En matière de crédit de restructuration, qu’en est-il de la responsabilité de la banque au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde ?
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Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en avril dernier et qui vient aborder la problématique spécifique du sort du crédit de restructuration et des risques d’endettement que cela génère.
Il convient de rappeler que la banque est tenue à une obligation de conseil et de mise en garde dans le cadre d’un financement, et ce, quel qu’il soit.
La jurisprudence est très claire en la matière, le crédit excessif est celui qui peut conduire à l’endettement de l’emprunteur dans la mesure où il dépasse ses facultés financière.
Dans pareil cas, la banque engage sa responsabilité dans la mesure où l’emprunteur est profane et que le crédit généré est inadapté.
Si cette obligation de conseil et de mise en garde est évidente et impose à la banque un devoir de vérification quant au risque d’endettement excessif de l’emprunteur sur la base d’un crédit initial, la question peut se poser lorsqu’il s’agit d’un crédit de restructuration.
Dans cette affaire, par acte du 16 juin 2008, les consorts R avaient souscrit, auprès de la société C, établissement financier, un prêt de restructuration d’un montant de 66 000 euros, remboursable en 144 mensualités de 781,37 euros chacune.
Les emprunteurs ayant été défaillants, la société C les a assignés en exécution de leur engagement et en défense, les consorts que R ont opposé à la société C un manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.
La Cour de Cassation censure l’approche des consorts R en considérant qu’un crédit de restructuration, qui permet la reprise du passif et son rééchelonnement à des conditions moins onéreuses, sans aggraver la situation économique de l’emprunteur, ne crée pas de risque d’endettement nouveau.
Cette jurisprudence est donc à analyser à travers une lecture a contrario.
En effet elle rappelle que quand bien nous serions en présence d’un crédit de restructuration, la banque est malgré tout tenue à une obligation de conseil et de mise en garde.
Il convient de s’intéresser à la notion de manquement de la banque à son obligation de conseil et mise en garde.
L’établissement bancaire, qui consent un crédit, est tenu envers un emprunteur non averti d’une obligation de mise en garde au regard des capacités financières de son client et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt.
Dès lors l’obligation de mise en garde est ainsi subordonnée à deux conditions à savoir la qualité d’emprunteur non averti et l’existence d’un risque d’endettement.
Dans cette affaire la société C ne discutait pas sur la qualité d’emprunteurs non avertis des époux R.
Cependant concernant le risque d’endettement, la société C se replace à la date de la souscription du crédit.
Elle rappelle que l’éventuelle souscription d’autres prêts postérieurs à cette date est indifférente et qu’il convient de se positionner au jour de la souscription du crédit.
Elle reproche également le manque de loyauté des emprunteurs.
Cela n’est pas démontré étant rappelé que les fiches d’information pré contractuelles imposent à la banque un certain nombre de vérifications complémentaires sur le terrain financier.
La banque ne rapporte pas la preuve que les emprunteurs auraient dissimulés des informations importantes sur leur taux d’endettement.
La société C considérait que la seule diminution, même conséquent, du montant de la mensualité du crédit de restructuration est insuffisante à démontrer l’absence de risque d’endettement.
Il ressort des circonstances de la cause que la famille R, comprenant trois enfants à charge bénéficiait de ressources constituées du salaire de Monsieur d’un montant mensuel de 1 750,00 euros, outre l’allocation adulte handicapé de celui-ci de 628,10 euros, soit un montant global de 2.378,10 euros.
Le loyer résiduel s’élevait à la somme de 569,13 euros et que déduction faite de ce montant et de la mensualité du prêt litigieux, soit 781,37 euros ce qui excède le tiers des ressources, il restait à la famille de cinq personnes la seule somme de 1 027,50 euros pour, notamment, manger, s’habiller, s’assurer, se chauffer et s’éclairer, ce qui ne peut caractériser un risque d’endettement excessif.
En tout état de cause, la Cour de Cassation ne ferme pas la porte en ce que dans l’hypothèse inverse, en cas d’aggravation de la situation, si le risque d’endettement nouveau est démontré, la banque manquerait alors à son obligation de conseil et de mise en garde et pourrait donc voir sa responsabilité engagée.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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