Couple pacsé et apport de fonds personnels pour l’acquisition et la construction du domicile familial, qui paye ?
En cas d’apport de fonds personnels pour l’acquisition, la construction, l’amélioration du domicile familial, par l’un des partenaires pacsés ou par l’un des époux séparés de bien, celui-ci peut-il revendiquer son paiement et remboursement en cas de séparation ? L’autre partenaire pacsé ou époux séparé de biens peut-il considérer qu’il s’agit juste d’une contribution aux charges du ménage au simple motif pris d’une disparité de revenus entre partenaires pacsés ou époux séparés de biens ?
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation très récemment en juin 2022 et qui vient aborder la question de la contribution aux charges par apport de fonds pour la construction d’un bien à usage familial.
Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient aborder la question de la contribution aux charges du mariage et demeure dans la droite lignée des dernières jurisprudences en matière de liquidation de droits entre partenaires pacsés ou bien encore pour les couples mariés ayant choisi le régime de séparation de biens,
Quid des apports personnels pour un couple pacsé ?
In fine, les deux régimes se suivent de très près, et les enjeux patrimoniaux, en cas de rupture du couple, couple pacsé, ou couple séparé de biens, sont les mêmes en matière de droit à récompense et de créances entre partenaires pacsés ou entre époux,
Cette jurisprudence apporte de précieuses informations pour les couples séparés de biens, mais également par extension aux couples pacsés, concernant les apports de fonds lors de l’acquisition ou la construction d’un bien à usage familial.
La Cour de cassation vient apporter ces précisions complémentaires pour rappeler que les apports personnels, de l’un des époux séparés du bien, ou de l’un des partenaires pacsé, demeurent des apports personnels qui n’ont pas vocation à être considérés, de quelque manière que soit, comme une contribution aux charges du mariage.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, par arrêt du 16 juillet 2013, la Cour d’Appel de CHAMBERY avait prononcé le divorce des consorts K. mariés sous le régime de la séparation de biens (qui permet justement de faire une extension du raisonnement aux couples pacsés).
Passé ce divorce, des difficultés étaient apparues concernant les opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux et c’est dans ces circonstances que la question se posait de savoir, si, oui ou non, il y avait matière à rejeter la demande de créance au titre du financement de l’appartement.
Monsieur M. faisait grief à l’arrêt de la Cour d’Appel de rejeter sa demande de créance au titre du financement de l’appartement qu’ils avaient acquis alors que l’apport en capital provenant de deniers personnels effectués par un époux séparé du bien pour financer la part de son conjoint lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Ce principe avait pourtant déjà été affirmé par la Cour de cassation,
Monsieur M faisait grief à la Cour d’Appel d’avoir jugé que l’apport réalisé par ce dernier lors de l’acquisition du logement familial participait de l’exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage alors même que la Cour constatait qu’il s’agissait là de deniers personnels,
Y avait-il violation de l’article 214 du Code civil ?
Il convient de rappeler que l’article 214 du Code Civil précise que :
« Si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives.
Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »
La Cour de cassation rappelle, au visa de l’article 214 du Code Civil qu’il résulte de ces textes que sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé de bien, ou un couple pacsé, pour financier la part de l’autre lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Quid de l’apport en capital de fonds personnels ?
Une première jurisprudence avait été rendue sur ce point il y a désormais plus d’un an et cette deuxième jurisprudence de juin 2022, extrêmement récente, vient consacrer et confirmer ce principe pour l’entériner de manière claire et définitive, ce qui est extrêmement salutaire.
Dans son pourvoi, Monsieur M. articulait son pourvoi en cassation sur deux moyens.
Le premier moyen relatif à l’acquisition du bien en question et l’autre moyen relatif à l’amélioration du bien puisqu’effectivement la première question s’est posée de savoir qu’elles étaient les conditions des apports qui ont été faits pour l’acquisition du bien.
Le deuxième moyen venait également s’interroger aux apports concernant la construction et donc l’amélioration du bien du logement familial en question.
La jurisprudence avait exclu dès 2020, les charges du mariage de l’apport en capital pour l’acquisition d’un bien affecté à l’usage familial.
Finalement, cette jurisprudence vient apporter une réponse à la deuxième question et étendre cette solution en cas d’apport en capital pour la construction sur un terrain indivis d’un bien affecté à l’usage familial.
Quelles sont les conséquences d’une rupture de pacs ?
Cela vaut donc pour la construction, pour l’amélioration et tous les travaux qui auraient pu être faits en ce sens ce qui vient, à mon sens, compléter la décision déjà tranchée par la Cour de cassation en 2020 et qui vient étendre ce principe, non seulement à l’acquisition mais également à la construction de l’édifice en question.
Acquisition et construction du logement familial, à chacun son apport
La Cour rappelant à travers cette jurisprudence rappelle un principe extrêmement clair :
« sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé d bien pour financer la part de l’autre lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage »,
A bien y comprendre, il est bien évident que si l’un des deux époux séparés de bien ou l’un des deux partenaires pacsés apporte des sommes pour l’acquisition ou la construction ou l’amélioration d’un bien fusse-t-il à usage familial, ce dernier a droit à récompense et a droit de réclamer sa créance à ce titre, cette dernière ne pouvant être considérée comme une contribution aux charges du mariage.
La Cour de cassation vient par ce raisonnement réaffirmer sa position concernant le sort de l’acquisition indivise de partenaires pacsés qu’elle avait consacrée dès octobre 2019 et vient étendre le raisonnement à l’identique sur l’amélioration du bien indivis à usage familial en cas de construction ou d’extension.
Partenaires pacsés et remboursement de l’emprunt, qui paye ?
La Cour de cassation retient le même raisonnement entre coindivisaires ou partenaires pacsés concernant le remboursement des échéances d’emprunt qui sont considérées comme des dépenses de conservation du bien et donnent parfaitement lieu à créance contre l’indivision du partenaire pacsé qui règle les échéances du crédit pour les deux partenaires.
Créance d’indivision au profit du partenaire pacsé payant pour les deux,
Cette créance contre l’indivision permettant à celui qui a payé les échéances pour deux de récupérer la quotepart qu’il a trop payée et concernant l’apport en capital de fonds destinés à l’acquisition indivise cela génère également une créance entre coindivisaires que le couple soit en union libre ou couple pacsé.
Cette jurisprudence est salutaire puisqu’elle vient finalement sanctionner une idée même de présomption de contribution quotidienne aux charges du mariage empêchant par la même toute forme de recours du coindivisaire payant pour les deux.
Comment se séparer avec une maison en commun pacs ?
En effet, dans le cadre de son pourvoi, Monsieur M. soutenait que ses avances financières personnelles au titre des investissements immobiliers ne pouvaient être constitutives d’une participation aux charges du mariage au sens de l’article 214 du Code Civil et d’autre part, que l’apport en capital pour financer un bien indivis ne pouvait être considéré comme une contribution aux charges du mariage.
Ce dernier faisait grief par ailleurs à la Cour de rejeter ses demandes de créances au titre des travaux d’édification de la maison alors quel l’apport en capital provenant des deniers personnels effectué par un époux séparé de bien pour financer la part de son conjoint lors de l’édification d’un bien indivis affectait l’usage familial ne participe pas de l’exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage.
Son approche est la bonne,
Comment sont calculés les droits de partage en pacs et séparation de biens ?
Monsieur M. considérant qu’en jugeant que l’apport réalisé par l’exposant lors de la construction et de l’édification du logement familial participait à l’exécution de son obligation de contribution aux charges du mariage était parfaitement illicite, la Cour d’Appel ne pouvait raisonnablement considérer qu’il s’agissait d’une contribution aux charges du mariage alors qu’il s’agissait là clairement de deniers personnels qui ne pouvaient être intégrés à une contribution au visa de l’article 214 du Code Civil.
Fort heureusement, la Cour de Cassation valide cette analyse et consacre le principe,
La Cour de Cassation rappelle, au visa de l’article 214 du Code Civil, que sauf convention contraire des époux l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé de bien pour financer la part de l’autre lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas d’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage,
Dès lors pour rejeter la demande de créance de Monsieur M. au titre de l’acquisition de l’appartement après avoir constaté que l’immeuble avait été financé pour partie au moyen de l’apport en capital provenant d’un compte courant d’associé de celui-ci, l’arrêt de la Cour d’appel relève que le contrat de mariage de l’époux stipule que « chacun sera réputé avoir fournit au jour le jour sa part contributive en sorte qu’il ne seront assujettis à aucun compte entre eux », que l’importante disparité des revenus entre eux devait conduire Monsieur M. à contribuer de façon plus importante aux charges du mariage.
L’importante disparité de revenus ne doit pas sanctionner celui qui apporte des fonds personnels,
Il est vrai que Madame K. alimentait aussi le compte commun, par le versement de ses allocations chômage et familiales,
Pour autant cela ne saurait suffire par rapport aux apports personnels,
La Cour de Cassation considère que pour rejeter la demande de créances de Monsieur M. au titre du financement d’une partie des travaux de la maison après avoir constaté que celui-ci justifie de sa demande par la production de la copie d’un chèque tiré sur son compte bancaire au bénéficie du promoteur, l’arrêt retient que les explications données à propos de l’aménagement de l’appartement doivent encore recevoir application, s
L’article 214 du code civil s’appliquant, duquel article il résulte que, sauf convention contraire des époux, l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé de bien pour financer la part de l’autre lors de l’acquisition d’un bien indivis affecté à l’usage familial ne participe pas d’exécution de son obligation de contribuer aux charges du mariage.
Dès lors cette jurisprudence est intéressante, elle est même salutaire,
Qui supporte le droit de partage en pacs et séparation de biens ?
Elle rappelle que la contribution aux charges du mariage ne doit pas servir de leitmotiv pour sanctionner un des deux époux ou un des deux partenaires pacsés qui aurait apporté plus que l’autre dans le cas d’une acquisition ou la construction d’un bien à usage familial, et ce, au seul motif d’une disparité de revenus entre les deux partenaires, ou époux séparés de biens,
Si la contribution aux charges du mariage doit s’entendre au jour le jour, il est bien évident que l’apport en capital de fonds personnels effectué par un époux séparé de bien ou un partenaire pacsé ne peut participer de l’exécution de cette obligation de contribuer aux charges du mariage et doit être considéré dès lors comme un apport personnel qui doit faire l’objet d’un droit à créance ou à récompense entre coindivisaire ou à l’encontre de l’indivision,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,
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