Dans le cadre d’un accident de la route, un motard indemnisé par l’assurance, et victime d’une aggravation des séquelles de l’accident souhaite obtenir une indemnisation intégrale de son préjudice. Analyse des développements parfois nécessaires pour permettre une indemnisation intégrale pour chaque poste d’indemnisation, et ils sont nombreux.
Article :
Dans cette affaire, le 2 janvier 2010, Monsieur C âgé de 52 ans, motard de son état, et exerçant la profession de mécanicien poids lourds avait été très sérieusement blessé dans un accident de la circulation,
Ce qui lui avait occasionné une fracture fermée du tableau tibial externe du genou gauche associée à une fracture de la tête de la fibula.
Une transaction était intervenue le 27 aout 2012 dans le cadre de la loi du 5 juillet 1985 entre Monsieur C et l’assureur du véhicule adverse qui lui reconnaissait un droit à indemnisation à hauteur de 50 % avec une consolidation fixée au 13 février 2012 avec un taux de déficit fonctionnel permanent de 10%.
Cela semblait clore l’affaire,
Malheureusement, Monsieur C a été victime d’une aggravation des séquelles de l’accident, non contestée par la compagnie d’assurances d’ailleurs, qui a entrainé la mise en place d’une prothèse totale du genou le 31 mai 2013.
C’est dans ces circonstances que la compagnie d’assurances a formalisé une nouvelle proposition d’indemnisation sur la base d’un rapport d’expertise établi par deux docteurs le 4 avril 2014 fixant une nouvelle consolidation au 27 mars 2014 avec un taux de déficit fonctionnel permanent de 12%.
Pour autant, Monsieur C a contesté cette proposition d’indemnisation et a assigné devant le Tribunal de Grande Instance de Strasbourg la compagnie d’assurances afin d’obtenir une indemnisation intégrale de son entier préjudice,
Un jugement a été rendu et appel a été interjeté par Monsieur C dans lequel il sollicite l’infirmation du jugement afin qu’il y ait une indemnisation intégrale de l’ensemble de ces préjudices.
Cette jurisprudence est intéressante en ce qu’elle vient justement, malgré sa lecture fastidieuse et l’ensemble des décomptes, aborder le principe même de l’indemnisation intégrale du préjudice subi.
En effet, il arrive trop fréquemment que l’ensemble des chefs de préjudice ne soit pas correctement indemnisé,
Tel est malheureusement le jeu entretenu par les compagnies d’assurances,
Indemniser à moindre cout…
Pour autant, les chefs de préjudice sont nombreux,
Ils sont sujets à autant de mise en place d’une indemnisation intégrale,
L’attrait de cette jurisprudence est justement de reprendre et de ventiler un grand nombre de chapitres d’indemnisation,
Tous distincts,
Tous importants,
Les chefs de préjudice se divisent en plusieurs familles,
Il convient de s’intéresser aux éléments fournis par Monsieur C pour faire valoir ses droits et obtenir l’indemnisation intégrale de ses différents postes de préjudices,
Les préjudices patrimoniaux peuvent de dissocier en deux grands volets à savoir :
Pour ce poste, la Cour rappelle qu’il faut fournir le décompte définitif fourni par la CPAM outre les frais de mutuelles qui doivent être justifiés par un certain nombre de pièces.
Dès lors, il appartient à la victime de produire l’ensemble des frais d’hospitalisation et de soins.
Monsieur C a pris soin de souligner la perte de salaires qui a vocation à être prise en compte en déduction des indemnités journalières ce qui permet de mettre en avant notamment les primes qui auraient été versées pendant la même période et qu’il n’aurait pas forcément reçues.
Monsieur C a pris soin de faire un décompte exact et précis de l’ensemble des frais engagés.
Ils sont nombreux.
Il a adressé les notes d’honoraires de son médecin, la facture du médecin conseil auteur du rapport d’expertise tout comme la facture du médecin qui l’a assisté lors de l’expertise, ainsi que les frais générés lors de son déplacement à Paris (parking, péage hôtel).
La Cour d’Appel considère que Monsieur C pouvait légitimement se faire assister par un médecin conseil de son choix au coté de l’expert de l’assureur adverse, de telle sorte que ces frais devaient être indemnisés.
La Cour d’Appel souligne par contre que la totalité des honoraires facturés par l’expert ne peut être prise en compte en l’état du montant abusif par rapport au tarif habituel.
Viennent s’ajouter des frais de téléphone et de télévision, de remise et copie du dossier médical, des frais postaux pour la constitution de son dossier bien que sur ce point, la Cour d’Appel émette une réserve puisqu’elle considère qu’il appartenait à Monsieur C de rapporter la preuve que tous les frais sollicités avaient bel et bien été exposés pour les besoins de son dossier et qu’ils avaient été nécessaires.
Concernant les frais de déplacement, il convient de fournir le certificat d’immatriculation du véhicule ainsi qu’un point précis des distances parcourues afin de permettre d’adapter le meilleur tarif fiscal au kilomètre le plus juste.
Monsieur C avait pris soin de faire un décompte précis de l’ensemble de ses déplacements entre son domicile et centre de réadaptation.
Il ressort notamment des pièces médicales listées dans le rapport d’expertise que son médecin lui a prescrit 20 séances de massages et rééducation de telle sorte que Monsieur C a réclamé les 40 allers retours comptabilisés entre son domicile et le kinésithérapeute.
Monsieur C avait également abordé la problématique de frais de vêtements pour la rééducation, mais sur ce point la Cour d’Appel rejette cette demande au motif pris qu’aucune justification n’est donnée concernant l’existence de tels vêtements.
Concernant l’assistance par tierce personne, une problématique est abordée puisque Monsieur C critique le nombre d’heures reconnu par l’expertise soutenant que c’est 3 heures dont il avait besoin durant la période du 10 juillet au 2 aout 2013 alors qu’il ne se déplaçait qu’en fauteuil roulant puis de la période du 3 au 31 aout 2013 une heure par jour.
Si l’approche était judicieuse, il lui appartenait cependant de démontrer la portée exacte de cette analyse,
Mais la Cour souligne qu’aucun élément de fait dans le rapport d’expertise ne permet de majorer des heures, le compte rendu du 4 avril 2014 que le médecin conseil de Monsieur C a adressé à son avocat, indique que les conclusions retenues concernant l’aide humaine sont satisfaisantes.
Dans la mesure où aucun autre élément n’est versé aux débats à l’appui de la demande, la Cour d’Appel considère que le nombre d’heures à retenir est celui résultant des conclusions de l’expert et que par ailleurs celui-ci applique un tarif horaire à hauteur de 15 euros ce qui semble parfaitement raisonnable et adapté aux pratiques en la matière.
Ces postes d’indemnisation sont importants car ils viennent aborder la problématique de l’indemnisation totale de la victime et interviennent de différentes manières :
Monsieur C évoque la prise en charge d’un surcoût en l’état d’une boite automatique mais il ne donne pas d’éléments nécessaires sur celui-ci.
Il ne justifie pas de ce que son véhicule était équipé d’une boite de vitesse manuelle ni de ce qu’il a dû acquérir un nouveau véhicule avec une boite automatique.
La demande concerne la période du 27 mars 2015 au 5 janvier 2016 et vient aborder le sort de cette perte de gain.
La Cour d’Appel retient que le salaire mensuel net moyen avant l’accident était de 1 601,74 euros, qu’il a été licencié le 14 mars 2014 pour inaptitude, qu’il a perçu des allocations POLE EMPLOI et qu’il a finalement crée son entreprise le 5 janvier 2015.
Or, Monsieur C considérait que le juge avait retenu une somme sans déduire les allocations chômages perçues.
La Cour rappelle que seules devaient être imputées sur l’indemnité revenant à la victime les prestations versées par les tiers payeurs et que l’allocation de retour à l’emploi ne revêt pas un caractère indemnitaire et ne donne pas lieu à recours subrogatoire.
Le premier juge a rappelé que dans le cadre de la transaction intervenue avant l’aggravation, l’incidence professionnelle avait été chiffrée à 10 000 euros et que dans le cadre de l’aggravation, le juge avait accordé le même montant.
Pour autant, la Cour d’Appel souligne que Monsieur C est devenu inapte au poste de mécanicien poids lourds alors qu’il avait bénéficié, après l’accident et jusqu’à l’aggravation, d’un poste aménagé dans l’entreprise.
Si un recyclage est possible, il n’en demeure pas moins que l’aggravation a eu une incidence professionnelle bien plus importante que les séquelles antérieures en l’obligeant à se reconvertir, en lui occasionnant une dévalorisation de sa personne sur le marché de l’emploi du fait de son incapacité et en augmentant pour lui la pénibilité du travail.
Si la Cour d’Appel considère que cette incidence ne saurait être évaluée en tenant compte d’une perte éventuelle de gains professionnels et d’années de cotisation de retraite, il n’en demeure pas moins que l’incidence professionnelle a pour objet d’indemniser la perte de revenus liée à l’incapacité ainsi que les incidences périphériques.
La Cour a donc réhaussé très sérieusement le poste d’incidence professionnelle.
Sont également abordés mais de manière plus rapide et qui ne méritent pas de développement à ce stade l’ensemble des préjudices extra patrimoniaux qu’il convient de ventiler en différents postes :
Ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident jusqu’à la consolidation.
La Cour retient un déficit fonctionnel permanent de bon niveau puisqu’elle rappelle qu’il s’agit ici de réparer les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime (telle que la réduction du potentiel physique, psychosensorielle ou intellectuelle), qui demeurent même après la consolidation et que le point passe de 10 à 12%.
La Cour considère que compte tenu de l’âge de la victime lors de la consolidation de ses blessures résultant de son aggravation le déficit fonctionnel permanent devait être réévalué à la hausse.
Il est vrai que le nombre de postes de préjudice est important et que la démonstration requise pour obtenir une indemnisation intégrale peut paraître laborieuse,
Pour autant, elle est fondamentale,
En effet, cette jurisprudence vient consacrer le fait que la victime d’un accident ne doit omettre aucun chef de préjudice pour obtenir une parfaite et maximale indemnisation de son entier préjudice.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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