Deux époux divorcent à travers une décision rendue par le juge Belge. Par la suite ces derniers étant installés en France et dans la mesure ou le droit Belge ne prévoit pas, au moment des faits, une prestation compensatoire, croit bon engager une action en France afin d’obtenir une prestation compensatoire que la Loi française prévoit en cas de divorce.
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Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue le 07 février 2024 par la Première Chambre civile de la Cour de cassation, N°22-11090 et qui vient aborder la problématique d’un divorce fait à l’étranger, et plus particulièrement en Belgique, pour lequel la notion de prestation compensatoire n’existait pas au moment de la procédure de divorce initiée en Belgique.
Dès lors, l’épouse qui a divorcé en Belgique, mais qui réside désormais en France, croit bon solliciter en France l’application des dispositions des articles 270 et suivants du Code civil permettant d’obtenir une prestation compensatoire.
Un divorce prononcé en Belgique, une prestation compensatoire réclamée en France ?
La question qui se posait était de savoir si oui ou non l’épouse en question pouvait divorcer dans un pays et réclamer en France, par la suite, une prestation compensatoire sur la base des dispositions du Code civil Français alors même que cela n’est pas possible dans le Pays tiers.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, Monsieur et Madame Y s’était mariés en France le 22 septembre 2001 sous le régime de la séparation de biens.
Cependant, ces derniers ont divorcés suivant un jugement rendu par les autorités judiciaires Belges le 22 mai 2012 qui prononçait le divorce et ordonnait la tenue des opérations d’inventaires et de comptes, liquidation et partage de leur régime matrimonial en désignant un notaire pour y procéder.
En juillet 2013, les consorts Y ayant rétabli leur résidence habituelle respective en France, Madame Y a, par la suite, le 13 juillet 2018 assigné Monsieur en fixation d’une prestation compensatoire sur le fondement des articles 270 et 271 du Code civil.
Toute la difficulté du cas présenté dans cette jurisprudence est qu’effectivement la procédure de divorce avait été fait en Belgique mais c’est en France, où elle était désormais résidente comme Monsieur d’ailleurs, que celle-ci a envisagé de faire une procédure aux fins d’obtenir la prestation compensatoire.
Celle-ci a été débouté à hauteur de Cour d’appel et c’est dans ces circonstances que celle-ci s’est pourvu en cassation.
Madame Y reprochant à la Cour d’appel d’avoir déclaré sa demande de prestation compensatoire irrecevable.
Une demande de prestation compensatoire irrecevable ?
Madame Y considérait que si la demande de prestation compensatoire peut semble, en principe irrecevable si elle est présentée après que le jugement de divorce soit passé en force des choses jugées, il en va autrement, selon elle, lorsque le jugement de divorce a été rendu à l’étranger en application d’une loi étrangère ne permettant pas l’allocation d’une prestation compensatoire.
Que dans cette hypothèse, et dans cette hypothèse seulement, Madame Y considérait que l’ancien époux, irrecevable à saisir le Juge Français compétent, pour demander l’allocation d’une prestation compensatoire en application du droit Français tant bien même un jugement de divorce étranger aurait été rendu et serait passé en force de chose jugée.
Madame Y faisait effectivement valoir qu’elle n’avait pu former une demande de prestation compensatoire devant le Juge du divorce Belge puisque la loi Belge applicable à l’époque de l’instance en divorce ne connaissait pas la mécanique de la prestation compensatoire.
Une prestation compensatoire inexistante en Belgique
De telle sorte que celle-ci était fondée à formaliser en France une demande de prestation compensatoire, tant bien même le divorce entre les parties avait été prononcé par un jugement devenu définitif et de longue date.
Madame Y considérant que la Cour d’appel avait violé non seulement les articles 3 et 270 du Code civil mais également et surtout l’article 6-1 de la convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Madame Y rappelant en tant que de besoin que la prestation compensatoire est destinée à compenser tant qu’il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respective des époux, qu’elle présente en premier chef un caractère indemnitaire, raison pour laquelle elle n’est pas subordonnée à la démonstration par son créancier de son état de besoin.
Le rôle de la prestation compensatoire, compenser la disparité ?
Ainsi, pour Madame Y, la pension alimentaire que le droit étranger reconnait au profit d’un ancien époux en la subordonnant toutefois en principe à ce que son créancier justifie de son état de besoin ne constitue pas à l’équivalent de la prestation compensatoire admise en droit Français.
Madame Y soutient que la Cour d’appel a elle-même constaté qu’en principe la pension alimentaire qu’un ancien époux peut solliciter en application du droit Belge ne couvre que son état de besoin, seules les circonstances particulières permettant d’obtenir une somme excédant la couverture de l’état de besoin.
De telle sorte que la prestation compensatoire de droit Français se différencie partiellement de la notion de pension alimentaire après divorce connue du droit Belge applicable au temps du prononcé du jugement de divorce entre les parties.
Une prestation compensatoire distincte de la pension alimentaire
Quant à la force respective que prend, dans l’une et l’autre, de ces notions à caractère alimentaire de la créance à laquelle peut prétendre une partie.
Selon elle, la pension alimentaire admise en droit Belge n’est pas équivalente à la prestation compensatoire réglementée en droit Français.
Madame Y, qui n’avait pas demandé de pension alimentaire pendant l’instance en divorce tenue en Belgique, soutenait qu’elle était parfaitement recevable à solliciter du Juge Français une prestation compensatoire après que le jugement Belge de divorce fût passé en force des choses jugées.
Madame Y soutenant encore que le principe selon lequel la prestation compensatoire n’a pas pour objet de corriger les effets du régime de séparation de biens choisit par les époux, il y a lieu d’apprécier le bienfondé de la demande de prestation compensatoire qui est étranger à l’appréciation de sa recevabilité.
Le Juge aux affaires familiales rappelant en tant que de besoin que la prestation compensatoire n’a pas pour vocation d’anéantir les effets du régime matrimonial de séparation de biens choisi par les époux, ni la répartition subséquente constatée au moment de la liquidation du régime matrimonial.
De telle sorte qu’en déclarant irrecevable la demande de prestation compensatoire sans un fondement, la Cour d’appel avait, selon elle, clairement violé l’article 270 du Code civil.
L’indivisibilité entre la procédure de divorce et la prestation compensatoire
Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et rappelle en tant que de besoin l’indivisibilité existante entre, d’un côté la procédure de divorce et, de l’autre la demande de prestation compensatoire qui est inhérente à cette même procédure de divorce.
Ainsi, la Cour de cassation précise qu’il résulte des articles 270 et 271 du Code civil que le Juge doit se prononcer par une même décision sur le divorce ET sur la disparité que celui-ci peut créer dans les conditions de vie respective des époux.
Ainsi, ayant constaté que le divorce des consorts Y avait été prononcé précédemment en Belgique, la Cour d’appel, qui n’était pas saisi d’une contestation de la régularité internationale du jugement étranger, était tenue, comme il le lui était demandé par les parties, de mettre en œuvre la loi Française sur les obligations alimentaires en vertu des articles 3 et 5 du protocole de LA HAYE du 23 novembre 2007 sur la loi applicable aux obligations alimentaires,
Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel n’a pu qu’en déduire, sans méconnaitre les exigences conventionnelles, que la demande de prestation compensatoire était irrecevable.
Ainsi, la décision de la Haute juridiction est très claire.
Si une procédure de divorce est faite dans un pays qui ne prévoit pas la prestation compensatoire, de telle sorte qu’elle ne peut être valablement demandée par l’un ou l’autre des époux, il n’en demeure pas moins que, si par la suite les époux sont installés en France, ces derniers ne peuvent valablement solliciter après coup, alors que le jugement est frappé de l’autorité de la chose jugée, réclamer par la suite une prestation compensatoire en l’état de cette indivisibilité.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,