La question qui se pose est de savoir si, dans la mesure où le plan de redressement, octroyé sous l’ancien régime juridique antérieur à 2005, a fait l’objet d’un jugement de clôture, le créancier non entièrement réglé de sa créance admise au passif vocation à poursuivre le débiteur, redevenu in boni, aux fins de paiement.
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en mai 2018 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence et qui vient aborder la problématique d’un plan de redressement exécuté en son intégralité sous la loi du 26 juillet 2005.
Le plan a été clôturé et l’un des créanciers n’aurait pas été soldé de sa créance.
Dans cette affaire, Madame C avait été placée en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Saint Tropez (avant sa disparition) en septembre 2001 et un mandataire judiciaire avait été désigné.
Madame C demeurait redevable du solde du prix de cession du fonds de commerce au bailleur Monsieur V.
Le 23 juillet 2002, le même Tribunal de Commerce a adopté le plan de redressement proposé par Madame C qui comprenait notamment avec une cession partielle d’un des fonds de commerce appartenant à la débitrice,
Le mandataire judiciaire avait été désigné commissaire à l’exécution du plan.
Il était prévu que les fonds découlant de cette cession soit affectée au premier dividende et le plan avait été accepté moyennant plusieurs options.
L’option 1 était de régler 26% de la créance dans les trois mois du jugement et l’option de régler la créance à hauteur de 100% dans les 10 ans du plan.
Par jugement du 26 octobre 2010, le Tribunal de Commerce a modifié le plan de redressement arrêté le 23 juillet 2002 et autorisé le report de l’échéance impayée 20009 sur les échéances 2010, 2011 et 2012.
Nonobstant la clôture de ce plan de redressement, les consorts V, créanciers inscrits et admis au passif de la procédure collective, ont assigné Madame C devant le Tribunal de Commerce en paiement de la somme de 10 029,92 euros leur restant due sur la créance déclarée à titre privilégiée au passif de la procédure collective de Madame C à hauteur de 20 199,49 euros.
Ils précisaient n’avoir reçu dans le cadre du plan de redressement que la somme de 10 169,57 euros versée par Maître M en qualité de commissaire à l’exécution du plan et que la durée du plan était expiré.
La question qui se pose est de savoir dans la mesure où le plan de redressement a fait l’objet d’un jugement de clôture, si le créancier non réglé avait vocation à poursuivre sous l’empire de l’ancienne loi le débiteur aux fins de paiement.
Il convient de rappeler que la procédure collective de Madame C avait été ouverte en septembre 2001 et donc soumise aux dispositions antérieures de la loi du 26 juillet 2005.
Il résulte des dispositions des articles L 621-65 et L 621-82 du Code de Commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 que lorsque le plan de redressement est arrivé à son terme sans avoir fait l’objet d’une décision de résolution, le créancier dont la créance admise n’a pas été totalement réglé, recouvre son droit de poursuites individuelles contre le débiteur.
De telle sorte qu’en l’absence de résolution du plan de redressement, seules les sommes dues en vertu de ce plan ou des accords auxquels il se réfère peuvent faire l’objet de réclamation de la part du créancier.(Cour de Cassation Chambre Commerciale 13 septembre 2017).
Dès lors les tentatives du débiteur sont alors vaines pour tenter d’échapper au paiement du solde de la créance.
La difficulté qui apparait est celle relative à la position du mandataire judiciaire puisque le délai de 10 ans était écoulé et que tout laissait à penser que le plan de redressement devait être clôturé.
Or dans cette affaire, le Tribunal de Commerce avait rendu un jugement le 14 novembre 2016 dans lequel il répondait à la requête en résolution du plan de redressement en date du 27 mai 2013, par le commissaire à l’exécution du plan alors en fonction, soit plus de 3 ans après la saisine de la juridiction…,
Dans la mesure où le commissaire à l’exécution du plan avait fait valoir ses droits à la retraite, un mandataire judiciaire a été nommé par ledit jugement en qualité de mandataire ad hoc avec mission de faire le paiement des sommes restant dues au plan de redressement, recevoir les sommes auprès du débiteur, les répartir ou les consigner à la Caisse des Dépôts et Consignations, rendre compte de sa mission et d’y mettre fin.
On ne peut que s’étonner de cette décision hybride qui vient non pas mettre fin au plan de redressement alors que le délai de 10 ans est largement écoulé ni même faire le point mais vient désigner un mandataire ad hoc qui viendrait en suite du commissaire à l’exécution du plan afin de s’assurer si l’ensemble du passif a été réglé.
Cela peut sembler d’autant plus curieux que, classiquement, dans le cadre de l’exécution du plan, le commissaire à l’exécution du plan a vocation à s’assurer que l’échéance annuelle a été réglée par le débiteur et que les créanciers sont interrogés pour s’assurer qu’il n’y a pas de manquements quelconques.
La Cour d’Appel ne s’y trompe pas et reste basée sur des principes fondamentaux découlant de l’ancien régime en rappelant que l’action engagée alors que le plan de redressement est expiré depuis le 23 juillet 2012 par un créancier souhaitant être réglé du solde de sa créance admise au passif est parfaitement recevable dans la mesure où ce dernier recouvre son droit de poursuite individuelle contre le débiteur pour les créances admises mais non intégralement réglées.
Dès lors, la désignation d’un mandataire ad hoc après l’expiration du plan de redressement d’une durée de 10 ans insusceptible d’être prolongé, ne peut faire échec à l’exercice par les créanciers de leur droit de poursuite.
L’absence d’intervention volontaire ou forcée du mandataire ad hoc est sans conséquence sur les recevabilité des demandes présentées par Monsieur V.
Le débiteur se défend en soutenant que la créance était soldée notamment en ce que le solde de la créance avait été reversé entre les mains du mandataire judiciaire en sa qualité de commissaire à l’exécution du plan de telle sorte qu’il appartenait à ce dernier de régler directement Monsieur V.
Le débiteur laisse à penser qu’in fine, ce serait de la responsabilité du mandataire judiciaire d’avoir mal affecté les fonds alors que ce dernier avait pour mission de vérifier que l’ensemble des créanciers avaient bel et bien été soldé.
La Cour reproche au débiteur de ne pas rapporter la preuve de ce que le mandataire judiciaire aurait bien les fonds en question et que ces fonds n’auraient pas vocation à être réglés au créancier en tant que tel.
Cet arrêt est intéressant puisqu’il rappelle que sous l’empire de l’ancien régime, le créancier non soldé de sa créance admise au passif de la procédure collective peut poursuivre en paiement le débiteur quand bien même le plan de redressement judiciaire aurait été clôturé.
Il rappelle également que désormais tout cela n’est plus d’actualité tant le commissaire à l’exécution du plan a désormais l’obligation de s’assurer année par année du parfait paiement des échéances du plan qu’il assure désormais lui même.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,