les moyens de contestation sont nombreux et que rien ne doit être oublié,
En deuxième lieu, et surtout, il montre bien qu’il est de la plénitude de compétence du juge de l’orientation de désigner tel expert judiciaire aux fins de procéder à une analyse actuarielle et vérifier également le respect des obligations de conseils et de mise en garde,
Enfin, et en troisième lieu, il rappelle la rigueur des critères de vente amiable, et de fixation de la mise à prix du bien en cas de carence d’enchères,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Fonds de titrisation et saisie immobilière
La contestation de la créance d’un fonds de titrisation en droit de la saisie immobilière, entre exception de nullité, créance clairement individualisée et identifiable et procédure en inscription de faux, autant d’obstacles pour le débiteur saisi qui entend se défendre devant le juge de l’orientation,
Il convient de s’intéresser à un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix en Provence venant aborder la problématique d’une saisie immobilière engagée, non pas par le créancier initial, mais par le fonds de titrisation qui a bénéficié de la cession de la créance en litige,
Il convient de rappeler que la titrisation consiste en une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers, (ou immobiliers), tels que des créances,
Dans cette affaire, par jugement dont appel du 4 novembre 2016 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance a ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers saisis au préjudice de monsieur B pour une créance liquide et exigible de 66.660,44 euros en principal outre les intérêts et accessoires,
Monsieur B a frappé d’appel la décision et est venu opposer le fait que le fonds de titrisation n’était fondé à engager une procédure de saisie immobilière.
Là encore la Cour d’Appel d’Aix en Provence brille par une certaine sévérité à l’encontre du débiteur et donne l’amer sentiment que rien ne trouve jamais grâce aux yeux de la Cour lorsqu’il s’agit d’un débiteur.
Afin d’échapper à la rigueur de cette saisie immobilière, Monsieur B avait pris soin de soutenir un certain nombre d’arguments et venait notamment mettre en avant un moyen de nullité tiré de l’irrégularité d’un acte de signification.
Pour autant le fonds de titrisation s’y oppose et rappelle que s’il résulte des notes en délibéré, du jugement d’orientation, des conclusions des parties que la nullité des actes de signification des 28 juin 2005 et 18 août 2012 a bien été soutenue à l’audience d’orientation, il n’en demeure pas moins que celle-ci est contestable,
En effet, la contestation de la validité d’un acte qui le prive d’effet de droit, en l’espèce le caractère non-définitif des titres exécutoires, devant s’entendre d’une nullité de l’acte à raison d’irrégularité qui l’affecte, moyen soutenu devant le juge de l’exécution, a vocation à être rejeté, le débiteur l’ayant soulevé au mauvais moment au mauvais endroit,
La remarque peut sembler spécieuse, ou trop rigoureusement tranchée,
Même si, sur le plan du droit de la procédure civile, celui-ci a tout son sens,
En effet, la Cour d’Appel rappelle qu’aux termes de l’article 112 du Code de Procédure Civile :
« La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité. »
La Cour considère que l’appelant ayant soutenu dans ses conclusions devant le Juge de l’Exécution ainsi qu’il résulte du jugement déféré, préalablement au moyen de nullité, deux fins de non recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant, il en résulte l’irrecevabilité de l’exception de nullité,
Qui aurait du être soulevé avant,
Ceci fait que désormais la Cour ne vient même plus reprocher au débiteur, et à son conseil, d’avoir omis tel moyen de fait ou de droit, et ce, au titre du principe de concentration des moyens,
Désormais, elle va jusqu’à reprocher au débiteur et à son conseil l’emplacement de tel ou tel argument dans le corps de ses conclusions,
Dès lors, à bien y comprendre la Cour, le débiteur, (ou son conseil), aurait eu la « maladresse » de conclure d’abord sur des problématiques de fins de non recevoir au lieu de soutenir avant toute chose l’exception de nullité,
Il convient de rappeler que devant le Juge de l’Orientation l’ensemble des moyens de faits et de droit doit être soulevé sous peine d’irrecevabilité.
Dès lors, pareille décision de la Cour, doit être comprise comme une « piqure de rappel » au débiteur et à son conseil, dans la rédaction et l’établissement juridique et stratégiques des conclusions prises devant le Juge de l’Orientation sont fondamentalement déterminantes ceci d’autant plus qu’il n’y a pas d’effet dévolutif en cause d’appel en droit de la saisie immobilière,
De telle sorte qu’il serait impossible pour le débiteur et, ou, son conseil, de rattraper l’erreur commise en première instance devant la Cour d’Appel.
Ceci étant dit, il convient également de s’intéresser à la problématique de la cession de créance au profit du fonds de titrisation,
En effet, le débiteur, appelant, soutient que le créancier poursuivant agit en vertu de l’acte de cession de créances en date du 23 juillet 2010,
Celui-ci tente de faire croire que le fonds de titrisation envisagerait une saisie immobilière sur la seule base de la cession de créance alors qu’il devrait justifier d’un titre exécutoire,
La Cour ne s’y trompe pas,
Elle souligne qu’il résulte clairement du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 4 novembre 2015 que le fonds de titrisation vient aux droits de la Banque, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 23 juillet 2010, certes, mais ledit commandement de payer valant saisie de biens et droits immobiliers, repose aussi et surtout sur divers titres exécutoires énoncés de telle sorte que tout interprétation d’une poursuite en vertu d’un acte de cession de créance conduisant à une prescription à la date anniversaire du 23 juillet 2015 constitue immanquablement une dénaturation de l’acte d’exécution.
Il convient de rappeler de rappeler que rien n’empêche le fonds de titrisation d’envisager toute mesure d’exécution car la remise la remise du bordereau entraîne de plein droit, aux termes de l’article L214-169 du Code Monétaire et Financier le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires.
De telle sort que le droit de mettre en oeuvre les mesures d’exécution résulte expressément des articles L 214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier, fondant le droit de poursuite en matière de saisie immobilière de sorte que le fonds de titrisation est fondé à faire délivrer le présent commandement.
Pour autant, il est important de rappeler que plusieurs moyens de contestation sérieux peuvent être opposé au fonds de titrisation,
Dès lors, on peut retrouver regrettable de constater que le débiteur, ou son conseil, n’ait pas eu la présence d’esprit de soulever bon nombre de ces moyens de contestation,
Pour autant, il n’en demeure pas moins que celui-ci en soulève au moins un intéressant,
En effet, le débiteur envisage un axe de contestation plus sérieux en venant remettre en cause la validité et le non-respect des dispositions légales en la matière concernant la cession de créances.
En effet, les articles L214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier précisent que :
«La cession devient opposable aux tiers à compter de la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autres formalités de sorte que les dispositions invoquées de l’article L211-37 dudit code, intéressant la cession de créances afférentes aux obligations financières mentionnées à l’article L211-36, que ne sont pas les créances présentement cédées, sont inapplicables à la cause ce dont il suit que le moyen d’irrégularité est rejeté. »
A toute fin, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 1690 du Code civil sont inapplicables en matière de Titrisation.
Sur ce point, c’est à bon droit que la Cour d’Appel considère que bordereau de cession de créances déposé au rang des minutes d’un notaire qui doit contenir diverses énonciations, celles-ci prévues par l’article D214-227 du code susdit, dont la désignation et l’individualisation des créances cédées, comprend en l’espèce, après analyse des éléments de créances mentionnés suivis du nom de monsieur B, une indentification suffisante des créances cédées à l’encontre de l’intéressé, l’acte de cession étant suffisant pour identifier les créances cédées.
Dès lors, la Cour considère que, la suffisance de l’identification et le fait que l’opération de Titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, il n’y a lieu de mentionner sur le bordereau de cession les décisions judiciaires obtenues par la banque à l’encontre du débiteur co-contractant du créancier cédant,
Ce serait donc en vain que monsieur B demande l’application d’une jurisprudence de la cour de cassation du 1er décembre 2015 aux termes de laquelle, au cas d’espèce déféré à la Cour suprême, la cour d’appel ayant fait ressortir que les créances dont la cession était alléguée n’étaient pas suffisamment identifiées, s’agissant d’associés, contre lesquels le créancier disposait de titres exécutoires, d’une société également condamnée, cette Cour d’Appel a pu en déduire que le Fonds Commun de Titrisation ne pouvait pas se prévaloir des titres exécutoires dont bénéficiait la caisse à l’encontre des consorts X de sorte que le moyen est rejeté.
Cette jurisprudence du 1er décembre 2015 consacre l’obligation de faire apparaître, dans le cadre de la cession de créances à un fonds de Titrisation, chaque créance comme devant doit être clairement individualisée et identifiable.
Mais surtout, la Cour considère qu’in fine, le débiteur saisi n’a pas utilisé la bonne procédure en relevant que la contestation de la régularité des mentions de l’extrait notarié confirmant ou infirmant que parmi les créances cédées figure les créances détenues à l’encontre de Monsieur B, aurait du faire l’objet d’une procédure spécifique d’inscription de faux, laquelle n’a pas été mise en œuvre.
Là encore, le choix procédural émis par le débiteur est sérieusement malmené par la Cour qui vient, une fois de plus, rejeter les prétentions du débiteur tant sur le fond que sur la forme,
Sur le fond, la Cour appréciant souverainement l’acte authentique considère que la créance de Monsieur B est clairement individualisée et identifiable,
Sur la forme, la Cour reproche à Monsieur B de n’avoir pas retenu la bonne procédure permettant de contester l’acte authentique,
De telle sorte que si la créance en litige n’avait pas été clairement individualisée et identifiable, l’erreur procédurale l’aurait emporté au détriment du fond, soit, l’absence d’opposabilité de la cession de créance par le débiteur, et par là même, l’absence de qualité à agir pour procéder à une saisie immobilière,
Le débiteur se voit débouter de l’ensemble de ses demandes ce qui est bien regrettable.
Ceci d’autant plus que la créance est classiquement cédé au fonds de titrisation à vil prix,
Si dans cette affaire, la décision n’est pas favorable au débiteur qui a pris soin de contester cette cession de créances et la qualité du fonds de titrisation, cet axe de contestation, (peut-être mieux développé) demeure néanmoins pertinent.
En effet, la cession de créances au profit d’un fonds de titrisation se fait dans le cadre d’une procédure clairement déterminée par les textes et est assujettie au respect d’un certain nombre de règles de procédure.
Il appartient au débiteur, et à son conseil, de procéder aux vérifications d’usage pour chercher une faille, tantôt dans la régularité des mentions dans le corps même de l’acte notarié, tantôt dans l’obligation d’individualiser et d’identifier clairement les créances cédées.
Ces points de vérifications sont fondamentaux et il ne faut pas oublier que dans pareils cas si le débiteur entend contester la validité même de l’acte authentique de cession de créance, il devra non seulement le conclure devant le Juge de l’Orientation mais il devra, également, envisager une procédure de faux,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,