La signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétraction est-elle suffisante ? Ou bien appartient-il à l’établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise effective du bordereau de rétractation ? Dans tous les cas, il en va de déchéance du droit aux intérêts du prêt à la consommation.
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui vient rappeler en tant que de besoin les obligations pesant sur l’établissement de crédit quant à la preuve de la remise du bordereau de rétractation à son client et emprunteur.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, et suivant acte du 07 février 2013, l’établissement de crédit avait consenti à Monsieur I, emprunteur un crédit à la consommation.
A la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l’emprunteur Monsieur I, prononcé par jugement du 18 février 2015, la banque avait, par acte des 08 et 09 juin 2015 assignée Monsieur I paiement du solde du prêt, ainsi que l’UDAF, l’organisme de tutelle, prise en sa qualité de curateur.
L’emprunteur a alors demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts en l’absence de remise du bordereau de rétractation prévu à l’article L311-12 du Code de la consommation.
Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L311-12 du Code de la consommation, le consommateur peut, dans un délai de 14 jours, exercer son droit de rétractation en utilisant le formulaire détachable de la rétractation jointe à son exemplaire du contrat de crédit.
Or, la reconnaissance écrite par l’emprunteur dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer la remise effective de celui-ci.
Pour autant, cela ne saurait forcément suffire.
En effet, le texte impose que ce formulaire figure également sur l’exemplaire conservé par le prêteur.
Or, dans cette affaire sur la page 4 de l’offre préalable, immédiatement avant la signature de l’emprunteur, figure la mention suivante : « Je reconnais rester en possession d’un exemplaire de cette offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation et de la notice d’information d’assurance ».
Monsieur I avait effectivement souscrit une telle reconnaissance et ne rapportait pas la preuve de l’absence de remise du bordereau ou, à défaut de son caractère irrégulier, de telle sorte que, pour la banque, ce dernier ne pouvait se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.
Monsieur I et l’organisme de curatelle ne partagent pas cette analyse.
Le formulaire de rétractation détachable :
Le prêteur doit apporter la preuve qu’il a remis à l’emprunteur le formulaire de rétraction détachable visé par l’article L311-12 du Code de la consommation.
Il est vrai qu’une clause est prévue au sein de l’offre de prêt au terme de laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation qui peut être considéré comme un indice.
Cependant, cela ne saurait suffire.
Il appartient malgré tout à l’emprunteur d’établir d’autres éléments à l’effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation.
Le seul fait que Monsieur I ait reconnu à travers une clause de l’offre de prêt, la remise du bordereau permettant de présumer l’arrêté de ces remises de bordereaux sans constater l’existence d’autres éléments de nature à corroborer l’exécution parfaite de son obligation par l’emprunteur ne saurait suffire à satisfaire aux obligations prévues par les articles L311-12 et L311-48 du Code de la consommation.
La Cour de cassation reprend l’argumentation pertinente de l’emprunteur concernant la preuve de la remise du bordereau de rétractation concernant ce crédit à la consommation.
La remise effective du bordereau de rétractation :
En effet, la Cour de cassation considère qu’il résulte des articles L311-12 et L311-48 du Code de la consommation que, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétraction, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit.
A défaut, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire, est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le Juge.
La Cour de cassation rappelle que ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive n°2008/48/CE du Parlement européen et du conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CE.
La Cour de cassation rappelle encore que par arrêt du 18 décembre 2014, CA CONSUMERS FINANCE C449/13, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens en ce qu’elle s’oppose à ce qu’en raison d’une clause type, les Juges doivent considérer que le consommateur a reconnu la pleine et parfaite exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur.
Cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité d’être reconnu par la directive 2008/48.
La Haute juridiction précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne suffit pas à consacrer l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national implique seulement que le consommateur atteste de la remise qu’il lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée.
La Cour de cassation ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer, par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Bien plus, le consommateur doit pouvoir toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant.
Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait en vertu du droit national la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.
Pour la Cour de cassation, il s’ensuit qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait aux obligations précontractuelles et que contrairement à ce que précédemment jugé la Cour de cassation, 1ère chambre civile 16/01/2013 pourvoi n°12-14122, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétraction constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Dès lors, pour la Haute juridiction, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l’emprunteur.
Rappelons que la Cour d’appel avait cru bon rejeter la demande de l’emprunteur au motif pris de ce que la reconnaissance écrite, par celui-ci, dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau de rétraction détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective, de telle sorte que l’emprunteur n’apportait pas la preuve de l’absence de remise du bordereau de rétraction par le prêteur ou à défaut son caractère irrégulier.
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que, tant bien même l’emprunteur signerait une clause dans laquelle il reconnaît avoir été destinataire du formulaire détachable qui serait joint à son exemplaire du contrat de crédit, il n’en demeure pas moins que le prêteur doit rapporter la preuve de sa remise effective.
Il appartient au prêteur de fournir d’autres indices montrant bien qu’il a bien rempli cette obligation sans se retrancher derrière une vulgaire clause obscure suivant lequel l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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