Mur de clôture présentant un réel danger de basculement, quelle procédure ?
Résumé :
Conflit de voisinage au sujet d’un mur de clôture, non mitoyen, présentant un réel danger de basculement et procédure de référé. Analyse du bien-fondé de la décision du juge ordonnant la démolition dudit mur sous astreinte. Ainsi, tel est pris qui croyait prendre….
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu le 4 mai 2023, n°23/321, RG 22/13859 et qui vient aborder la problématique de voisinage entre deux voisins, dont l’un est propriétaire d’un mur de clôture et qui fait grief à son voisin d’avoir bétonné son entrée de jardin.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, Madame B. est propriétaire du lot n°3 dans un ensemble immobilier au sein d’une copropriété.
Ce lot dont elle est devenue l’unique propriétaire à l’issue de son divorce est composé d’une maison à usage d’habitation ainsi que de la jouissance privative exclusive d’un terrain attenant de 584 m² et de 250/1000ème des parties communes.
Afin de délimiter son terrain, Madame B. a fait réaliser un mur de clôture entièrement implanté sur sa propriété,
Il ne s’agit donc pas d’un mur mitoyen.
Le lot de Madame B. jouxte le lot n°2, récemment acquis par Monsieur Z., composé d’une maison de 81 m2 et d’un terrain attenant de 441 m2 ainsi que des 250/1000ème des parties communes.
Litige entre voisins au sujet d’un mur de clôture,
Se plaignant que les travaux entrepris par Monsieur Z. auraient endommagé son mur de clôture, Madame B. l’a fait assigner le 13 avril 2022, devant le Président du Tribunal Judiciaire statuant en référé, aux fins de l’entendre en principal condamner sous astreinte à réaliser ou faire réaliser les travaux nécessaires à la remise en état des lieux et au renfort des fondations de son propre mur.
Or, force est de constater que les travaux effectués par Monsieur Z. n’impactaient en aucune manière le mur de Madame B., de telle sorte que son action était mal fondée et, reconventionnellement, Monsieur Z. avait, quant à lui, sollicité la destruction de ce mur comme étant un mur qui pouvait tomber en l’état d’un délabrement évident, ce qui constituait un dommage imminent permettant au Juge des Référés de condamner Madame B. à la destruction puis la remise en état de ce mur.
Une démolition de mur de clôture ordonnée sous astreinte
C’est dans ces circonstances que par ordonnance contradictoire en date du 21 septembre 2022, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire a constaté que Madame B. se désistait de sa demande principale formée à l’encontre de Monsieur Z., et écartait des débats le constat établit par Maître A., huissier de justice,
Mais surtout, le juge de référés condamnait Madame B. à démolir le mur séparant sa propriété de celle de Monsieur Z. au sein de l’ensemble immobilier, et ce sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de cette décision,
Outre 1 500,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers frais et dépens, en ce compris les frais de constat d’huissier établit par Monsieur Z. le 23 novembre 2021 ainsi que le coût d’une expertise réalisée le 14 juin 2022 par un expert.
Concernant le constat d’huissier écarté, le Juge des Référés du Tribunal Judiciaire avait notamment considéré qu’il résultait d’au moins une des photographies prises sur les lieux que l’huissier de justice, mandaté par Madame B., avait pénétré sur la parcelle de Monsieur Z. sans l’autorisation de celui-ci, que le muret très ancien de Madame B. s’effritait en plus d’être profondément fissuré à plusieurs endroits et qu’il présentait un réel danger de basculement.
C’est dans ces circonstances que Madame B. a interjeté appel de cette décision.
Pour autant, dans la mesure où Madame B. s’était désistée de sa demande en première instance, il apparaissait difficile pour cette dernière de faire appel et de revenir à hauteur de Cour sur la problématique du sort de ce mur, mur pour lequel le Juge des Référés avait bien pris soin de solliciter la démolition en l’état de sa dangerosité et de son insalubrité.
La Cour est sensible à cette problématique de mur et elle rappelle qu’aux termes de l’article 835 alinéa 1er du Code de Procédure Civile, le Président du Tribunal Judiciaire ou le Juge du Contentieux et de la Protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’impose soit pour prévenir d’un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Un mur de clôture insalubre, dommage imminent
Le dommage imminent s’entend à celui qui n’est pas encore réalisé mais qui se produira surement si la situation présente doit se perpétuer, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit être constaté avec l’évidence requise en référé à la date où le Juge de première instance à statuer.
La constatation de son imminence suffit à caractériser l’urgence afin d’en éviter les effets.
Dans son rapport en date du 14 juin 2022, Monsieur F., expert, mentionne que le mur objet du litige date des années 1978 – 1979 et qu’il présente un réel danger de basculement dès lors qu’il ne possède pas de semelle de fondation, ni de ferraillage, ni de chaînages verticaux, ni horizontaux, ni joint de dilatation sur toute sa grande longueur ayant simplement été posé sur une très faible épaisseur de béton la rendant plus vulnérable.
Il ajoute qu’il est complètement lézardé et fissuré sur toute sa longueur et que ces lézardes et fissures sont existantes depuis fort longtemps.
Des réparations de fortune ayant été réalisées sans résultat.
L’expert conclut qu’il a été réalisé, sans aucune connaissance technique, qu’aucun élément structurel n’a été prévu dans sa construction et que les travaux entrepris par Monsieur Z. ne sont pas à l’origine de sa vétusté, ni de son état actuel, ledit mur n’ayant pas été touché lors de ceux-ci (les travaux entrepris par Monsieur Z.).
Il constate, par ailleurs, que ce mur est déstabilisé par le fait qu’il soit surélevé sur sa plus grande longueur de panneaux en bois de 1,80 m de hauteur, offrant une forte prise au vent et ce, sur une autre partie par mur en parpaings creux, non enduits, simplement entassés sans qu’aucun élément structurel n’ait été prévu à cet effet.
Et d’ajouter « ce mur est instable et menace de tomber car aucune règle de construction n’a été respectée. Il suffit de s’appuyer dessus pour s’en rendre compte : danger imminent ».
S’il est exact que ce document ne peut valoir expertise judiciaire et remporter à lui seul la conviction de la Cour dès lors qu’il n’a pas été contradictoirement, il n’en demeure pas moins un élément de preuve soumis au contradictoire des parties dès lors, sa force probante doit être appréciée par une mise en perspective avec les autres éléments du dossier.
En l’occurrence, l’état de délabrement du mur, son absence de semelle et / ou de fondation, ses fissures au droit des poteaux de clôtures, son absence de ferraillage, son incurvation et affaissement en direction de la propriété de Monsieur Z. sont corroborés par le constat dressé le 23 novembre 2021 par Maître A., huissier de justice, et les photographies qui y sont jointes.
Le rapprochement de ces deux pièces donc avec l’évidence requise en référé un risque imminant d’effondrement susceptible de causer des dégâts aux biens et aux personnes situés sur la propriété de l’intimé et notamment ses jeunes enfants.
C’est donc par des motifs pertinents que le Premier Juge a ordonné sa démolition.
Il importe peu, à cet égard, que Monsieur Z. puisse avoir pour projet d’édifier, de son côté, un massif en béton armé d’une hauteur de 30 cm et d’une épaisseur de 20 cm.
En effet, un tel ouvrage, dont Madame B. n’établit nullement qu’il a été construit, n’aura, selon Monsieur F., expert, aucune incidence sur le mur indépendant de cette dernière.
Cet homme de l’art ajoute que, s’il est susceptible de lui assurer une meilleure stabilité, il ne réparera en aucune façon ces malfaçons.
De part ses dimensions, et notamment sa hauteur de 30 à 80 cm, inférieures au mur litigieux, il ne pourra suffire à éradiquer le risque d’effondrement de ce dernier, notamment par renfort.
C’est dans ces circonstances que la Cour d’Appel confirme l’ordonnance entreprise, dans ce cas-là, condamner Madame B. à démolir le mur séparant sa propriété de celle de Monsieur Z. au sein de l’ensemble immobilier et ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision.
Concernant l’article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens, il convient de souligner que la Cour fait une distinction subtile entre frais irrépétibles et dépens.
En effet, dans le cas de la procédure de référé en première instance, le Juge des Référés avait ordonné la prise en charge des frais d’huissier et des frais d’expertise comme étant des dépens à l’encontre de Madame B. qui avait été condamnée à les payer.
Pour autant, la Cour précise que les frais de constat d’huissier du 23 novembre 2021 et le coût de l’expertise réalisée le 14 juin 2022 par Monsieur F. seraient compris dans les dépens puisque ces derniers ne s’analysent pas comme des frais afférents aux instances, actes et procédures d’exécution au sens des dispositions de l’article 695 du Code de Procédure Civile mais relèvent du régime des frais irrépétibles.
Courte guerre, toujours est-il que la Cour confirme l’ordonnance entreprise et condamne bien Madame B. à démolir le mur en litige.
Ceci peut d’ailleurs sembler finalement un épilogue judiciaire fort curieux puisqu’il convient de rappeler que c’est Madame B. qui avait assigné Monsieur Z. en reprochant à ce dernier d’avoir impacté son mur et en demandant à Monsieur Z. de supporter le coût de reprise du mur dans son intégralité.
Ainsi, « tel est pris qui croyait prendre » et cette jurisprudence rappelle effectivement la notion de dommage imminent concernant un mur de clôture.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit,