Location-gérance, sort du salarié et liquidateur qui réalise les actifs

Exemple jurisprudentiel du transfert du droit du contrat de travail au profit du bailleur lorsque le locataire-gérant est en liquidation judiciaire et le contrat de location-gérance est résilié. Qu’en est il de la réalisation des actifs par le mandataire liquidateur ? Ce dernier engage t’il sa responsabilité ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en ce début d’année 2019 qui vient aborder la problématique spécifique du sort des salariés en présence d’un contrat de location-gérance, lorsque le locataire gérant fait l’objet d’une liquidation judiciaire et que le bailleur du fonds, au titre de la solidarité contractuelle, doit faire face aux salariés.

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met en exergue le comportement du mandataire liquidateur qui se retranche derrière la solidarité légale au profit du bailleur.

L’article L 1224-1 du Code du Travail dispose « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. »

La Cour de Cassation rappelle que la résiliation du contrat de location-gérance d’un fonds de commerce entraîne le retour du fonds à son propriétaire et le transfert des contrats de travail conclus précédemment avec le locataire, sauf à démontrer que le fonds était inexploitable ou en ruine au jour de cette résiliation.

Telle est la charge de la preuve qui peut peser sur les épaules du bailleur, qui se retrouve mis en difficulté, alors que le mandataire liquidateur en charge de la liquidation judiciaire du locataire gérant se refuse à licencier le salarié et le renvoie vers le bailleur,

Dans pareil cas, il n’est pas rare, devant la résistance naturelle du bailleur, de constater que le salarié engage une action prud’homale contre le bailleur, au contradictoire du mandataire liquidateur et de l’AGS.

Dans cette affaire, par contrat du 10 décembre 2009, Madame Z, bailleresse commerciale, a donné en location-gérance son fonds de commerce de café restaurant à la société PL.

Le 17 décembre 2009, cette société a engagé Madame B en qualité de plongeuse.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société PL le 14 décembre 2011, convertie en liquidation judiciaire le 25 avril 2012.

Le mandataire liquidateur a par lettre du 27 avril 2012, notifié à Madame Z, bailleresse, la résiliation du contrat de location gérance et l’a informée du transfert des contrats de travail.

Cette dernière a, par lettre du 1er mai 2012, notifié à Madame B son licenciement pour motif économique.

La salariée a finalement engagé une action en justice.

L’arrêt attaqué considérait que les dispositions de l’article L. 1224-1 du Code du Travail étaient inapplicables au bailleur lorsque les éléments corporels ou incorporels nécessaires à l’exploitation de son fonds ne lui étaient pas remis à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance.

Il convient de rappeler qu’en droit de l’entreprise en difficulté, le prononcé de la liquidation judiciaire du locataire gérant impose la réalisation de ses actifs par le mandataire liquidateur et exclut qu’ils soient remis au bailleur du fonds de commerce à la suite de la résiliation du contrat de location-gérance.

Fort de ce droit de l’entreprise en difficulté, il paraissait assez logique au bailleur de venir opposer au mandataire liquidateur le fait qu’il avait procédé, dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, à la vente aux enchères des meubles et équipements de la société PL qui exploitait ledit bail commercial.

Le bailleur considérait que ces meubles et équipements étaient indispensables à l’exploitation du fonds, auquel cas il était inexploitable pour avoir été vendus par le mandataire liquidateur, et que l’article L. 1224-1 du Code du Travail ne pouvait s’appliquer.

Ce point est important.

En effet, il importe de préciser qu’après avoir réalisé l’ensemble des actifs mobiliers du local, le mandataire a restitué les clés dudit fonds de commerce au bailleur six mois après la résiliation du contrat de location-gérance.

Dans cette décision, la Cour de Cassation a considéré que la résiliation d’un contrat de location-gérance entraînant le retour du fonds loué au bailleur, le contrat de travail qui lui est attaché se poursuit avec ce dernier.

Deux remarques s’imposent.

Le mandataire liquidateur a réalisé les actifs du fonds de commerce, meubles et équipements et il apparait évident pour le bailleur que l’exploitation du fonds de commerce était impossible sauf à investir des sommes importantes.

Le retard pris par le mandataire liquidateur pour rendre les clés pourrait impacter clairement la reprise d’activité et donc la reprise des salariés.

C’est donc par l’attitude désinvolte du mandataire liquidateur qui gère sa liquidation judiciaire sans se préoccuper des tenants et aboutissants du transfert de droit de la location-gérance au profit du bailleur que celui-ci se retrouve dans l’incapacité d’exploiter et peut considérer que le transfert n’est pas de droit.

L’attitude du mandataire liquidateur est d’autant plus affligeante que lorsque le bailleur récupère le salarié, il motive sa lettre de licenciement pour motif économique en date du 2  mai 2012 ainsi : « je suis dans le regret de vous informer que votre contrat de travail prend fin dès réception de cette lettre pour la raison suivante : liquidation judiciaire de la SARL PL, prononcée le 25 avril 2012 par le tribunal de grande instance ».

Pour autant la Cour de Cassation considère que le licenciement n’est pas motivé par des difficultés économiques objectivement justifiées est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Selon la Haute juridiction, le seul constat de la liquidation judiciaire de la SARL PL intervenue le 24 avril 2012, ne permet pas à lui seul de caractériser le motif économique justifiant le licenciement.

Et pourtant…,

Dans cette affaire l’attitude du mandataire liquidateur est critiquable car elle amène à tromper la religion du bailleur qui considère qu’il ne peut plus exploiter.

Il est bien évident que restituer les clés six mois après la liquidation judiciaire et avoir mis fin au contrat de location-gérance et profiter de ce laps de temps pour réaliser l’ensemble des actifs est à mon sens sujet à critique.

Si la Cour de Cassation considère que le bailleur est tenu de récupérer le salarié au titre de transfert de droit, cela n’exonère absolument pas le mandataire liquidateur de sa responsabilité personnelle et professionnelle pour avoir exposé le bailleur à une action prud’homale où il serait mis à défaut.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

L’action du créancier non soldé dans le cadre d’un plan de redressement,

La question qui se pose est de savoir si, dans la mesure où le plan de redressement, octroyé sous l’ancien régime juridique antérieur à 2005, a fait l’objet d’un jugement de clôture, le créancier non entièrement réglé de sa créance admise au passif vocation à poursuivre le débiteur, redevenu in boni, aux fins de paiement.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en mai 2018 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence et qui vient aborder la problématique d’un plan de redressement exécuté en son intégralité sous la loi du 26 juillet 2005.

 

Le plan a été clôturé et l’un des créanciers n’aurait pas été soldé de sa créance.

 

Dans cette affaire, Madame C avait été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Saint Tropez (avant sa disparition) en septembre 2001 et un mandataire judiciaire avait été désigné.

 

Madame C demeurait redevable du solde du prix de cession du fonds de commerce au bailleur Monsieur V.

 

Le 23 juillet 2002, le même Tribunal de Commerce a adopté le plan de redressement proposé par Madame C qui comprenait notamment avec une cession partielle d’un des fonds de commerce appartenant à la débitrice,

 

Le mandataire judiciaire avait été désigné commissaire à l’exécution du plan.

 

Il était prévu que les fonds découlant de cette cession soit affectée au premier dividende et le plan avait été accepté moyennant plusieurs options.

 

L’option 1 était de régler 26% de la créance dans les trois mois du jugement et l’option de régler la créance à hauteur de 100% dans les 10 ans du plan.

 

Par jugement du 26 octobre 2010, le Tribunal de Commerce a modifié le plan de redressement arrêté le 23 juillet 2002 et autorisé le report de l’échéance impayée 20009 sur les échéances 2010, 2011 et 2012.

 

Nonobstant la clôture de ce plan de redressement, les consorts V, créanciers inscrits et admis au passif de la procédure collective, ont assigné Madame C devant le Tribunal de Commerce en paiement de la somme de 10 029,92 euros leur restant due sur la créance déclarée à titre privilégiée au passif de la procédure collective de Madame C à hauteur de 20 199,49 euros.

 

Ils précisaient n’avoir reçu dans le cadre du plan de redressement que la somme de 10 169,57 euros versée par Maître M en qualité de commissaire à l’exécution du plan et que la durée du plan était expiré.

 

La question qui se pose est de savoir dans la mesure où le plan de redressement a fait l’objet d’un jugement de clôture, si le créancier non réglé avait vocation à poursuivre sous l’empire de l’ancienne loi le débiteur aux fins de paiement.

 

Il convient de rappeler que la procédure collective de Madame C avait été ouverte en septembre 2001 et donc soumise aux dispositions antérieures de la loi du 26 juillet 2005.

 

Il résulte des dispositions des articles L 621-65 et L 621-82 du Code de Commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 que lorsque le plan de redressement est arrivé à son terme sans avoir fait l’objet d’une décision de résolution, le créancier dont la créance admise n’a pas été totalement réglé, recouvre son droit de poursuites individuelles contre le débiteur.

 

De telle sorte qu’en l’absence de résolution du plan de redressement, seules les sommes dues en vertu de ce plan ou des accords auxquels il se réfère peuvent faire l’objet de réclamation de la part du créancier.(Cour de Cassation Chambre Commerciale 13 septembre 2017).

 

Dès lors les tentatives du débiteur sont alors vaines pour tenter d’échapper au paiement du solde de la créance.

 

La difficulté qui apparait est celle relative à la position du mandataire judiciaire puisque le délai de 10 ans était écoulé et que tout laissait à penser que le plan de redressement devait être clôturé.

 

Or dans cette affaire, le Tribunal de Commerce avait rendu un jugement le 14 novembre 2016 dans lequel il répondait à la requête en résolution du plan de redressement en date du 27 mai 2013, par le commissaire à l’exécution du plan alors en fonction, soit plus de 3 ans après la saisine de la juridiction…,

 

Dans la mesure où le commissaire à l’exécution du plan avait fait valoir ses droits à la retraite, un mandataire judiciaire a été nommé par ledit jugement en qualité de mandataire ad hoc avec mission de faire le paiement des sommes restant dues au plan de redressement, recevoir les sommes auprès du débiteur, les répartir ou les consigner à la Caisse des Dépôts et Consignations, rendre compte de sa mission et d’y mettre fin.

 

On ne peut que s’étonner de cette décision hybride qui vient non pas mettre fin au plan de redressement alors que le délai de 10 ans est largement écoulé ni même faire le point mais vient désigner un mandataire ad hoc qui viendrait en suite du commissaire à l’exécution du plan afin de s’assurer si l’ensemble du passif a été réglé.

 

Cela peut sembler d’autant plus curieux que, classiquement, dans le cadre de l’exécution du plan, le commissaire à l’exécution du plan a vocation à s’assurer que l’échéance annuelle a été réglée par le débiteur et que les créanciers sont interrogés pour s’assurer qu’il n’y a pas de manquements quelconques.

 

La Cour d’Appel ne s’y trompe pas et reste basée sur des principes fondamentaux découlant de l’ancien régime en rappelant que l’action engagée alors que le plan de redressement est expiré depuis le 23 juillet 2012 par un créancier souhaitant être réglé du solde de sa créance admise au passif est parfaitement recevable dans la mesure où ce dernier recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur pour les créances admises mais non intégralement réglées.

 

Dès lors, la désignation d’un mandataire ad hoc après l’expiration du plan de redressement d’une durée de 10 ans insusceptible d’être prolongé, ne peut faire échec à l’exercice par les créanciers de leur droit de poursuite.

 

L’absence d’intervention volontaire ou forcée du mandataire ad hoc est sans conséquence sur les recevabilité des demandes présentées par Monsieur V.

 

Le débiteur se défend en soutenant que la créance était soldée notamment en ce que le solde de la créance avait été reversé entre les mains du mandataire judiciaire en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de telle sorte qu’il appartenait à ce dernier de régler directement Monsieur V.

 

Le débiteur laisse à penser qu’in fine, ce serait de la responsabilité du mandataire judiciaire d’avoir mal affecté les fonds alors que ce dernier avait pour mission de vérifier que l’ensemble des créanciers avaient bel et bien été soldé.

 

La Cour reproche au débiteur de ne pas rapporter la preuve de ce que le mandataire judiciaire aurait bien les fonds en question et que ces fonds n’auraient pas vocation à être réglés au créancier en tant que tel.

 

Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que sous l’empire de l’ancien régime, le créancier non soldé de sa créance admise au passif de la procédure collective peut poursuivre en paiement le débiteur quand bien même le plan de redressement judiciaire aurait été clôturé.

 

Il rappelle également que désormais tout cela n’est plus d’actualité tant le commissaire à l’exécution du plan a désormais l’obligation de s’assurer année par année du parfait paiement des échéances du plan qu’il assure désormais lui même.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Déclaration de créance par le débiteur : avantage ou inconvénient ?

Il convient de s’intéresser à diverses décisions rendues au mois d’octobre 2017 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux qui viennent mettre en exergue les interrogations relatives à la problématique spécifique de la déclaration de créance faite par le débiteur pour le compte du créancier,

 

En effet, l’article L622-24 alinéa 3 du Code de Commerce prévoit que «  Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa ».

 

Il convient de rappeler que la déclaration de créance est une étape importante de la procédure collective puisque elle permet aux organes de la procédure de déterminer l’étendue du passif et donc de déterminer les perspectives réelles de sauvegarde ou de redressement d’entreprises sans quoi celles-ci seraient dirigées vers une liquidation judiciaire.

 

Afin de ne pas enliser l’entreprise en difficulté dans le cadre d’une phase de vérification des créances trop longues et importantes, le législateur a prévu depuis toujours (1965,1985, 1994, 2005, 2012) un délai court de déclaration de créance.

 

La déclaration de créance doit se faire entre les mains du mandataire judiciaire dans les deux mois de la publication au Bodacc du jugement d’ouverture de la procédure collective,

Par la suite, le chef d’entreprise en difficulté autrement appelé débiteur, procède à la vérification des créances en l’étude du mandataire,

 

Le chef d’entreprise en difficulté a alors la faculté d’accepter ou de contester les déclaration de créance qui sont déclarées,

 

En cas de contestation, il appartient au chef d’entreprise de motiver au mieux sa contestation,

 

Il appartient ensuite au mandataire judiciaire de notifier par courrier RAR l’avis de contestation au créancier qui a trente jours pour répondre à cette contestation,

 

A défaut, le créancier risque de se voir interdire tout droit à réponse ultérieur du motif de contestation invoqué par le débiteur, le juge commissaire étant alors en mesure de rejeter la créance en son entier ou de l’admettre sur la base de la seule proposition du mandataire judiciaire,

 

Réforme faisant, l’ordonnance n°326 du 12 mars 2014 vient apporter une modification d’importance, puisque si jusqu’alors le débiteur avait juste l’obligation de remettre une liste des créanciers au mandataire judicaire à l’ouverture de la procédure collective, celui-ci est désormais tenu d’y procéder afin de prédéterminer le passif de la procédure, le chef d’entreprise en difficulté devenant le mandataire des créanciers qu’il vise dans sa liste,

 

L’approche de cette réforme est radicalement différente,

 

Avant 2014, la liste des créanciers établie par le chef d’entreprise servait à offrir une double visibilité,

 

En premier lieu de permettre aux organes de la procédure d’estimer le passif,

 

En deuxième lieu, de vérifier si le dirigeant avait une réelle visibilité de son activité, sans quoi il pourrait être assujetti à une interdiction de gérer,

 

Désormais, le chef d’entreprise participe activement à l’élaboration du passif de sa propre procédure collective,

 

Cette réforme devait réduire le contentieux de manière considérable afin de mettre d’accord les créanciers et le débiteur et donc réduire tout moyen de contestation devant le Juge Commissaire.

 

Pour autant il n’en est rien,

 

Le contentieux s’est déplacé sur de nouveaux axes de contestations et de nouvelles pratiques.

 

Effectivement, le fait que le débiteur déclare une créance n’enlève rien au fait que le créancier a l’obligation de la ratifier.

 

Dans la première affaire, le mandataire judiciaire avait soulevé la forclusion du créancier au motif que ce dernier n’avait pas procédé à la déclaration de créances.

 

Pour autant, le Tribunal n’y fait pas droit et considère que dans la mesure où le débiteur a porté à la connaissance du mandataire judiciaire sa créance et donc était présumé avoir agi pour le compte du créancier, la créance a été déclarée dans les délais de telle sorte que celle-ci ne peut être forclose.

 

En effet, le débiteur en ayant établi dans la liste des créanciers, la créance litigieuse avec son montant, le créancier ne pouvait être valablement forclos même si ce dernier ne procédait pas à une déclaration de créances par lettre recommandée avec accusé de réception dans le délai de mois à compter de la publication au BODACC.

 

Dès lors, dans la mesure où le débiteur a visé la créance dans son listing, celle-ci est inscrite au passif et par là même le créancier n’a plus à faire sa déclaration de créances ni à la justifier si celle-ci n’est pas contestée.

 

Pour autant, la question se pose,

 

Le débiteur peut-il contester la créance qu’il a lui même visé dans la liste des créanciers ?

 

A mon sens oui,

 

Comme à chacun sait, il n’est jamais trop tard pour bien faire,

 

Cependant, le chef d’entreprise pourrait se heurter à un mandataire judiciaire qui refuserait l’idée même d’une contestation dans la mesure ou la créance a été visée par le débiteur,

 

En effet, le mandataire pourrait considérer que dans la mesure où le débiteur a visé la créance dans son listing avec un montant précis, il n’est plus fondé à remettre en question cette créance dans le cadre de la vérification des créances qui se ferait par la suite.

 

Pour autant, dans l’hypothèse où le créancier ne fournit aucun justificatif à l’appui de sa créance, rien n’empêche le débiteur de contester la créance in fine.

 

Dans la deuxième affaire, le créancier, dans le doute, avait préféré se faire relever de forclusion,

 

Là encore, le juge commissaire rejette sa demande au motif que la cause était sans objet dans la mesure où la créance était visée dans la liste du passif.

 

En conséquence, la question qui se pose est de savoir si le débiteur a intérêt à une parfaite transparence sur des créances qu’il aurait vocation à contester.

 

Non pas tant sur leur existence, mais plutôt sur leur montant ou quantum,

 

En effet, il convient de rappeler l’esprit de la procédure collective en terme de déclaration de créance,

 

Car plus le passif sera réduit et plus les chances de présenter un plan de sauvegarde ou de redressement seront importantes.

 

Dès lors, la vraie question qui se pose, en pratique, est de savoir si le débiteur est vraiment tenu de viser l’ensemble de tous les créanciers et de noter le bon montant  dans le cadre de la liste qu’il doit remettre concernant la déclaration de créance,

 

Il serait plutôt judicieux pour lui de viser un montant bien inférieur dans l’hypothèse où le créancier ne déclarerait pas sa créance dans le délai de deux mois.

 

Il serait donc forclos sur le surplus sauf à se faire relever de forclusion.

 

Cela n’est à mon sens pas incompatible avec les dispositions de l’article R 622-5 du Code de Commerce qui prévoit que :

 

« la liste des créanciers établie par le débiteur conformément à l’article L. 622-6 comporte les nom ou dénomination, siège ou domicile de chaque créancier avec l’indication du montant des sommes dues au jour du jugement d’ouverture, des sommes à échoir et de leur date d’échéance, de la nature de la créance, des sûretés et privilèges dont chaque créance est assortie. Elle comporte l’objet des principaux contrats en cours.

Dans les huit jours qui suivent le jugement d’ouverture, le débiteur remet la liste à l’administrateur et au mandataire judiciaire. Celui-ci la dépose au greffe ».

 

Le mandataire en charge de la vérification des créances devient alors le « garde fou » de la liste des créanciers puisqu’il peut les contester au motif qu’elles ne seraient pas justifiées.

 

Le chef d’entreprise ne doit surtout pas être en reste,

 

Il se doit de contester au mieux les créances,

 

Par la suite, le contentieux sera porté devant le Juge Commissaire sur le fondement des dispositions de l’article R 622-23 du Code de Commerce qui prévoit que la déclaration de créance contient les éléments de nature à prouver l’existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d’un titre.

 

Le mandataire judiciaire tout comme le débiteur ont vocation à contester les créances afin d’amener le créancier à justifier du bien fondé de sa créance et surtout de l’exposer à un rejet de la créance en cas de non réponse.

 

Le vœu pieu de l’ordonnance de 2014 visant à remettre en question et réduire autant que faire se peut le contentieux de la vérification des créances est loin d’être acquis,

 

Au contraire la pratique démontre bien qu’il y a de nouvelles perspectives.

 

Ce contentieux offre de belles perspectives de réduction du passif et ce dans l’intérêt du débiteur car plus le passif sera réduit et plus le chef d’entreprise en difficulté sera en mesure d’y faire face et les risques de responsabilité de ce dernier seront réduites comme peau de chagrin.

 

Il est bien évident que le nerf de la guerre en droit économique est la fixation du passif qui va déterminer l’ensemble des tenants et aboutissants du bon déroulement de la procédure collective jusqu’à la clôture.

Des lors, il est extrêmement important pour le dirigeant de suivre avec une grande attention la phase dite de déclaration de créance,