Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en ce début d’été 2017 concernant la question délicate des honoraires de l’avocat au titre des diligences effectuées dont ce dernier doit rendre compte.
L’avocat exerce classiquement sous la forme de profession libérale dont les honoraires de l’avocat sont librement fixés avec son client.
Il est alors difficile de déterminer à l’avance quel pourrait être le coût de tel ou tel conseil ou de telle ou telle intervention tant de nombreux élements dans le cadre de la procédure sont encore inconnus.
Pour autant, depuis peu, l’avocat doit soumettre avant toute intervention une convention d’honoraires ce qui n’est pas forcément respecté dans la pratique.
Il n’en demeure pas moins que les critères de fixation des honoraires de l’avocat sont liés à la difficulté de l’affaire, au temps consacré au dossier, à la spécialisation et la notoriété de l’avocat ainsi que les frais qu’il engage.
Quatre modes de facturation sont classiquement utilisés par l’avocat.
- En premier lieu, l’honoraire au temps passé dans lequel l’avocat précise quelle est sa rémunération au taux horaire bien que l’aléa demeure puisque plus le dossier est technique, plus l’honoraire au temps passé peut s’alourdir.
- En deuxième lieu, l’honoraire forfaitaire qui peut être rassurant car l’avocat propose une rémunération globale pour traiter l’affaire.
- A cela s’ajoute des honoraires complémentaires de résultat qui complètent immanquablement les honoraires de diligences.
- En quatrième lieu, l’abonnement qui peut se faire notamment dans le cadre de consultations diverses et variés pour les entreprises.
A cela s’ajoute, des frais divers notamment les frais d’huissiers, les frais de débours et le droit de plaidoirie de 13 euros.
Toujours est-il que, depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques une convention d’honoraires entre l’avocat et son client est obligatoire afin de fixer clairement les honoraires de l’avocat,
L’avocat doit établir une convention d’honoraires qui devra définir le montant ou le mode de calcul des honoraires ainsi que les frais et débours susceptibles d’être exposés par l’avocat.
Les honoraires de l’avocat, sont de toute façon strictement réglementés dans la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et par l’article 11-2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat qui précise :
« La rémunération de l’avocat est fonction, notamment, de chacun des éléments suivants conformément aux usages :
- le temps consacré à l’affaire,
- le travail de recherche,
- la nature et la difficulté de l’affaire,
- l’importance des intérêts en cause,
- l’incidence des frais et charges du cabinet auquel il appartient,
- sa notoriété, ses titres, son ancienneté, son expérience et la spécialisation dont il est titulaire,
- les avantages et le résultat obtenus au profit du client par son travail, ainsi que le service rendu à celui-ci,
- la situation de fortune du client. »
L’avocat informe son client, dès sa saisine, des modalités de détermination des honoraires et l’informe régulièrement de l’évolution de leur montant.
Il l’informe également de l’ensemble des frais, débours et émoluments qu’il pourrait exposer.
Toujours est il qu’en cas de difficulté entre le client et l’avocat, une procédure spécifique est prévue pour trancher le sort des honoraires procédure dite de taxation d’honoraires de l’avocat article 174 et suivants du décret du 27 novembre1981.
Dans l’affaire qui nous occupe, il ressort des circonstances de la cause qu’entre 2004 et 2011, les demandeurs avaient confiés la défense de leurs intérêts à un avocat pour suivre un certain nombre de dossiers jusqu’à ce qu’ils saisissent en 2013 le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats afin de contester notamment les honoraires de l’avocat réclamées et facturés,
Le Bâtonnier avait alors rejeté leur demande au motif qu’elle relevait éventuellement du domaine de responsabilité et non de la fixation d’honoraires de l’avocat en tant que telle.
C’est dans ces circonstances qu’un recours a été formé à l’encontre de cette décision.
Deux points étaient sujets à discussion.
En premier lieu, la contestation des honoraires forfaitaires en tant que tel, et en deuxième lieu des honoraires de résultat.
Cette jurisprudence demeure intéressante dans la mesure où les honoraires contestés s’élevaient à initialement à 240 015, 22 euros, et qu’ils avaient augmentés devant la Cour d’Appel pour s’élever à la somme de 349 507,40 euros, ce qui est nettement supérieur au montant des demandes initiales formalisées devant le bâtonnier,
Pour autant, l’avocat en défense, usant de tous les moyens de procédure possibles et imaginables pour lutter contre la demande de restitution d’honoraires de ses clients tentait de soutenir que cette augmentation substantielle de restitution d’honoraires de l’avocat emportait une demande nouvelle au visa de l’article 565 du Code de Procédure Civile de telle sorte que celle-ci ne pouvait être formalisée devant la Cour.
La Cour de ne s’y trompe pas et rappelle qu’en statuant ainsi, alors que M. et Mme X… s’étaient bornés à augmenter le montant de leur demande de restitution d’honoraires de l’avocat, ce qui ne constituait pas une demande nouvelle, ces derniers étaient bel et bien fondés à revenir devant la Cour d’Appel réclamer la restitution de montants supérieurs.
Ces derniers maintenaient et justifiaient de l’augmentation substantielle de la restitution d’honoraires de l’avocat en cause,
La Cour y fait droit et considère, au visa de l’article L. 441-3 du Code de Commerce, et de l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 qu’il résulte de ces textes que ne peuvent constituer des honoraires de l’avocat librement payés après service rendu ceux qui ont été réglés sur présentation de factures ne répondant pas aux exigences du second d’entre eux, peu important qu’elles soient complétées par des éléments extrinsèques en effet, il appartenait à l’avocat de détailler les factures afin d’éclairer le client ainsi que la juridiction saisie par la suite sur les diligences qu’il avait effectuées.
L’avocat en question ne se laisse pas abattre et tente de contester la décision de la Cour puisque l’ordonnance indique que le client qui a payé librement les honoraires après service rendu ne peut solliciter du juge de l’honoraire la restitution des sommes versées,
Or, s’il est vrai qu’en l’espèce, toutes les factures contestées ont été réglées, les époux X… font valoir que les factures en question n’étaient pas précises et ne leur permettaient pas de se rendre compte si les sommes réclamées correspondaient à un travail effectué,
Si effectivement une grande partie des factures produites ne précisaient pas les diligences effectuées, elles étaient accompagnées d’un courrier de l’avocat expliquant ses diligences et le cas échéant de la copie des actes effectués (la plupart du temps des conclusions),
Il peut paraître tout aussi fondé pour l’avocat de soutenir que monsieur X… qui dirigeait plusieurs sociétés disposait les compétences nécessaires pour apprécier le travail fourni par son avocat, de telle sorte que c’est en parfaite connaissance de cause qu’il a réglé pendant plusieurs années, de 2007 à 2010, les factures émises par l’avocat, pour plus d’une centaine de dossiers, la plupart de nature commerciale d’ailleurs.
L’avocat considère d’ailleurs le client avait continué à lui confier des dossiers au fil des ans ce qui démontre qu’il était satisfait de son intervention et qu’il n’estimait pas ses honoraires exorbitants.
Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et rappelle à la lueur des textes évoqués que l’avocat doit préciser l’ensemble des diligences effectuées et lui fait grief de ne pas l’avoir fait.
Qu’en statuant ainsi, alors que les factures de l’avocat ne précisaient pas les diligences effectuées ce dont il résultait que le client pouvait solliciter la réduction des honoraires, le premier président a violé les textes susvisés, ce dernier ayant refusé de faire droit à la demande de contestation d’honoraires et restitution d’honoraires.
La Cour de Cassation a donc cassé l’arrêt.
Des lors la Cour de Cassation considère qu’il entre dans les pouvoirs du Bâtonnier et sur recours, du premier Président de la Cour d’Appel, saisis d’une demande de fixation des honoraires, de refuser de prendre en compte les diligences manifestement inutiles de l’avocat,
Qu’en statuant comme il a fait, au motif impropre que les époux X… auraient mis en cause la qualité, l’efficacité et l’opportunité des prestations fournies par l’avocat, quand ces derniers faisaient précisément valoir les règles relatives aux contestations d’honoraires telles que résultant des articles 10 de la loi du 31 décembre 1971 et 174 du décret du 27 novembre 1991 et que, dans le cadre de cette contestation, le juge devait distinguer les diligences utiles de celles qui étaient manifestement inutiles, ce dont il s’est abstenu, le premier président de la cour d’appel a statué par un motif impropre à justifier légalement sa décision au regard des dispositions susvisées.
Ainsi, cette décision est salutaire puisqu’elle rappelle que les factures de l’avocat doivent préciser les diligences effectuées de telle sorte qu’en cas de défaillance sur ce point, le client peut solliciter la réduction des honoraires devant le Bâtonnier et à défaut devant le 1er Président e la Cour.
La Cour de Cassation vient rappeler, par cet arrêt, qu’il appartient à l’homme de Loi, même si son client paye des honoraires librement déterminés, de justifier et préciser les diligences effectuées même si celles-ci sont accompagnées d’une lettre de l’avocat et de la copie des actes effectués.
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