Un copropriétaire souhaite transformer un local d’habitation situé au 2ème étage d’un immeuble en local professionnel en y apposant sa plaque. Le syndic peut-il s’y opposer, même si le règlement de copropriété ne prévoit rien à ce sujet, au motif pris que l’état descriptif de division, qui a une valeur contractuelle, est beaucoup plus restrictif sur cette question ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation du mois de juillet 2017 et qui vient aborder la problématique spécifique de la contradiction pouvant exister au sein d’une copropriété entre l’état descriptif de division et le règlement de copropriété en tant que tel.
En effet, dans cette affaire la question se pose plus particulièrement de déterminer la force juridique de l’état descriptif de division lorsque d’une part, il s’est vu conférer valeur contractuelle et lorsque, d’autre part, ces mentions ne sont pas nécessairement en contradiction avec les stipulations du règlement de copropriété,
La Haute Juridiction reconnait donc que lorsque les parties lui ont donné une telle nature contractuelle celle-ci doit recevoir sa pleine application.
Dans cette affaire la société P, propriétaire d’un lot composé d’un appartement situé au 2ème étage d’un immeuble en copropriété a assigné le syndicat des copropriétaires en annulation de la décision d’Assemblée Générale lui ayant refusé l’autorisation d’apposer des plaques professionnelles.
Dans cette même procédure le Syndicat des Copropriétaires sollicitait, quant à lui, qu’il soit constaté qu’en vertu du règlement de copropriété les locaux situés au 2ème étage ainsi qu’aux étages supérieurs ne pouvaient être occupés à titre professionnel.
Or, une contradiction était clairement constatée dans la procédure entre l’état descriptif de division et le règlement de copropriété lequel n’imposait aucune restriction particulière pour le copropriétaire de transformer, au besoin, ses locaux.
Ceci, d’autant plus que si le Syndicat des Copropriétaires venait opposer la force de l’état descriptif de division il n’en demeurait pas moins que le règlement de copropriété stipulait clairement que l’immeuble était destiné à un usage professionnel, de bureaux commerciaux et d’habitations en ce qui concerne les locaux situés aux étages et aux combles,
De telle sorte qu’au sens des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, rien n’empêchait le propriétaire des lots d’en jouir et d’y apposer une plaque professionnelle.
Le copropriétaire, la société P, considérait que le règlement de copropriété ne pouvait pas imposer de restriction aux droits des copropriétaires et que ces derniers avaient le droit d’user librement des parties privatives comprises en son lot, qu’importe ce que pouvait préciser l’état descriptif de division,
Ceci d’autant plus que rien, au sens du règlement de copropriété, n’y interdisait d’y apposer une plaque professionnelle.
Pour autant, le syndicat des copropriétaires tenait une position juridique différente,
L’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que : « l’état descriptif de division dont chaque propriétaire avait connaissance et accepté les termes avait la même valeur contractuelle que le règlement lui-même ».
L’état descriptif de division détermine l’affectation particulière de chaque lot dépendant d’un groupe de bâtiments que son propriétaire s’oblige à respecter.
Qu’il s’en suit que les copropriétaires de la copropriété ont entendu conférer, par des dispositions spéciales du règlement de copropriété, une valeur contractuelle à l’état descriptif de division et à l’affectation des lots déterminés par cet état.
La société P considérait, quant à elle, que le règlement de copropriété ne pouvait imposer aucune restriction à l’endroit des copropriétaires en dehors de celle qui serait justifiée par la destination de l’immeuble tel qu’il est défini aux actes par ses caractères et ses situations.
Que dès lors, elle considérait que les lots situés dans les étages de la résidence ne pouvaient avoir usage professionnel au prétexte que l’état descriptif de division inclus dans le règlement de copropriété le décrivait comme des appartements.
Ladite société considérait que ce moyen soulevé par le syndicat des copropriétaires était inopérant dès lors qu’elle constatait que le règlement de copropriété stipulait clairement que l’immeuble était destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d’habitations en ce qui concernent les locaux situés aux étages et combles.
De telle sorte qu’au sens des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, ces derniers étaient bien fondés à transformer ces lots en locaux professionnels.
La société P était d’autant plus à même de soutenir cela qu’elle considérait que chaque copropriétaire était en droit d’user librement des parties privatives comprises de leur lots à la seule condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Qu’importe l’état descriptif de division,
Pour autant la Cour de Cassation ne partage pas cet avis.
En premier lieu, elle rappelle que le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle à l’état descriptif de division de telle sorte que l’état descriptif de division affectait les locaux situés au dessus du premier étage et à une destination exclusive d’habitation.
Que l’état descriptif de division n’est pas en contradiction avec les stipulations du règlement selon lesquelles l’immeuble « était destiné à un usage professionnel de bureaux commerciaux ou d’habitation en ce qui concernait les locaux situés aux étages et combles dès lors que les dispositions de l’état descriptif de division étaient plus précises en ce qu’elles portaient sur chaque lot alors que la destination énoncée au règlement était de matière générale et distinguaient les étages au delà du premier.
A bien y comprendre, la société P ne peut obtenir de ce que ces locaux situés au 2ème étage ainsi qu’aux étages supérieurs ne soient occupés à titre professionnel.
Cette décision est intéressante en ce qu’elle rappelle la force de l’état descriptif de division, lequel vient compléter le règlement de copropriété surtout lorsque le règlement de copropriété a, justement, conféré une valeur contractuelle à l’état descriptif de division afin d’affecter les lots de manière bien précise.
La Cour de Cassation a bel et bien considéré que l’état descriptif de division auquel le règlement de copropriété avait conféré une valeur contractuelle affectait sans contradiction avec la destination de l’immeuble les lots situés au dessus du 1er étage de l’immeuble en copropriété à une destination exclusive d’habitation.
De telle sorte qu’en vertu de ce règlement et de l’état descriptif de division ayant valeur contractuelle, les locaux situés aux étages supérieurs ne pouvaient être occupés à titre professionnel.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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