Laurent Latapie faillite internationale
Laurent Latapie faillite internationale

Une entreprise se trouvant en difficulté financière du fait de la rupture subite par la banque du concours et des prêts bancaires, et se retrouvant sous le coup d’une procédure collective, redressement ou liquidation judiciaire, peut-elle engager la responsabilité de la banque pour rupture fautive de crédit ? la banque peut-elle se retrancher derrière les dispositions protectrices de l’article L650-1 du code du commerce ou engage t’elle quand même sa responsabilité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et qui vient aborder la question récurrente, surtout en ces temps difficiles, et en ces phases de confinement successives, de la responsabilité de la banque lorsque l’entreprise rencontre des difficultés, et que comme de rien, la banque décide de mettre fin à toute forme de concours, laissant ainsi à penser que la banque peut et elle peut engager sa responsabilité pour rupture abusive de crédit.

 

La question qui se pose est de savoir sur quel fondement puisque la responsabilité de la banque est classiquement abordée au visa de l’article L650-1 du Code de commerce lorsque l’entreprise est sous le coup d’une procédure collective, sauvegarde de justice, redressement judiciaire, ou bien encore en liquidation judiciaire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société CF avait souscrit auprès de plusieurs partenaires, dont la banque X différentes ouvertures de crédit.

 

Malheureusement, les 02 octobre 2014 et 02 février 2015, les deux banques ont, respectivement, notifiés à la société CF la donation des concours consentis.

 

C’est dans ses circonstances que dans la même foulée, la société CF s’est retrouvée en cessation des paiements, et a dû déposer le bilan, de telle sorte que, par jugement en date du 21 avril 2015, le Tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société CF.

 

C’est dans ses circonstances que la société CF dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire a pris l’initiative d’engager une action en responsabilité contre la banque sur le fondement en responsabilité contractuelle des banques sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil ainsi que l’article L313-12 du Code monétaire et financier pour rupture abusive du crédit.

 

Or, à hauteur de Cour d’appel, la société CF et son mandataire de justice, avaient été déboutés par la Cour d’appel de Bourges, qui avait, tout simplement, déclarée leur action irrecevable au motif pris que l’article L650-1 du Code de commerce était applicable.

 

Quelle responsabilité contre la banque ?

 

Cependant, dès le début de la procédure, la société CF avait considéré que l’article L650-1 du Code de commerce ne pouvait être applicable qu’à la responsabilité fondée sur un octroi abusif de crédit et non à la responsabilité résultant d’une rupture fautive de crédit.

 

Celle-ci ayant par là même fondée son action contre la banque sur la base de sa responsabilité de droit commun semblait bien fondée à le faire.

 

De telle sorte qu’en appliquant ce texte à une action en rupture fautive de crédit, la Cour d’appel avait violé l’article L650-1 du Code de commerce.

 

Il convient de rappeler que l’article L650-1 alinéa 1er du Code de commerce, précise que lorsqu’une procédure de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceci.

 

Une thèse avait d’ailleurs été faite en son temps par votre serviteur, « le soutien bancaire à l’entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 », thèse publiée à l’université de Nice en 2010 et qui vient aborder justement toutes la finesse et les finalités liées à l’article L650-1 du Code de commerce tout comme cette thèse abordait également tous les moyens de mettre en difficulté l’établissement bancaire nonobstant en dehors du champ classique de l’article L650-1 du Code de commerce, nouvelle disposition protectrice des établissements bancaires qui avait en son temps fait couler beaucoup d’encre.

 

Au visa de cet article, la Cour d’appel avait effectivement considéré qu’il n’était ni établi ni même allégué que les banques intimées se serait rendue coupable de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées à ces derniers, de telle sorte que les prétentions de la société CF se heurtait à la rigueur des critères limités de l’article L650-1 précité et ne pouvait donc obtenir gain de cause sur cette seule base.

 

Pour autant, la société CF considérait que l’article L650-1 du Code de commerce n’était applicable qu’à la responsabilité fondée sur un octroi fautif de crédit et non à la responsabilité résultant d’une rupture fautive du crédit, de telle sorte qu’en appliquant ce texte en action à une action en rupture fautive de crédit, la Cour d’appel avait forcément violé l’article L650-1 du Code de commerce.

 

Quant à elle, la Cour de cassation ne s’y trompe pas et vient effectivement exclure l’application de l’article L650-1 du Code de commerce dans le cadre de cette action en responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit.

 

La Cour de cassation rappelle au visa de l’article L650-1 du Code de commerce, qu’aux termes de ce texte lorsqu’une procédure de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraudes et d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteurs ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci.

 

La banque demeure responsable pour sa rupture de crédit

 

Pour autant, pour déclarer l’action en responsabilité irrecevable, l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges retient que les demandes fondées sur l’exclusion de l’article L313-12 du Code monétaire et financier, aux fins d’octroi de dommages et intérêts en raison de la rupture du crédit à court terme doit s’analyser comme constituant au sens de l’article L650-1 du Code de commerce des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis et qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que les banques se seraient rendues coupables de fraudes, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours ont été disproportionnées.

 

Or, la Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi alors que les dispositions de l’article L650-1 du Code de commerce ne concerne que la responsabilité du créancier lorsqu’il est recherché du fait des concours qu’il a consenti, seul l’octroi estimé fautif de ceux-ci et non leur retrait peut engager leur responsabilité en application de ce texte.

 

De telle sorte que la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a violé l’article L150-1 du Code de commerce.

Elle casse et annule l’arrêt en question puis renvoi l’affaire devant la Cour d’appel autrement composée afin que celle-ci détermine et tranche la responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit au visa non plus de l’article L650-1 du Code de commerce mais bel et bien des articles 1134 et 1147 du Code civil et de l’article L313-12 du Code monétaire et financier qui vient justement sanctionner la banque pour rupture abusive de crédit.


Dès lors, en cas de rupture du concours bancaire ou du crédit bancaire, exposant l’entreprise au dépôt de bilan et à la liquidation judiciaire, l’établissement bancaire engage clairement sa responsabilité et le chef d’entreprise ne doit pas négliger cette option.

 

A bon entendeur…

 

 

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

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