Saisie immobilière et jugement de divorce

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel en février 2018 qui vient aborder le cas spécifique d’un créancier qui, suite à un jugement de divorce, envisage une saisie immobilière sur la base d’un titre exécutoire à l’encontre de deux époux qui ont divorcés peu de temps avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière,

 

La question se posait alors de savoir si le jugement de divorce, ainsi que sa mention sur les registres d’état civil et donc son opposabilité aux tiers, avaient vocation à impacter les droits du créancier,

 

Dans cette affaire, la société F avait poursuivi les anciens époux K et L (Monsieur K, et Madame L) pour procéder à l’exécution d’un jugement rendu en novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de Metz qui les avait condamnés au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, auquel venait s’ajouter une deuxième décision de justice, savoir un arrêt rendu le 9 décembre 2014 dans lequel la Cour d’Appel de Metz avait condamné Monsieur K à payer après compensation la somme de 58 000,00 euros.

 

Le créancier n’étant pas réglé a cru bon procéder à la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière afin de réaliser un actif ayant dépendu de la communauté conjugale.

 

Le créancier se prévalait d’une inscription d’hypothèque définitive publiée le 6 février 2015 et d’un commandement de payer valant saisie qui avait dénoncé tant à Monsieur K qu’à Madame L, le 6 avril 2016, et ce, pour une somme de 909 786,53 euros.

 

En première instance, le Juge de l’Exécution avait ordonné la vente du bien aux enchères et rejeté la demande de nullité du commandement de saisie qui avait été soulevée par les époux K et L,

 

En première instance, le Juge d’orientation avait pris soin de ventiler la créance entre époux en précisant que la société F poursuivait la saisie immobilière à l’encontre de Monsieur K pour une créance liquide et exigible de 909 000 euros et à l’encontre de Madame L pour une créance liquide et exigible 6 022,82 euros.

 

Ce même juge d’orientation avait alors ordonné la vente aux enchères publiques du bien et considérait que le jugement de divorce des époux K et L, n’était pas publié au moment de la délivrance du commandement de payer en date du 6 avril 2016, ne pouvait don être opposé de quelque manière que ce soit au créancier poursuivant,

 

Les consorts K et L ont donc interjeté appel de la décision.

 

La Cour d’Appel a estimé que l’appel était recevable.

 

Ceci étant dit, la Cour s’intéresse à la validité de la procédure de saisie immobilière,

 

La Cour rappelait que le commandement de payer valant saisie a été signifié le 6 avril 2016 à Monsieur K et L, avec la mention époux en biens commun, pour paiement d’une somme de 909 786,53 euros, et ce, dans un délai de 8 jours.

 

En réclamant le montant total de la créance aux époux, la société F a agit en qualité de créancier de la communauté conjugale.

 

Or, celle-ci était dissoute par un jugement de divorce prononcé le 9 mars 2015.

 

La question qui se posait était de savoir à quelle date, le jugement de divorce avait été publié afin de déterminer si à la date du commandement, ce jugement était opposable aux tiers par sa publication auprès du registre de l’Etat civil.

 

La Cour considère que le Juge d’orientation, en première instance, a reconnu à tort que tel n’était pas le cas, puisque le jugement de divorce ayant été inscrit en marge des extraits de naissance de chacun des débiteurs saisis le 27 janvier 2016, il était bien évident que cette inscription était antérieure à la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 6 avril 2016.

 

Dès lors, il convenait de retenir cette date d’inscription en marge des extraits de naissance pour reconnaître que la dissolution du régime matrimonial était bien opposable aux tiers.

 

Il en résulte que, s’agissant d’une indivision post communautaire, le créancier personnel d’un seul des co-indivisaires ne peut saisir en son ensemble le bien indivis.

 

En effet la retranscription des actes de divorce étant antérieure à l’engagement des poursuites, le prononcé du divorce est opposable aux créanciers,

 

Or, dans pareil cas, la cessation de la communauté des biens fait alors place à une indivision post communautaire qui ne peut prendre fin qu’en cas de partage, lequel n’est pas encore intervenu.

 

Il est donc bien évident que la société F ne pouvait poursuivre les co-indivisaires que dans la limite prévue par l’article 815-17 du Code Civil.

 

Immanquablement, le créancier qui a engagé des poursuites sur le fondement d’une copie exécutoire d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Metz en novembre 2012 et d’un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Metz en décembre 2014 à l’encontre des deux époux, ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre de la présente procédure, du droit de suite s’attachant à l’inscription d’hypothèque judiciaire.

 

Dès lors, la nullité du commandement de payer s’imposait, tout comme la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente,

 

Ainsi, dans l’hypothèse de mesures d’exécution à l’encontre d’époux divorcés et dont le jugement de divorce est opposable aux tiers pour avoir été retranscrit en marge des actes de naissance de chacun des époux avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier doit bien appréhender les créances qu’il détient distinctement à l’encontre de chacun des époux avant de foncer « tête baissée » en engageant une procédure de saisie immobilière,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Liquidation judiciaire et licitation-partage font-ils bon ménage ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation chambre commerciale en septembre 2017 et qui vient aborder la question difficile du mariage difficile entre liquidation judiciaire et licitation partage,

Cette hypothèse spécifique n’est malheureusement pas que simple hypothèse d’école,

Il convient de rappeler que le mandataire liquidateur a vocation à procéder à la réalisation des actifs de son débiteur,

Lorsque celui-ci est copropriétaire indivis, le mandataire liquidateur a vocation à réaliser les droits immobiliers indivis de son débiteur,

Il doit alors le faire par voie de licitation partage,

Dans cette affaire, Monsieur X avait été mis en liquidation judiciaire par jugement en date du 9 février 2010.

Celui-ci était propriétaire indivis avec sa mère et sa sœur.

C’est dans ces circonstances que le liquidateur, qui a pour mission de réaliser l’ensemble des actifs a assigné les consorts X en partage et licitation de l’immeuble au visa des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

Pour autant les consorts X mère et fille, jusqu’alors absents, ont formé opposition à l’arrêt qui a ordonné l’ouverture des opérations de liquidation et de partage.

Les consorts X, mère et fille, affirmaient que le maintien dans l’indivision pour une durée de 5 ans renouvelables était fondé dès lors que la licitation de l’immeuble aurait pour effet de les priver de leur habitation,

Elles soulignaient notamment que la mère était veuve et qu’elle avait résidé sans discontinuer dans cette maison depuis le décès de son époux et qu’elle était âgée de 79 ans.

Elles soutenaient qu’il convenait de préserver son droit acquis à l’attribution préférentiel tel que défini à l’article 831-2 du Code Civil.

Enfin, elle précisait qu’elle avait une créance au titre de la conservation du bien indivis qui devra être payée par prélèvement sur l’actif avant le partage, de telle sorte que la licitation ne pouvait permettre de désintéresser les créanciers de la procédure collective,

Dans pareille hypothèse, ces dernières laissaient à penser qu’in fine, le mandataire liquidateur n’avait pas d’intérêt à poursuivre le partage,

Le mandataire liquidateur ne partageait naturellement pas cette approche,

Il considérait que les dispositions du code civil relatives au maintien dans l’indivision, à l’attribution préférentielle et aux modalités du partage n’étaient pas applicables lorsque le bien concerné était soumis à une vente forcée intervenant en exécution des dispositions spéciales, d’ordre public, relatives à la procédure collective,

Comme de rien, la Cour d’appel fait droit à cette argumentation,

Or, la Cour de Cassation donne un tout autre regard sur cette affaire en considérant que ce n’est pas le droit des entreprises en difficulté qui doit prédominer mais les dispositions propres à la licitation partage des articles 822 et 831-2 du Code Civil.

En effet elle considère qu’en statuant ainsi, alors que la licitation de l’immeuble indivis, qui était l’une des opérations de liquidation et partage de l’indivision préexistante au jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de M. Stéphane X…, échappait aux règles applicables en matière de réalisation des actifs de la procédure collective et ne pouvait être ordonnée qu’après examen des demandes formées par Mme Josiane X… tendant au maintien dans l’indivision et à l’attribution préférentielle de l’immeuble, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Cet arrêt qui avait d’ailleurs un renvoi devant la même Cour d’Appel autrement composé, offre une opportunité aux Co indivisaires de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers.

La jurisprudence abonde dans ce sens et par ailleurs votre serviteur a également abordé ce sujet dans le cadre de sa thèse « Le soutien bancaire d’une entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 »UFR Nice 2010.

Cette décision est intéressante car elle permet de rappeler aux Co-indivisaires lorsqu’un d’entre eux est en liquidation judiciaire, que les autres co-indivisaires peuvent, dans le cadre d’une action en liquidation partage, opposer au mandataire judiciaire une demande de maintien en indivision et à défaut une attribution préférentielle du bien avec une éventuelle compensation avec une créance pré existante au titre de la conservation du bien indivis.

Cette créance doit être prélevée sur l’actif avant le partage de telle sorte que cette stratégie permet non seulement de faire primer l’intérêt familial sur l’intérêt collectif des créanciers mais également de laisser à penser que la licitation partage ne permettant pas de désintéresser les créanciers de la procédure collective, le mandataire liquidateur n’aurait pas d’intérêt à procéder par voie de licitation.