Le débiteur de bonne foi peut-il représenter un nouveau dossier de surendettement alors qu’il a subi une décision de déchéance de sa première procédure de surendettement ?
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Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation en ce mois de mars 2020 et qui vient aborder la problématique du cumul des procédures de surendettement qui viennent se cumuler les unes aux autres, surtout lorsque la première a fait l’objet d’une décision de déchéance de droit au surendettement.
La question se pose de savoir si le débiteur de bonne foi peut représenter un nouveau dossier de surendettement alors qu’il a obtenu une déchéance voir qu’il a subi une déchéance dans le cadre d’une première procédure de surendettement.
Il convient de rappeler que la procédure de surendettement, tout comme le droit à l’entreprise en difficulté pour les commerçants, est un droit protecteur du consommateur en difficulté et ce critère de bonne foi peut d’ailleurs être un barrage difficile à passer empêchant le débiteur malheureux de se retrouver sous la protection des dispositions protectrices du droit du surendettement.
Notamment lorsque le débiteur est acculé à travers de nombreux crédits qui sont générateurs de nombreux frais ou nombreux frais et intérêts lorsque par ailleurs ces derniers risquent de voir leur bien immobilier personnel saisi par un des créanciers.
Dans cette affaire, le Juge du Tribunal d’instance avait par jugement du 17 février 2017, ordonné la déchéance de Madame Y à la procédure de surendettement dont elle bénéficiait.
Cette dernière a alors déposé une nouvelle demande de traitement de sa situation financière qui a été par la même déclarée irrecevable par la commission de surendettement.
C’est dans ces circonstances que Madame Y a engagé une procédure aux fins d’obtenir le bénéfice d’une nouvelle procédure de surendettement.
Elle faisait notamment grief à la commission de surendettement d’avoir rejeté sa demande, tout comme au jugement qui s’en était suivi, d’avoir rejeté son recours qu’elle avait formée contre la décision de la commission de surendettement des particuliers et de confirmer cette décision d’irrecevabilité.
Madame Y considérait que la déchéance du droit au bénéfice d’une procédure de surendettement ne fait pas obstacle à une nouvelle demande si le requérant démontre l’existence d’éléments de nouveau de nature à conduire à une analyse différente de la situation.
Dès lors, Madame Y reprochait au Juge de première instance d’avoir déclaré sans incidence d’éventuelles survenances d’évènements nouveaux postérieurs au jugement du 07 février 2017.
Ce qui aurait pourtant permis, sur la seule base de la survenance de ces éléments nouveaux, dits évènements postérieurs à la première décision de la commission de surendettement qui aurait dû l’amener à s’exprimer à nouveau et de faire droit à cette nouvelle procédure de surendettement réclamé par Madame Y.
Effectivement, dans cette affaire il convient de rappeler que Madame Y avait fait l’objet d’un premier jugement en date du 24 mai 2016 qui avait droit à la recevabilité de sa demande au bénéfice de la procédure de surendettement.
Dite décision qui avait été confirmé alors qu’elle subissait déjà les contestations de son bailleur qui s’était opposé à tout report, échelonnement ou effacement à venir et concernant cette créance du bailleur, notamment le bailleur souvent par ailleurs, la mauvaise foi du débiteur.
Cette contestation quasi automatique de la notion de bonne foi par les créanciers est malheureusement bien trop fréquente, et bien souvent infondée.
En effet, classiquement, les créanciers considérent que, dès lors que le débiteur ne remplit pas ses obligations financières il est nécessairement de mauvaise foi.
Ceci est à mon sens une ineptie car malheureusement la vie est ainsi faite que celle-ci n’est pas un long fleuve tranquille et réserve bon nombre de surprises bonnes et bien souvent mauvaises amenant tout emprunteur à faire face à des situations difficiles, voire inextricables.
Or, le Juge de première instance reprochait à Madame Y d’abord reçu de son ex-époux une soulte, dans le cadre de son divorce ce qui aurait très largement permis de solder un certain nombre de dettes, ce dont elle s’était bien gardée de faire état dans son dossier de surendettement.
C’est dans ces circonstances que la Présidente de première instance à re-convoquée Madame Y afin de l’entendre sur ses différentes prétentions.
Malheureusement, la lettre de convocation adressée en recommandé est retournée au greffe avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse », celle-ci n’étant dès lors ni présente ni représentée à l’audience, la juridiction avait alors prononcée la déchéance de Madame Y du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers au motif pris de sa mauvaise foi procédurale.
Madame Y a fait alors le choix de ne pas faire appel.
Ceci d’autant plus que dans bien des cas il n’est pas de droit.
Il était peut-être plus judicieux de représenter un nouveau dossier.
La commission de surendettement devant alors s’interroger sur un éventuel changement à venir dans cette situation.
Or, c’est dans ces circonstances que Madame Y a effectivement déposé son nouveau dossier de surendettement avec de nouveaux éléments, de telle sorte qu’il était bien question d’une situation nouvelle postérieure à la première procédure de surendettement.
La Cour de cassation considère au visa de l’article L761-1 premier du Code de la consommation que la déchéance du débiteur du bénéfice des dispositions de traitement de sa situation de surendettement ne fait pas nécessairement obstacle à une nouvelle demande, si, et seulement si, il existe de nouveaux éléments.
Ainsi, pour déclarer irrecevable la demande de Madame Y, le jugement retenait qu’une première décision avait été rendue le 07 février 2017, dont elle n’avait pas fait appel et qu’elle était désormais définitive.
De telle sorte, qu’elle était déchue de la procédure de surendettement des particuliers, ce qui lui interdisait de déposer à nouveau un dossier de surendettement sans qu’il ne soit nécessaire de s’interroger sur un éventuel changement dans sa situation.
Or, c’est justement sur ce point que la Cour de cassation casse, et annule la décision précédente puisqu’elle considère qu’il appartenait au Juge dans le cadre de la présentation d’un nouveau dossier de surendettement de rechercher si les faits allégués par Madame Y constituaient ou non des éléments nouveaux dans la situation de celle-ci pouvant rendre recevable se demande aux fins d’ouverture d’une nouvelle procédure de surendettement.
Cette jurisprudence est intéressante, elle est importante à mon sens.
Rappelons, au besoin, que le droit de surendettement est le droit du pauvre, les gens sont en difficulté par nature, et ils ont malheureusement pour fâcheuse habitude de croire être capable de se défendre tous seuls dans le cadre d’une commission qu’ils considèrent acquise à leur cause.
Or, malheureusement la pratique judiciaire montre bien que cela est loin d’être le cas, la commission de surendettement procède à des vérifications vigilantes et scrupuleuses de la notion de bonne foi qu’elle interprète pas forcément dans le sens que pourrait le penser le débiteur.
Ce qui amène un bon nombre de déconvenues de personnes qui ont bien souvent mal présenté leur dossier de surendettement et non pas cru bon de passer par les compétences d’un avocat pour se faire assister et aider.
Pour autant, les enjeux sont bien souvent importants, il n’est pas rare, d’ailleurs, de voir bon nombre de personnes se retrancher dans le cadre d’une procédure de surendettement alors même qu’ils ont leur bien immobilier exposé à une saisie immobilière.
Dès lors, il n’est pas rare que ces derniers en pratique fassent l’objet d’un échec, d’un refus ou bien d’une déchéance de leur droit.
De telle sorte que ces derniers sont alors amenés à envisager une nouvelle demande de procédure surendettement qui peut être parfaitement envisagée à la seule et expresse condition que celle-ci soit présentée en bonne et due forme et ce sur la base d’éléments nouveaux clairement présentés.
Le rôle du conseil à ce stade-là est extrêmement important.
A bon entendeur…..
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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