La faute de l’organisme caution et la perte de chance pour les emprunteurs de contester leur engagement de prêt

Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution
Laurent LATAPIE avocat 2021 Guadeloupe caution

Résumé :

Un organisme de cautionnement, qui n’avertit pas les emprunteurs de la sollicitation du prêteur, alors que ces deniers disposaient d’un moyen de nullité leur permettant d’invalider totalement ou partiellement leur obligation principale de remboursement, peut-il être totalement déchu de son droit à remboursement à hauteur des sommes que les emprunteurs n’auraient pas eu à s’acquitter ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en septembre 2020 et qui vient se prononcer sur le recours par la caution du débiteur principal dans le cadre d’un contrat de cautionnement et de prêt.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, un prêt immobilier a été consenti par la banque M et les emprunteurs Q. Un organisme de cautionnement s’était porté caution dans le même prêt.

La banque a alors prononcé déchéance du terme à la suite d’échéances impayées.

La caution, qui a alors désintéressée le créancier principale, la banque, c’est alors retourné et a mis les emprunteurs en demeure de lui rembourser les sommes réclamées par la banque.

C’est dans ces circonstances que les époux emprunteurs ont assigné la banque ainsi que la caution en nullité du contrat de prêt et du cautionnement et en paiement de dommages et intérêts.

Dans le même laps de temps, l’organisme de caution assigne les emprunteurs en remboursement des sommes réclamées par la banque M.

Un premier arrêt a été rendu par les juges du fonds au recours de la nullité du contrat de prêt au motif pris qu’il y avait un démarchage irrégulier à l’encontre des époux emprunteurs.

La nullité du contrat de prêt et le cautionnement

La caution a alors interjeté l’appel de la décision rendue en première instance, et dans un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles, cette dernière a estimé que l’obligation de remboursement envers la caution devait être réduite à sa simple proportion.

Dans sa décision du 09 septembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation vient confirmer l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles.

Le pourvoi était double, avec un pourvoi principal émis par l’organisme caution et un pourvoi incident formulé par le couple emprunteur.

L’organisme de caution, dans son pourvoi principal, reprochait à la Cour d’appel de limiter la condamnation des emprunteurs à lui payer le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement déduction faites des sommes versées par les emprunteurs.

Concernant le pourvoi incident formulé par les époux emprunteurs, ces derniers reprochaient à l’arrêt de la Cour d’appel de les avoir condamnés à payer à la caution, le capital prêté avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement.

La problématique de cette jurisprudence est de savoir si l’organisme de cautionnement, qui n’avertit pas les emprunteurs de la sollicitation du prêteur, alors que ces deniers disposaient d’un moyen de nullité leur permettant d’invalider totalement ou partiellement leur obligation principale de remboursement, peut être totalement déchu de son droit à remboursement à hauteur des sommes que les emprunteurs n’auraient pas eu à s’acquitter.

La déchéance du droit à remboursement des emprunteurs

Concernant le pourvoi principal, la Cour de cassation confirme que l’organisme caution avait manqué à ses obligations envers les emprunteurs de telle sorte que ces derniers étaient déchus de leur droit de recevoir un remboursement concernant les sommes que les emprunteurs n’avaient pas payé.

Concernant le pourvoi incident, formulé par les époux emprunteurs, la Cour rappelle que l’obligation de remboursement desdits emprunteurs envers la caution ne devaient concerner que des sommes qui ne sont pas déjà payées.

Cette jurisprudence appelle plusieurs observations.

Le droit de remboursement de la caution

La première est relative à l’absence du droit de remboursement de la caution par les emprunteurs du fait d’un manquement à l’obligation d’information de cette dernière.

Et la deuxième est relative à l’obligation de remboursement partiel des emprunteurs envers la caution pour les sommes qui sont dues au créancier.

Concernant l’absence du droit au remboursement de la caution par les emprunteurs, il convient de rappeler que le devoir d’information et les recours de l’organisme de cautionnement envers son débiteur existent et son nombreux.

Le devoir d’information de la caution envers l’emprunteur

En effet, le devoir d’information existe dans le contrat de cautionnement, contrat par lequel, une personne, la caution, s’engage envers un créancier à satisfaire l’exécution de l’obligation de contractuelles lorsque le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

Et ce, contrairement à l’article 2288 du code civil, afin de bénéficier de ces recours, la caution doit appliquer son devoir d’information envers ses débiteurs et naturellement de les prévenir lorsque celle-ci a désintéressé le créancier en taux et en partie.

Et c’est toute la subtilité de ce contentieux par rapport aux organismes de caution que ladite caution dispose tantôt d’un recours personnel, comme le rappelle l’article 2305 du code civil et tantôt d’un recours subrogatoire conformément à l’article 2306 du code civil, contre son ou ses débiteurs, lorsqu’elle a déjà payé le créancier.

Le recours personnel de la caution contre l’emprunteur

Rappelons que, d’après l’article 2305 du code civil, la caution qui a payé son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement a été donné au su et à l’insu des débiteurs.

Ce recours à lieu, tant pour le principal que pour les intérêts et frais.

Néanmoins, la caution n’a de recours que pour les faits qu’elle a dénoncé au débiteur principal.

L’article 2306 dispose quant à lui que : La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.

Or, force est de constater que l’organisme caution n’a pas rempli ses obligations d’information à l’encontre de l’emprunteur.

L’obligation d’information de la caution

En effet, la Cour de cassation rappelle, dans sa décision, que la caution a désintéressé la banque à la suite de la présentation d’une lettre de sa part l’engageant à la tenir informée de cette décision à la suite des impayés des emprunteurs, alors même que ledit organisme caution n’a pas cru bon avertir les emprunteurs de cette sollicitation alors même que ces derniers qui disposaient d’un moyen de nullité permettant d’invalider, au moins partiellement, leur obligation principale de remboursement.

Dès lors, quelle sanction pouvait s’imposer à l’organisme caution dans sa négligence envers ses créanciers concernant l’erreur d’information ?

A bien y comprendre la Cour de cassation, la sanction semble être la déchéance des recours possibles.

La sanction par la caution du défaut d’information

En effet, le manquement au droit d’information de la caution envers son ou ses débiteurs est prévu par législateur en l’article 2308 du code civil, lequel article prévoit :

La caution qui a payé une première fois n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier.                                                                                                                                          Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.

C’est justement sur ce point que cette jurisprudence est intéressante puisque la Cour de cassation vient sanctionner l’absence d’information préalable des emprunteurs par l’organisme caution, conformément aux dispositions de l’article 2308 du code civil, puisque force est de constater que la caution avait manqué à ses obligations à leurs égards.

L’organisme caution devait donc être déchu de son droit au remboursement à hauteur des sommes que ces derniers n’auraient pas eu à acquitter.

La déchéance du droit au remboursement

A bien y comprendre, si la caution n’avait pas manqué à son devoir d’information envers les époux emprunteurs, ces derniers auraient pu déclarer leur dette éteinte.

Pour autant, la question peut se poser de savoir si oui ou non les emprunteurs sont tenus à l’obligation de remboursement total ou partiel envers la caution pour les sommes qui sont dues au créancier et pour lequel ce dernier fit jouer son recours sinon subrogatoire à tout le moins personnel ?

En effet, il convient de rappeler que par principe, les emprunteurs sont tenus à une obligation de remboursement intégral envers leur caution si cette dernière est venue payer les créanciers à leur place, lorsque justement la caution a justement exercé son obligation dans le contrat de cautionnement qui consiste à satisfaire l’exécution de l’obligation contractuelle lorsque le débiteur n’y satisfait pas lui-même tel que nous l’avons abordé au visa des articles 2305 et 2306 du code civil.

Pour autant, la jurisprudence revient sur cette exception, puisque lorsque la caution paye sans avertir les emprunteurs alors que ces derniers avaient la possibilité de faire déclarer leur dette éteinte,

La Cour de cassation vient effectivement consacrer cette exception en rappelant que la caution à désintéressée la banque à la suite de la présentation d’une lettre de sa part, l’engageant à la tenir informé de sa décision à la suite d’impayés des emprunteurs, et qu’elle n’a pas avertie de cette sollicitation ces derniers, qui disposaient alors d’un moyen de nullité permettant d’invalider partiellement leur obligation principale de remboursement.

L’obligation d’information de la caution

Dès lors, la Cour de cassation, dans sa jurisprudence, vient finalement consacrer l’obligation d’information de remboursement partiel des emprunteurs par la caution, sanctionnée, pour le coup, pour impossibilité de faire déclarer leur dette éteinte au moment du paiement de la dette par ladite caution.

Ainsi, la Cour souligne qu’au moment des paiements effectués par la caution, les emprunteurs n’avaient pas les moyens de faire déclarer leur dette éteinte, mais disposaient cependant de la possibilité d’obtenir l’annulation du contrat de prêt.

C’est dans ces circonstances que les juges ont donc décidé que l’obligation de l’emprunteur vis-à-vis de la caution a ainsi été limité au remboursement du capital versé par la banque, déduction faite des sommes déjà payées.

Avec cet arrêt récent de la première chambre civile de la Cour de cassation de septembre 2020, on peut constater un assouplissement de la déchéance du droit des recours de la caution au profit des emprunteurs.

La déchéance du droit de recours de la caution contre l’emprunteur

Ainsi, dès lors que cette annulation conduisait à ce qu’ils restituent à la banque le capital versé déduction faite des sommes déjà payées, l’obligation de remboursement des emprunteurs à l’égard de la caution devait être limitée dans sa proportion.

A bien y comprendre, lorsque la caution a manqué à son obligation d’information, suite au paiement de tout ou une partie de la dette, le ou les débiteurs se retrouvent dans l’impossibilité de voir déclaré leur dette éteinte au moment de ce paiement, ils peuvent obtenir à l’encontre de l’organisme caution une déchéance totale ou partielle des sommes qu’ils auraient dû initialement devoir rembourser à l’organisme caution en remboursement des sommes payées par elle.

Forte heureusement, cette jurisprudence n’est pas isolée,

En effet, un autre arrêt a été rendu par la première chambre civile de mars 2021 qui vient également mettre en lumière la subtilité de ce contentieux opposant l’emprunteur à l’organisme caution d’un côté, et l’emprunteur et l’établissement bancaire de l’autre.

Dans cette autre jurisprudence, l’emprunteur avait aussi invoqué, en premier lieu l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme affectant l’exécuté, et en second lieu, un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, ainsi que l’octroi de dommages et intérêts à l’encontre de l’organisme caution car l’emprunteur, de par son fait, n’avait pas été en mesure de faire déclarer sa créance éteinte.

Pour autant, dans cette autre affaire, la Cour de cassation a considéré qu’ayant constaté que les conditions de l’article 2308 alinéa 2 du code civil n’étaient pas réunies, la cour d’appel n’était pas tenue de rechercher si la caution a commis une faute.

Pour la Haute juridiction, d’une part il n’avait pas été invoqué de faute distingue de celle-ci, qui a payé les sommes réclamées par la banque, et d’autre part, l’emprunteur avait, semble-t-il, conservé la possibilité d’invoquer, à l’encontre de la banque, un manquement à son devoir de mise en garde.

S’il est vrai que les jurisprudences se suivent et ne se ressemblent pas, elles rappellent surtout, et c’est cela qui est très important, que lorsque l’organisme de caution, qui désintéresse la banque alors que l’emprunteur principal est défaillant, se retourne immédiatement contre l’emprunteur, celui-ci bénéficie de moyens de défenses tant à l’encontre de l’organisme caution qu’à l’encontre de l’établissement bancaire initial.

La relation tripartite emprunteur banque et organisme caution

Les montages financiers proposés par des établissements bancaires assortis d’un cautionnement réservé à un organisme caution, proche cousin de ladite banque, sont nombreux.

Les hypothèses sont alors nombreuses, en cas d’impayés de l’emprunteur malheureux qui rencontre des difficultés, l’organisme caution désintéresse l’établissement bancaire dans le cadre d’échanges internes qu’ignore complètement ledit emprunteur.

Passé le règlement des sommes impayées par l’organisme caution, ce dernier se retourne, comme de rien, contre l’emprunteur, bien souvent en agrémentant son action d’une hypothèque judiciaire provisoire afin de grever le bien immobilier de l’emprunteur malheureux qu’il entend saisir par la suite.

L’organisme caution se réfugiant alors derrière l’article 2305 du code civil en évoquant son recours personnel qui empêche les emprunteurs d’opposer à l’organisme caution, ce qu’ils auraient pu opposer à l’établissement bancaire.

Il est impératif d’appeler en cause, et d’assigner en intervention forcée dans cette procédure le créancier initial afin de pouvoir organiser une discussion tripartite, et si la responsabilité de la banque est engagée, d’en tirer judiciairement et juridiquement les conséquences à la fois contre l’établissement bancaire,  mais également contre l’organisme caution, à ce que les discussions soient réparties intelligemment, que les droits de chacun soient protégés et que l’emprunteur sache comment se défendre et attaquer, tantôt contre l’un, et tantôt contre l’autre.

A bon entendeur,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/organisme-caution-et-decheance-du-terme-qui-paye/

Organisme caution et déchéance du terme, qui paye?

Laurent Latapie avocat procédure de référé
Laurent Latapie avocat procédure de référé

En cas de prêt immobilier octroyé par une banque à un emprunteur, en présence d’un organisme caution, quels sont les moyens de contestation lorsque déchéance du terme faisant l’organisme caution poursuit l’emprunteur malheureux ? En cas de nullité de la déchéance du terme, comment remettre toutes les parties en état ? 

Il convient de s’intéresser à la relation tripartite entre débiteur, établissement bancaires et organisme de caution, et ce, au travers d’une jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris

La Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt en ce mois de septembre 2021 qui vient aborder sous la plume de votre serviteur cette problématique très particulière selon laquelle il appartient au débiteur de ne jamais oublier que s’il est défaillant auprès de l’établissement bancaire et qu’un organisme de caution intervient, il devra dans le cadre d’un procès en responsabilité se défendre contre les deux établissements.

Et si, comme cela est trop fréquent, l’organisme caution assigne l’emprunteur malheureux, il lui appartiendra, non seulement de se défendre contre l’organisme caution, mais en sus, d’attaquer l’établissement bancaire, et ce, dans le même procès, 

Quels sont les faits ? 

Dans cette affaire, selon offre de prêts émise le 22 octobre et acceptée le 3 novembre 2010, la banque avait consenti aux consorts E engagés solidairement

·      Un prêt immobilier PII d’un montant de 254 300 euros remboursable en 276 mensualités

·      Un prêt immobilier à taux zéro, d’un montant de 27 000 euros

L’organisme de caution avait donné son accord de cautionnement, par actes sous seing privé en date du 14 octobre 2010.

Les emprunteurs ayant laissé impayées plusieurs échéances de leurs prêts, l’organisme de caution a été appelée en sa qualité de caution, et a désintéressé la banque des sommes suivantes :

·      Quittance subrogative du 30 mai 2014 pour la somme de 11 537,46 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 254 300 euros

·      Quittance subrogative du 4 juin 2014 pour la somme de 3 047,50 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 27 000 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015, pour la somme de 250 560,21 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 254 300 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015 pour la somme de 10 335,09 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 27 000 euros.

L’organisme de caution a informé les débiteurs de ce qu’il était amené à payer les sommes dues en leurs lieu et place, puis leur en a demandé remboursement, vainement.

L’assignation en paiement de l’organisme caution

Par suite, selon acte d’huissier daté du 15 mars 2016, l’organisme de caution a fait assigner Monsieur et Madame E en paiement, devant le Tribunal de Grande Instance.

Le 24 novembre 2016, ces derniers ont appelé la banque en intervention forcée.

L’intervention forcée de la banque 

Un jugement a été rendu le 28 mars 2019 et la banque en interjeté appel.

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient discuter à hauteur de Cour d’Appel, des enchevêtrements procéduraux, de la régularité de la déchéance du terme et des conséquences que cela pouvait avoir dans l’exécution du contrat et des relations tripartites.

Sur la régularité de la déchéance du terme

Monsieur et Madame E faisaient grief à l’organisme de caution qui les avait assignés en paiement, d’avoir désintéressé le prêteur de fonds, la banque, alors que la déchéance du terme avait été irrégulièrement prononcée par cette dernière et que les consorts E entendaient contester la validité de ladite déchéance en se basant justement sur les stipulations contractuelles.

Le tribunal retenant le bienfondé de la contestation quant à la validité de la déchéance du terme, avait constaté que la banque n’avait pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 2 septembre 2015, et l’avait condamnée à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros qui correspondait à la somme à laquelle ceux-ci avaient été condamnés à payer à l’organisme de caution.

En conséquence le tribunal avait ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre le remboursement des échéances postérieures à la dernière échéance impayée.

Il est vrai qu’en demandant la condamnation de la banque à payer une somme égale à celle réclamée par l’organisme de caution, cela permettait de repartir sur la base de l’échéancier du prêt. 

En sauvant par la même le bien immobilier, objet du prêt. 

Il ressortait des éléments du dossier que les conditions contractuelles de déchéance du terme prévues dans l’offre de prêt litigieuse prévoyaient que “le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts etaccessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours”, notamment en cas de défaillance dans le remboursement des échéances du prêt.

En l’espèce, les emprunteurs avaient été défaillants dans l’exécution de leur obligation due au titre des prêts litigieux.

La banque faisait valoir qu’elle leur avait adressé, courant 2013, trois courriers de mise en demeure d’avoir à régulariser les impayés puis un courrier de déchéance du terme en date du 24 septembre 2015.

Pour autant la teneur de ces lettres de 2013, dont deux seulement sont qualifiées en leur entête de “mise en demeure” ne permettaient pas de retenir que ces courriers constituent la mise en demeure préalable contractuellement prévue. 

Une déchéance du terme non valide

La Cour d’Appel considère que la banque se contente de rappeler aux emprunteurs leurs manquements à leur obligation de paiement des échéances des prêts, de les inciter à régulariser leur situation, et d’indiquer qu’à défaut elle serait contrainte de procéder au recouvrement judiciaire de sa créance.

En revanche il n’est nullement fait référence à un possible prononcé de la déchéance du terme comme sanction de la défaillance des emprunteurs. 

D’ailleurs de telles poursuites, si elles avaient été exercées, pouvaient bien évidemment se limiter à une demande de règlement des échéances impayées sans que pour autant il ne soit, pour l’heure, question de déchéance du terme

Au vu des stipulations contractuelles, il était loisible à la banque de se prévaloir ou pas de la déchéance du terme, et rien ne lui imposait en ce cas de le faire dans un délai déterminé.

Monsieur et Madame E répondant dès le 28 avril 2014 aux sollicitations de l’organisme de caution l’ont informée de leurs difficultés financières tenant à un découvert bancaire important et ont proposé de régler le retard de manière échelonnée. 

Suite à une nouvelle relance en date du 30 mai 2014 aux fins de régularisation, sous peine d’inscription au FICP, Madame E précisait dans un courrier électronique daté du 19 juin 2014 quelle avait été la nature de leurs difficultés à savoir un important découvert générant retrait de l’autorisation de découvert, frais multiples, et retards dans l’acquittement d’une dette fiscale ensuite régularisée selon échéancier en cours jusqu’en août 2014 et indiquait que le remboursement des prêts immobiliers avaient été repris “autant que faire se peut” .

Elle ajoutait que pour s’acquitter de la somme due, elle était en mesure de verser 500 euros par mois. 

Cette proposition a été acceptée par l’organisme de caution prenant soin de souligner que les échéances courantes devaient être réglées à la banque à bonne date le plan de paiement remboursement devenant caduc, à défaut.

La lettre du 24 septembre 2015 dûment adressée à l’un et l’autre des co-emprunteurs, porte prononcé de la déchéance du terme et réclamation du reglement de l’intégralité des sommes restant dues de ce fait, au titre de l’un et l’autre prêt, et ne constitue pas une mise en demeure préalable conforme aux stipulations contractuelles qui serait de nature à faire considérer comme régulière la déchéance du terme prononcée dans une second temps, le 23 octobre 2015, laquelle se présente d’ailleurs comme annulant et remplaçant la précédente.

Ainsi et par suite et comme l’a retenu le premier juge, il n’est pas rapporté la preuve de l’envoi par la banque, d’une mise en demeure préalable au prononcé des deux déchéances du terme.

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit que banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015.

Absence de déchéance du terme, quelle conséquence ? 

Dès lors la question qui se posait était de savoir quelles étaient les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme pour les rapports entre Monsieur et Madame E et l’organisme de caution car c’est cette mécanique qui est au cœur du problème.

Les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme sont d’importance, pour chacune des parties dans cette relation tripartite,

Qu’il s’agisse de l’emprunteur, 

Qu’il s’agisse de l’établissement bancaire ou organisme préteur, 

Qu’il s’agisse de l’organisme caution, 

Cependant la vraie question demeure, 

Comment en tirer les conséquences entre toutes les parties et comment enchevêtrer tout cela ?

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E emprunteurs et l’organisme de caution :

L’organisme de caution qui sollicitait en première instance le remboursement par Monsieur et Madame E, de l’intégralité des sommes qu’elle avait elle-même versées à la banque aux lieu et place des emprunteurs, à hauteur de cour modifie sa demande et ne réclame plus que la condamnation de Monsieur et Madame E à lui payer les sommes versées à la banque au titre des échéances impayées.

Ce faisant, l’organisme de caution admet que lui est opposable l’irrégularité de la déchéance du terme.

L’organisme de caution, justifie également avoir été appelé en paiement en sa qualité de caution, par courrier émanant de la banque daté du 31 octobre 2013, et avoir adressé à Monsieur et Madame E, un courrier recommandé avec demande d’accusé de réception daté du 7 décembre 2015 par lequel il a les a informés de ce qu’il était amené à rembourser en leurs lieu et place l’intégralité du solde de la créance du prêteur, et en a demandé remboursement sous huitaine, à défaut de quoi des poursuites judiciaires seraient engagées sans nouvel avis.

L’organisme de caution indique enfin et surtout : “Il ressort des décomptes de créance produits aux débats que Monsieur et Madame E ont effectué des versements à hauteur de la somme totale de 36 285 euros »

Ces règlements ont permis de solder leur dette à l’égard de l’organisme de caution et lui resteront acquis. 

L’organisme de caution demande à la Cour d’Appel de condamner Monsieur et Madame E à lui payer la somme de 35 107,22 euros et s’engage à restituer le trop-perçu.

La Cour considère que Monsieur et Madame E sont, dans le principe, redevables à l’égard de l’organisme de caution, des sommes dont s’est acquittée la caution au titre des échéances impayées des contrats de prêt. 

De telle sorte qu’il sera donc fait droit à la demande de l’organisme de caution tendant à voir condamner solidairement Monsieur et Madame E au paiement de la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances, l’organisme de caution s’engageant à leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop versée.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre la banque préteur de fonds et l’organisme de caution :

La Cour d’Appel précise qu’en l’absence de déchéance du terme régulièrement acquise, la banque ne pouvait valablement actionner la caution au titre du capital restant dû des deux prêts et des pénalités afférentes à l’exigibilité anticipée.

Il est ainsi constant et l’organisme de caution en justifie, que ce dernier a désintéressé la banque, à ce titre sur la base des quittances subrogatives fournies aux débats

Il y a lieu à répétition de l’indu, et en conséquence de condamner la banque à restituer à l’organisme de caution au titre des deux prêts, le solde du capital restant dû et pénalités, soit les sommes de 234 912,95 euros (232 875,23 euros + 2 037,72 euros) au titre du prêt d’un montant de 254 300 euros, et de 5 460,09 euros (5 250 euros + 210,09 euros) au titre du prêt d’un montant de 27 000 euros.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E et la banque prêteuse de fonds :

La Cour d’Appel considère que faute de déchéance du terme régulièrement prononcée, seules les échéances impayées, sont dues, la question concernant dorénavant les seuls rapports entre les emprunteurs et la caution qui a été amenée à payer à leur place, tel que cela a été exposé.

Le remboursement du prêt sera repris, point sur lequel le jugement sera donc confirmé tant dans le principe que dans les modalités.

Il est vrai que le jugement de première instance avait ordonné à la banque de permettre aux consorts E de reprendre l’exécution des contrats de prêts donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance échue impayée celle de septembre 2015 ce à compter du présent jugement sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée en septembre 2015 et ledit jugement de manière à remettre dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme.

Quelle solution globale ? 

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré, en ce qu’il a énoncé que la banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015 ; en ce qu’il a ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre l’exécution des contrats de prêt, donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance impayée  ce à compter du présent jugement et sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée entre septembre 2015 et le présent jugement, de manière à remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne solidairement Monsieur et Madame E à payer à l’organisme de caution la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances ;

Dit que l’organisme de caution, qui conservera le bénéfice des sommes déjà versées par Monsieur et Madame E devra leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop perçue ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a : condamné la banque à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros égale à celle qu’ils ont été condamnés à payer à l’organisme de caution

Déboute la banque de ses demandes

Condamne la banque à restituer à l’organisme de caution le montant correspondant au solde du capital restant dû et pénalités au titre des deux prêts, 

Cette jurisprudence met en avant la problématique particulière complexe pouvant exister entre l’action de l’organisme de caution contre le débiteur principal qui n’a plus lien avec la banque en l’état des quittances subrogatives mais qui évoque son recours personnel et non pas subrogatoire de telle sorte que le débiteur n’a pas de moyens de contestation.

Dès lors, il lui appartient d’appeler en cause la banque pour lui opposer un certain nombre de griefs notamment au titre de sa responsabilité ou de la validité de la déchéance du terme.

Il est extrêmement important d’orchestrer les chefs de demandes de manière précise entre le débiteur, l’établissement bancaire et l’organisme de caution.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

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