Une entreprise en sauvegarde de justice qui voit son projet de plan sauvegarde rejeté par le Tribunal de commerce, peut-il présenter un nouveau plan de sauvegarde ou bien se diriger inévitablement vers un redressement ou une liquidation judiciaire ? Lorsque le Droit de l’entreprise en difficulté se retrouve à avoir horreur du « vide ». Exemple jurisprudentiel du Tribunal de Commerce de Fréjus.
Continue readingPréjudice de jouissance, créance postérieure utile à la procédure collective ?
Dans le cadre d’un contentieux de copropriété, dont l’un des copropriétaires est en redressement judiciaire, le préjudice de jouissance dont ce dernier est débiteur, constitue-t-elle une créance postérieure utile devant être payée en priorité ?
Continue readingassignation en redressement judiciaire et prescription de la créance du créancier, qu’en est-il ?
Un débiteur assigné en redressement judiciaire peut-il opposer la prescription de la créance revendiquée par le créancier pour caractériser sa cessation des paiements ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mai par la Cour de cassation et qui vient aborder la problématique du moyen de défense d’un débiteur, assigné par un créancier bancaire en redressement judiciaire et qui vient opposer, audit créancier, la prescription biennale de la créance bancaire.
Dans cette affaire, après plusieurs incidents de paiement du prêt immobilier, la banque, créancière de la SCI A avait prononcé la déchéance du terme et avait par la suite, assigné en redressement judiciaire et la SCI, qui, en défense, entendait opposer à la banque la prescription de son action.
Il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article R631-2 du code du commerce l’assignation d’un créancier précise la nature et le montant de la créance et contient tout élément de preuve de nature à caractériser la cessation des paiements du débiteur. Lorsqu’il s’agit d’une exploitation agricole, le créancier joint à sa demande une attestation, délivrée par le greffier, de la saisine du président du tribunal judiciaire en application de l’article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime.
La demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est à peine d’irrecevabilité, qui doit être soulevée d’office, exclusive de toute autre demande relative au même patrimoine, à l’exception d’une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire.
Au visa de ce texte la question qui se posait était de savoir si le juge saisi pouvait soulever d’office la prescription de la créance fondant la demande d’ouverture de la procédure collective ?
Car, si la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, liée à la cessation des paiements du débiteur, il n’en demeure pas moins que le débiteur saisi a la possibilité de s’opposer à la demande du créancier en soulevant notamment la prescription de sa demande, ou, à tout le moins, de la créance fondant sa créance.
De telle sorte que le premier Juge aurait excédé ses pouvoirs en statuant sur la prescription de la créance de la BNP.
De telle sorte que, pour le créancier, le jugement devrait être réformé sur cette base.
Il est vrai que la demande d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire est exclusive de toute autre demande laquelle serait jugée d’office irrecevable, et ce, à l’exception d’une demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire formée à titre subsidiaire.
Mais pour autant, en défense, et reconventionnellement, la prescription devrait pouvoir être soulevée et demandée par le débiteur.
Cela semble d’ autant plus évident que la notion de cessation des paiements du débiteur face à une créance du créancier peut être intimement liée à la question de sa prescription sont intimement liés.
Cela n’a pourtant pas empêché la Cour d’appel d’avoir déclaré certaines créances exigibles, et d’avoir constaté la cessation des paiements, justifiant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire de ladite SCI tout en fixant provisoirement la date de cessation des paiements de la SCI au jour de la décision rendue.
Il convient de rappeler, qu’en application de l’article R131-1 du code de commerce, les créanciers et demandeurs à l’ouverture d’un redressement judiciaire doivent démontrer l’état de cessation des paiements de son débiteur. Cette cessation des paiements devant être caractérisé par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
Dès lors, les dettes prises en compte au titre du passif doivent être liquides, certaines et exigibles, et cette vérification s’imposait à l’encontre de la créance que le débiteur considérait comme une créance litigieuse.
En l’espèce, la SCI a dénié à la créance alléguée par la banque tout caractère certain à raison notamment de la prescription à laquelle elle se heurterait de divergences à l’établissement de son quantum.
Pour autant, il n’appartiendrait pas au Juge si une demande de redressement judiciaire ne statuait sur les contestations relatives à la créance mais il lui revient de dire si celles-ci apparaissent ou non suffisamment sérieuses pour exercer une influence sur les ** du montant de la créance.
Dans cette affaire, la banque se prévalait d’un titre exécutoire qui résultait de l’acte notarié constatant le prêt consenti à la SCI A.
Aucune contestation n’était pendante devant une autre juridiction qui aurait pu la rendre litigieuse.
La SCI entendait dès lors opposer la prescription biennale au motif pris qu’il s’agissait d’un prêt immobilier.
Nous savons aujourd’hui que cette argumentation est désormais vaine….
En effet, se posait la question de savoir si oui ou non la contestation relative à la prescription de la créance revêtait un caractère sérieux dans la mesure où celle-ci sollicitait l’application d’une prescription biennale alors qu’en l’état de la réforme du code de la consommation et plus particulièrement au regard des dispositions liminaires du code de la consommation qui définissent le consommateur comme étant une personne physique, ce qui n’est évidemment plus le cas de la SCI.
La jurisprudence de la Cour de cassation refuse désormais l’application de la prescription biennale au contrat de prêt souscrit par une SCI même lorsque ce contrat fait référence aux dispositions du code de la consommation, de telle sorte que les Juges du fond ont considéré que cette argumentation ne pouvait apparaître comme étant sérieuse et ont ordonné l’ouverture de la procédure collective et placé la SCI en redressement judiciaire.
Si l’on suit ce raisonnement, la Haute juridiction rejette le pourvoi de la SCI A.
Cependant, ce raisonnement se fait en deux temps.
En premier lieu, elle sanctionne les juges du fond qui ont considéré que l’article R631-2 du code du commerce interdisait non seulement au créancier demandant l’ouverture d’une procédure collective, mais également au débiteur assigné de former à cette occasion toute autre demande, alors que cela n’empêche justement pas le débiteur assigné d’opposer à la demande d’ouverture la prescription de la créance invoquée.
Pour autant, dans un deuxième temps et sur le fond, la Haute juridiction considérait que la Cour d’appel avait à juste titre retenu que la société débitrice ne pouvait raisonnablement évoquer à son profit la prescription biennale des actions des professionnels pour les biens, les services qu’ils fournissent aux consommateurs, celle-ci étant une personne morale, elle ne pouvait légitimement revendiquer le droit à prescription biennale.
De telle sorte qu’il résultait que la créance de la banque n’était pas prescrite et il résultait bien en conséquence que la SCI ne disposait d’aucun actif disponible pour faire face à cette dette…
La procédure collective pouvait donc être ouverte.
Plusieurs enseignements découlent de cette jurisprudence intéressante.
Premièrement, elle rappelle que la prescription de la créance bancaire peut être opposée au créancier lorsque celle-ci est acquise, aussi afin d’éviter l’ouverture d’une procédure collective.
Rien n’empêche d’ailleurs le débiteur d’engager une action en responsabilité contre le créancier…
Deuxièmement, il ne faut pas oublier que le droit de l’entreprise en difficulté offre beaucoup d’avantages au débiteur en difficulté, en nom personnel, société commerciale ou encore société civile.
Les opportunités juridique et économiques sont nombreuses.
L’action en responsabilité contre le créancier demeure possible,
La contestation de créance aussi.
Et la présentation d’un plan de sauvegarde ou d’un plan de redressement offre aussi des opportunités intéressantes, et ce, dans le cadre d’un plan d’apurement des créances jusqu’à 10 ans.
Et ce, tout en préservant son actif, et en échappant même au besoin à une saisie immobilière inique.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Revendication de propriété de matériel identifiable et dissociable des autres actifs
Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le dirigeant peut-il s’opposer à la revendication de propriété du matériel d’un créancier et à la restitution au motif pris que la clause de réserve de propriété ne serait pas ostensible, que son avis n’a pas été demandé et qu’il y aurait de surcroit un risque de dégradation des actifs ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre dernier qui vient aborder la problématique propre à la revendication de propriété dans le cadre de la procédure collective et dans lequel l’arrêt en question apporte des réponses précises.
En premier lieu, dans cette jurisprudence, la Cour rappelle qu’à la lecture de l’article R 624-13 alinéa 1er du Code du Commerce, ledit article n’exige pas qu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par le liquidateur.
En deuxième lieu, la Cour considère également qu’une action en revendication de propriété est bien fondée dès lors que la clause de réserve de propriété a été acceptée au plus au moment de la livraison et que le bien identifiable peut-être démonté sans risque de dégradation pour le débiteur.
En effet, la particularité de cette affaire est qu’effectivement, le matériel revendiqué était attaché à un plancher en béton.
A ce sujet, la Cour considère que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé,
Que son démontage nécessitait qu’en éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice,
De telle sorte que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel en a souverainement déduit que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage au sens de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.
Dans cette affaire la société M avait été mise en redressement judiciaire par un jugement du 2 avril 2010, Maître Y ayant été désigné administrateur.
La procédure a été, par la suite, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2010.
La société E, fournisseur de matériel de tuyauterie avait déclaré à la procédure une créance de 32 227 euros et formé, dans le même temps, une demande de revendication de propriété de matériel afin de récupérer son matériel.
Dans le cadre de la procédure en question c’est le dirigeant qui, en qualité de représentant de la société débitrice, venait contester l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait fait droit à la demande du créancier et venait solliciter le rejet des prétentions de la société E qui avait revendiqué et obtenu le matériel en question.
Il considérait notamment que si le créancier récupérait cet actif il le réaliserait à son seul profit et viendrait désintéresser en tout ou en partie sa seule créance au détriment des autres créances de la procédure collective,
Cette revendication de propriété de matériel vient clairement impacter le désintéressement des créanciers assujettis à un ordre précis de paiement strictement réglementé dans le cadre de la procédure collective entre créanciers privilégiés, rang des privilèges, et créanciers chirographaires,
Cela peut avoir une importance pour le dirigeant, caution par ailleurs, qui préfèrerait bénéficier du paiement des créances suivant le rang légal, notamment au profit de l’établissement bancaire pour lequel il serait caution,
Cela pourrait expliquer pourquoi ce dernier a imaginé contester cette revendication de propriété car il est bien évident que l’actif revendiqué en question avait vocation à désintéresser d’abord le créancier revendiquant alors que l’actif aurait pu être réalisé par les organes de la procédure collective et désintéresser en premier lieu les créanciers privilégiés.
Le débiteur vient contester la procédure de revendication de propriété sur la base de trois axes précis.
En premier lieu, il contestait avoir accepté la clause de revendication de propriété de matériel lors de la formation du contrat de telle sorte qu’elle n’était pas opposable dans le cadre de la procédure collective.
En deuxième lieu, le dirigeant considère que suivant l’interprétation qu’il fait des articles L624-9 et R624-13 du Code du Commerce, la demande de revendication de propriété doit être adressée à l’administrateur judiciaire et en cas de liquidation judiciaire au mandataire liquidateur, de telle sorte que cela n’enlevait rien au fait qu’il appartenait au créancier revendiquant d’adresser également la demande de revendication entres mains du débiteur, même en liquidation judiciaire,
Le dirigeant reproche au revendiquant de ne pas avoir respecter la procédure applicable en matière de revendication de propriété en adressant sa demande tantôt au représentant des créanciers puis à l’administrateur puis au liquidateur mais en se refusant de l’adresser au débiteur à titre personnel, de telle sorte que cela rendrait sa demande irrégulière.
Le dirigeant considère également que le matériel et les meubles ne pouvaient être démontés car cela génère un démontage risqué et risque d’occasionner des dégradations, ce qui impacterait la réalisation de l’actif en tant que tel si le créancier avait vocation effectivement à obtenir la restitution du matériel livré.
Pour autant, la Cour de Cassation ne partage absolument pas cet avis.
En effet, à la lecture de l’article L124-16 alinéa 2 du Code de Commerce, la clause de réserve de propriété devait avoir été convenue par les parties et notamment avoir été acceptée par l’acheteur au moment de la livraison, même tacitement mais à la condition que son attention ait été suffisamment attirée sur l’existence de la clause,
Ce qui impose, est-il besoin de le rappeler, que cette clause de réserve de propriété ait été ostensible isolée des autres conditions contractuelles et parfaitement visible.
Or, dans les faits, la clause apparaissait dans les devis et dans la facturation ainsi que sur le bon de livraison pour lequel le débiteur avait signé avec la mention « bon pour accord ».
Tout laissait donc à penser que le dirigeant l’avait clairement et expressément acceptée.
La Haute Juridiction considère en effet que la clause de réserve de propriété figurait bien sur les devis, sur les factures d’acomptes des 16 novembre 2005 et 30 janvier 2006 ainsi que sur celle du 23 mars 2006 émise avant la livraison pour le règlement du solde,
Par ailleurs, les deux factures d’acompte ont été payées sans observations de la part du représentant de la société débitrice qui a également apposé sur le bon de livraison la mention « bon pour accord » de telle sorte qu’il apparaissait évident que la société débitrice avait accepté la clause de réserve de propriété dans un écrouit établi au plus tard au moment de la livraison .
La demande en revendication de propriété de matériel impose une lecture attentive de l’article L124-9 et de l’article R624-13 du Code du Commerce qui rappellent que la demande en revendication de propriété ou en restitution doit être exercée dans un délai de trois mois en étant adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’administrateur ou à défaut au débiteur avec copie au mandataire judiciaire,
Aux termes de l’article L624-17 du Code du Commerce, l’administrateur avec l’accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande de revendication de propriété.
Pour autant, l’article L6247-13 alinéa 1er du Code du Commerce n’exige pas que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par un liquidateur.
Enfin et surtout, la dernière question posée à la Cour est relative au démontage et à la séparation demandée du matériel par rapport à la dalle béton.
Sur ce point, la Cour de Cassation précise que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a, en ayant relevé que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé de telle sorte que son démontage ne nécessité qu’une éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice de telle sorte que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage tel et ce, dans le parfait respect de l’esprit de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.
Que c’est salutaire puisque la Haute Juridiction rappelle en tant que de besoin que les conditions de revendication de prospérité en rappelant bien dans quelle mesure le créancier doit faire apparaitre sa clause de réserve de propriété au sein de ces devis, factures et bons de livraison.
Elle rappelle également que dans le cadre de la procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou de liquidation judiciaire, le créancier, s’il souhaite procéder à une demande de revendication de propriété de matériel et au besoin en cas de liquidation, une restitution de matériel doit respecter la procédure et doit adresser aux organes de la procédure dans un délai de trois mois les demandes en question et ce de manière distincte à la déclaration de créance qui en est faite,
De même il doit vérifier à chaque fois si le matériel revendiqué est clairement identifiable et dissociable des autres actifs de la liquidation judiciaire pour pouvoir justement récupérer sans difficulté ou en tout cas sans créer quelques préjudices que ce soient à la liquidation judiciaire.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Bail commercial, redressement judiciaire et loyers postérieurs impayés
Quelle procédure peut engager le bailleur d’un bail commercial sous le coup d’un redressement judiciaire alors que les loyers impayés sont postérieurs ? Est-il tenu d’en informer le mandataire judiciaire ? Celui-ci n’engagerait pas sa responsabilité s’il cédait le fonds de commerce en ignorant jusqu’à l’existence de l’acquisition de la clause résolutoire ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en fin d’année 2017 qui vient aborder les facultés du bailleur pour obtenir la résiliation du bail commercial alors que le redressement judiciaire a été prononcé, qu’une période d’observation est en cours, qu’un mandataire judiciaire en charge de la vérification des créances a été désigné et que surtout l’exploitant commercial en redressement judiciaire ne paye plus ses loyers postérieurs.
Dans cette affaire, le 6 août 2004, la société B a consenti à la société C un bail commercial sur des locaux lui appartenant.
La société C a été mise en redressement judiciaire le 27 avril 2007, Maître Y étant désigné mandataire judiciaire.
Or, postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire, le débiteur se retrouve à ne plus payer les loyers du bail commercial,
En effet, le locataire n’a pas réglé les loyers dus pour les mois d’avril et de mai 2008, soit postérieurement au redressement judiciaire,
Tout d’ailleurs laisse à penser que le non paiement de ces loyers postérieurs est intervenu postérieurement à l’acceptation du plan de redressement puisque la période d’observation maximale pour une entreprise en redressement judiciaire sauf demande de poursuites d’activités exceptionnelle à la seule demande du Procureur de la République est d’un an,
C’est dans ces circonstances que la société B, le bailleur, a fait délivrer à sa locataire, le 20 mai 2008, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail commercial,
Or, pendant ce temps la, et par jugement en date du 23 mai 2008, la société C, le débiteur, a été mise en liquidation judiciaire, Maître Y étant désigné liquidateur,
Fort de la liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire envisage et organise la cession du fonds de commerce exploité dans les locaux loués incluant la cession du bail commercial, dite cession autorisée par décision du juge commissaire au profit de la société T.
Il importe de préciser que la vente du fonds de commerce est intervenue le 2 octobre 2008.
Pour autant le commandement de payer du 20 mai 2008 visant la clause résolutoire avait produit ses effets faute de paiement dans le mois de sa délivrance.
Dès lors le bailleur considérait que le bail commercial consenti à la société C, désormais cédé à la société LT était résilié.
La société B a alors assigné Maître Y.ès qualité et la société T devant le Tribunal pour que soit constatée la résiliation du bail commercial et que qu’il soit ordonné l’expulsion de tout chef à ce titre.
Tout lecteur attentif comprendra bien à ce stade qu’une telle décision de justice serait lourde de conséquences quant à la cession qui a eu lieu,
Le liquidateur judiciaire se défend et prétend que l’action en résiliation du bail commercial engagée par la société B était irrecevable, et ce au visa de l’article L. 641-12, alinéa 4 du Code de Commerce,
En effet, dans sa rédaction applicable au litige ce texte précise que le bailleur peut demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail commercial pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d’ouverture de la procédure qui l’a précédé et doit, s’il ne l’a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire.
Il est original de remarquer que le mandataire liquidateur et le débiteur rappelaient que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de trois mois pour la simple et bonne raison que la liquidation judiciaire avait été prononcée le 23 mai 2008, alors que la société bailleresse avait, par actes des 10 et 25 mars 2010, saisi le Tribunal de Grande Instance aux fins de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire de telle sorte que cette action n’aurait pas été introduite dans le délai de trois mois et serait donc par là même irrecevable.
Pourtant, le calendrier s’impose,
Sauf à ce que le mandataire judiciaire confonde la signification du commandement de payer visant le clause résolutoire et l’assignation aux fins de voir constaté l’acquisition de la clause résolutoire,
Bien plus, le mandataire liquidateur reprochait au bailleur de ne pas avoir procédé à la notification du commandement de payer au mandataire judiciaire alors que la société n’était qu’en redressement judiciaire.
La Cour de Cassation de s’y trompe pas et vient apporter une réponse claire et précise sur ce point puisqu’elle considère que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C, de telle sorte que l’action est résiliation du bail commercial intentée plus de trois mois après le jugement d’ouverture conformément aux dispositions de l’l’article L. 622-14, 2° du code de commerce est recevable.
Par voie de conséquence, il n’y a pas lieu de confondre commandement de payer et assignation,
Par ailleurs, la Haute juridiction rappelle qu’aucune disposition légale n’impose au bailleur de notifier au mandataire judiciaire un commandement de payer visant des loyers échus après le jugement d’ouverture du redressement judiciaire du preneur,
De telle sorte que la Cour constate bien que les loyers impayés étaient afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire de la société C de telle sorte que le commandement de payer signifié à la seule gérante de cette société au cours de la période d’observation produit ses effets.
Dès lors, le bailleur créancier de loyers postérieurs est parfaitement en droit de procéder à la signification d’un commandement de payer entre les mains du débiteur sans nécessairement le notifier au mandataire judiciaire (il en aurait été autrement si un administrateur avait été désigné).
Bien plus encore, dans la mesure où le bailleur n’est pas obligé de le notifier, il peut donc obtenir la résiliation du bail commercial sans même que le mandataire judiciaire ou commissaire au plan soit avisé.
Il appartient au débiteur d’être parfaitement transparent avec son mandataire liquidateur car dans cette affaire, le débiteur a semble-t-il imaginé cacher l’information à ce dernier qui a, dans le cadre de la liquidation judiciaire, vendu le fonds.
L’acquisition de la clause résolutoire est lourde de conséquence,
En effet, il est bien évident que l’acquéreur risque fort de se retourner en responsabilité contre le mandataire judiciaire qui a cédé un fonds de commerce reposant sur un bail commercial dont la clause résolutoire est acquise.
Dès lors, passée l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le bailleur peut procéder à la signification d’un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail commercial au titre de paiement de loyers postérieurs sans forcément être tenu de procéder à la notification entre les mains du mandataire judiciaire.
S’il est vrai qu’il est toujours de bon aloi de le prévenir, il n’en demeure pas moins que le bailleur n’est pas tenu par ces formalités auprès du mandataire judiciaire,
Cela amène également à réfléchir à une autre problématique,
Dans l’hypothèse d’un plan de redressement qui serait obtenu et comprenant la désignation d’un commissaire à l’exécution du plan la question serait non pas tant de savoir si le bailleur doit notifier ou signifier entre ses mains le commandement de payer visant la clause résolutoire au titre du non paiement de loyers postérieurs à l’acceptation du plan de redressement judiciaire, mais de savoir si le bailleur serait tenu, lorsqu’il lance une assignation en référé pour demander au Juge de constater l’acquisition de la clause résolutoire de la faire signifier au commissaire à l’exécution du plan dans la mesure ou le fonds de commerce a fait l’objet d’une déclaration d’inaliénabilité.
En effet, il convient de rappeler que le bailleur est tenu de faire signifier son assignation à l’ensemble des créanciers inscrits.
S’il ne le fait pas à l’encontre du commissaire à l’exécution du plan au motif que ce dernier est le garant de l’inaliénabilité de l’actif visé dans le cadre du plan de redressement, cela serait il un motif d’irrevabilité de son action ?
Je ne le pense pas car il est bien évident que la décision suivant laquelle le Tribunal de Commerce prononce l’inaliénabilité du fonds de commerce et la publication n’entrainent pas une obligation du bailleur de signifier l’assignation pour la simple et bonne raison que la déclaration d’inaliénabilité sert surtout à préserver les créanciers afin d’éviter une vente intempestive de l’actif du débiteur qui le ferait dans le dos du commissaire à l’exécution du plan et au détriment des créanciers.
A mon sens, cette clause d’inaliénabilité ne peut permettre de préserver l’actif ou d’être un obstacle à la résiliation du bail commercial si les loyers postérieurs ne sont pas réglés.
En tout état de cause, la question est de savoir si le commissaire à l’exécution du plan est appelé dans la cause ce dernier pourrait-il empêcher la résiliation du bail alors qu’il n’a vocation qu’à être le garant du paiement des créanciers antérieurs sans avoir de pouvoir légal stricto sensu contre toutes créances postérieures à l’acceptation du plan ?
Dès lors, force est de constater que le sort du bail commercial, en présence de loyers postérieurs au redressement impayés, peut être tranché sans que le mandataire judiciaire soit appelé en cause, ce qui doit amener le mandataire judiciaire a procéder à quelques vérifications d’usage sans quoi, il engagerait sa responsabilité, plus particulièrement si ce dernier a eu la bonne idée de vendre le fonds sur la base d’un bail commercial résilié,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Cession des parts de la société et substitution de caution
Quelle est l’efficacité d’une clause de substitution de caution dans une cession de parts de société en redressement judiciaire face à un établissement bancaire ?
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Lyon en ce printemps 2018 et qui vient aborder la question spécifique de l’associé d’une entreprise, également caution, alors que ce dernier a procédé à une cession des parts de la société,
En effet, dans cette affaire le gérant caution était poursuivi par la banque alors même que l’entreprise avait fait l’objet d’un redressement judiciaire,
Et alors même que dans le cadre de ce redressement judiciaire une cession des parts de la société au profit d’un repreneur avait été envisagée pour permettre une bonne reprise de l’activité et au travers d’un plan de redressement viable,
Cette cession des parts au profit du tiers repreneur s’accompagnait dans l’acte de cession d’une reprise de l’engagement de la caution.
La pratique montre bien que si l’idée même d’un plan de redressement de l’entreprise avec une cession des parts par un tiers repreneur peut avoir quelque avantage il n’en demeure pas moins qu’il peut arriver que le vendeur de parts, par ailleurs gérant et caution, omette son sort particulier en qualité de caution et ne s’assure pas de pleine et parfaite effectivité de la transmission de l’engagement de la caution qui devrait normalement accompagner la cession de parts.
Dans cette affaire, la société E avait été constituée en octobre 98 et avait pour activité la vente de jouets sous une enseigne bien connue les consorts D étant titulaires de toutes les parts de la société et Monsieur D était par ailleurs le gérant de la société.
C’est dans ces circonstances que par acte du 28 août 2009 Monsieur D s’était porté caution solidaire de toutes les obligations dont la société E pourrait être tenue à l’égard de la banque dans une limite de 20 000 euros et ce pour une durée de 10 ans.
C’est cet engagement de cautionnement de tout engagement qui mérite bien souvent d’être contesté car même si dans le cas présent le plafond reste raisonnable, il n’en demeure pas moins que dans d’autres cas d’espèces les montants sont parfois bien plus importants et mettent en difficulté le gérant qui n’appréhende pas forcément au moment de la signature de l’engagement de caution, sa portée.
Car, il est vrai que dans cette affaire, en vue du financement de l’ouverture d’un nouveau magasin, la banque avait alors consenti, le 18 mai 2010, à la société E un prêt d’équipement de près de 225 000 euros, ce qui ni n’est pas rien,
Par acte du même jour, Monsieur D s’était alors porté caution solidaire de ce prêt en sus du premier engagement de caution dans la limite de 45 000 euros.
Enfin et surtout, la société E avait également souscrit le 31 mai 2013 un billet à ordre tiré sur le compte de la banque d’un montant de 75 000 euros avec l’aval de son gérant, et une échéance au 30 octobre 2013.
Cependant, difficultés économiques faisant, le Tribunal de Commerce de Bourg en Bresse avait, en juin 2013, prononcé le redressement judiciaire la société E.
De même, la banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire pour la somme de 246 123,46 euros.
Par suite, en l’état de l’ouverture de la procédure collective, et par acte du 15 octobre 2013 la banque a assigné Monsieur D, en sa qualité de caution, et ce, en l’état de l’arrêt des poursuites individuelles, afin que le Tribunal de Commerce déclare sa créance à l’encontre de la caution bien fondée, et prononce le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure de redressement initial.
Il est bon effectivement de rappeler qu’à ce stade, en cas d’un redressement judiciaire, si la jurisprudence et les textes permettent au créancier de prendre des garanties à l’encontre de la caution, il n’en demeure pas moins que le principe de l’arrêt des poursuites individuelles empêche la banque de poursuivre l’entreprise mais également le gérant caution, au moins pendant l’année du redressement judiciaire.
Pour autant, cela n’avait pas arrêté la banque qui avait souhaiter ses garantir envers la caution,
Or, au cours de la période d’observation, les consorts M ont souhaité se porter acquéreurs de l’entreprise en difficulté, ces derniers souhaitant reprendre l’entreprise et lui donner un second souffle,
Les consorts M ont déposé une offre de reprise de la société E auprès de l’administrateur,
Pour permettre cette reprise, ils ont ensuite acquis, par acte sous seing privé du 28 octobre 2013, l’ensemble des parts sociales des consorts D sous la condition de l’homologation de leur projet de reprise par le Tribunal de Commerce,
Cette condition était naturellement inévitable en droit de l’entreprise en difficulté,
Mais surtout, l’acte prévoyait également la reprise par les consorts M des engagements de caution des consorts D.
Cela était aussi la suite logique de la cession des parts,
Cela était parfaitement logique,
Il est bien évident que dans l’hypothèse où les consorts D procédaient à la cession des parts et vendaient leur entreprise, ils devaient dans le même temps se libérer de toute forme d’engagement à l’encontre d’une société qui n’était désormais plus la leur,
L’un n’allant pas sans l’autre,
Ce qui, au moment de l’acte ne semblait pas déranger les repreneurs qui avaient clairement signé l’acte de cession des parts, avec en son sein, la clause non équivoque de la reprise de l‘engagement de caution.
Or, comme à chacun sait, il faut savoir battre le fer pendant qu’il est encore chaud,
Il n’est pas rare de constater que si les actes de cession des parts prévoient le transfert du cautionnement, cela est rarement suivi d’effet, ce qui peut créer de nombreuses difficultés, comme tel est le cas en l’espèce, lorsque la banque finalement poursuit les cautions initiales.
C’est dans ces circonstances que, par jugement du 31 octobre 2013, le Tribunal de Commerce a autorisé la cession des parts et que par jugement du 15 janvier 2014, le même Tribunal de Commerce a arrêté le plan de continuation présenté par la société E prévoyant notamment le remboursement sur 10 ans des créances bancaires.
Que pour autant, malheureusement, les repreneurs n’ont pas su être à la hauteur des espérances du Tribunal de Commerce et des cédants, de telle sorte que par la suite ladite entreprise a fait l’objet d’une liquidation judiciaire,
La banque a alors repris ces poursuites contre la caution, savoir Monsieur D, afin de réclamer le paiement de la somme de 134 429,15 euros outre intérêts.
C’est dans ces circonstances que les consorts D ont tenté d’échapper à leur responsabilité en premier lieu en opposant à la banque un manquement aux obligations de proportionnalité du prêt et des engagements de caution, et également un manquement aux obligations de conseil de mise en garde,
Ils ont enfin opposé à la banque le fait que la cession de parts prévoyait des substituions de cautions de telle sorte qu’il appartenait aux consorts M de les garantir des sommes pour lesquelles ces derniers pourraient être condamnés.
Concernant la question de disproportion, la Cour vient sanctionner le cumul des engagements de caution,
En effet, elle souligne que le simple fait que le dirigeant déclare au titre de ses engagements un cautionnement antérieur il appartenait à la banque de vérifier si ce nouvel engagement de caution était supportable, en sus du premier,
A défaut, le nouvel engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus et ses engagements antérieurs.
En effet, la Cour d’Appel tirant toute conséquence de cette disproportion, souligne qu’il appartenait à la banque de démontrer que le patrimoine de Monsieur D lui permettait de faire face à ses nouvelles obligations au moment où elle l’a appelé.
Mais plus encore, la Cour considère que la disproportion pouvait, (et devait ?), s’apprécier au jour du jugement qui a arrêté le plan de redressement date à laquelle l’obligation de Monsieur D, dirigeant caution, est devenue exigible.
Enfin, et surtout, la Cour d’appel apporte une réponse à l’appel en garantie de l’ancien dirigeant dirigé contre les repreneurs de la société, les consorts M.
Monsieur D considérait que l’appel en garantie du nouveau porteur de parts, qui s’était engagé dans l’acte de cession de parts à reprendre les engagements de caution, était parfaitement fondé au motif pris qu’aucune action contre la caution n’avait été exercée préalablement à la cession des parts,
De telle sorte que l’engagement devait forcément être repris par les consorts M,
Pour autant, la réalité factuelle révélait que l’assignation par laquelle la banque avait pris soin de se garantir nonobstant l’arrêt des poursuites individuelles était antérieure à la cession de parts,
De telle sorte que le repreneur, Monsieur M, ne serait pas tenu par une poursuite antérieure à la cession des parts et à la reprise des engagements de caution subséquentes,
Monsieur D tente de s’en défendre en expliquant notamment qu’il ne fût pas informé de l’action de la banque, l’assignation du 15 octobre 2013, ne lui ayant pas été délivrée à personne, que cette assignation ne faisait pas mention d’une demande effective de l’engagement de caution qu’il a souscrite.
Que surtout, dans la mesure ou l’action initiale n’était que « conservatoire », l’idée de Monsieur D était de considérer que ses véritables demandes en paiement ne s’étaient exprimées que par la suite, soit, au mois d’avril 2014,
De telle sorte que les véritables demandes en condamnation découlant cette action était réellement survenu postérieurement à l’acte de cession des parts qui est intervenu le 28 août 2013,
De telle sorte que l’engagement de Monsieur M de garantir les cédants contre toute action de la part de créancier pour des faits postérieurs à la cession de parts était parfaitement valide et non équivoque.
Or, dans l’acte de cession qui avait été conclu entre les vendeurs de parts et les repreneurs en date du 28 août 2013 notamment sur l’article intitulé « substitution de caution, engagement des cessionnaires »,
Lequel précisait qu’après avoir inventorié les créances pour lesquelles les époux D s’étaient portés caution solidaire, Monsieur M prend l’engagement de se porter caution personnelle et solidaire de la société au lieu et place des consorts D et sous les mêmes conditions à l’effet de garantir lesdits paiements et obligations et de proposer toute autre garantie acceptée par les créanciers suffisait, le tout de façon que les consorts D soient relevés de leurs engagements de caution qu’ils ont souscrit et dégagés de toute obligation à cet égard.
La même clause prévoyant que Monsieur M s’obligeait à garantir les cédants contre toute action de la part de chacun des créanciers susvisés pour des faits postérieurs à la cession des parts et à leur rembourser immédiatement toute somme qu’ils pouvaient être tenus de payer à ce titre.
La clause était-elle si claire que ca ?
La Cour d’appel, quant à elle, interprète cette clause en ce sens que la substitution ne jouerait qu’en cas de poursuites par des créanciers qu’elle désigne contre monsieur D en sa qualité de dirigeant caution pour des faits exclusivement postérieurs à l’acte de cession de parts.
Cette décision peut sembler d’autant plus curieuse que dans le corps de sa décision, la Cour, considère, au visa de l’article L622-28 alinéas 2 et 3 du Code du Commerce, que dans la mesure où le créancier bénéficie d’un cautionnement consenti par une personne physique en garantie de la dette d’un débiteur principal mis ensuite en redressement judiciaire, peut prendre des mesures conservatoires sur les biens de la caution.
La question se pose alors de savoir si l’assignation du 15 octobre 2013, délivrée à la requête de la banque, peut s’analyser en véritable mesure de poursuites contre Monsieur D en sa qualité de caution aux fins d’obtenir on d’un titre exécutoire même si l’instance introduite par cette assignation a été suspendue jusqu’au jugement du plan de redressement par l’effet de l’article L122-28 du Code du Commerce.
A bien y croire la Cour, cela semble être le cas,
Elle considère, ce qui peut sembler bien contestable, que la clause de substitution ne peut être invoquée à l’encontre de Monsieur M dans la mesure où l’acte de poursuite de Monsieur D, en qualité de dirigeant caution, était antérieur à la cession des parts sociales,
Dès lors, il y a lieu de rejeter l’appel en garantie fait par Monsieur D à l’encontre de Monsieur M.
Cette décision est intéressante à bien des égards.
En premier lieu elle rappelle que la banque ne peut cumuler les engagements de cautionnement sans exposer au dirigeant à une problématique de disproportionnalité des engagements.
En deuxième lieu, et surtout, elle rappelle, que dans l’hypothèse d’une cession des parts qui prévoit une substitution d’un engagement de caution par le repreneur il importe de n’oublier aucun engagement de caution et de bien s’assurer de l’efficience de la reprises desdits engagements,
Bien plus, il est à mon sens important d’établir cette cession des parts au contradictoire des banques partenaires afin que celles-ci soient parfaitement informés de ce transfert d’engagements de caution,
Idéalement, il serait bon que les cédants de parts obtiennent un accord express de la banque quant à la reprise des engagements de caution par le repreneur,
Sans quoi, immanquablement, l’ancien dirigeant se retrouve encore et toujours exposé à des poursuites par la banque en cas de déconfiture de l’entreprise,
Il est alors tout aussi contraint d’appeler en garantie le repreneur qui ne manquerait pas de faire preuve d’imagination juridique afin d’échapper à ces fameux engagements de cautionnement.
Sans quoi, il peut sembler bien injuste à bien des égards que ce cédant se retrouve à supporter un engagement de cautionnement après qu’il ait vendu sa société alors que justement les poursuites de la caution découlent bien souvent des erreurs ou de la mauvaise gestion, et donc de la confiture de l’entreprise qui serait du fait du nouveau repreneur.
Pour autant, la question de la transmission de l’engagement de caution dans le cadre d’une cession de parts ne doit surtout pas être prise à la légère,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Rejet de chèque, information préalable et responsabilité
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en juin 2017 qui vient aborder la question spécifique du rejet de chèque, du rejet de plusieurs chèques établis par une société qui s’est retrouvée par la suite en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.
Il vient aborder la question de l’information préalable que doit adresser la banque au titulaire du compte.
Et ce, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un professionnel,
La banque est en effet tenue, préalablement au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, de prévenir son client afin que celui-ci soit en mesure de ré créditer le compte et d’éviter toutes difficultés bancaires et financières.
Il convient de rappeler que l’article L131-73 du Code Monétaire et Financier prévoit que :
« Le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les mandataires de son client ».
Cet arrêt est intéressant car il vient aborder deux points précis.
Tout d’abord, il aborde la question de la responsabilité de la banque qui a manqué à son obligation d’information préalable en cas de rejet de chèque et vient aborder en second lieu la question de l’indemnisation et du préjudice qui aurait été subi en l’état de la faute commise par la banque.
Mais surtout cet arrêt est d’autant plus intéressant qu’il aborde la question du préjudice pour la société commerciale.
Dans cette affaire, la société VE a conclu une convention d’ouverture de compte courant avec l’établissement bancaire avec une autorisation de découvert.
En mars et en mai 2006, la banque a rejeté plusieurs chèques pour défaut de provision,
Or, aprés avoir été mise en redressement judiciaire, la société VE a assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit et pour défaut d’information préalable au rejet des chèques émis sans provision suffisante.
La société VE ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 mai 2008, la SCP X, a été désignée en qualité de liquidateur, puis est intervenue à l’instance es qualité.
La société VE faisait grief à la banque d’avoir manqué à son obligation de bonne foi en rejetant, sans aucune information préalable pourtant prévue par l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, plusieurs dizaines de chèques et en mettant ainsi fin au découvert autorisé.
La question était de savoir si la banque avait remplie ses obligations,
La banque en semblait persuadée,
Pour autant, il n’en est strictement rien.
C’est dans ces circonstances que la société VE a entendu engager la responsabilité de l’établissement bancaire,
Elle lui reproche surtout d’avoir adressé des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés.
A ce sujet, il est bien évident qu’il y a matière à distinguer un particulier d’une société ou d’un commerçant qui peut émettre un certain nombres de chèques pour lesquelles il a besoin d’un soutien de l’établissement bancaire qui en qualité de partenaire privilégié de son activité a vocation à lui apporter toutes les réponses utiles
Plus particulièrement en l’informant des chèques en question.
Il est bien évident que le nombre de chèques émis par un professionnel a vocation à représenter un volume bien plus important qu’un simple particulier,
Le 6 mars 2006, la banque avait informé la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement d’un chèque »
Pour autant, cette lettre n’identifie pas le chèque en cause, et par la suite, aucun avertissement n’a été adressé par la banque pour les 32 chèques rejetés le 10 mars 2006 et le 29 mai 2006,
La banque avait alors indiqué à la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement des chèques venant d’être présentés et elle a mis fin à la convention de compte.
Sur le terrain factuel, il ressort clairement que la banque s’était bien gardée d’apporter quelques précisions sur les chèques en question.
In fine, cette jurisprudence est satisfaisante,
Elle consacre clairement la responsabilité de la banque pour avoir manqué à son obligation d’information préalable du titulaire du compte fut il un client professionnel.
Pour autant, la réponse à la première question en appelle forcément une deuxième,
En effet, le vrai débat concerne l’indemnisation du préjudice subi.
Sur cette question spécifique, la Cour de Cassation est beaucoup plus sévère,
Elle sanctionne la Cour d’Appel qui a condamné la banque à payer au liquidateur une somme correspondant au solde débiteur du compte,
Alors qu’après avoir énoncé que les dispositions de l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier prévoient une information de la banque au titulaire du compte, préalable au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, elle a retenu que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés à sa cliente qui est fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques en cause ;
Pour autant, sur la question spécifique de l’indemnisation du préjudice né du rejet de chèque indu, la Haute Cour ne partage pas l’avis de la Cour d’Appel.
En effet, la Cour d’appel avait indemnisé l’entreprise à hauteur du solde débiteur du compte,
Mais la Cour de Cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant du défaut de délivrance de l’information prévue par l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque,
De telle sorte que la cour d’appel aurait violé le texte susvisé.
Concernant le préjudice, la Cour de Cassation considère que le préjudice ne peut-être fixé à hauteur du découvert du seul débiteur du compte puisque la véritable problématique était relative au rejet des chèques mais surtout à la capacité qu’avait l’entreprise à couvrir le compte bancaire pour pouvoir faire face aux chèques rejetés en question.
Sur ce point, la Cour de Cassation est un peu sévère,
Elle considère qu’il y a matière à réflexion sur la réparation du préjudice subi car la Cour d’Appel aurait du rechercher si le paiement des chèques litigieux par la banque n’aurait pas porté lé débit du compte de sa cliente au-delà du découvert autorisé.
La véritable question est de savoir si celle-ci aurait été en mesure de faire face à ses obligations et donc de payer les créances en question.
Dès lors c’est à juste titre que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel ne pouvait confondre le solde débiteur du compte et le préjudice subi par l’entreprise qui ne peut s’entendre que comme la perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.
La question du préjudice est à mon sens un sujet important car retenir la faute de l’établissement bancaire est une chose et quantifier le préjudice à sa juste mesure en est une autre,
Pourtant le sujet de l’indemnisation et de la quantification du préjudice est extrêmement important.
Plus particulièrement en liquidation judiciaire afin de désintéresser les créanciers admis au sein de la procédure collective,
La décision est quand même à saluer dans son ensemble et ce pour deux raisons, même s’il y a de quoi « rester sur sa faim »,
Il est vrai qu’elle vient clairement caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire
Il est tout aussi vrai qu’elle vient apporter certaines précisions sur la question de l’indemnisation.
Cependant, à mon sens, le raisonnement est incomplet,
Il est bien évident que l’établissement bancaire en l’état des impayés a clôturé le compte et donc généré une cotation près de la Banque de France qui a donné une « mauvaise image » de l’entreprise VE et dès lors celle-ci s’est immanquablement retrouvée handicapée,
Cette situation était génératrice de perte de confiance absolue de ses partenaires économiques.
Sur ce point, il est bien évident que le préjudice ne peut se cantonner à la seule perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.
Car il ne faut pas oublier que passé l’étape des chèques rejetés, la banque a clôturé le compte bancaire de l’entreprise et l’a affligé d’une « cotation bancaire » désastreuse pour la confiance financière que la société VE souhaitait entretenir avec ses partenaires économiques,
Dès lors, le préjudice doit être regardé dans un champ indemnitaire bien plus large,
Cette jurisprudence, qui pouvait sembler réductrice sur la question indemnitaire peut sembler incomplète, et pourrait, par une analyse plus extensive, permettre de faire supporter l’intégralité du passif de la procédure collective par l’établissement bancaire qui a eu un comportement abusif et non conforme à la Loi et à la jurisprudence en vigueur.
Plan de sauvegarde ou de redressement et options offertes aux créanciers
Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Nîmes qui vient aborder la question spécifique du projet de plan de redressement judiciaire ou de sauvegarde dans lequel, le chef d’entreprise en difficulté fait des propositions de règlement des dettes à l’ensemble de ses créanciers.
Il convient de rappeler que le propre du redressement judiciaire ou de la sauvegarde est d’obtenir un plan pour désintéresser les créanciers sur 10 ans.
Ces procédures représentent bon nombre d’avantages car tant le redressement judiciaire que la sauvegarde arrêtent les poursuites individuelles et permettent à l’entreprise en difficulté de trouver un second souffle économique malgré les difficultés qu’il rencontre, de mieux affronter la cessation des paiements présente ou à venir et de régler ses créanciers sur 10 ans sans intérêt à l’exception des créances bancaires.
Cela permet également de recréer une phase de négociation avec les créanciers, dite négociation tantôt individuelle et tantôt collective.
Le propre du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire est de permettre alors au chef d’entreprise en difficulté de présenter des propositions de règlement de dettes réduites au besoin.
Il convient de rappeler que le plan peut aller jusqu’à 10 ans et ne peut malheureusement dépasser cette période.
Cela est un délai assez long pour imaginer pallier à la carence d’un établissement bancaire qui se refuserait de refinancer à grand renfort d’intérêts une situation de trésorerie difficile ou une passe économique conjoncturelle difficile.
Cette procédure permet en premier lieu de bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles, de ne pas avoir pendant près d’un an soit deux fois 6 mois de période d’observation, voire une ultime période de 6 mois sur la seule demande du Procureur de la République, de recréer une trésorerie et par la suite de présenter un plan étant rappelé qu’in fine, la première échéance du plan a vocation à être réglée à la date anniversaire du plan homologué.
Ce n’est qu’à la fin de la première année du plan que la première échéance est due même s’il est fréquent de voir que le jugement de sauvegarde ou de redressement judiciaire invite le chef d’entreprise à verser régulièrement par mois ou par trimestre au mandataire judiciaire une partie de l’échéance pour qu’à la date anniversaire du plan afin que ce dernier puisse régler l’ensemble des créanciers.
Une des réformes de la loi du 26 juillet 2005 étant notamment, non plus de vérifier que le chef d’entreprise ait réglé l’échéance annuelle à ses créanciers mais bel et bien que l’argent demeure entre les mains du commissaire à l’exécution du plan qui a vocation, une fois par an, à régler les créanciers.
Le seul bémol relatif à ce plan de redressement judiciaire sans intérêts demeure peut être le coût des frais de justice puisque le redressement judiciaire représente un coût certain et le commissaire à l’exécution du plan a pour habitude également de prendre une quote part de frais à chaque date anniversaire du plan pour assurer le suivi du dossier.
Ce projet de plan doit être établi bien avant la fin de la période de sauvegarde ou de redressement judiciaire pour la simple et bonne raison qu’à la fin de ladite période, le plan doit être rendu ce qui amène le rédacteur du projet à imaginer remonter le temps pour pouvoir avoir un jugement rendu, un délibéré convenable, une date d’audience précédente et cela, tout en respectant le délai de consultation des créanciers car le mandataire judiciaire a l’obligation, conformément à la loi, de faire état de ces propositions à l’ensemble des créanciers qui ont 30 jours pour répondre.
L’établissement du plan de redressement judiciaire et les propositions qui s’en suivent doivent être considérées comme une opportunité économique et financière de négociation avec les créanciers pour trouver des propositions intéressantes pour les deux parties du règlement des dettes en question.
Il ressort de cet arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes que par jugement en date du 26 juin 2013, le Tribunal de Commerce avait ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre d’une société.
La période d’observation avait été renouvelée et un plan de sauvegarde avait été soumis à l’ensemble des créanciers par le mandataire judiciaire et c’est dans ces circonstances que le Tribunal de Commerce avait arrêté le plan de sauvegarde de l’entreprise dans les conditions suivantes :
➢ Arrête le plan de sauvegarde organisant la continuation de l’entreprise selon la proposition du projet de plan sauf à préciser que les créanciers qui n’ont pas répondu ne peuvent se voir imposer la proposition n°1 et devront être remboursés à 100% sur 9 ans
➢ Donne acte aux créanciers de l’entreprise des délais et remises acceptés dans les conditions prévues par l’article L 626-18 du Code de Commerce
➢ Dit qu’en ce qui concerne les créanciers ayant accepté l’option 1, 25% pour solde de tout compte, ce dividende unique interviendra au plus tard le 27 mai 2016 par l’intermédiaire du commissaire à l’exécution du plan.
➢ Précise pour l’option n°2, 100% sur 9 ans que le règlement intégral du passif sera effectué auprès du commissaire à l’exécution du plan de la société sur 9 ans par échéance mensuelle, la répartition auprès des créanciers se faisant tous les ans.
➢ Dit que les dividendes seront versés entre les mains du commissaire à l’exécution du plan sous réserve d’une admission définitive.
Pour autant, la société débitrice ayant interjeté appel dudit jugement, en demandant à la Cour d’Appel de l’infirmer en ce que le Tribunal de Commerce a jugé que le plan arrêté comprenait un remboursement à 100% selon l’option 2 pour les créanciers n’ayant pas répondu à la consultation dans le délai de 30 jours et de décider que pour ces créanciers, les modalités de remboursement seraient les suivantes : un paiement pour solde de tout compte de 25% à la date anniversaire de l’adoption du plan .
Le commissaire à l’exécution du plan s’est associé à cette demande en rappelant qu’au terme de l’article L 626-5 du Code de Commerce, le défaut de réponse vaut acceptation et que dès lors les termes du projet soumis aux créanciers étaient clairs, le Tribunal pouvait en effet imposer l’option n°1 aux créanciers saisissant.
En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que rien n’empêche le chef d’entreprise de faire plusieurs propositions et qu’il n’y aurait pas vocation de se satisfaire nécessairement de la seule proposition de 100%sur 10 ans.
Dans la mesure où le créancier a été touché par le mandataire judiciaire, par un courrier recommandé, rien n’empêche d’imaginer affecter à une option peut être désavantageuse pour le créancier mais avantageuse pour le chef d’entreprise en difficulté de lui imposer une option dans l’hypothèse où le créancier ne répondrait pas.
A défaut de réponse, il est vrai que la pratique montre que le Tribunal de Commerce et surtout le procureur de la république qui est présent à toutes les audiences viennent à préserver les droits des créanciers au motif pris que ces derniers n’ayant pas répondu, il y aurait vocation de facto à leur fixer un remboursement de leur créance dans le cadre d’un plan à hauteur de 100% sur 9 ans.
Pour autant il n’en est rien.
Il convient de rappeler l’essence même du droit des entreprises en difficulté qui dès les réformes de 1967, 1985, 1994, 2005 ou encore 2012 vient clairement rappeler qu’il appartient aux créanciers d’être diligents dans le cadre de la procédure collective et que le chef d’entreprise en difficulté, en qualité de débiteur, a le droit de bénéficier des avantages des dispositions du droit des entreprises en difficulté qui ont vocation à le préserver, à l’empêcher de faire une faillite et une liquidation judiciaire et lui permettre de faire face à ses obligations.
Par voie de conséquences, la contestation de créance et une proposition d’option particulièrement favorable au débiteur dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire sont de mises pour justement permettre au chef d’entreprise de désintéresser les créanciers méritants ou en tout cas ceux qui sont réactifs.
Il est encore acquis qu’en pareille matière, plus le passif a vocation à être réduit comme peau de chagrin et plus le chef d’entreprise en difficulté sera à même d’y faire face et de régler les créances.
Par voie de conséquences, il est regrettable de constater que tant le procureur de la république que certains Tribunal de Commerce croient bon malmener cette philosophie législative visant à permettre au chef d’entreprise de mieux faire face aux difficultés qu’il rencontre.
Pour autant, la Cour d’Appel de Nîmes est sensible à cette approche commerciale et vient effectivement consacrer l’idée selon laquelle le créancier qui n’a pas répondu a vocation à supporter l’option choisi dans l’intérêt du chef d’entreprise en difficulté et non pas choisi par le Tribunal de Commerce dans l’intérêt éventuel du créancier qui n’a pas daigné répondre.
En effet, la Cour d’Appel dans cet arrêt considère que dès lors que les créanciers ont été parfaitement informés des conséquences du défaut de réponse aux propositions formulées lors de la consultation et notamment lors de l’option retenue dans ce cas, le Tribunal ne peut refuser de faire application de cette option.
La Cour d’Appel rappelle qu’au terme de l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce lorsque les propositions pour le règlement des dettes portent sur des délais et remises, le mandataire judiciaire recueille l’accord de chaque créancier qui a déclaré sa créance.
Pas plus le décret du 28 décembre 2005 que la loi du 26 juillet 2005 ne règlementent le contenu de la consultation des créanciers, l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce évoquant seulement les délais et remises proposées par le débiteur.
Bien que cette situation soit fréquente, la possibilité de propositions alternatives n’est pas prévue par le Code de Commerce, l’article L 626-5 alinéa 2 du Code de Commerce, prévoit qu’en cas de consultation par écrit, le défaut de réponse dans le délai de 30 jours, à compter de la réception de la lettre du mandataire judiciaire vaut acceptation.
Dans le souci d’améliorer les chances de redressement de l’entreprise, le législateur présume que le défaut de réponse dans le délai emporte acceptation des propositions de règlement du passif.
Ainsi le créancier qui a répondu négativement à la consultation, ne peut effectivement se voir imposer des remises de dettes mais seulement des délais (article L 626-18 du Code de Commerce), le créancier consulté qui n’a pas répondu s’expose cependant à voir son silence interprété comme l’acceptation des propositions qui lui sont faites.
En effet, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, s’il est incontestable que la renonciation à une créance admise en son principe à la suite d’une déclaration de créance ayant valeur de demande de justice ne saurait résulter d’une renonciation implicite, le créancier taisant, dès lors qu’il a été régulièrement consulté sur un projet faisant apparaître clairement les différentes propositions de règlement de dette et les conséquences du défaut de réponse des créanciers, peut se voir imposer une remise à laquelle il a tacitement consenti par son abstention.
En l’espèce, il est justifié que le projet de plan a été régulièrement adressé à l’ensemble des créanciers et notamment au créancier G qui en a accusé réception le 26 novembre 2014.
Ce projet prévoyait expressément 2 alternatives :
• options n° 1 : règlement des créances à hauteur de 25 % pour solde de tout compte dont le paiement interviendra à la date anniversaire de l’adoption du plan par le Tribunal de Commerce
• option n° 2 : remboursement de la créance admise à hauteur de 100 % sur 9 années en 9 versements annuels, à concurrence de 5 % la 1ère année, 7,50 % la 2ème année, 10 % au titre des 4 années suivantes, 15 % pour les 7ème et 8ème année et 17,50 % la 9ème année.
Le projet de règlement des dettes adressé au créancier contenait un paragraphe abstention ou refus des créanciers rédigé comme suit «le défaut de réponse à ces propositions amènerait l’entreprise à opter pour la solution qui lui paraîtra la plus favorable, en l’espèce l’option 1, savoir paiement des créances définitivement admises à hauteur de 25 % pour solde de tout compte conformément aux dispositions légales».
Les créanciers ont donc été parfaitement informés des conséquences de leur défaut d’acceptation ou de défaut de réponse, la société précisant expressément quelle serait l’option retenue si le créancier n’acceptait pas les propositions formulées ou s’abstenait de répondre.
Il convient en conséquence de constater qu’à défaut de réponse dans le délai de 30 jours qui leur étaient impartis, les créanciers ont accepté implicitement que l’option n° 1 leur soit appliquée, avec les remises de dettes subséquentes.
Le Tribunal a donc à tort refusé de faire application de l’option1 aux créanciers n’ayant pas répondu.
De telle sorte que la Cour d’appel réforme la décision sur ce point,
Cette décision est salutaire.
Il important que le Tribunal de Commerce en ait connaissance car elle permet au débiteur de profiter de la carence ou du silence des créanciers en leur imposant des options qui sont immanquablement favorable au chef d’entreprise en difficulté et donc il appartient aux créanciers si ceux-ci n’entendent pas accepter cette proposition de se manifester.
Indemnité de recouvrement et déclaration de créance bancaire en procédure de sauvegarde
Il convient de s’intéresser a un arrêt rendu en ce printemps 2017 qui vient aborder la question spécifique de l’indemnité de recouvrement dans le contenu d’une déclaration de créances établie par un établissement bancaire contre l’un de ses débiteurs, en difficulté économique, en cessation des paiements, et qui se place sous le coup d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire,
Or, dans pareil cas, l’établissement bancaire ne manque pas de déclarer sa créance et ne manque surtout pas de l’agrémenter d’un grand nombre de frais divers et variés, d’intérêts majorés ainsi que des pénalités ou bien encore indemnité de recouvrement.
Or, chacun sait que la phase de déclaration de créances est cruciale, notamment parce qu’elle est insérée dans un délai assez court sous peine de forclusion tantôt de la déclaration de créances elle même, tantôt du surplus non déclaré de la créance,
Ce délai court de déclaration de créance et la forclusion qui l’accompagne amènent les créanciers à déclarer des créances avec un montant presque toujours majoré, quitte à rectifier à la baisse par la suite, l’inverse n’étant juridiquement pas possible,
Cette pratique « logique » pour le créancier est toujours source d’inquiétude pour le chef d’entreprise qui se retrouve très souvent au mois de 3 mois de procédure collective avec un passif bien supérieur à ce qu’il avait initialement imaginé.
Cette pratique donne tout son sens à la phase de vérification des créances qui est le véritable nerf de la guerre économique et psychologique en procédure collective,
En effet, la fixation du passif au sein de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire détermine toujours la faisabilité du plan de sauvegarde ou de redressement qui sera présenté pour les 10 prochaines années sur la base d’un prévisionnel.
A défaut, si l’entreprise tombe en liquidation judiciaire, ce même passif devient un élément déterminant utilisé par le mandataire judiciaire, le Procureur de la République, le Juge Commissaire ou encore le Tribunal de Commerce pour envisager la responsabilité du chef d’entreprise face à l’insuffisance d’actifs importante de la procédure collective,
En tout état de cause, cette jurisprudence est salutaire car elle vient mettre à mal l’établissement bancaire qui croit bon pouvoir déclarer, en sus de la créance due, une indemnité de recouvrement,
Dans cette affaire la banque avait consenti un prêt à une société PT,
Cette dernière ayant été mise en sauvegarde le 6 avril 2011, la banque a déclaré une créance correspondant à l’intégralité du capital prêté à échoir, majoré d’une indemnité de recouvrement stipulée au contrat de prêt,
Cette indemnité avait été contestée par le débiteur,
De prime abord à juste titre,
Dans l’hypothèse où le Juge Commissaire n’était pas nécessairement compétent pour trancher cette difficulté en matière de vérification et d’admission des créances, le contentieux avait été renvoyé au fond afin que la créance soit clairement et définitivement fixée.
La Cour de Cassation rappelle qu’au terme de l’article L 620-1 du code de commerce ;
« Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. «
Ces dispositions d’ordre public sont claires et rappellent que le recours à une procédure de sauvegarde doit nécessairement conduire à faciliter la survie de l’entreprise, prévenir l’état de cessation de paiements ou en tout cas y remédier.
Cela est d’autant plus vrai que l’article L 622-13 du code de Commerce précise que nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.
Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d’exécution par le débiteur d’engagements antérieurs au jugement d’ouverture.
Le défaut d’exécution de ces engagements n’ouvre droit au profit des créanciers qu’à déclaration au passif.
Des lors la décision de l’entreprise de se placer sous la protection judiciaire ne peut pas être librement envisagé si la conséquence immédiate consiste à se retrouver avec un passif majoré et une situation financière aggravée.
La Cour de Cassation est parfaitement fondée à considérer que : « La clause qui alloue au prêteur une indemnité de 5 % de sa créance dans le cas où la banque serait obligée pour recouvrer sa créance de produire un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire ; que cette clause aggrave la situation du débiteur lorsque ce dernier n’est pas défaillant à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective, ceci d’autant plus quand il n’y a aucune échéance de retard et même dans cette hypothèse, cela n’implique pas nécessairement la résiliation du contrat ».
En effet par application de l’article L 622-13 du code de commerce le contrat a vocation à se poursuivre et l’établissement bancaire a vocation à déclarer sa créance au titre de l’arriéré.
En tout état de cause, il ne saurait y avoir droit à une indemnité de recouvrement sur la base d’un capital à échoir qui n’a pas été échu et n’a pas fait l’objet d’une quelconque déchéance du terme.
Pour autant la banque tente de combattre ce raisonnement juridique en rappelant en tant que de besoin que la clause contractuelle l’emporte et que la clause n° 10 prévoyait une indemnité de 5 % dans le cas où la banque serait obligée de recouvrer sa créance par voie judiciaire ou extrajudiciaire ou de produire celle-ci à un ordre judiciaire quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire étant par ailleurs précisé qu’à ce stade, il ne s’agissait nullement d’un redressement judiciaire mais d’une procédure de sauvegarde.
La banque considère que le contrat de prêt s’entend comme un contrat en cours au sens de l’article l’article L. 622-13 du code de commerce et croit bon soutenir que les juges du fond ne peuvent dénaturer les termes clairs et précis des actes qui leur sont soumis.
Pour autant la Cour de cassation ne s’y trompe pas et souligne qu’un contrat de prêt n’est pas un contrat « en cours », et qu’il est loisible de reprocher à la banque d’avoir calculé le montant de l’indemnité de recouvrement sur l’intégralité du contrat et non sur d’éventuelles échéances impayées au jour de l’ouverture de la procédure de sauvegarde de l’emprunteur.
Cette décision est salutaire,
Sans quoi l’établissement bancaire pourrait imaginer que la simple ouverture d’une procédure de sauvegarde conduirait, in fine, à la résiliation du contrat en cours,
Fort heureusement, tel n’est pas le cas,
L’admettre serait donner force à la résiliation du contrat de prêt dans le cadre d’une procédure collective, dite résiliation du contrat qui serait de nature à rendre exigible le montant intégral de la créance ainsi que l’indemnité de recouvrement qui irait de pair,
Or, tel n’est pas le cas,
Si le juge commissaire a vocation à fixer la créance correspondant au capital prêté dans son intégralité et à échoir, il n’en demeure pas moins que le prêt n’est pas exigible à la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la débitrice et que cette dernière n’était pas défaillante dans l’exécution de ses obligations,
Dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel, après avoir relevé que, selon la clause litigieuse, l’indemnité de recouvrement de 5 % était due si la banque se trouvait dans la nécessité de recouvrer sa créance par les voies judiciaires ou autres, et également si la banque était tenue de produire à un ordre de distribution quelconque, notamment en cas de redressement judiciaire de l’emprunteur, en a exactement déduit qu’en l’espèce, une telle clause aggravait les obligations de la débitrice en mettant à sa charge des frais supplémentaires du seul fait de sa mise en sauvegarde ;
Ce que confirme la Cour de cassation,
Cette décision est à mon sens salutaire, car elle vient rappeler en tant que de besoin que la banque ne peut avoir recours en permanence à ce reflexe détestable qui consiste à ne cesser de majorer sa créance d’intérêts, frais et pénalités diverses et variées en ce compris une indemnité de recouvrement qui n’a pas sa place en procédure de sauvegarde.
Il appartient au chef d’entreprise de vérifier les créances déclarées avec la plus grande rigueur possible afin de contester tout ou partie d’une créance qui ne paraît pas fondée en son principe,
Cela est parfaitement légitime en procédure de sauvegarde,
Cela doit également l’être en redressement judiciaire suivant ce que précisent les conditions générales ou particulières du contrat de prêt en litige,
Toujours est-il que cette attitude de la banque, visant à majorer les obligations du débiteur du simple fait de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, semble clairement contraire à l’esprit de la loi visant à permettre au débiteur de mieux faire face à ses obligations pour payer le passif tout en préservant son activité et les emplois qui y sont attachés,