L’établissement bancaire engage t’elle sa responsabilité de la même manière à l’encontre de l’entreprise en difficulté tant en cas de soutien abusif, qu’en cas de rupture abusive du concours initialement octroyé ? La caution peut-elle engager la responsabilité de la banque pour ses deux fautes ? Sur quel fondement ?
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Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et vient aborder la problématique de la responsabilité civile de la banque lorsque celle-ci retire son concours.
Et ce, plus particulièrement, lorsque l’entreprise débitrice se retrouve en liquidation judiciaire.
La question se pose alors de savoir si la banque engage finalement sa responsabilité au visa des dispositions de l’article L650-1 du Code du commerce, qui sont liées au concours octroyé ou si finalement, le fondement juridique de la responsabilité de la banque est distinct car, finalement il est question de reprocher à la banque d’avoir retiré abusivement son concours ?
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, et par acte du 30 mars 2011, les consorts U s’étaient rendus cautions du prêt consenti à la société C par la banque.
Par la suite, malheureusement, la société a été mise en redressement, puis après résolution du plan en liquidation judiciaire respectivement les 18 juillet 2013 et 02 juillet 2015.
La banque, ne perdant pas de temps, a alors assigné en paiement les cautions.
Ces derniers, reconventionnellement, ont recherchés la responsabilité de la banque pour rupture abusive du crédit.
Dans le cadre de cette procédure, les cautions avaient opposé des moyens de défense classiques à l’encontre de la banque et avaient notamment soulevé le caractère disproportionné de leurs engagements de caution.
Ils avaient également soulevé différents manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mises en garde.
Le caractère disproportionné
Concernant le caractère disproportionné des engagements, la fiche de renseignements avait été étudiée par la banque et ne montrait pas une disproportion manifeste au sens de l’article 341-4 du Code la consommation, devenu désormais L332-1 et L343-4 du même code.
Il n’y avait donc pas de caractère disproportionné de l’engagement de caution. Ces derniers étant en mesure d’honorer leur engagement de caution à hauteur de la somme de 94 436 €, somme pour laquelle ces derniers avaient été condamnés.
Pour autant, était-il question d’en rester là ?
Les cautions maintenaient que la banque était tenue d’un devoir de mises en garde à l’égard des cautions, de telle sorte qu’au ljour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution.
En effet, il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, de telle sorte qu’il résulterait de cet engagement, une inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et de la caution.
Les cautions n’en restèrent pas là et soutenaient par ailleurs que le seul statut de dirigeant ou d’associés de la société cautionnée était impropre à caractériser la qualité de caution avertie.
Le devoir de mise en garde
De telle sorte que banque ne pouvait s’exonérer de son devoir de mise en garde.
Sur ce deuxième point, les juges au fond ne suivent pas l’argumentation des cautions et considèrent qu’ils doivent être considérées comme des cautions averties, dès lors qu’à la date de leur engagement ils étaient propriétaires à 100 % des parts sociales de la SCI C, débiteur principal.
La rupture abusive du crédit
Mais surtout, cette jurisprudence est intéressante en ce qu’elle vient aborder la problématique de la rupture abusive du crédit par l’établissement bancaire.
En effet, dans le cadre de leur pourvoi, les consorts U faisaient grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy de les avoir déboutés de leur demande reconventionnelle relative à la mise en jeu de la responsabilité de la banque.
En effet, ces derniers considéraient que la banque engageait sa responsabilité à l’égard de la caution aussi bien pour l’octroi abusif d’un concours octroyé à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure collective que pour le cas ou le même établissement bancaire a rompu abusivement le concours.
Cependant la Cour d’Appel ne cède pas à l’amalgame entre deux champs de responsabilité bien distincts,
La Cour d’appel considérait que cette responsabilité de la banque pour un octroi abusif de concours était régie par les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce qui n’ouvre pas droit à réparation en cas de rupture abusive de crédit.
En effet, il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, il appartient à la caution qui entend rechercher la responsabilité de la banque non pas au titre d’une action qui lui est propre en vertu du caractère accessoire de son engagement au titre d’une faute commise par le comportement de l’emprunteur débiteur principal, il appartient à la caution de rapporter la preuve soit d’une fraude soit d’une exécution caractérisée dans la gestion du débiteur soit que les garanties prises en contrepartie des concours soient disproportionnés.
La question qui se posait était de savoir si oui ou non, la responsabilité de la banque devait être assujettie aux dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, alors qu’il n’était pas question d’octroi de crédit, ni de soutien abusif, mais bel et bien de rupture abusive de crédit.
Pour autant, il est vrai que de prime abord tout semble lié.
En effet, dans un premier temps, les consorts U reprochaient à la banque d’avoir complaisamment donné son concours financier à la société C sans aucune vérification.
Puis, dans un deuxième temps, d’avoir brutalement révoqué ce concours en décidant de ramener l’autorisation de découvert bancaire qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €.
Acculant le débiteur principal à l’impayé, et exposant d’autant les cautions.
Dès lors, les cautions considéraient que la banque devait aussi voir sa responsabilité engagée pour avoir brutalement rompu le concours consenti à la société C.
Fort heureusement, la Cour de cassation est sensible à cette problématique.
Tout dépend, cependant, du fondement juridique évoqué à cette fin.
En effet, s’il est vrai que la Cour d’appel a été sensible au fait qu’après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque avait, par la suite, brutalement révoqué son concours en décidant de ramener son autorisation de découvert qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €,
Si faute il y avait, il n’en demeurait pas moins que le fondement juridique n’était plus le même.
En effet, à juste titre, la Cour rappelle que les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce ne concernent que la responsabilité du créancier lorsqu’elle est recherchée du fait du concours qu’elle a consenti.
Sur la base de ce texte, seul l’octroi estimé est fautif de ceux-ci et non leur retrait peut donner lieu à l’application de ce texte.
Pour autant, l’établissement bancaire ne serait pas responsable en cas de rupture abusive de crédit ?
Bien sûr que si.
En effet, la Cour de cassation casse et annule puis renvoie les parties devant la même Cour d’appel autrement composée, en précisant que l’article L650-1 du code du commerce est réservé à l’établissement bancaire qui a commis une faute en octroyant un crédit.
Mais, dans le cas contraire, en cas justement de rupture abusive de crédit, si l’article L650-1 du Code du commerce ne trouverait à s’appliquer, il n’en demeure pas moins que le droit commun de la responsabilité a vocation à s’appliquer en cas de rupture abusive du crédit.
Cela est heureux.
En effet, cette jurisprudence est salutaire.
La Cour de cassation souligne que la rupture abusive du crédit ne peut être protégée par les critères extrêmement fermés de l’article L650-1 du code du commerce qui demeurent des dispositions dérogatoires et protectrices de l’établissement bancaire.
Par voie de conséquence, tant le débiteur principal, que la caution peuvent donc se retourner contre la banque en cas de rupture abusive de crédit.
Et venir ainsi sanctionner une pratique malheureusement trop courante lorsque notamment les découverts bancaires sont réduits à néant sans autre forme de procès, par l’établissement bancaire, quasi du jour au lendemain, sans aucune raison valable par ailleurs.
Il importe à ce moment-là au chef d’entreprise qui se trouve en difficulté, d’imaginer engager la responsabilité de la banque dès le début de la procédure collective sans avoir besoin d’attendre le prononcé de la liquidation judiciaire, véritable épée de Damoclès, exposant tant le débiteur principal que sa caution.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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