Quel est le devoir d’information du préteur sur l’étendue de l’assurance groupe accompagnant un crédit bancaire ? Le banquier dispensateur de crédit qui propose à son client d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques à l’exécution de tout ou partie de son engagement est tenu de rapporter la preuve qu’il a exécuté son devoir de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.
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Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 02 mai 2024, N°22-21.642, dans laquelle la Cour de cassation rappelle que le banquier dispensateur de crédit qui propose à son client d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques à l’exécution de tout ou partie de son engagement est tenu de rapporter la preuve qu’il a exécuté son devoir de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.
La remise d’une notice claire ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.
L’obligation d’éclairer son client sur l’adéquation des risques couverts par le contrat d’assurance groupe
La Cour de cassation va plus loin encore en rappelant qu’en l’absence d’adhésion de l’emprunteur à cette assurance, la banque doit rapporter la preuve qu’elle a exécuté son obligation d’éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de sa situation personnelle.
Il est vrai que bon nombre de crédits, et plus particulièrement de crédits immobiliers, s’accompagnent d’assurance groupe venant protéger l’emprunteur en cas de difficulté qu’il pourrait rencontrer dans le cadre des années passant, plus particulièrement en crédits immobiliers où nous sommes sur des délais qui peuvent aller de vingt à trente ans, qui font qu’il est difficile de penser être à l’abri pendant toute cette longue période de quelque incident ou accident de parcours que ce soit.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, Monsieur V avait souscrit 21 prêts immobiliers entre 2001 et 2008 auprès de la banque pour financer l’acquisition et les travaux de rénovation de plusieurs biens immobiliers à usage locatif.
Ce dernier avait pourtant fait le choix de ne pas adhérer à l’assurance groupe proposée par le prêteur, notamment, je présume, au motif pris du fait que les biens immobiliers en question avaient des fins de revenus locatifs.
Par la suite, le 29 octobre 2010, un protocole d’accord de rééchelonnement de la totalité des prêts avait été conclu entre Monsieur V et la banque.
Un arrêt de travail de l’emprunteur à la suite d’une maladie dégénérative
Puis, le 27 septembre 2012, Monsieur V avait été mis en arrêt de travail à la suite d’une maladie dégénérative.
C’est dans ces circonstances que, le 14 décembre 2012, Monsieur V a assigné la banque en responsabilité en lui reprochant de ne pas l’avoir mis en garde sur les risques qu’il encourrait à ne pas souscrire une assurance décès invalidité avec incapacité totale de travail.
La Cour d’appel de Caen avait débouté Monsieur V de ses prétentions et ce dernier s’était pourvu en cassation.
Ce dernier effectivement faisait grief à la Cour d’appel de Caen de rejeter son action en responsabilité à l’encontre de la banque fondée sur le manquement à l’obligation de conseil quant à l’adhésion des assurances facultatives et de condamner à payer diverses sommes au titre de ces prêts.
Le manquement à l’obligation de conseil quant à l’adhésion des assurances facultatives
Selon lui, le banquier prêteur qui propose à son client d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques l’exécution de tout ou partie de ses engagements est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle emprunteur, la remise de notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.
Pour autant, Monsieur V faisait grief à la Cour d’appel d’avoir relevé pour juger que le manquement de la banque à cette obligation n’était pas établi, que le devoir d’information du prêteur sur l’étendue de l’assurance suppose que l’emprunteur souscrive à l’assurance groupe proposée par le prêteur.
Comment éclairer l’emprunteur en matière d’assurance groupe ?
Qu’en le devoir d’éclairer l’emprunteur en matière d’assurance existe dès lors qu’une banque qui a consenti un prêt à un emprunteur lui propose d’adhérer à un contrat d’assurance groupe qu’elle a souscrit et ne saurait être exclu par l’absence d’adhésion de l’emprunteur qui ne peut prendre cette décision que s’il a été dûment éclairé.
Selon Monsieur V, il revient donc au banquier prêteur tenu d’une obligation d’information de conseil ou de mise en garde de prouver qu’il a bien rempli cette obligation tantôt de proposer une parfaite adéquation entre une assurance groupe et le financement proposé, tantôt de remplir cette même obligation de conseil et de mise en garde à l’encontre de Monsieur V lorsque ce dernier ne souhaite pas adhérer à une assurance groupe.
Monsieur V rappelant qu’il appartient bien sûr à la banque de rapporter la preuve qu’il a rempli son obligation d’information, de conseil et de mise en garde, la charge de la preuve reposant effectivement sur les épaules de l’établissement bancaire.
La charge de la preuve quant à l’obligation d’information
La Cour de cassation partage en soit le pourvoi de Monsieur V et, au visa des articles 1315 devenu 1353 et 1147 du Code civil, vient finalement rappeler les obligations de l’établissement bancaire concernant la problématique du contrat d’assurance groupe en précisant notamment qu’il résulte de l’article 847 du Code civil que le banquier qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer un contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir en cas de survenance de divers risques l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur.
La remise d’une notice claire ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation.
La Cour de cassation considérant par ailleurs au visa de l’article 1315 ou 1353 du Code civil que c’est au débiteur de l’obligation de rapporter la preuve de son exécution et donc de l’établissement bancaire.
Ainsi, pour écarter la responsabilité de la banque, l’arrêt énonce que le devoir d’information du prêteur sur l’étendue de l’assurance suppose que l’emprunteur souscrive à l’assurance du groupe qui lui est proposé par le prêteur.
Le devoir d’information du préteur sur l’étendue de l’assurance
Puis, après avoir relevé que le contrat de prêt litigieux contienne une information sur l’assurance de groupe souscrite par la banque et la possibilité pour l’emprunteur de souscrire une garantie équivalente auprès de l’assureur de son choix.
Ainsi, si la Cour d’appel retient que Monsieur V a reconnu avoir été informé des clauses et conditions de l’assurance groupe et a renoncé en toute connaissance de cause à y adhérer et relève dans son arrêt que pour divers prêts il s’est assuré auprès d’un autre assureur de son choix qui était tenu de l’informer sur les risques couverts à sa situation personnelle pour en déduire que le manquement de la banque à son obligation d’information et de conseil n’était pas établi.
Pour autant, la Cour de cassation rappelle, d’une part, que la banque qui avait consenti des prêts assortis de la proposition d’adhérer à un contrat d’assurance groupe était tenu, en l’absence d’adhésion de l’emprunteur à cette assurance, de l’éclairer sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de sa situation personnelle et, d’autre part, qu’il incombait à la banque de rapporter la preuve qu’elle avait exécuté cette obligation.
L’adéquation entre le contrat d’assurance groupe et le financement proposé
La Cour de cassation va plus loin dans son raisonnement et en tire bien sûr des conséquences.
Elle rappelle ainsi que pèse bien sur la banque une obligation de conseil et de mise en garde, à la fois sur l’adéquation entre le contrat d’assurance groupe et le financement proposé, mais également fait peser à l’établissement bancaire cette même obligation de conseil et de mise en garde afin d’éclairer l’emprunteur sur les risques d’un défaut d’assurance au regard de cette situation personnelle.
La charge de la preuve reposant donc sur le débiteur de l’obligation, et donc, l’établissement bancaire.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,