Un organisme caution ayant réglé la banque du prêt immobilier non payé par le débiteur peut-il se voir opposer l’absence d’exigibilité par l’emprunteur ? L’emprunteur peut-il contester la validité de la déchéance du terme ? En cas de succès et de nullité de la déchéance du terme, quelles conséquences pour l’organisme caution ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un Arrêt qui a été rendu récemment par la Cour d’appel d’Amiens du 03 novembre 2002 N°RG21/00257 et qui vient aborder la problématique de l’opposabilité de la déchéance du terme à l’organisme de caution.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, par un prêt en date du 05 juin 2010 la banque C avait consenti à Monsieur J un prêt immobilier portant sur un capital de 200 000 euros au taux d’intérêts annuel de 2,82 % révisable tous les trois mois et remboursable en 144 mensualités, prêt dont l’organisme de caution s’était également portée caution solidaire.
L’organisme caution a, en sa qualité de caution, procédé au règlement de la somme de 8 617.06 euros, soit au titre des échéances impayées depuis le mois d’octobre 2015 dont une quittance subrogative lui avait été délivrée le 22 mars 2016 par l’établissement prêteur,
Par la suite et par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 04 juillet 2016, la banque avait prononcé la déchéance du terme et mit en demeure Monsieur J de lui verser la somme de 127 360.83 euros en principal.
Une déchéance du terme prononcée par la banque
Par la suite, la banque C avait délivré le 17 août 2016 à l’organisme de caution une quittance subrogative après paiement par la caution de la somme de 119 028.82 euros, puis par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 août 2016 l’organisme de caution avait mis en demeure Monsieur J de lui régler la somme de 127 645.00 euros sous huitaine.
C’est dans ces circonstances que par exploit d’huissier délivré le 26 juin 2017, l’organisme de caution a fait assigner Monsieur J devant le Tribunal de Grande Instance en paiement des sommes acquittées en ses lieux et places en garantie des contrats de prêt accordés par la banque C.
Une assignation en paiement lancée par l’organisme caution
Il convient de préciser que Monsieur J avait obtenu en première instance la nullité de la déchéance du terme adressée le 30 juin 2016 par la banque C à Monsieur J et c’est dans ces circonstances que Monsieur J avait fait appel principal et l’organisme de caution et la banque avait fait appel incident.
Dans le cadre de sa décision, la Cour d’appel rappelle qu’il est admis que le contrat de prêt de somme d’argent peut prévoir que la déchéance de l’emprunteur non commerçant entrainera la déchéance du terme, celle-ci ne peut cependant être à disposition expresse et non équivoque être déclarée acquise au créancier sans délivrance une mise en demeure restée sans objet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour lui faire obstacle.
Il résulte du contrat de prêt produit pendant son article 9 intitulé « exigibilité anticipée et défaillance » qui prévoit que le prêt deviendra immédiatement et de plein droit exigible par anticipation sans que le préteur n’ai à remplir une formalité judiciaire quelconque sauf accord écrit de sa part dans l’une des fournitures de renseignement inexacte sur la situation d’emprunteur, procédure collective, défaut à paiement à bonne date par l’emprunteur des charges et travaux de copropriété concernant le bien financé, décès de l’emprunteur ou mise en jeu d’une assurance de personne, mutation de propriété, disparition, destruction totale ou partielle ou diminution des garanties réelles ou personnelles constituées ou à constituer et surtout à défaut l’exécution d’un seul des engagements pris par l’emprunteur ou la caution dès lors que cet engagement était nécessaire à la prise de décision de l’employeur.
Dans ces hypothèses, la défaillance de l’emprunteur aura comme conséquence la déchéance du terme et l’exigibilité immédiate des sommes dues.
Cette clause qui ne fait référence qu’à l’absence d’une nécessité d’une formalité judiciaire et ne vise que l’exécution de l’engagement de l’emprunteur nécessaire à la prise de décision du prêteur ne constitue aucunement une clause libellée en terme précis et non équivoque permettant de dispenser le prêteur de l’envoi d’une mise en demeure avant de prononcer la déchéance du terme.
L’absence de mise en demeure préalable
Dès lors que la banque C ne justifie pas de l’envoi d’une telle mise en demeure ayant précédé le prononcé de la déchéance du terme, celle-ci intervenue le 30 juin 2016 n’a pas été régulièrement délivrée,
La Cour d’appel d’Amiens décide de confirmer la décision entreprise sur la nullité de la déchéance du terme.
Ainsi pour la Cour d’appel, la déchéance du terme n’ayant pas été valablement prononcée, la créance de la banque réclamée à hauteur de 119 028.00 euros au titre de capital restant dû n’était pas exigible dans son intégralité lorsque la caution a été actionnée par la banque.
La caution alors payée selon quittance subrogative du 17 août 2016 est critiquable, d’autant que les débiteurs n’en étant avisés que le jour même comme en témoigne l’avis de réception du courrier de l’organisme de caution.
Or, selon l’article 2305 du code civil, la caution qui a payée à son créancier, bénéficie d’un recours contre le débiteur principal, que le cautionnement a été donné au su ou à l’insu du débiteur, ce recours ayant lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais parallèles fait depuis que la dénonce a eu lieu au débiteur principal lorsque les poursuites sont initiées,
L’article 2306 du même code prévoit quant à lui que la caution qui a payé la dette et ce projet ont tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.
Le cautionnement étant l’engagement de payer la propre dette du débiteur, il est donc un accessoire de la dette garantie dépendant de cette dette qu’il s’agit de son existence, de sa validité, de son étendue, des conditions de son exécution et de son extinction, le créancier ne peut donc engager de poursuite à l’égard de la caution tant que la dette de celle-ci n’est pas exigible.
L’exigibilité du cautionnement
La date d’exigibilité du cautionnement est généralement calquée sur celle de la date principale de sorte que l’obligation de la caution est exigible lorsque celle du débiteur principal l’est aussi du fait de caractère accessoire du cautionnement.
L’exigibilité de la dette principale est à une condition de l’obligation du paiement de la caution, ainsi la faute du prêteur quant aux modalités de l’entreprise afin de prononcer la déchéance du terme du crédit consenti en ce qu’elle entraine des conséquences sur l’exigibilité de la créance du débiteur principal peut utilement être opposée à la caution qui s’est acquittée d’une dette qui n’était pas exigible.
Quel que soit le recours choisi par la caution personnelle sous forme de l’article 2305 du code civil , recours personnel ou recours subrogatoire sur le fondement de l’article 2306 du même code, demeure accessoire de l’engagement de caution qui impose que la créance du débiteur principal soit exigible.
Par ailleurs, l’article 2308-2 du même code dispose que lorsque la caution aura payée sans être poursuivi et sans avoir averti le débiteur principal, aura à prendre des recours contre lui dans le cas où au moment du paiement ce débiteur aurait eu les moyens pour faire déclarer la dette éteinte sauf son action en répétition contre le créancier ainsi le défaut d’exigibilité de la dette principale n’est aucunement une clause d’extinction de la dette privant définitivement la caution de ce recours à l’encontre du débiteur,
Ainsi, tant que la dette de celui-ci n’est pas exigible, la caution qui a néanmoins payée n’est pas fondée à exercer ce recours contre le débiteur principal, même dans le cadre d’un recours personnel,
En l’espèce la caution impayée est censé assurer l’exigibilité de la dette et le débiteur non averti de son paiement ne pouvait l’alerter sur sa contestation de la déchéance du terme.
Une contestation de la déchéance du terme opposable à la caution
Ainsi, la déchéance du terme n’ayant pas été régulièrement prononcée, Monsieur J est fondé à solliciter la communication d’un nouveau tableau de redressement relatif au prêt conclu le 15 juin 2010 sur la base du capital restant dû d’un montant de 112 000.00 euros ainsi que le report des échéances et courus depuis le 04 juillet 2016 de telle sorte que le jugement qui avait effectivement décidé cela en Première Instance sera confirmé sur l’ensemble de ces échéances.
Quelles conséquences en cas de déchéance du terme annulée ?
Dès lors, l’organisme de caution ne peut agir à l’encontre du débiteur que pour les montants des mensualités impayées exigible au moment ou à la place du débiteur principal soit pour la somme de 15 451.98 euros au 10 juin 2016.
Pour le surplus en action au titre du capital restant dû et prématuré, il ne pourra être exercer que dans le cadre d’une nouvelle défaillance du débiteur dans l’exécution des obligations définies par le nouveau tableau d’amortissement.
La décision est effectivement très satisfaisante sur ce point, bien qu’elle ne réponde pas à une question importante qui sont les rapports et les conséquences à en tirer entre d’un côté la banque et de l’autre l’organisme de caution, mais en tout état de cause rappelons que dans cette jurisprudence précise, l’organisme de caution a assigné en paiement Monsieur J, celui-ci a effectivement de quoi débouter la banque ce qui est extrêmement satisfaisant.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit,
No comment yet, add your voice below!