Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

Un associé peut-il occuper gratuitement le bien immobilier appartenant à sa SCI ? Dans quelles conditions une convention de prêt à usage peut-elle être envisagée ? A défaut, quelles conséquences en termes d’indemnité d’occupation et de créances dans les comptes courants entre associés ? 

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la troisième Chambre civile de la Cour de cassation ce 02 mai 2024, N°22-24.503.

 

Cette jurisprudence précisant que lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par Assemblée Générale des associés statuant dans les conditions prévues par l’application des statuts.

 

L’acquisition de sa résidence principale au travers d’une SCI

 

Cette jurisprudence est intéressante, nous avons déjà longuement abordé l’hypothèse des sociétés civiles immobilières qui est une formule de plus en plus usitée pour se porter acquéreur d’un bien immobilier, fusse-t-il, la résidence principale, ceci d’autant plus que cette création de SCI semble être de plus en plus sollicitée par les établissements bancaires.

 

Pour autant, cela a également des conséquences dans la vie entre associés, surtout lorsque l’on est en présence d’une Société Civile Immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Nous sommes en présence d’une SCI dite familiale composée comme associés des époux qui vont acheter par le biais de cette Société Civile Immobilière leur résidence principale et leur domicile familial.

 

Si le montage par le biais d’une SCI peut avoir des conséquences importantes en droit bancaire, et nous avons déjà très largement publié sur le sujet, ce montage en société peut également avoir une incidence concernant les relations entre associés quant à l’occupation gratuite du bien lorsque les époux notamment se séparent.

 

Quelle occupation du bien par les associés de la SCI ?

 

Cette jurisprudence venant effectivement aborder un peu cette question.

 

Dans cette affaire, en 2001, une Société Civile Immobilière F avait été constituée entre Madame F, titulaire de 99 parts, et de Monsieur I, titulaire d’une seule part sur 100.

 

La SCI était propriétaire d’un immeuble de deux étages dont le rez-de-chaussée donnait à bail commercial depuis 2002 à une société dont Monsieur I était le gérant.

 

Le 15 septembre 2013, après la séparation du couple, la SCI, représentée par Monsieur I, a consenti à celui-ci un prêt à usage portant sur le premier et le deuxième étage de l’immeuble.

 

Or, le 16 juin 2014, lors d’une Assemblée Générale Extraordinaire convoquée par un mandataire désigné judiciairement, la révocation de Monsieur I de ses fonctions de gérant et la nomination de Madame F en qualité de gérante ont été décidés.

 

Le remboursement du compte courant d’associé au sein de la SCI

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur I a assigné la SCI en remboursement de son compte-courant d’associé et celle-ci a formé des demandes reconventionnelles, notamment aux fins d’annulation de la convention de prêt à usage conclu le 15 septembre 2013.

 

L’annulation de la convention de prêt à usage

 

Dans cette affaire, Monsieur I faisait grief à la Cour d’appel de prononcer une indemnité du contrat de prêt à usage conclu le 15 septembre 2013 avec la SCI et de le déclarer occupant sans droit ni titre de la partie habitation de l’immeuble de la SCI, de fixer une indemnité d’occupation et, faute de libération des lieux dans un certain délai, finalement, d’ordonner son expulsion alors que, selon lui, le gérant d’une société engage la société par les actes entrant dans l’objet social peu importe que l’acte litigieux n’ait pas été expressément visé dans la clause de définition.

 

Monsieur I reprochait à la Cour d’appel de s’être borné à relever pour prononcer la nullité du contrat signé le 15 septembre 2013 entre la SCI F et Monsieur I, qu’en l’espèce, l’objet social de la SCI F ne précisait pas expressément que les biens de cette dernière pouvait être mis gratuitement à la disposition des associés.

 

Que disent les statuts de la SCI ?


De sorte qu’une décision des associés aux conditions de majorité requise par les statuts pour modifier l’objet social était nécessaire sans rechercher si à supposer même que cela n’y soit pas expressément mentionné, la conclusion d’un contrat de commodat n’entrait pas dans l’objet social.

 

La Cour d’appel aurait donc, selon lui, privé sa décision de base légale au regard des articles 1848, 1849 et 1852 du Code civil.

 

La disposition gratuite du bien par les associés prévue dans les statuts ?

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas son analyse et précise que la Cour d’appel a énoncé à bon droit que lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l’Assemblée Générale des associés statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.

 

La Cour de cassation considérant que, en ayant relevé que l’objet social ne précisait pas expressément que les biens de la SCI pouvaient être mis gratuitement à la disposition des associés, la Cour d’appel qui n’était pas tenue de procéder à une recherche inopérante a également justifié sa décision.

 

Ainsi, par ce biais, la Cour de cassation vient rappeler que lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par Assemblée Générale des associés statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts.

 

Quelle occupation du bien de la SCI lorsque les époux, associés, se séparent ?

 

Ainsi, cela clôt le débat de montage assez fréquent dans lequel on peut constater que l’un des associés, plus particulièrement lorsque nous sommes en présence d’une Société Civile Immobilière familiale, dès lors, quand le couple se sépare, bien souvent, l’un des associés reste à l’intérieur et croit bon pouvoir y rester gratuitement.

 

Cela peut créer des difficultés, surtout lorsque le couple se sépare car le Juge aux affaires familiales n’est pas compétent pour affecter le bien de la SCI à l’un ou à l’autre des associés car au-delà du droit de la famille c’est la relation entre associés qui va prédominer dans les rapports entre associés de la SCI propriétaire du bien qui est la résidence principale du couple.

 

Le calcul de l’indemnité d’occupation et les comptes courants entre associés

 

Dès lors, le droit de la famille s’écarte au profit du droit des sociétés et cela peut générer des incidences importantes puisqu’il n’est pas rare de constater que, lorsque l’un des deux époux ou ex-compagnon va rester à l’intérieur, se garde bien de payer quoi que ce soit et se revendiquant comme étant occupant à titre gratuit au titre d’un prêt à usage, autrement appelé commodat.

 

Cette jurisprudence rappelle donc qu’il est donc possible de déclarer du coup l’occupant sans droit ni titre du bien de la SCI tout en fixant du coup une indemnité d’occupation et, à défaut de libération des lieux dans un certain délai, d’ordonner son expulsion.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

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