Deux époux algériens se marient à Oran en 1982 pour s’installer en 1995 en France, obtenir la nationalité française et ne jamais retourner en Algérie. En cas de divorce et de liquidation du patrimoine commun, faut-il appliquer le droit français et son régime communautaire, ou le droit algérien et son régime séparatiste ? Faut-il retenir le critère du premier domicile matrimonial en Algérie ou prendre en considération les circonstances postérieures et leurs investissements immobiliers en France ?
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Il convient de s’intéresser un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en octobre et qui vient aborder la problématique de la détermination de la loi applicable aux époux mariés avant l’entrée en vigueur de la convention de LA HAYE.
Dans cette affaire, Monsieur R et Madame Q se sont mariés en 1982, sans contrat préalable, en Algérie, où sont nés leurs trois enfants.
Ils se sont installés en France en 1995 et ont acquis la nationalité française.
Et ont finis par divorcer.
Ils se sont opposés, après le prononcé de leur divorce, sur la détermination de leur régime matrimonial pour procéder à la liquidation du patrimoine commun.
La détermination de la loi applicable au régime matrimonial d’époux mariés sans contrat, avant l’entrée en vigueur en France, le 1er septembre 1992, de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux, doit être faite en considération, principalement, de la fixation de leur premier domicile matrimonial.
Pour autant, la Cour de Cassation rappelle que cette règle ne constituant qu’une présomption, peut être détruite par tout autre élément de preuve pertinent.
Les juges du fond peuvent prendre en considération des circonstances postérieures au mariage si elles éclairent la volonté des époux quant à la localisation de leurs intérêts pécuniaires au moment de leur union.
Dès lors, le rattachement du régime matrimonial légal ou conventionnel à la loi choisie par les époux à la date de leur union est permanent.
Il convient de préciser que Madame Q et Monsieur R se sont mariés le 13 juin 1982 à Oran, soit avant l’entrée en vigueur le 1er septembre 1992 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux.
Le couple n’a pas conclu de contrat de mariage, ni désigné avant leur mariage, de manière certaine et non équivoque, la loi applicable à leur régime matrimonial.
Rappelons, par ailleurs, que selon l’article 21 alinéa 1 de la Convention de La Haye de 1978, « La Convention ne s’applique, dans chaque Etat contractant, qu’aux époux qui se sont mariés ou qui désignent la loi applicable à leur régime matrimonial après son entrée en vigueur pour cet Etat ».
Par conséquent, si avant le 1er septembre 1992, la loi applicable au régime matrimonial des époux est déterminée, à défaut de choix de leur part, en considération, principalement, du lieu de leur premier domicile matrimonial, cette règle ne constitue qu’une présomption simple qui peut être détruite par tout autre élément de preuve pertinent, tiré notamment de l’attitude des époux après leur mariage.
La Cour de Cassation, tout comme les juges du fond, est alors tenue de rechercher, d’après les faits et les circonstances, le régime matrimonial que les époux ont implicitement eu la volonté d’adopter au jour de leur mariage.
Pour y parvenir il est possible de prendre en compte aussi bien les circonstances ayant entouré le mariage que les circonstances postérieures qui éclairent la volonté des époux quant à la localisation de leurs intérêts pécuniaires au moment du mariage.
Revenons aux faits de l’espèce.
Dans cette affaire, les ex-époux se sont mariés à Oran, en Algérie, le 13 juin 1982 et de leur union sont nés trois enfants à Oran.
Monsieur R s’est fait réintégrer dans la nationalité française par Décret du 6 mai 1999 tandis que Madame Q déclare avoir été naturalisée française en 2000.
Le mariage des époux a été transcrit sur les registres d’état civil au ministère des Affaires Etrangères le 12 juillet 1999.
Le couple a vécu en Algérie jusqu’en 1994.
Monsieur R produit un contrat de bail pour un bien situé en France conclu par le couple le 21 décembre 1995 pour une location à compter du 1er janvier 1996.
Il n’est pas contesté que les époux ne sont pas retournés vivre en Algérie pendant leur mariage qui a duré 30 ans, qu’ils ont exercé leur profession en France, qu’ils ont acquis un bien immobilier situé en France le 15 septembre 2000 ainsi qu’un local professionnel.
Il ressort de l’acte notarié du 15 septembre 2000 portant acquisition d’un bien immobilier que Monsieur R et Madame Q ont déclarés s’être mariés à Oran le 13 juin 1982 et « soumis au régime de la communauté, selon le droit français » (page 2 de l’acte).
De même, dans un acte de donation entre époux du 7 septembre 2001, Madame Q et Monsieur R se sont encore déclarés mariés à Oran le 13 juin 1982 et « soumis au régime de la communauté, selon le droit français »
Pour autant, cela ne saurait suffire.
En effet, la Cour de Cassation considère que ces circonstances, postérieures de plus de douze ans au mariage, sont impropres à révéler que les époux avaient eu la volonté, au moment de leur mariage, de soumettre leur régime matrimonial à une autre loi que celle de l’Algérie, pays dans lequel ils avaient fixé le premier domicile matrimonial, stable et durable.
De telle sorte que la Cour retient bien que les ex-époux était soumis à la loi algérienne et, à défaut de contrat de mariage, au régime légal algérien, à savoir, un régime de séparation de biens, qu’importe que par la suite, ces derniers aient vécu en France et aient fait le choix d’acheter en France, tant bien même le notaire aurait visé dans l’acte que ces derniers étaient mariés sous le régime de la communauté.
Dès lors, la volonté des époux se détermine au moment du mariage et au moment où ils fixent leur premier domicile matrimonial stable et durable, les choix postérieurs n’étant pas nécessairement à même de soumettre leur régime matrimonial à la Loi d’un autre pays, tant bien même les époux seraient restés pas la suite longtemps en France.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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