Saisie pénale de créance déclarée au passif d’une procédure collective, quels enjeux ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde permet-elle d’empêcher que soit ordonnée une saisie pénale de créance ? Cette créance saisie pénalement peut-elle permettre la vente aux enchères du bien immobilier ? Dans pareil cas, entre juge de l’exécution immobilier et JLD, quel est le juge compétent ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en décembre dernier et qui vient aborder les difficultés liées au croisement entre le droit de la saisie pénale de créance et le droit des entreprises en difficulté.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, par acte sous seing privé du 28 octobre 2009, plusieurs actionnaires, parmi lesquels Madame L ont cédé l’intégralité des actions de la SAS v à la SAS FH.

Cette dernière ayant refusé de s’acquitter du solde du prix, les cédants l’ont fait assigner devant le Tribunal de Commerce.

La société a sollicité, à titre reconventionnel, l’annulation de la vente.

Par jugement du 13 décembre 2012, la demande des cédants a été accueillie.

Par arrêt, devenu irrévocable, du 23 septembre 2014, rectifié par un arrêt du 18 novembre 2014, la Cour d’Appel a infirmé ce jugement, annulé la cession pour dol et ordonné la restitution, par les cédants, des sommes perçues, et par les cessionnaires, des actions.

Une procédure de sauvegarde judiciaire

Par jugement du 5 novembre 2014, le Tribunal de Commerce a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société et a désigné Madame X en qualité d’administrateur judiciaire.

Une procédure de saisie immobilière

Les 29 septembre et 9 novembre 2015, la société et ses mandataires ont délivré à Madame L, sur le fondement de l’arrêt du 23 septembre 2014, deux commandements valant saisie immobilière portant sur diverses parcelles de vigne dont elle était propriétaire et l’ont assignée à une audience d’orientation.

Le Juge de l’Exécution a rejeté l’ensemble des contestations soulevées et ordonné la vente forcée de l’immeuble.

Un jugement du 22 novembre 2016, confirmé par un arrêt du 27 juin 2017, a prononcé l’adjudication des lots saisis.

Le 5 décembre 2016, Monsieur et Madame W ont surenchéri du dixième pour chacune des adjudications.

Et une procédure pénale avec saisie pénale de créance

Pour autant, le 27 mars 2017, lors d’une instruction ouverte pour escroquerie au jugement et faux, un juge d’instruction a ordonné la saisie de la créance détenue par la société sur Madame L.

Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la même Cour d’Appel du 18 mai 2018.

La société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La chambre criminelle a considéré que le prononcé d’une mesure de sauvegarde n’interdisait pas que soit ordonnée une saisie pénale d’une créance, ni ne limite les effets d’une telle saisie préalablement ordonnée.

Le juge de l’exécution ne peut apprécier la validité de la saisie pénale au regard des règles relatives à la procédure de sauvegarde.

Dès lors, la procédure collective n’est pas toujours une procédure utile pour empêcher une saisie pénale immobilière.

Entre procédure de sauvegarde et saisie pénale de créance qui l’emporte ?

Dans le cadre de cette procédure, Madame L faisait grief à l’arrêt de rejeter sa contestation relative à l’absence de créance de la société, de procéder à la vente sur surenchère des deux immeubles lui appartenant, et de donner acte à la société de ce que le produit de la vente sera remis au commissaire à l’exécution du plan et qu’il ne sera utilisé qu’en concertation avec le Ministère Public.

Elle considérait que la mesure de saisie pénale qui avait été ordonnée malgré l’existence d’une procédure de sauvegarde devait produire ses effets jusqu’à ce que le juge qui l’avait ordonnée en autorise la mainlevée

La Cour d’Appel ne pouvait donc refuser de faire produire effet à une saisie pénale ordonnée par le juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance et qui n’avait pas fait l’objet d’une mainlevée, peu important que le débiteur saisi bénéficie d’une procédure de sauvegarde.

Quelle est la solution ?

La Cour de Cassation ne partage pas cette analyse,

La Haute juridiction rappelle, au visa des articles 706-144 et 706-153 du Code de Procédure Pénale et l’article L. 622-21, II du Code de Commerce, que le prononcé d’une mesure de sauvegarde n’interdit pas que soit ordonnée une saisie pénale d’une créance, ni ne limite les effets d’une telle saisie pénale préalablement ordonnée.

Dès lors le Juge de l’Exécution ne peut apprécier la validité de la saisie pénale au regard des règles relatives à la procédure de sauvegarde.

Cette saisie pénale de créance s’impose.

La cour précise que le Juge de l’Exécution ne peut poursuivre la vente sur surenchère d’un immeuble, quand bien même l’audience d’orientation aurait fixé les termes de la vente sur adjudication du bien immobilier et une première adjudication aurait déjà été prononcée, lorsque la saisie pénale de la créance, cause de la saisie immobilière, a été ordonnée par un Juge d’instruction postérieurement à la première adjudication.

Dans cette hypothèse, la vente sur surenchère de l’immeuble ne peut avoir lieu que sur l’autorisation du Juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction délivrée en application des articles 706-143 et 706-144 du code de procédure pénale, ce juge pouvant décider que la saisie pénale sera reportée sur la somme revenant au créancier dans le prix d’adjudication et consignée sans délai auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

Qu’importe que la vente aux enchères ait été effectuée et que l’acte translatif de propriété a été réalisée au profit des adjudicataires, la saisie pénale de créance l’emporte.

Cette jurisprudence est importante et éclaire le prévenu pénalement saisi sur les enjeux d’une ouverture d’une procédure collective, qu’il soit débiteur, ou créancier, dont il ne trouvera pas forcément le salut pour bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles si efficace en procédure de sauvegarde de justice, de redressement judiciaire ou même de liquidation judiciaire.

Pour autant, et fort heureusement, d’autres protections existent….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Contradiction de titres exécutoires et saisie immobilière à Mamoudzou

Laurent LATAPIE Avocat moto palais
Laurent LATAPIE Avocat moto palais

En cas de contradiction entre plusieurs décisions de justice rendues entre une banque et son débiteur, tantôt condamnant ce dernier en paiement, tantôt consacrant la prescription de la créance de la banque, celle-ci peut-elle malgré tout saisir le bien immobilier ? Illustration atypique d’une procédure de saisie immobilière devant le juge de l’orientation de Mamoudzou.

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Saint Denis de la Réunion en décembre 2019 et qui vient aborder, une fois de plus, la spécificité du droit de la saisie immobilière.

Dans cette affaire, et par acte d’huissier du 9 octobre 2019, la banque a fait assigner Monsieur D devant le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou aux fins de vente forcée de son bien immobilier suite à la communication d’un commandement de payer valant saisie immobilière signifiée le 11 juillet 2018.

Par jugement du 18 mars 2019 le Juge de l’Exécution a :

  • Déclaré recevable la procédure de saisie immobilière
  • Fixé la créance de la banque à la somme de 528 642.70 euros outre intérêts au taux conventionnel de 4.90% à compter du 23 mai 2018
  • Ordonné la vente du bien saisi sur la mise à prix de 200 000 euros

C’est dans ces circonstances que Monsieur D a interjeté appel de la décision.

Celui-ci entendait sauver son actif immobilier…

Ceci d’autant plus qu’il n’en était pas son premier combat contre la banque et plusieurs décisions de justice avaient d’ailleurs été rendues.

Toute la difficulté reposait sur le fait que les différentes décisions rendues entre la banque et le débiteur, Monsieur D, se suivaient mais ne se ressemblaient pas.

En effet, dans une première procédure, et par arrêt en date du 6 mai 2014, la Cour d’Appel de Saint Denis avait rejeté l’exception de prescription soulevée par Monsieur D et condamné ce dernier en paiement.

Pour autant, et par suite, et par jugement du 18 mai 2015 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou a dit que l’action de la banque se trouvait prescrite en application de l’article L 137-2 du Co de de la Consommation.

C’est dans ces circonstances que Monsieur D avait saisi la Cour de cassation, mais par arrêt du 7 septembre 2017, non spécialement motivé par ailleurs, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi en cassation de Monsieur D tendant à l’annulation de ces deux décisions en application des dispositions de l’article 618 du Code de Procédure Civile.

Tout naturellement cela n’avait pas empêché la banque d’envisager de lancer une procédure de saisie immobilière.

Il s’ensuit que Monsieur D entendait clairement soulever dans le cadre de la procédure de saisie immobilière l’autorité de la chose jugée qui aurait pu s’attacher au jugement du 18 mai 2015 afin de consacrer la prescription de la banque et par là même son impossibilité de poursuivre le débiteur.

A hauteur de Cour, il sollicitait que la Cour constate le désistement de la banque relativement à l’irrecevabilité de son appel et qu’elle prononce l’irrecevabilité de l’action de la banque au motif pris de l’autorité de la chose jugée en vertu d’un jugement rendu en mai 2015.

Pour autant, cela ne s’est malheureusement pas passé comme prévu.

En effet, sur la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, la Cour d’Appel rappelle les dispositions de l’article 122 du Code de Procédure Civile qui qualifie de fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 480 du Code de Procédure Civile dispose, quant à lui, dans son 1er alinéa : « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. »

Elle rappelle également que l’article 1355 du Code Civil prévoit que « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Enfin l’article 618 du Code de Procédure Civile énonce en son 1er alinéa que « La contrariété de jugements peut aussi, par dérogation aux dispositions de l’article 605, être invoquée lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu’aucune d’elles n’est susceptible d’un recours ordinaire ; le pourvoi en cassation est alors recevable, même si l’une des décisions avait déjà été frappée d’un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté. »

La Cour d’Appel considère qu’il y a une contrariété de décisions dès lors que relativement à l’exécution du même contrat de prêt notarié du 7 février 2008,

  • Par arrêt du 6 mai 2014, la Cour d’Appel de Saint Denis a rejeté l’exception de prescription soulevée par Monsieur D.

 

  • Par jugement du 18 mai 2015 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Mamoudzou a dit que l’action de la banque se trouvait prescrite en application de l’article L 137-2 du Co de de la Consommation

 

  • Par arrêt du 7 septembre 2017 non spécialement motivé, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi en cassation de Monsieur D tendant à l’annulation de ces deux décisions en application des dispositions de l’article 618 du Code de Procédure Civile.

Il s’ensuit que Monsieur D ne peut soulever l’autorité de la chose jugée qui aurait pu s’attacher au jugement du 18 mai 2015

Si le premier juge doit donc être approuvé lorsqu’il rejette la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée du jugement du 18 mai 2015, pour autant il n’était pas autorisé à privilégier l’autorité de la chose jugée en s’attachant à l’arrêt du 6 mai 2014.

Il convient d’observer que si Monsieur D, aux termes de ses écritures continue à soulever devant la Cour d’Appel l’autorité de la chose jugée du jugement du 18 mai 2015, il n’invoque pas de nouveau ne serait-ce que subsidiairement la prescription de l’action de la banque.

Il n’en offre pas d’ailleurs la démonstration.

Ce qui est à mon sens dommage.

La Cour d’Appel considère que le jugement entrepris ne peut être que confirmé en ce qu’il a déclaré recevable la procédure de saisie immobilière.

La saisie immobilière est fondée sur un commandement valant saisie immobilière délivré le 11 juillet 2018 pour un montant de 528 642.70 euros et qui est demeuré infructueux.

La banque pouvait-elle saisir de ce chef ?

Oui, notamment en ce que la Cour rappelle que Monsieur D n’a absolument pas rapporté la preuve d’une plus ample décharge de sa dette de sorte que le premier juge a valablement liquidé la créance de la banque pour la somme indiquée dans le commandement de payer valant saisie immobilière.

Cette jurisprudence est intéressante car force est de constater que si Monsieur D a obtenu gain de cause sur les problématiques de prescription à l’encontre de la banque en 2015, cela n’empêche pas la banque d’envisager une saisie immobilière en 2018.

La difficulté n’est pas tant l’argumentation retenue par la Cour qui laisse à penser que Monsieur D n’est pas bien fondé à solliciter l’autorité de la chose jugée de la première décision mais que Monsieur D aurait plutôt dû soulever la portée de la prescription pour la réitérer devant le juge de l’orientation.

Le raisonnement est subtil il est vrai,

Mais malheureusement pris au détriment du débiteur,

Une fois de plus….

La jurisprudence rappelle bien que le débiteur et son conseil doivent soulever l’ensemble des moyens de droit à leur portée.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Fin du rétablissement personnel du débiteur surendetté et sort des actifs ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

En droit du surendettement, le juge peut-il prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif alors que le débiteur surendetté détient encore des actifs ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juillet 2020 concernant la problématique du droit du consommateur et du surendettement des particuliers

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n’a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif que s’il constate que le débiteur ne possède rien d’autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Dans cette affaire, le juge d’un tribunal d’instance de Versailles avait, par jugement du 10 décembre 2015, prononcé l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire au profit de Madame J et avait également désigné un mandataire.

Après le dépôt, par ce dernier ,du bilan économique et social, le juge avait, par jugement du 29 mai 2017, arrêté la liste des créances et prononcé la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif ce qui a pour effet de générer une purge du passif.

L’enjeu est donc de taille.

L’un des créanciers, la banque, a interjeté appel de ce jugement.

La banque faisait grief à l’arrêt de prononcer la clôture pour insuffisance d’actif de la procédure de rétablissement personnel ouverte au profit de Madame J et de dire que la clôture pour insuffisance d’actif entraînait en conséquence l’effacement de la dette envers elle pour un montant de 175 199,76 euros, bénéficiant d’une hypothèque conventionnelle.

La banque rappelait que le mandataire, avait pour mission de procéder aux mesures de publicité destinées à recenser les créanciers, de recevoir leurs déclarations de créances dans un délai de deux mois à compter de la publicité du jugement d’ouverture de dresser un bilan de la situation économique et sociale de la débitrice, de vérifier les créances et d’évaluer les éléments d’actif et de passif.

Elle considérait qu’il appartenait au juge de constater et de vérifier que le débiteur ne possédait rien d’autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle.

Ou bien de vérifier que son actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

De telle sorte que le juge ne pouvait par conséquent se prononcer valablement au regard de considérations liées à l’insuffisance de l’actif réalisable pour désintéresser les créanciers.

A bien y comprendre, le juge ne pouvait donc se satisfaire du fait l’actif de cette dernière ne serait pas suffisant à désintéresser les créanciers de telle sorte la clôture de la procédure de rétablissement personnel par des considérations tirées de l’insuffisance de l’actif réalisable pour désintéresser les créanciers ne pourrait être prononcée.

La Cour de Cassation vient rappeler qu’au visa des articles R. 334-10, devenu R. 742-17, et L. 332-9, alinéa 1er, devenu L. 742-21 du Code de la Consommation, il résulte de ces textes que lorsque la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur n’a pas été prononcée, le juge ne peut prononcer la clôture de la procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif que s’il constate que le débiteur ne possède rien d’autre que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle, ou que son actif n’est constitué que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.

Ainsi la Cour de Cassation rappelle le bon sens économique.

La difficulté est que la banque avait déclaré sa créance, liée à un prêt bancaire immobilier.

En effet, Madame J avait acquis, en l’état futur d’achèvement, un appartement situé dans le Gers ,financé en totalité par le prêt consenti par la banque.

La banque ne s’était pas opposée à la vente du bien.

Cependant c’était sans compter la pugnacité et la résistance d’un certain nombre d’investisseurs, dont Madame J à l’encontre de la banque et la société de courtage en crédits immobiliers qui avaient finalement fait le choix d’engager leur responsabilité au titre de manquement de conseil.

Choix heureux.

La banque et la société de courtage avaient été condamnées in solidum à payer à Madame J la somme principale de 80 000 euros.

Pour autant, la banque considère que le premier juge n’aurait pas dû constater l’insuffisance des actifs pour désintéresser les créanciers sans passer par la liquidation judiciaire de son patrimoine total.

La Cour de Cassation vient sanctionner le fait qu’il y avait un actif réalisable dans cette affaire et que celui-ci devait être vendu peu importe que le prix de la vente ne parvienne pas à désintéresser intégralement des créanciers.

Tant bien même encore il viendrait se compenser avec quelque créance de condamnation de la banque…

La jurisprudence est intéressante car elle rappelle les modalités de réalisation des actifs dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers, tout comme elle rappel l’office du juge dans le cadre de ses vérifications lorsque celui-ci souhaite clôturer une procédure de rétablissement personnel pour insuffisance d’actif.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

 

 

 

Inexécution d’un plan de surendettement et reprise des poursuites

Qu’en est-il du droit de reprise des poursuites du créancier en cas d’inexécution par le débiteur de son plan de surendettement ? Le débiteur peut-il opposer au créancier le fait que le plan de surendettement n’a pas pris fin, ni par décision du juge statuant sur la défaillance du plan, ni par l’effet d’une clause résolutoire prévue ab initio ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en janvier 2020 et qui vient aborder la problématique de la reprise des poursuites par un créancier en cas d’inexécution d’un plan de surendettement des particuliers.

La Cour de Cassation laisse à penser que lorsque le débiteur n’exécute pas des mesures recommandées et homologuées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan, soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement, soit par l’effet d’une clause résolutoire prévue par ces mesures ou par l’ordonnance les homologuant.

Dans cette affaire, Monsieur R avait fait l’objet d’une procédure de surendettement.

Le 8 janvier 2013, le Juge du Tribunal d’Instance avait homologué les mesures recommandées par la commission de surendettement, consistant, notamment pour le prêt souscrit par Monsieur et Madame R par acte notarié, le 21 avril 2010, à la mise en place d’un échéancier sur 96 mois, ainsi qu’un effacement partiel à l’issue.

Cependant, en raison du non-paiement d’une échéance du plan, la banque, après avoir, le 20 avril 2015, mis en demeure Monsieur R de payer ladite échéance impayée, a dénoncé le plan le 19 mai 2015, puis a prononcé la déchéance du terme le 26 mai 2015.

Le 19 octobre 2015, la banque a fait délivrer à Monsieur R un commandement afin de saisie-vente pour la totalité de sa créance en application de l’acte notarié.

C’est dans ces circonstances que Monsieur R a saisi un Juge de l’Exécution afin de voir déclarer nul le dit commandement.

La banque considérait que l’ouverture d’une procédure de surendettement ne produit pas d’effet sur l’exigibilité des créances conformément aux dispositions contractuelles.

La Cour d’Appel avait constaté que la banque avait délivré au débiteur une première mise en demeure le 20 avril 2015, suivie, le 19 mai 2015, d’un courrier l’avisant de la dénonciation du plan, la déchéance du terme ayant été prononcée sept jours plus tard le 26 mai 2015, et considérait que la déchéance du terme et la reprise des poursuites serait valable.

Fort heureusement, la Cour de Cassation ne partage pas cette argumentation.

La Haute Juridiction vient rappeler, au visa de l’article L. 331-9 du Code de la Consommation, qu’en cas d’inexécution par le débiteur des mesures recommandées homologuées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan, soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause résolutoire prévue par ces mesures ou par l’ordonnance les homologuant.

Il convient de retenir de cette jurisprudence qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation.

En effet, que le débiteur en surendettement se retrouve en difficulté est une chose, mais pour autant il ne peut pour autant être exécuté à moins d’une semaine de la prétendue défaillance.

Il convient de rappeler que si l’ouverture d’une procédure de surendettement ne produit pas d’effets sur l’exigibilité des créances elle impose un minimum de respect des procédures.

Ainsi, en vertu de l’article L 331-9 du Code de la Consommation alors applicable, les créanciers auxquels les mesures recommandées par la Commission et rendues exécutoires sont opposables ne peuvent exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée d’exécution de ces mesures.

Dans la mesure où l’ordonnance du Juge de l’Exécution du 8 janvier 2013 a rendu exécutoire les mesures recommandées par la Commission, cette ordonnance est opposable à la banque qui ne l’avait pas contestée, et s’oppose à ce qu’elle délivre un commandement de payer pendant le cours de l’exécution de ces mesures.

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Sort de la caution et extinction de la créance en procédure collective

Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation
Laurent Latapie Avocat immobilier et liquidation

La caution est-elle encore exposée lorsque le créancier voit sa créance annulée et rejetée par le juge commissaire dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur principal ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en début d’année et qui vient aborder la problématique du sort de la caution lorsque la créance est éteinte et fait l’objet d’une ordonnance de rejet du juge commissaire lorsque le débiteur principal est en liquidation judiciaire, sous le coup d’une procédure collective.

La Cour de Cassation rappelle que la décision par laquelle, le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif, est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction.

Qu’en est-il alors de l’opposabilité de cette extinction de créance pour la caution ?

La décision de condamnation de la caution à exécuter son engagement, serait-elle passé en force de chose jugée, ne fait pas obstacle à ce que la caution puisse opposer l’extinction de la créance garantie pour une cause postérieure à cette décision.

Dans cette affaire, la banque avait accordé à la société C sa garantie, Monsieur X s’était porté caution envers elle du paiement de toutes sommes que la société C pourrait lui devoir après mise en jeu de la garantie financière.

La société C ayant été mise en liquidation judiciaire le 17 juin 2009, la banque avait déclaré à cette procédure le montant appelé au titre de l’exécution de sa garantie et assigné Monsieur X en paiement.

Un arrêt avait été rendu le 9 avril 2013 condamnant Monsieur X à payer les sommes résultant de son engagement et un arrêt du 27 juin 2013 avait par la suite déclaré irrecevable la déclaration de créance de la banque.

Fort de cette situation juridique et de son parc judiciaire, et nonobstant l’annulation de la créance dans le cadre de la procédure collective, la banque a cru bon entrer en exécution de la condamnation prononcée le 9 avril 2013, faire inscrire une hypothèque judiciaire sur des immeubles dont Monsieur X était propriétaire indivis.

De même suite, la banque a alors assigné Monsieur X, caution, ainsi que l’ensemble des indivisaires, aux fins de voir ordonner le partage de l’indivision et la licitation des biens et droits immobiliers.

Dans le cadre de cette procédure de licitation partage, Monsieur X, ainsi que les autres co-indivisaires, ont opposés l’extinction de la créance garantie en faisant valoir qu’elle avait été rejetée du passif de la procédure collective du débiteur principal.

Il ressort d’ailleurs des circonstances de la cause que dans le cadre de la condamnation de Monsieur X en paiement, ce dernier avait demandé le sursis à statuer au motif que la Cour était parallèlement saisie d’un appel d’une ordonnance du juge commissaire ayant rejeté la créance de la banque dans la procédure de liquidation judiciaire de la société C

Pour autant, la Cour d’Appel avait rejeté cette demande de sursis à statuer considérant que la décision à intervenir était sans incidence sur la régularité et le bien fondé des demandes de la banque à l’égard de ses propres cautions.

Il convient de rappeler que par arrêt du 4 mai 2017, la Cour de Cassation avait jugé que « la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, qui entraîne, par voie de conséquence, l’extinction de la sûreté qui la garantissait »,

La Haute juridiction interprétait ainsi l’article L. 624-2 du Code de Commerce comme permettant à la caution de se prévaloir, pour échapper à toute poursuite, du rejet d’une créance à raison de l’irrecevabilité de la déclaration.

De telle sorte que, pour Monsieur X, caution, la Cour d’Appel ne pouvait ordonner le partage et la licitation de biens appartenant notamment à Monsieur X caution de la société C en liquidation judiciaire, sur la circonstance qu’un arrêt irrévocable du 9 avril 2013 de la Cour d’Appel de Lyon avait prononcé une condamnation à son encontre sans tenir compte de la décision rendue le 27 juin 2013 dans laquelle la même cour avait déclaré irrecevable la déclaration de créances de la banque créancier poursuivant.

La Cour de cassation retient cette argumentation.

En effet, la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel qui a condamné Monsieur X en qualité de caution, n’a pas tenu compte de l’intervention, entre la condamnation et les poursuites engagées pour en obtenir l’exécution, de la jurisprudence nouvelle de la Cour de Cassation, et a portée une atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de la caution et a ainsi violé les articles 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, 480 du Code de Procédure Civile, 815-17 du Code Civil et L. 624-2 du Code de Commerce.

Mais surtout, la Cour de cassation rappelle ainsi que la décision par laquelle le juge-commissaire retient qu’une créance a été irrégulièrement déclarée et ne peut être admise au passif est une décision de rejet de la créance, ce qui entraîne, par voie de conséquence, son extinction.

De telle sorte que la caution peut s’en prévaloir et opposer ce rejet de créance dans le cadre de la liquidation judiciaire du débiteur principal au créancier qui tente de l’exécuter.

A bon entendeur…..

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Liquidation judiciaire et résiliation du bail commercial, quelle procédure ?

Laurent Latapie avocat banque

En cas de non-paiement des loyers et charges d’un local commercial postérieurs au prononcé de la liquidation judiciaire, le bailleur peut-il obtenir la résiliation du bail commercial et la restitution des clés ? Dans quelles conditions ? Est-il plus avantageux d’aller devant le juge commissaire ou de rester devant le juge des référés ?

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État d’urgence sanitaire et difficultés des entreprises, quelle ordonnance ?

Laurent Latapie avocat banque

Entre procédure d’alerte, procédure de conciliation, sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, quelles sont les mesures d’urgence particulières prises face à l’épidémie de COVID 19 ? A mon sens, la prorogation des délais de plans de sauvegarde ou de plans de redressement de 2 ans est la mesure la plus intéressante qui soit.

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