Le sort de l’associé-caution d’une SCI en liquidation judiciaire

Un associé-caution d’une SCI en liquidation judiciaire est-il nécessairement qualifiée de caution avertie en raison de sa seule qualité d’associé de la société emprunteuse ? l’associé-caution peut-il opposer à la banque un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde lorsque l’engagement de caution est disproportionné ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre 2018 qui vient aborder la problématique du sort de l’associé-caution d’une S.C.I.

Dans cette affaire, le 4 mars 2009 Madame X associée d’une S.C.I s’est rendue caution du remboursement d’un emprunt d’un montant de 70 000 euros souscrit par cette dernière auprès d’une banque.

La S.C.I ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a déclaré sa créance auprés des organes de la procédure collective et a assigné en paiement Madame X en sa qualité d’associé-caution.

L’associé caution invoque la décharge de son engagement en raison de son caractère disproportionné et recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde.

L’arrêt est intéressant sur ce point car il vient rappeler que l’associé-caution d’une S.C.I est parfaitement en droit de se défendre contre l’établissement bancaire et est parfaitement en mesure de lui opposer un certain nombre de griefs qui viennent caractériser sa responsabilité.

Tout laisse à penser, (car l’arrêt ne le précise pas), que la S.C.I était propriétaire d’un bien.

Il serait quand même intéressant de savoir dans quelles circonstances le bien aurait été vendu et de savoir si dans le cadre de la liquidation judiciaire, le gérant de la SCI, bien souvent associé et caution par ailleurs, a pris soin de contester les créances.

Il est toujours intéressant de savoir si dans le cadre de liquidation judiciaire l’actif a été vendu et dans quelles conditions.

La Cour de Cassation est venue casser l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Besançon qui avait été sévère à l’encontre du débiteur en exonérant la banque de toute responsabilité.

La Cour d’Appel avait condamné Madame X, en tant qu’associé-caution, à payer à la banque la somme de 66 162,25 euros, à titre principal, outre intérêts au taux contractuel de 7,65 % l’an à compter du 21 mars 2012, rejeté sa demande de dommages-intérêts dirigée contre cette dernière.

La Cour d’Appel a considéré qu’il appartenait à Madame X, associé-caution, de rapporter la preuve de la disproportion de son engagement de caution, le crédit litigieux ayant été souscrit en mars 2009,

Pour la Cour d’appel, Madame X se devait d’exposer sa situation financière et patrimoniale au jour de son engagement de caution et qu’à défaut, elle mettait la Cour d’Appel dans l’impossibilité d’apprécier le caractère disproportionné de son engagement de caution.

Pour autant Madame X, associé-caution, soutenait que son patrimoine n’avait pas évolué depuis la situation examinée par la cour d’appel dans son arrêt de 2014, son endettement antérieur s’étant seulement alourdi en raison du cautionnement litigieux.

L’associé-caution souligne le fait que consentir ce prêt alors que la situation de la société était déjà obérée et que le prêt proposé n’était pas forcément en adéquation avec la situation de la S.C.I qui avait déjà donné en garantie l’immeuble qu’elle possédait et qu’elle devait faire face au paiement de trois factures importantes ce que la banque n’ignorait pas.

La Cour souligne qu’au jour de l’octroi du prêt la S.C.I n’avait envers la banque qu’un seul engagement résultant d’un emprunt souscrit le 10 août 2007 pour un montant de 90 000 euros et garanti par une inscription hypothécaire.

Il s’évince d’un commandement de payer valant saisie en date du 6 avril 2012 que la première échéance impayée au titre de ce crédit remontait déjà au 6 mai 2011,

L’analyse des relevés du compte de la S.C.I produits aux débats révèlent qu’au jour de la souscription du crédit, le solde dudit compte n’était pas débiteur ;

Concernant les trois factures en litige, tout laissait à penser qu’elles n’étaient pas encore dues et qu’elles n’étaient même pas destinées à la société.

Pour autant Madame X, associé-caution, considère qu’elle est bien fondée à invoquer le bénéfice des dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation aux termes duquel « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation »

La Cour de Cassation considère que la disproportion de l’engagement de l’associé-caution s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution à la date de son engagement.

Que dès lors en se bornant à retenir, pour écarter le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de caution de Madame X, associé-caution, et pour apprécier la situation financière et patrimoniale de cette dernière la Cour d’Appel de Besançon s’est placée dans son arrêt à la date de souscription des différents crédits, c’est-à-dire respectivement en 2006 et 2008 tandis que le crédit litigieux a été souscrit en mars 2009, sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si effectivement la situation financière et patrimoniale n’avait pas évolué depuis 2006-2008, la Cour d’Appel n’avait pas tiré les conséquences légales des dispositions de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation.

Enfin et surtout, il importe de préciser que Madame X, associé-caution, ajoutait que sa situation patrimoniale n’avait pas évolué par la suite et se trouvait donc identique lors du cautionnement litigieux.

Se posait la question de savoir si Madame X était associé-caution avertie ou non.

La Cour souligne que la caution avertie s’entend d’une personne qui a la compétence nécessaire, de par sa formation et l’expérience acquise, de par son activité passée, pour apprécier l’ampleur des engagements souscrits et en mesurer les risques ; que le seul statut d’associé de la société cautionnée ne suffit pas à établir la qualité de caution avertie.

Pour débouter Madame X, associé-caution, de sa demande tendant à voir condamnée la banque à lui verser des dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde, la cour d’appel a retenue qu’en sa qualité d’associé de la S.C.I elle ne pouvait sérieusement soutenir avoir méconnu la situation exacte de la société ou s’être engagée en qualité de caution profane,

La Haute juridiction sanctionne cette décision et considère que la Cour d’Appel s’est prononcée par des motifs insuffisants à caractériser la qualité de caution avertie de Madame X.

La décision est heureuse.

Cet arrêt est intéressant car il vient rappeler que l’associé-caution d’une S.C.I peut opposer à la banque un manquement à son obligation de conseil et de mise en garde,

Plus précisément, la haute juridiction précise qu’il y a matière à vérifier si l’engagement de l’associé-caution est ou non disproportionné par rapport à sa situation financière et patrimoniale au moment de la signature de l’engagement.

Il considère qu’un associé-caution ne peut être qualifiée d’avertie en raison de sa seule qualité d’associé de la société emprunteuse.

Cette jurisprudence est heureuse,

En premier lieu, elle met fin à l’amalgame trop fréquemment constaté devant les juridictions de fond entre gérant-caution et associé-caution quant à la caractérisation du critère juridique de caution avertie.

En deuxième lieu, elle rappelle à l’associé-caution qu’il dispose bien de nombreux moyens juridiques et judiciaires de se défendre contre la banque lorsque la SCI est en liquidation judiciaire.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Action en report de la date de cessation des paiements

Comment combattre une action en report de la date de cessation des paiements ? surtout lorsque celle-ci annonce finalement une action en responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif. Entre vérification rigoureuse des créances, surtout lorsque le passif n’est ni vérifié ni déposé ni définitif, et analyse de la comptabilité. Analyse des différentes techniques.

Article :

Il convient de s’intéresser un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Amiens en décembre 2018 qui vient aborder la problématique spécifique de report de la date de cessation des paiements qui permet bien souvent au mandataire liquidateur, ensuite, d’exposer la responsabilité du dirigeant.

Par jugement du Tribunal de commerce d’Amiens en date du 21 juillet 2016 une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’encontre de la société F, et la date de cessation des paiements a été fixée au 30 mai 2016 pour dettes impayées à cette date.

Pour autant, par exploit d’huissier en date du 19 juillet 2017, La SELAS B désignée liquidateur judiciaire de la société a saisi le Tribunal de commerce aux fins de voir reporter la date de cessation des paiements à la date du 1er septembre 2015 soit quasiment plus d’un an avant l’ouverture de la procédure collective.

Néanmoins, la stratégie du mandataire liquidateur n’a pas été payante.

Par jugement du Tribunal de Commerce d’Amiens en date du 5 décembre 2017, la date de cessation des paiements a été reportée au 1er avril 2016, ce qui est extrêmement raisonnable,

Le Tribunal retenant essentiellement que la société n’était débitrice envers l’URSSAF Midi Pyrénées que d’une somme de 1 481,67 euros au quatrième trimestre 2015 et d’une somme de 11 466 euros au 1er trimestre 2016 pour s’élever au 28 février 2017 à plus de 42 000 euros alors que la créance de l’URSSAF de Picardie s’élevait en avril 2016 à la somme de 82 319 euros sur un total produit de 213 322 euros au regard d’un chiffre d’affaires de 1 900 000 euros.

C’est dans ces circonstances que le mandataire liquidateur a interjeté appel de la décision en ce qu’il n’a pas été fait droit à sa demande de report de la date de cessation des paiements au 1er septembre 2015.

Le mandataire liquidateur exposait que l’actif de la procédure était presque totalement inexistant et que la société avait laissé de longue date s’accumuler de nombreux impayés.

Le mandataire liquidateur faisait ainsi valoir que la Direction Générale des Finances publiques avait déclaré une créance de 3 991,50 euros au titre d’impayés du 27 mai 2015 et l’URSSAF de Toulouse une créance d’un montant de 42 049,67 euros dont 1 481,67 euros au 4ème trimestre 2015 et 11 466 euros au 1er trimestre 2016 et l’URSSAF d’Amiens une créance d’un montant de 213 322 euros dont des cotisations impayées à partir de septembre 2015.

Il faisait également fait observer que la date d’exigibilité des créances restées impayées était bien antérieure à la déclaration de cessation des paiements et de la date retenue par le Tribunal de Commerce,

De telle sorte qu’en première instance le tribunal ne pouvait se fonder sur la réalisation d’un chiffre d’affaires conséquent qui n’était pas un élément d’appréciation de la liquidité de l’entreprise, comme la réalisation d’un bénéfice n’était pas de nature à permettre la contestation d’un état de cessation des paiements.

Le gérant de l’entreprise pressent que derrière cette action en report de la date de cessation des paiements se cache une action en responsabilité dans laquelle celui-ci se retrouverait poursuivi pour insuffisances d’actifs et devrait supporter le passif de la liquidation judiciaire de la société.

Il a donc pris soin de réclamer un grand nombre de documents au mandataire car ce dernier avait cru bon fonder son action sur la seule base d’une liste du créancier sans fournir pour autant les décomptes des créances en tant que telles.

Avant dire droit la société F entendait solliciter les documents suivants :

  • Les réponses à contestation des deux créances de l’URSSAF d’Amiens
  • Le justificatif du dépôt de requête aux fins de dépôt du seul passif privilégié
  • Le justificatif du dépôt de l’état des créances privilégiées
  • Le justificatif de la date d’audience des créances contestées de l’URSSAF devant le juge commissaire

Sur le fond, le dirigeant de la société F expose que le passif important de la société est constitué essentiellement de factures EDF qui sont des créances récentes et que les créances de l’URSSAF ne sont exigibles qu’en fin de trimestre et qu’elles sont au demeurant contestées et n’ont toujours pas été admises.

Il fait observer que s’il est argué d’un passif important, il n’est pas justifié du dépôt d’une requête aux fins de dépôt du seul passif privilégié et que les seules créances invoquées pour la période en litige sont des créances de faible importance qui ne sauraient justifier une cessation des paiements.

Et encore moins une action en report de la date de cessation des paiements.

Il soutient encore que le report de la date de cessation des paiements ne peut être justifié sur la seule base de créances équivalentes à 1% du chiffre d’affaires de l’entreprise qui était au 31 décembre 2015 de 1 900 000 euros.

Il est à noter par ailleurs que le Ministère Public avait été sollicité dans le cadre de cet appel et qu’il avait déclaré s’en rapporter à la justice.

C’est dire le pressenti de ce dernier qui ne voyait pas dans cette affaire une raison valable d’envisager une action en report de la date de cessation des paiements pour finalement envisager ensuite une action en responsabilité contre le dirigeant.

La Cour ne s’y trompe pas,

Elle rappelle que l’état de cessation des paiements est l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible.

Elle rappelle par ailleurs la charge de la preuve de cet état de cessation des paiements repose sur l’organe de la procédure qui entend voir reporter la date de cessation des paiements.

Ainsi les demandes formées par le dirigeant relatives à la communication par le liquidateur d’éléments relatifs à la contestation des créances de l’URSSAF s’avèrent inutiles dans la discussion relative au report de la date de l’état de cessation des paiements dont la preuve incombe au mandataire qui doit établir notamment la réalité du passif exigible.

En l’espèce, les pièces versées aux débats par le liquidateur ne permettent aucunement de caractériser un état de cessation des paiements au 1er septembre 2015 dès lors qu’à cette date il n’est justifié que d’une créance de la Direction générale des finances publiques d’un montant de 3 991,35 euros.

En effet les dettes des deux URSSAF ne concernent que des cotisations dues au plus tôt au titre du quatrième trimestre 2015 ou des cotisations dues au titre du mois de septembre 2015 pour la somme de 2 360 euros et dont l’exigibilité n’est pas établie faute pour le liquidateur de produire des contraintes ou de justifier de leur admission par le juge commissaire.

La Cour d’Appel fait observer que les éléments figurant au bilan de l’année 2015 ne présentent qu’une image de la situation de l’entreprise au 31 décembre 2015 et ne suffisent pas à avérer un état de cessation des paiements au 1er septembre 2015.

De surcroît au regard du niveau d’activité de la société dont le chiffre d’affaires net s’est élevé en 2015 à 1 794 469 euros et l’actif circulant au titre des créances et disponibilités s’est élevé à la somme de 97 505 euros, la faible différence entre la seule dette fiscale et les disponibilités de la société s’élevant à la somme de 1 205 euros ne caractérise pas suffisamment un état de cessation des paiements au 1er septembre 2015.

La Cour d’Appel considère alors qu’il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a reporté la date de cessation des paiements au 1er avril 2016 alors même qu’à cette date le passif de la société s’élevait à plus de 100 000 euros alors que l’actif disponible était presque inexistant.

Cette décision est extrêmement intéressante car elle met clairement en lumière le fait que le mandataire judiciaire a envisagé cette action en report de la date de cessation des paiements téméraire avait finalement comme vrai seul but d’engager par la suite la responsabilité du dirigeant pour que celui-ci fasse face à l’insuffisances d’actifs de ladite société.

En tout état de cause, il appartient au dirigeant de se défendre, d’appréhender à sa juste mesure les risques inhérents à une telle action et de la combattre au travers d’une analyse précise et rigoureuse de l’ensemble des créances déclarées au passif et de l’ensemble des décomptes au sein même desdites créances.

Par ailleurs, le dirigeant a été débouté de sa demande de communication de pièces mais cela a quand même attiré l’attention de la Cour d’Appel sur les problématiques liées à une absence totale de justificatif créances par créances d’une cessation des paiements antérieures au 1er avril 2016.

Cela montre bien que la rigueur de la défense et les contestations qui vont de pair sont d’importance et visent à empêcher un report dangereux de la date de cessation des paiements et de limiter les risques d’une action en responsabilité contre le dirigeant.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Faillite personnelle et interdiction de gérer du chef d’entreprise

Analyse d’une jurisprudence exposant le chef d’entreprise à une mesure de faillite personnelle au motif pris d’une absence de tenue de comptabilité, d’un retard dans la déclaration de cessation des paiements et finalement au motif pris d’un passif trop important. Quels sont les moyens de défense pour éviter une mesure de faillite personnelle ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois d’octobre 2018 qui vient aborder la problématique particulière de la faillite personnelle et interdiction de gérer du chef d’entreprise pour lequel le mandataire judiciaire, comme à son accoutumée ne manque pas de lui reprocher un certain nombre de fautes.

Dans cette affaire, Monsieur C avait exercé en nom propre une activité de gardiennage depuis le 16 avril 2003.

Par jugement en date du 8 juin 2015, le Tribunal de Commerce avait ouvert à son encontre une procédure de redressement judiciaire qui avait été convertie, le 8 juin 2015, en liquidation judiciaire.

Maître D avait établi un rapport dans lequel il indiquait que Monsieur C se serait abstenu de tenir une comptabilité, fait matérialisé par la déclaration de créances de l’URSSAF correspondant à la mise en œuvre de procédures de taxation d’office d’avril à mai 2015,

Le mandataire lui reprochait également de s’être abstenu de faire une déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours, l’état de cessation des paiements datant du 8 décembre 2013 avec passif déclaré s’élevant au 6 mai 2016 à la somme de 2 214 800 euros,

C’est dans ces circonstances que le mandataire liquidateur soulignait, selon lui, la totale incurie, l’absence de sens de responsabilité et l’incapacité à gérer de Monsieur C.

Au vu de ces éléments, le Procureur de la République a cité à comparaître Monsieur C devant le Tribunal de Commerce afin de répondre des conséquences de l’absence de tenue de comptabilité ou tenue d’une comptabilité fictive ou incomplète, de la disparition des documents comptables et de l’abstention de déclaration de son état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

Le Procureur de la République sollicitait dans le cadre de son action en sanction de voir infligé au chef d’entreprise une mesure de faillite personnelle ou, à défaut, d’une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale et toute personne morale pendant dix ans.

Avant toute chose, il est loisible de souligner et de critiquer le fait suivant lequel le rapport du Procureur de la République est souvent identique, au mot pros à celui établi par le mandataire liquidateur.

C’est dans ces circonstances, que par jugement en date du 27 novembre 2017, le Tribunal de Commerce a :

Pour statuer de la sorte, le Tribunal de Commerce s’était fondé sur le montant du passif déclaré entre les mains du mandataire judiciaire, soit 2 214 800,41 euros, sur le défaut de tenue de comptabilité, y compris depuis le début de l’ouverture de la procédure collective, sur l’abstention de déclaration de l’état de cessation des paiements dans les 45 jours, ce qui caractérisait, pour la juridiction saisie, l’incurie et l’absence du sens des responsabilités du chef d’entreprise incapable de gérer sainement une entreprise.

C’est dans ces circonstances que Monsieur C a interjeté appel de la décision en litige et a réclamé la réformation du jugement en son entier.

Il entendait contester le prononcé de la faillite personnelle,

Selon lui, la faillite personnelle n’était pas caractérisée,

Monsieur C soutenait qu’il avait transmis aux organes de la procédure collective les éléments comptables relatifs aux années 2012, 2013 et 2014,

Or, le redressement judiciaire datant du 8 juin 2015, il est bien évident que la procédure collective intervenant en plein milieu de l’année civile il y aurait forcément un vide comptable à ce sujet.

Par voie de conséquence, il ne pouvait y avoir de faillite personnelle à cet égard,

Par ailleurs, en l’état des éléments comptables présentés, Monsieur C exposait que c’était l’aggravation de la masse salariale et des charges sociales qui étaient à l’origine de ses difficultés.

Celles-ci résultant des éléments comptables 2014 et 2015, il s’en suivait que l’ensemble de la comptabilité avait bien été communiquée, ce qui s’évinçait d’ailleurs d’un courrier du mandataire judiciaire en date 21 décembre 2016 dans lequel ce dernier reconnaissait avoir été destinataire des éléments comptables.

Monsieur C précisait que le passif était essentiellement composé de créances fiscales, outre un contrôle URSSAF pour 799 901 euros, créances qu’il contestait mais qu’il avait de toute façon souhaiter contester dans le cadre de la procédure collective dans le cadre de la vérification de créances.

Ainsi, l’appelant faisait valoir que la comptabilité a été tenue et que 90% de son passif était dans les délais de la date de cessation des paiements.

De telle sorte que là encore, les critères de la faillite personnelle n’étaient pas remplis.

En outre, Monsieur C indiquait que l’expert-comptable initial, ayant rencontré des impayés, avait cru bon de mettre un terme à sa mission au premier semestre 2015 et refusé d’établir le bilan 2014 et la situation du 1er trimestre 2015.

Un des arguments important soulevé par Monsieur C dans le cadre de la contestation de la sanction de faillite personnelle était plutôt d’ordre économique.

Il rappelait en effet que pendant plus de 12 ans il avait exercé son activité en tenant parfaitement sa comptabilité, en payant ses salariés, les caisses sociales et les organismes fiscaux ou sociaux sur la base de bilans bénéficiaires et démontrant qu’il n’était pas en état de cessation des paiements depuis 45 jours.

Nous sommes bien loin des critères de la faillite personnelle….

Sur le terrain purement personnel, Monsieur C affirmait ne s’être pas enrichi mais sacrifié et même appauvri en tentant de sauver l’entreprise.

Enfin, il soulignait que si le passif était important, il résultait essentiellement d’une importante créance de l’URSSAF qui correspondait à une taxation d’office qui avait vocation à être régularisée dès lors que la comptabilité aurait été reconstituée.

De telle sorte que si le passif déclaré était effectivement important il était essentiellement « virtuel ».

La Cour d’Appel va répondre sur la base de plusieurs arguments précis avant de réformer la décision de faillite personnelle.

Tout d’abord la Cour d’appel s’intéresse à la demande de remise de documents au mandataire liquidateur,

Puis elle s’intéresse aux fautes reprochées à Monsieur C en dissociant les fautes de gestion relative à l’absence d’une tenue de comptabilité régulière et complète et la faute de gestion relative à la déclaration tardive de l’état de cessation des paiements.

In fine elle vient aborder la question de l’appréciation de la sanction de faillite personnelle autour de trois axes :

1 – Sur la demande tendant à la remise des documents par le mandataire judiciaire

Il importe de préciser que Monsieur C avait sollicité la remise des relevés bancaires des années 2014 et 2015 et des éléments comptables afin de permettre à un expert-comptable de reconstituer la comptabilité manquante notamment en 2015.

Pour autant la Cour d’Appel considère qu’en application des articles 132 et suivants du code de procédure civile, que la faculté de demander au juge d’enjoindre à la partie adverse de communiquer une pièce qu’elle détient est une faculté ouverte aux justiciables n’a pas pour but de substituer le juge aux parties dans la charge de la preuve.

La Cour considère qu’ il n’appartient pas au mandataire judiciaire de tenir la comptabilité du débiteur de sorte que, soit celui-ci a tenu une comptabilité, et qu’il a été en mesure de la transmettre aux organes de la procédure collective pour l’accomplissement de leur mission de telle sorte que le chef d’entreprise dispose en conséquence, lui-même ou son expert-comptable, de la faculté de produire directement lesdites pièces,

Soit, la Cour considère que le chef d’entreprise est défaillant dans la communication des documents comptables au mandataire judiciaire et celui-ci ne disposant d’autres pièces que celles transmises par le débiteur ou, à la demande de ce dernier, par son expert-comptable, n’est pas en mesure de communiquer des pièces que par définition il ne peut détenir.

En conséquence, la Cour rejette la demande de sursis à statuer formée par Monsieur C.

De prime abord, la Cour d’appel n’a pas compris la problématique posée par la remise des documents comptables.

En effet, il importe de préciser que lorsque la procédure collective est ouverte et que le débiteur se retrouve en liquidation judiciaire, il doit communiquer les éléments comptables au mandataire judiciaire de telle sorte qu’il se démunit de l’ensemble des originaux qu’il a en sa possession.

Par la suite, la banque refuse remettre les relevés bancaires au débiteur pour la simple et bonne raison que les comptes sont clôturés et que seul le mandataire liquidateur a vocation à représenter la société.

Dans l’hypothèse où le mandataire liquidateur se refuse de communiquer les pièces, le débiteur ne peut reconstituer la comptabilité.

Et s’expose alors à un risque de sanction de faillite personnelle, ce qui est un comble.

2 – Sur les fautes reprochées à Monsieur C

Il convient tout d’abord de s’intéresser à la faute de gestion relative à l’absence de tenue d’une comptabilité régulière et complète.

Il résulte de l’article L.653-5 du Code de Commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant s’il a fait disparaître des documents comptables, s’il n’a pas tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ou s’il a tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

Si la Cour d’Appel souligne que le débiteur n’a pas remis sa comptabilité à l’ouverture de la procédure collective, il n’en demeure pas moins qu’elle reconnait que c’est dans le cadre de la vérification des créances déclarées que Monsieur C avait remis des éléments de comptabilité présentant un caractère parcellaire.

Bien plus, Monsieur C a tout fait pour procéder à la reconstitution de sa comptabilité, et ce, malgré la réticence du mandataire liquidateur a lui adresser copie des documents comptables et bancaires remis.

La Cour considère qu’en ne remettant aucun document comptable, Monsieur C est réputé ne pas avoir tenu de comptabilité, cette présomption étant d’ailleurs corroborée par les déclarations de l’intéressé par lesquelles il fait état de la décision de son expert-comptable de ne pas tenir sa comptabilité en raison du non-paiement de ses honoraires.

Pourtant la Cour souligne, et cela est spécieux, qu’il est constant que le fait pour un dirigeant de ne pas rémunérer l’expert- comptable auquel il confie la tenue de sa comptabilité ne saurait être une cause exonératoire de responsabilité pour ledit dirigeant en cas de cessation de sa mission par l’expert-comptable et qu’une telle attitude du dirigeant met au contraire l’accent sur son incurie et son incapacité à gérer de manière diligente son entreprise.

Elle souligne également que des déclarations de créances de l’URSSAF PACA ayant fait l’objet de taxations d’office d’avril 2014 à mai 2015, viennent caractériser le fait que les bordereaux afférents à l’organisme social ne lui ont pas été adressés et, en conséquence, n’ont pas été pris en comptabilité.

Cette approche peut là encore faire l’objet d’une analyse différente puisqu’il est bien évident que dans la mesure où le débiteur est en cessation de paiement ou en difficultés financières, il est assujetti au bon vouloir de l’expert-comptable qui peut, en cas d’impayés, refuser de poursuivre ses diligences et acculer encore plus le dirigeant.

Cela justifie t’il pour autant une sanction de faillite personnelle ?

Je ne le crois pas.

Concernant la faute de gestion relative à la déclaration tardive de l’état de cessation des paiements, la cour rappelle les dispositions de l’article L.631-4 du Code de Commerce :

« l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements, s’il n’a pas, dans ce délai, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation »

L’article L.653-8 alinéa 2 du même code dispose également que l’interdiction de gérer peut-être infligée au dirigeant :

« qui aura omis de faire, dans le délai de quarante-cinq jours, la déclaration de cessation des paiements, sans avoir par ailleurs, demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation »

La procédure de redressement judiciaire a été ouverte sur assignation de l’URSSAF PACA en date du 26 novembre 2014 et par jugement d’ouverture de la procédure collective, la date de cessation des paiements a été fixée au 8 juin 2015.

Or le mandataire judiciaire n’avait pas manqué d’envisager une action en report de la date de cessation de paiement et le Tribunal de Commerce avait fait remonter la date de l’état de cessation des paiements au 8 décembre 2013.

Pour la Cour d’Appel, le jugement étant définitif le dirigeant s’était volontairement abstenu de déclarer dans le délai de 45 jours son état de cessation des paiements.

Ce point est important car lorsque le dirigeant est destinataire d’une demande en report de la date de cessation des paiements, ce dernier risque fort de voir sa responsabilité engagée tantôt en sanction sur la base d’une demande de faillite personnelle ou interdiction de gérer tantôt au titre d’une insuffisance d’actifs.

Dès lors, à ce seul stade, il est impératif que le chef d’entreprise se défende,

3 – Sur la sanction

La Cour d’Appel rappelle les dispositions de l’article L.653-5 du Code de Commerce qui prévoit à l’encontre du dirigeant qui s’est abstenu de tenir une comptabilité complète et régulière, une mesure de faillite personnelle et celles de L.653-8 du même Code qui prévoit que :

« dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. ”

Or, la Cour considère que si l’incurie manifestée par Monsieur C dans la gestion de son entreprise est constante mais qu’il convient d’observer qu’il ne s’est pas opposé à la liquidation judiciaire de son entreprise moyennant quoi, la Cour infirme la sanction prononcée de faillite personnelle pour 10 ans des premiers juges et sanctionne finalement Monsieur C d’une « simple mesure d’interdiction de gérer pour une durée de cinq ans.

La décision est dont extrêmement satisfaisante sur ce point car elle vient réduire sérieusement le champ de la sanction du dirigeant.

Surtout elle ne retient plus la sanction de faillite personnelle.

Cette jurisprudence est intéressante.

Elle rappelle que pour limiter sa responsabilité, et éviter une action en sanction aux fins de faillite personnelle en établissant sa comptabilité, en contestant les créances et en réagissant contre le mandataire liquidateur des lors que ce dernier envisage ne serait-ce qu’une action en report de la date de cessation des paiements.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Reddition des comptes et responsabilité pour insuffisance d’actif

Un mandataire liquidateur peut-il engager une action en reddition des comptes contre le gérant d’une entreprise en liquidation judiciaire alors que le délai de 3 ans pour engager une action en responsabilité pour insuffisance d’actif est dépassé ?

Article :

Il convient de s’interresser à un arrêt rendu en novembre dernier qui vient aborder la question spécifique du choix du mandataire judiciaire entre l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif et l’action en reddition des comptes telle que prévue par l’article 1993 du Code Civil.

Dans cette affaire la société A avait été placée en liquidation judiciaire le 11 juin 2009 et Maître X avait été désigné en qualité de liquidateur.

Ce dernier a, le 28 septembre 2012, (soit postérieurement au 3 ans requis pour engager une action en responsabilité pour insuffisance d’actif) et sur le fondement de l’obligation de reddition des comptes du mandataire social, assigné son gérant, Monsieur Y en paiement de la somme de 14 200 euros,

Dite somme pour lequel le mandataire liquidateur précisait que le gérant reconnaissait lui même avoir détourné au préjudice de la société.

La question qui se posait était de savoir si le mandataire judiciaire pouvait engager une action passé le délai de 3 ans en reddition des comptes alors qu’il ne pouvait plus faire une action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

Il convient de rappeler lorsque le redressement ou la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître, comme en l’espèce, une insuffisance d’actif, les dispositions de l’article L. 651-2 du Code de Commerce prévoient que :

« le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion

L’action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire. »

Dans cette affaire la liquidation judiciaire avait été prononcée le 11 juin 2009 de telle sorte que l’action en comblement de passif était prescrite à partir du 12 juin 2012.

L’action en cause était lancée le 28 septembre 2012,

Dès lors la problématique de la faute de gestion interressait le gérant qui entendait considérer que cette nouvelle action en reddition des comptes, au visa de l’article 1993 du Code Civil, était prescrite.

En effet, le gérant considérait que le mandataire judiciaire détournait l’action en reddition des comptes pour pouvoir rendre possible une action qui ne visait qu’à venir combler l’insuffisance d’actif de la procédure collective au titre de fautes de gestion.

Pour autant la Cour de Cassation fait la part des choses,

Elle considère que l’action en reddition de comptes prévue par l’article 1993 du Code Civil n’a pas le même objet que l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif prévue par l’article L. 651-2 du Code de Commerce de telle sorte que le mandataire judiciaire est parfaitement fondé à engager une action à cette fin.

La Cour considère que le mandataire liquidateur, sans faire référence à une insuffisance d’actif, ne réclamait que le remboursement d’une somme payée par un client de la société, que le dirigeant de celle-ci avait conservée entre ses mains de telle sorte qu’il y avait bel et bien un axe de responsabilité, en reddition des comptes, au visa de l’article 1993 du Code Civil.

Cette jurisprudence est interressante puisqu’elle met en exergue le fait que le mandataire judiciaire peut cumuler les actions,

D’une part, l’action en responsabilité contre le gérant pour insuffisance d’actif au titre des fautes de gestion antérieures à l’ouverture de la procédure collective,

D’autre part, l’action en reddition des comptes au titre de fautes de gestion postérieures à l’ouverture de la procédure collective,

Il appartient donc au chef d’entreprise de s’organiser pour défendre ses intérets et être attentif à ses actes de gestion tant antérieurs que postérieurs à l’ouverture pour ne pas engager sa responsabilité personnelle tout au long des deux périodes en question.

Fort heureusement d’ailleurs, meme dans le cadre d’une action en reddition des comptes, les moyens de défense du gérant sont nombreux,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Débiteur principal, débiteur décédé, caution, recours de la caution,

Quel est droit de la caution de se retourner contre le débiteur principal, lorsque celui-ci est malheureusement décédé ? Analyse d’une jurisprudence lorsque la caution décide de se retourner contre les héritiers de son débiteur principal décédé,

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en septembre 2018 qui vient aborder la problématique spécifique du sort de la caution lorsque le débiteur principal est décédé.

Par acte sous seing privé en date du 29 juin 2011, Monsieur C s’était porté caution de Madame P dans le cadre d’un contrat de location qui lui avait été consenti le 1er juin 2011 par Monsieur D propriétaire.

Madame T avait été défaillante dans un premier temps puis est malheureusement décédée.

C’est dans ces circonstances que par jugement en date du 30 décembre 2013, Monsieur C avait été condamné solidairement avec Madame P à payer au bailleur les sommes de :

Or le jugement faisait bien état que Madame P, débiteur principal, était décédée en décembre 2012.

Le bailleur s’est donc retourné contre la caution sans se préoccuper du sort des éventuels héritiers du débiteur principal,

La caution a fait face à ses engagements et s’est retrouvée à désintéresser complètement le bailleur.

S’est alors posée la question de se retourner contre les parents du débiteur principal afin que ces derniers supportent les obligations de leur fille.

Monsieur C a fait assigner les parents du débiteur principal devant le Tribunal d’Instance et par jugement en date du 15 décembre 2016, ils ont été condamnés solidairement à payer à Monsieur C l’ensemble des sommes réglées.

Les parents du débiteur principal ont frappé d’appel la décision et ont sollicité la réformation du jugement déféré en demandant à la Cour d’Appel de déclarer inopposable le 1er jugement du 30 décembre 2013 au motif que Madame P était décédée en cours de procédure sans que ces derniers ne soient assignés en intervention forcée.

Ils considéraient que dans la mesure où Monsieur C, ancien compagnon de Madame P avait été parfaitement informé du décès de cette dernière, il aurait dû en informer la juridiction et son bailleur.

Il est assez spécieux qu’ils viennent reprocher à la caution de ne pas avoir informé le tribunal et le bailleur du triste sort du débiteur principal, afin de les faire appeler en cause en qualité d’héritiers.

Pour autant cette argumentation ne saurait prospérer.

Sur le terrain factuel, Monsieur C avait quitté Madame P bien avant son décès et celle-ci occupait seule le bien.

Elle était donc bel et bien le débiteur principal,

Il est particulièrement curieux de constater que les parents du débiteur principal considéraient que n’ayant pas été assignés en intervention forcée lors de la première procédure, le jugement ne pouvait qu’être déclaré inopposable à leur encontre et donc Monsieur C ne pouvait les poursuivre.

Pour autant la Cour d’Appel ne s’y trompe pas,

Elle considère que c’est à bon droit, au visa de l’article 2309 du Code Civil, que le premier juge a rappelé que la caution qui a fait l’objet d’un jugement de condamnation pour la somme totale de 9 990 euros est fondée à se retourner contre le débiteur principal en l’espèce ses héritiers et que ces derniers ne sont pas fondés à solliciter l’inopposabilité du jugement du 30 décembre 2013.

Ainsi le jugement déféré est confirmé en toutes ses dispositions.

Cet arrêt est intéressant car il explique bien lorsque le débiteur principal est décédé, la caution a le droit de se retourner contre ses héritiers.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Vente en viager, incendie et liquidation judiciaire

Cas d’école d’une vente en viager, lorsque le crédirentier engage une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire. Parcours procédural semé d’embuches, surtout lorsque le bien immobilier a subi un incendie et que le débirentier se retrouve en liquidation judiciaire.

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Caen en ce début d’année 2018 qui vient aborder la problématique d’une vente en viager dans laquelle le credirentier a engagé une action aux fins de constater l’acquisition de la clause résolutoire alors même que le bien avait fait l’objet d’un incendie et que le débiteur était en liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, par acte authentique du 8 février 2012, Monsieur H né en 1950 célibataire et sans enfant propriétaire de son bien avait cédé, par le biais d’une vente en viager, à Monsieur P un ensemble immobilier comprenant une maison d’habitation, dépendances et jardin sous forme viagère, le vendeur se réservant la jouissance de l’usufruit sa vie durant et l’acquéreur devant s’acquitter d’une rente annuelle de 12 640,81 euros sans qu’il soit prévu une somme immédiatement exigible et plus connue sous le nom de « bouquet ».

Seule la rente annuelle était due.

A la suite d’un signalement auprès du Procureur de la République faisant état d’abus de faiblesse sur la personne du vendeur, le Juge des tutelles a été saisi aux fins d’ouverture d’une mesure de protection à l’égard de Monsieur H.

Par jugement en date du 28 avril 2014, le Juge des tutelles de Caen a placé Monsieur H sous curatelle renforcée désignant une association tutélaire en qualité de curateur.

L’association s’est aperçue que Monsieur P n’effectuait aucun versement postérieurement à celui effectué à la signature de l’acte qui devait correspondre de prime abord à la première annuité.

Pour cette dernière, il y avait matière à remettre en question cette vente en viager,

C’est dans ces circonstances qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire a été signifié le 29 décembre 2015 à Monsieur P débirentier lui enjoignant de payer dans le délai d’un mois la somme de 17 882,57 euros au titre de la rente viagère, de remettre en état les dépendances et les meubles qui avaient été détruits entre temps par un incendie.

Par acte d’huissier en date du 8 mars 2016, l’association a fait assigner Monsieur P devant le Tribunal d’Instance pour :

Un premier jugement a été rendu le 27 juin 2016 assorti de l’exécution provisoire,

Cependant ce n’était pas la la seule procédure,

En effet, par jugement du 8 juillet 2016, le Tribunal de Grande Instance de Caen a prononcé la résolution du plan d’apurement du passif de Monsieur P et une procédure de liquidation judiciaire en fixant la date de cessation des paiements au 10 mars 2016.

Le mandataire liquidateur qui a été désigné a immédiatement fait appel du jugement querellé concernant cette problématique de vente en viager.

Or, par la suite, la procédure collective a évolué puisque par ordonnance de référé du 7 février 2017, le Premier Président de la Cour d’Appel a suspendu l’exécution provisoire attachée au jugement du 27 juin 2016.

Par arrêt du 27 avril 2017, la Cour d’Appel de Caen a infirmé le jugement du 8 juillet 2016 et dit « n’y avoir lieu à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de Monsieur P. »

Or, dans cette affaire, concernant la remise en question de la vente en viager, la problématique tournait autour de 3 axes.

Premièrement, l’appel du mandataire liquidateur était-il recevable puisque c’est lui qui avait engagé l’appel et non pas Monsieur B ?

Deuxièment, la clause résolutoire de cette vente en viager était elle acquise ?

Troisiemement, y avait-il matière à ordonner la remise en état ?

Concernant l’appel de la liquidation judiciaire, il importe de préciser que concernant la régularité de la procédure, la Cour d’Appel relève qu’il est constant que Monsieur P n’était pas encore placé en liquidation judiciaire lorsque le jugement du 27 juin 2016 a été rendu mais lorsque l’appel a été interjeté le 19 aout 2016, Monsieur P était alors bel et bien en liquidation judiciaire.

Seul le liquidateur pouvait effectivement régulariser l’appel.

Il convient de rappeler qu’en cas de liquidation judiciaire, le débiteur est en effet déssaisi par la décision prononçant la liquidation judiciaire de telle sorte que c’est le liquidateur qui exerce tous les droits et actions concernant son patrimoine durant toute la durée de la procédure.

Il en va de même concernant les problématiques liées à une vente en viager,

Dans le cadre de cette procédure, concernant la question de l’acquisition de la clause résolutoire, Monsieur P s’est d’abord contenté d’affirmer qu’il rencontrait des difficultés économiques et avait fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ayant abouti à un plan d’apurement du passif et que de difficultés complémentaires l’avaient empêché de faire face aux annuités du plan mais également au versement de la rente annuelle.

Monsieur P précisait que la réformation du jugement l’ayant placé en liquidation judiciaire lui permettrait d’apurer sa dette envers Monsieur H et il s’estimait être débiteur malheureux et de bonne foi.

Il ajoutait avoir toujours eu l’intention de remettre les lieux en l’état.

Il n’en demeure pas moins que la Cour d’Appel a une approche particulièrement sévère,

Dans un premier temps elle souligne qu’il résulte des pièces produites que la rente viagère à la charge de Monsieur P n’a plus été payée depuis le mois d’août 2014 alors même que ce paiement constitue l’obligation principale de l’appelant.

Puis, elle souligne que le délai imparti par le commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au contrat qui avait été délivré le 29 décembre 2015 était largement expiré lorsque Monsieur H a saisi le Tribunal de Grande Instance en demande de résolution de la vente.

Dès lors, pour la Cour, il convenait d’appliquer la clause qui précisait « qu’à défaut de paiement à son exacte échéance, d’un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la présente vente sera de plein droit et sans mise à demeure préalable, purement et simplement résolue sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de la présente clause.

Dans ce cas toutes les sommes perçues par le vendeur (bouquets et les arrérages de rente) seront de plein droit définitivement acquises au crédirentier sans recours ni répétition de la part de l’acquéreur défaillant à titre de dommages intérêts et d’indemnités forfaitairement fixés. »

Enfin, concernant la problématique relative à l’incendie, la Cour retient qu’il est établi et incontesté que les lieux objets de la vente ont été sinistrés par un incendie qui a endommagé gravement le garage, l’ancienne charretterie, les écuries ce qui a valu à Monsieur P de recevoir de son assureur une indemnisation substantielle de près de 147 000 euros qu’il a toutefois omis de consacrer à la remise en état qui s’imposait, malgré la sommation délivrée le 27 décembre 2015.

La Cour d’Appel ne répond pas vraiment sur la problématique de l’incendie puisqu’elle ne fait que trancher la difficulté relative au fait que la vente en viager aurait été litigieuse au motif pris de l’absence totale de bouquet qui découlerait d’un état de vulnérabilité.

Dès lors, s’il y avait bel et bien vulnérabilité il y avait donc vice du consentement et dans ce cas, il fallait plutôt que de prononcer la résolution judiciaire du contrat de vente en viager envisager sa nullité.

A mon sens, cela aurait été plus efficace.

Cette décision mérite malgré tout réflexion car la problématique de l’injonction de remise en état des dépendances n’est absolument pas abordée par la Cour,

En effet, celle-ci ne fait que reprendre les faits sans réellement réflechir à l’impact que cela pourrait avoir sur la nullité ou la résolution de cette vente en viager et savoir si oui ou non cela devait finalement peser sur les épaules du crédirentier ou du débirentier.

Enfin, c’est omettre l’impact de la procédure collective qui a malgré tout un sens,

En effet, la question se pose malgré tout de savoir si en l’état de la liquidation judiciaire, la demande en résolution du contrat se heurterait pas valablement aux effets automatiques de ladite liquidation.

En effet, dans la mesure où il y a l’ouverture d’une liquidation judiciaire pour lequel est attaché le principe d’interdiction des poursuites, cela devrait mettre suffisamment à mal l’idée même d’une demande de constatation de résolution du contrat par application d’une clause résolutoire.

Une jurisprudence dominante considère qu’à partir du moment où la clause a produit ses effets avant le jugement d’ouverture, il est possible pour le Juge de constater la résolution de plein droit nonobstant l’ouverture de la procédure collective.

Sauf que dans l’hypothèse où appel a été interjeté la décision n’est pas définitive et par voie de conséquences, la Cour d’Appel n’aurait plus rien à constater.

Il importe d’ailleurs de préciser que cette solution a déjà été appliquée dans le cadre quasi identique d’une clause résolutoire insérée dans un contrat de vente en viager.

En effet, bon nombre de juridictions considèrent que le jeu de la clause résolutoire doit être écarté tant que la résolution n’a pas été constatée par une décision de justice à la date d’ouverture de la procédure collective.

La Cour de Cassation a consacré plusieurs fois cette thèse notamment par un arrêt de la 3ème Chambre Civile du 18 septembre 2012.

De prime abord, dans notre affaire, cela ne serait pas possible car la créance est apparue alors que Monsieur P était déjà en plan de redressement,

Bien plus, s’il est vrai que la liquidation judiciaire a été prononcée, celle-ci a très rapidement fait l’objet d’une rétractation par la Cour de telle sorte que l’arrêt des poursuites individuelles lié à l’ouverture de la procédure collective n’aurait de toute façon plus de sens.

Pour autant, cette jurisprudence étudiée est interressante puisqu’elle vient aborder cette  problématique spécifique quant à la question de l’acquisition de la clause résolutoire avant l’ouverture de la procédure collective nonobstant le fait que la décision ne serait pas définitive.

Cela permettait à Monsieur P de garder la propriété du bien,

Cette solution serait également rassurante pour les créanciers car il est bien évident que si Monsieur P, qui est en plan de redressement, se heurte à des difficultés de paiement et ne peux plus tenir son plan, il sera alors placé en liquidation judiciaire et l’actif ne serait alors plus garanti.

Vente en viager, ou pas.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Péremption d’instance et médiation font-ils bon ménage ?

Qu’en est il de l’articulation entre mode amiable du règlement d’un litige et la procédure judiciaire ? L’acceptation par une partie d’une médiation proposée par la juridiction, après l’expiration du délai de péremption, vaut elle renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation, Chambre Sociale,  en mai 2018, qui aborde la question de la péremption d’instance, laquelle jurisprudence fait l’objet d‘un commentaire en vue d’être transposé en droit de la saisie immobilière et en droit des voies d’exécution,

La question était de savoir si l’acceptation d’une médiation, pouvait emporter la renonciation à soulever la péremption d’instance.

Dans cette affaire, la Cour de Cassation considère que l’acceptation par une partie d’une médiation proposée par la juridiction, après l’expiration du délai de péremption, ne vaut pas renonciation à se prévaloir du bénéfice de la péremption d’instance.

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante que certains prêts bancaires prévoient des recours préalables à des phases de médiation ou de conciliation,

En l’espèce, M. X… a été engagé à compter du 12 octobre 1987, en qualité de chef opérateur du son, selon contrats de travail à durée déterminée successifs d’usage, par la société FT.

A compter du 26 février 2006, la société ne lui ayant plus fourni de travail, il a saisi la juridiction prud’homale ;

La cour d’appel, statuant sur l’appel d’un premier jugement du conseil de prud’hommes ayant requalifié en contrat à durée indéterminée à temps partiel les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre les parties, a, par ordonnance du 10 mai 2010, ordonné la radiation du rôle de l’affaire et prescrit des diligences à la charge des parties à peine de péremption ; qu’après que le conseil de prud’hommes, dans un second jugement, a condamné la société à payer des rappels de salaire au salarié,

Or, le salarié a interjeté appel de ce jugement alors que la société formait quant à elle un appel incident, et a sollicité le rétablissement de l’affaire radiée ainsi que la jonction des deux instances pendantes devant la cour d’appel.

Une médiation a été ordonnée par la cour d’appel avec l’accord des deux parties.

Après l’échec de la médiation, par arrêt du 16 juin 2016, la cour d’appel a, notamment, rejeté le moyen soulevé par le salarié tiré de la péremption d’instance.

En effet la Cour a rejeté l’exception tirée de la péremption d’instance soulevée par le salarié,

Puis, sur le fond, la Cour a décidé que la rupture de la relation de travail était intervenue le 26 février 2006 et qu’elle s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et débouter l’intéressé de ses demandes,

Pour motiver sa décision, la Cour d’appel retient deux arguments,

D’une part, qu’une médiation avait été ordonnée par la cour avec l’accord des deux parties, ce dont il se déduisait que la procédure d’appel se poursuivait,

Et, d’autre part, que l’instance opposant les deux parties étant toujours en cours, du fait de l’appel frappant le jugement du 7 mars 2014,

De telle sorte qu’il était loisible aux parties, en vertu du principe de l’unicité de l’instance, de soumettre à la Cour toutes les demandes liées au même contrat de travail.

A bien y comprendre il n’y aurait pas de péremption d’instance,

Fort heureusement, la Cour de Cassation ne partage pas cet avis,

La Haute Juridiction considère et précise que le point de départ de la péremption d’instance s’établit à la date de l’ordonnance de radiation, soit le 10 mai 2010,

De telle sorte que la péremption d’instance était acquise au 10 mai 2012,

Dès lors, le premier jugement avait acquis l’autorité de la chose jugée à la même date, ce dont il résultait que le principe d’unicité de l’instance prud’homale était sans effet à cet égard, la cour d’appel a ainsi violé les textes susvisés .

Cette décision est intéressante puisqu’elle vient aborder la problématique de cette articulation sensible entre mode amiable du règlement du litige et procédure judiciaire.

La Cour de cassation considère donc que le principe de la péremption d’instance peut être soulevé à tout moment par celui qui souhaite s’en prévaloir.

Il convient de préciser que l’article 388 du Code de Procédure Civile dispose en son premier alinéa que « La péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit. »

Tout laisse à penser que la péremption d’instance devient une véritable mesure d’ordre plus que la prise en compte de la volonté des parties d’abandonner l’instance.

Immanquablement, la péremption d’instance est un moyen de sanction quant à l’inertie d’une des parties dans le cadre de la procédure étant précisé que le Code de Procédure Civile prévoit, notamment depuis le décret n° 2017-892 du 6 mai 2017 que le Juge peut la soulever d’office.

Dès lors la question est de savoir si la péremption d’instance ne devient pas tantôt une mesure d’ordre tantôt une sanction visant à purger et à limiter autant que faire ce peut le contentieux.

Cela est d’autant plus remarquable que les délais d’audiencement devant la Cour d’Appel sont longs, voire très longs,

Cette jurisprudence met bien en exergue le fait que si les textes et la philosophie actuelle est de privilégier la médiation, il n’en demeure pas moins que la phase contentieuse doit rester une priorité.

En effet, dans l’hypothèse où aucun accord ne pourrait être trouvé, seule la phase contentieuse permettrait de régler le problème et permettrait au Juge de s’exprimer sous réserves que ce dernier ne soulève pas la péremption d’instance au motif pris que la procédure aurait durée trop longtemps.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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Responsabilité du gérant et liquidation judiciaire après une conciliation

Un mandataire liquidateur, qui avait été préalabalment désigné conciliateur afin de sauver l’entreprise, est il en droit d’engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs alors que l’article L812-8 du Code du commerce prévoit une incompatibilité sur ce point ? le mandataire liqudiateur peut il reprocher au gérant des fautes commises postérieurement à l’ouverture de la procédure collective ?

Article :

Il convient de s’intérresser à un arrêt rendu en novembre qui vient aborder la spécificité de la faute du gérant pour laquelle le mandataire ne manque pas de le poursuivre en responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Il convient de savoir si la responsabilité du gérant peut être exposée pour des fautes commises postérieurement au jugement d’ouverture ou pour des fautes antérieures.

La société S était dirigée par Madame X.

Celle-ci avait bénéficié d’une procédure de conciliation et Maître Y mandataire judiciaire avait été désigné en qualité de conciliateur.

Le 8 octobre 2007, la société S avait été placée en redressement judiciaire, Maître Y étant désigné comme mandataire judiciaire et le 5 février 2008, la société S avait été placée en liquidation judiciaire, Maitre Y étant désigné liquidateur.

C’est dans ces circonstances que ce dernier, alors qu’il n’avait eu de cesse d’accompagner Madame X a décidé de l’assigner aux fins d’engager sa responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Or, dans cette affaire, Madame X a été condamnée sur la base de fautes de gestion postérieures à l’ouverture de la procédure collective.

Ce qui n’est pas commun,

Pour autant, la question demeure, est ce valable et juridiquement possible ?

La Cour de Cassation n’a pas manqué de casser l’arrêt et de rappeler la mécanique spécifique de la faute de gestion en droit de l’entreprise en difficulté.

La responsabilité du gérant ne peut être caractérisée de la sorte,

La Cour d’Appel d’Aix en Provence qui a été sanctionnée par la Haute juridiction considérait que la gérante n’avait pas déposé de déclaration de résultat pour la période de 2007 à 2008,

Que par ailleurs, la Cour d’appel considérait également que la responsabilité du gérant découlait d’une absence totale d’arrété de chantier sur plusieurs chantiers qui avaient été purement et simplement abandonnée par la gérante, et ce, après l’ouverture de la procédure collective.

Ces éléments sont générateurs de fautes de gestion,

Mais dans le cadre du droit de l’entreprise en difficulté, la responsabilité du gérant ne pouvait être abordée que sur la base de fautes de gestion antérieures.

Il est vrai que l’article L. 651-2 du Code de Commerce qui aborde la problématique de la faute de gestion ne précise pas la période de ladite faute de telle sorte qu’on ne saurait savoir si le mandataire judiciaire pourrait venir reprocher une faute de gestion qu’elle soit antérieure ou postérieure.

Pour autant,  il convient de rappeler la philosophie du droit de l’entreprise en difficulté et notamment la rigueur des textes antérieurs qui ont clairement rappelés que, sous le régime ancien, seule la gestion du dirigeant social antérieure au jugement de l’ouverture de la procédure collective était génératrice de responsabilité du gérant en cas de fautes.

Il convient de préciser que le débiteur n’avait pas manqué de contester l’initiative du mandataire liquidateur qui souhaiter engager la responsabilité du gérant.

En effet, le débiteur était parfaitement fondé à venir rappeler que Maître Y avait été désigné en qualité de conciliateur et l’avait assisté pour faire face à ses difficultés économiques,

Dès lors, il était particulièrement spécieux de venir par la suite lui reprocher des fautes qu’il avait pu appréhender dans un rapport de confiance absolue.

Il convient de rappeler que Maître Y désigné en qualité de conciliateur par ordonnance du président du président du Tribunal de Commerce en date du 22 décembre 2006, avait été, par la suite, désigné en qualité de mandataire judiciaire par jugement du même tribunal en date du 8 octobre 2007 soit moins d’un an avant la fin de sa mission de conciliateur, en méconnaissance des dispositions de l’article L 812-8 du Code de Commerce.

Il est vrai que l’incompatibilité édictée par l’article L 812-8 du Code de Commerce n’est pas une incompatibilité absolue puisqu’elle n’impose que l’écoulement d’un délai d’un an entre l’exercice des fonctions de conciliateur et celles de mandataire judiciaire lorsqu’il s’agit de la même entreprise.

La Cour de Cassation considère qu’elle n’est assortie d’aucune sanction légale et n’entraîne donc pas ipso facto la nullité de la désignation du mandataire et des actes accomplis par ce dernier dans l’exercice de sa mission.

Il ne serait donc pas possible de solliciter la nullité de l’action en responsabilité du gérant pour insuffisance d’actif sur cette base,

Le conciliateur pourrait donc être désigné mandataire judiciaire en parfaite violation de la loi et la Cour de Cassation considère qu’il n’y a pas de sanctions suffisantes pour l’en empêcher.

La Cour de Cassation est assez sévere tout comme le mandataire puisque ces derniers viennent exciper qu’il appartient au dirigeant de rapporter la preuve que les éléments de fait articulés par Maître Y à l’appui de son action en comblement du passif, ont pu être recueillis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de mandataire judiciaire puis de liquidateur, e

Or, Pour la Haute juridiction, il n’est pas démontré ni même allégué par Madame X  que la présentation de ces griefs aurait été permise ou facilitée par l’exercice antérieur d’un mandat de conciliateur .

A mon sens, c’est inverser la charge de la preuve et violer l’esprit de l’article L 812-8 du Code de Commerce.

Par ailleurs, le mandataire judiciiare ne manque pas d’imagination et vient retenir entre 5 et 6 fautes à l’encontre du dirigeant.

Le liquidateur reproche tout d’abord à Mme X  d’avoir omis d’effectuer la déclaration de cessation de la société dans le délai légal et d’avoir poursuivi, au cours de l’exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007, une activité déficitaire à l’origine de l’aggravation du passif.

La Cour de Cassation ne partage pas cet avis puisque la H aute juridiction considère que cette situation d’endettement est insuffisante à caractériser un état de cessation des paiements en l’absence d’éléments d’information sur les éventuels moratoires consentis par les créanciers et sur les actifs disponibles et sur les concours financiers dont disposait la société à cette date.

Ceci d’autant plus que la gérante avait pris soin de mettre des moratoires en place,

Bien plus, elle n’avait pas manqué de solliciter la désignation d’un conciliateur qui avait rendu son premier rapport en mai 2007 dans lequel il  concluait à la possibilité de parvenir à un moratoire sur trois ans.

Cette réponse de la Cour de cassation permet mieux d’appréhender l’incompatbilité de L 812-8 du Code de Commerce puisqu’on peut quand même trouver curieux de voir le conciliateur en 2007 préciser qu’il est favorable à un moratoire sur trois ans, puis de changer son fusil d’épaule en liquidation judiciaire et venir engager la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs au motif qu’il n’était pas en mesure de faire face à son passif.

Maître Y reproche en second lieu à Mme X, le défaut de tenue d’une comptabilité régulière  car aucun bilan ni compte de résultat relatif à l’exercice comptable du 1er octobre 2006 au 30 septembre 2007 n’ont été, selon lui, établis ou remis par le gérant,

La Cour de Cassation considère que l’entreprise faisait un chiffre d’affaires de plus de 2 000 000 euros avec près de 13 salariés, de telle sorte que l’absence de comptabilité fiable privait le dirigeant et le mandataire d’un outil de gestion indispensable et des éléments nécessaires à l’appréciation de la capacité de l’entreprise à financer la période d’observation.

Ceci constituant une absence de visibilité ayant contribué à la création d’un passif complémentaire.

Le mandataire vient encore reprocher à Mme X  une défaillance dans le suivi de la bonne marche de l’entreprise et indique que le listing établi par le cabinet d’expertise comptable F désigné à cette fin par le juge commissaire révèle un nombre important de clients douteux et de litiges ou procès en cours.

Concernant les chantiers de l’entreprise, l’existence de malfaçons, inachèvements, non conformités, sont soulevés par différents clients qui entendent s’opposer au paiement des soldes réclamés par le liquidateur.

Comme le retient la Cour de Cassation, plusieurs chantiers ont été abandonnés après l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire sans qu’aucun arrêté de chantier ne soit dressé,

Cette absence de rigueur dans le suivi de l’exécution des travaux et l’absence de diligences nécessaires à leur mise en paiement est à l’origine de l’impossibilité pour l’entreprise de recouvrer une partie de ses créances et a contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire.

Qu’il est enfin reproché à Mme X  un usage des biens et du crédit de la société contraire à l’intérêt de celle-ci à des fins personnelles, des frais de voyage et de réception engagés pour un montant de 20.585 €,alors même que Mme X  n’est pas en mesure de s’expliquer sur le rapport entre l’engagement de ces frais et l’objet social de sa société.

Enfin, Madame X n’a pas manqué de souscrire en 2004 et 2005 des contrats de crédit bail pour trois véhicules de direction Mercedes Classe C dont deux véhicules coupé sport, attribués à Mme X… et à son associé, en plus du financement des différents véhicules alors que l’entreprise rencontrait des difficulté.

S’il est vrai que les fautes de gestion sont multiples,il appartient à la Cour de Cassation de faire la part des choses pour caractériser la responsabilité du gérant,

Elle rappelle que lorsque plusieurs fautes de gestion ayant contribué à une insuffisance d’actif sont retenues, chacune d’elles doit être légalement justifiée; que seules des fautes de gestion commises antérieurement à l’ouverture de la procédure collective peuvent être imputées au dirigeant poursuivi en comblement de l’insuffisance de l’actif.

Tel est donc l’apport de cet arrêt qui vient mettre en exergue deux points.

Premierement au titre des fautes de gestion, les juges du fond ne peuvent pas prendre en considération des fautes commises postérieurement à l’ouverture de la procédure collective et deuxiemement l’arrêt vient s’interroger sur la compatibilité de la désignation d’un mandataire judiciaire alors qu’il était précedement désigné en qualité de conciliateur.

Il est regrettable que la Cour de Cassation considère que l’incompatibilité édictée par loi n’est pas génératrice de sanctions en tant que telle ce qui permet au mandataire liquidateur de faire ce que bon lui semble et notamment d’engager la responsabilité du gérant.

Que pour autant, sur cette problématique particulière, il n’ échappera pas au lecteur attentif que si sous sa casquette de conciliateur celui-ci semble croire à un sauvetage de l’entreprise avec un moratoire sur trois ans, il change complétement son fusil d’épaule lorsqu’il devient mandataire liquidateur en venant chercher la responsabilité du gérant pour insuffisance d’actifs.

Fort heureusement, le gérant a bon nombre de moyens de droit et de fait à sa disposition pour contrer les prétentions du mandataire liquidateur,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

L’avocat du créancier, le débiteur et la saisie immobilière

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le rôle de l’avocat en saisie immobilière

Le débiteur peut il contester l’intervention et le mandat de l’avocat du créancier qui s’est subrogé aux droits du créancier saisissant ? Peut-il reprocher à l’avocat du créancier un manquement à une quelconque obligation de conseil ? Qu’en est il de l’avocat du débiteur ?

Article :

Il convient de s’interresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel de Lyon en ce mois d’août 2018 qui vient aborder, en toile de fond, le rôle de l’avocat en droit de la saisie immobilière tant celui-ci intervient à tous les stades de la procédure, qu’il soit avocat du débiteur, avocat du saisissant, voire même avocat du créancier subrogeant.

Dans cette affaire, les époux B s’étaient retrouvés en litige avec la société K, banque privée en raison d’avance de fonds pour investissements sur les marchés des instruments financiers à terme.

 

A l’issue d’une procédure judiciaire, les parties avaient conclu un protocole transactionnel signé entre les parties le 29 avril 2008 et homologué par la Cour d’Appel de Lyon par arrêt du 24 juin 2008.

 

Cependant, le 19 janvier 2016, la banque K avait fait délivrer aux époux B, un commandement de payer la somme de 67.933,10 euros, valant saisie immobilière de leur bien situé dans le Rhône au titre de la troisième échéance de 50.000 euros augmentée des intérêts au taux légal, pour exécution du solde de l’accord transactionnel.

 

Le commandement avait été régulièrement publié le 17 mars 2016 au service de la publicité foncière.

 

C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier de justice du 9 mai 2016, la banque K avait fait délivrer aux époux B une assignation à comparaître à l’audience d’orientation du Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Lyon du 28 juin 2016.

 

Cet arrêt est intéressant puisque suite à cette audience, un jugement a été rendu le 13 décembre 2016 dans lequel le Juge :

 

  • Débouté les époux B de toutes leurs contestations relatives au titre exécutoire et à la saisissabilité de l’immeuble objet de la procédure de saisie immobilière,

 

  • Débouté les époux B de leur demande de délais de paiement,

 

  • Ordonné la vente forcée de l’immeuble et fixé les modalités de celle-ci, la date d’adjudication étant prévue au 23 mars 2017,

 

  • Condamné les époux B aux dépens qui seront compris dans les frais taxés de la vente.

 

Or, les époux B avaient contesté le jugement d’orientation et frappé d’appel la décision en litige,

 

Pour se retrouver avec un arrêt confirmatif en date du 15 juin 2017.

 

Entre-temps, par jugement du 23 mars 2017, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Lyon avait renvoyé l’adjudication au 19 octobre 2017.

 

A cette audience, la banque K n’avait pas sollicité la vente forcée du bien saisi, indiquant que sa créance avait été réglée.

 

Pour autant le Trésor Public, représenté par son avocat, avait demandé la subrogation dans les poursuites et l’autorisation de vendre immédiatement le bien aux enchères.

 

Les époux B, avaient donc sollicité le renvoi de l’affaire, notamment pour proposer un nouvel argumentaire en défense contre ce créancier, mais le Juge de l’Exécution a décidé de faire procéder immédiatement la vente aux enchères du bien saisi.

 

Par jugement du 19 octobre 2017, le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance de Lyon a :

 

  • Constaté que la banque K se désistait de ses poursuites à l’encontre des époux B,

 

  • Fait droit à la demande de subrogation du Trésor Public,

 

  • Adjugé le bien à Madame L.

 

Les époux B ont relevé appel de cette décision avec les demandes suivantes :

 

  • Déclarer recevable leur appel à l’encontre du jugement d’adjudication du 19 octobre 2017,

 

  • Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté le désistement d’instance de la banque K,

 

  • Réformer le jugement entrepris pour le surplus au motif pris que la SCP d’avocats G B A n’avait aucun pouvoir pour demander la subrogation à l’audience d’adjudication du 19 octobre 2017 au nom du Trésor Public et à l’encontre de la banque K,

 

  • Déclarer en conséquence irrecevable la demande de subrogation du Trésor Public,

 

  • Juger qu’il n’y a pas lieu à adjudication,

 

  • Donner acte à M. et Mme B de ce qu’ils ont acquittés de leur créance auprès de la banque K.

 

Pour autant, la Cour d’Appel ne fait pas droit à leurs demandes et les déboute,

 

Elle rappelle en tant que de besoin, au visa de l’article R.322-60 al.1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, que seul le jugement d’adjudication qui statue sur une contestation est susceptible d’appel de ce chef dans un délai de 15 jours à compter de sa notification.

 

Elle souligne que le jugement d’adjudication en litige ne fait état d’aucune contestation mais seulement d’une demande de renvoi.

 

Toutefois, elle considère que l’appel formé par les époux B doit être considéré comme recevable en ce qu’il critique la subrogation autorisée par le Juge de l’Exécution.

 

Les époux B observaient quant à eux que le jugement attaqué mentionnait que le Trésor Public était représenté par Maître B et la banque K était représentée par Maître A alors que ces deux conseils étaient membres de la même SCP à savoir la SCP GBA.

 

Chaque avocat associé exerçant ses fonctions au nom de la SCP, il s’en est déduit que les deux créanciers avaient le même représentant, à savoir ladite société d’avocats,

 

Les consorts B soutenaient que cette SCP d’avocats n’avait pas mandat du Trésor Public pour demander la subrogation dans les poursuites.

 

Ils en voulaient pour preuve que, dans un courrier du 16 octobre 2017, le Trésor Public leur avait écrit dans les termes suivants : « si vous réglez lors de l’audience d’adjudication en date du 19 octobre 2017, la moitié de la créance fiscale due auprès du Centre des Finances Publiques, garantie par hypothèques, soit la somme de 13.835,83 euros, Maître B ne demandera pas la subrogation. »

 

Cette argumentation est loin d’être infondée.

 

Il n’est pas rare de voir que des accords se mettent bien souvent en place entre débiteur et créancier directement, nonobstant la procédure de saisie immobilière, à charge pour les parties de répercuter l’accord à leurs avocats respectifs,

 

Il peut être rageant pour le débiteur de constater que l’avocat du créancier semble ne pas être informé de cet accord et de ne pas en tenir compte dans le cadre de la saisie qu’il sollicite malgré tout.

 

Il est difficile pour le débiteur de comprendre cela alors même que ce dernier fait souvent des efforts terribles pour pouvoir obtenir un accord avec le créancier dans le seul but de sauver son bien.

 

Or, il est fréquent de constater qu’à l’audience, l’avocat du créancier semble ignorer complètement l’information.

 

La Cour d’Appel écarte pourtant cette argumentation et considère que les appelants et débiteurs n’ont aucune qualité pour débattre du mandat donné à un avocat par la partie adverse.

 

Elle rappelle qu’il résulte de l’article 416 du Code de Procédure Civile que l’avocat, à la différence de tout autre représentant, est dispensé de justifier de son mandat.

 

L’avocat est en effet titulaire d’un mandat ad litem est ainsi présumé agir sur les instructions de son mandant et ne répond que devant lui de l’exercice de son mandat.

 

Au surplus, la Cour d’Appel estime que les appelants ne justifient pas avoir proposé de s’acquitter de la moitié de la créance du Trésor Public en temps voulu pour éviter la vente, de sorte que l’avocat a nécessairement agi dans les termes de son mandat en demandant la subrogation puisque, selon le courrier précité, le Trésor Public n’excluait la subrogation que dans le seul cas où ce paiement serait effectué.

 

Or, les époux B n’ignoraient pas être redevables de la créance du Trésor Public régulièrement dénoncée dans le cadre de la procédure de saisie immobilière et, de ce fait, qu’ils s’exposaient au risque de sa demande de subrogation dans les poursuites en application de l’article R.311-9 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

La Cour d’Appel a considéré qu’ils étaient donc mal venus de reprocher à l’avocat du créancier de ne pas les en avoir informés, ce dont il n’avait nullement l’obligation, le devoir de conseil de l’avocat s’exerçant vis à vis de son client et non à l’égard d’une partie adverse.

 

Ce point est intéressant car cela souligne que bien que le débiteur n’ait pas la main sur l’avocat du créancier, on peut s’interroger sur le rôle que l’avocat du débiteur qui aurait dû attirer l’attention de son client sur les risques d’une éventuelle subrogation.

 

C’est dire les obligations qui pèsent sur l’avocat du débiteur puisqu’il doit vérifier chaque point d’une matière particulièrement technique qui recèle bon nombre d’axes de contestation.

 

Ce travail est long et fastidieux mais l’avocat se doit de procéder aux vérifications d’usage pour s’assurer que la banque ou son conseil n’auraient pas manqué l’une des multiples obligations particulièrement rigoureuses de la procédure de saisie immobilière.

 

La Cour d’Appel laisse donc à penser qu’il appartenait à l’avocat du débiteur de prévoir une éventuelle subrogation et donc de l’anticiper.

 

La Cour d’Appel conclu donc à la confirmation du jugement entrepris en ce en ce qu’il a fait droit à la demande de subrogation du Trésor Public dont il n’était pas contesté qu’il avait la qualité de créancier inscrit sur l’immeuble saisi.

 

Enfin, la Cour d’Appel qui semble particulièrement remonté sur le rôle et la compétence de l’avocat dans le cadre d’une saisie immobilière fait une remarque sur les demandes accessoires.

 

En effet, les avocats des intimés demandaient que les dépens soient “distraits” à leur profit

 

La cour rappelle que ce sont des termes employés dans l’ancien Code de Procédure Civile qui n’est plus en vigueur depuis une quarantaine d’années (sic).

 

Il s’avère qu’ils entendent en réalité bénéficier du droit de recouvrement direct des dépens prévu par les dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile, ce qui doit leur être accordé sur leur simple demande dès lors que le ministère d’avocat est obligatoire dans la procédure d’appel et que la partie adverse est condamnée au paiement des dépens.

 

Les époux B étaient pourtant bien fondés à s’interroger sur le rôle de l’avocat dans le cadre de la procédure de saisie immobilière.

 

En premier lieu le fait que plusieurs créanciers soient représentés par le même cabinet d’avocats est toujours mal compris par le débiteur.

 

En deuxième lieu, cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle met bien en exergue le rôle de l’avocat en droit de la saisie immobilière, que ce soit celui du créancier ou celui du débiteur.

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Revendication de propriété de matériel identifiable et dissociable des autres actifs

Dans le cadre d’une liquidation judiciaire, le dirigeant peut-il s’opposer à la revendication de propriété du matériel d’un créancier et à la restitution au motif pris que la clause de réserve de propriété ne serait pas ostensible, que son avis n’a pas été demandé et qu’il y aurait de surcroit un risque de dégradation des actifs ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en novembre dernier qui vient aborder la problématique propre à la revendication de propriété dans le cadre de la procédure collective et dans lequel l’arrêt en question apporte des réponses précises.

 

En premier lieu, dans cette jurisprudence, la Cour rappelle qu’à la lecture de l’article R 624-13 alinéa 1er du Code du Commerce, ledit article n’exige pas qu’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par le liquidateur.

 

En deuxième lieu, la Cour considère également qu’une action en revendication de propriété est bien fondée dès lors que la clause de réserve de propriété a été acceptée au plus au moment de la livraison et que le bien identifiable peut-être démonté sans risque de dégradation pour le débiteur.

 

En effet, la particularité de cette affaire est qu’effectivement, le matériel revendiqué était attaché à un plancher en béton.

 

A ce sujet, la Cour considère que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé,

 

Que son démontage nécessitait qu’en éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice,

 

De telle sorte que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel en a souverainement déduit que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage au sens de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

 

Dans cette affaire la société M avait été mise en redressement judiciaire par un jugement du 2 avril 2010, Maître Y ayant été désigné administrateur.

 

La procédure a été, par la suite, convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 23 juin 2010.

 

La société E, fournisseur de matériel de tuyauterie avait déclaré à la procédure une créance de 32 227 euros et formé, dans le même temps, une demande de revendication de propriété de matériel afin de récupérer son matériel.

 

Dans le cadre de la procédure en question c’est le dirigeant qui, en qualité de représentant de la société débitrice, venait contester l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait fait droit à la demande du créancier et venait solliciter le rejet des prétentions de la société E qui avait revendiqué et obtenu le matériel en question.

 

Il considérait notamment que si le créancier récupérait cet actif il le réaliserait à son seul profit et viendrait désintéresser en tout ou en partie sa seule créance au détriment des autres créances de la procédure collective,

 

Cette revendication de propriété de matériel vient clairement impacter le désintéressement des créanciers assujettis à un ordre précis de paiement strictement réglementé dans le cadre de la procédure collective entre créanciers privilégiés, rang des privilèges, et créanciers chirographaires,

 

Cela peut avoir une importance pour le dirigeant, caution par ailleurs, qui préfèrerait bénéficier du paiement des créances suivant le rang légal, notamment au profit de l’établissement bancaire pour lequel il serait caution,

 

Cela pourrait expliquer pourquoi ce dernier a imaginé contester cette revendication de propriété car il est bien évident que l’actif revendiqué en question avait vocation à désintéresser d’abord le créancier revendiquant alors que l’actif aurait pu être réalisé par les organes de la procédure collective et désintéresser en premier lieu les créanciers privilégiés.

 

Le débiteur vient contester la procédure de revendication de propriété sur la base de trois axes précis.

 

En premier lieu, il contestait avoir accepté la clause de revendication de propriété de matériel lors de la formation du contrat de telle sorte qu’elle n’était pas opposable dans le cadre de la procédure collective.

 

En deuxième lieu, le dirigeant considère que suivant l’interprétation qu’il fait des articles L624-9 et R624-13 du Code du Commerce, la demande de revendication de propriété doit être adressée à l’administrateur judiciaire et en cas de liquidation judiciaire au mandataire liquidateur, de telle sorte que cela n’enlevait rien au fait qu’il appartenait au créancier revendiquant d’adresser également la demande de revendication entres mains du débiteur, même en liquidation judiciaire,

 

Le dirigeant reproche au revendiquant de ne pas avoir respecter la procédure applicable en matière de revendication de propriété en adressant sa demande tantôt au représentant des créanciers puis à l’administrateur puis au liquidateur mais en se refusant de l’adresser au débiteur à titre personnel, de telle sorte que cela rendrait sa demande irrégulière.

 

Le dirigeant considère également que le matériel et les meubles ne pouvaient être démontés car cela génère un démontage risqué et risque d’occasionner des dégradations, ce qui impacterait la réalisation de l’actif en tant que tel si le créancier avait vocation effectivement à obtenir la restitution du matériel livré.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne partage absolument pas cet avis.

 

En effet, à la lecture de l’article L124-16 alinéa 2 du Code de Commerce, la clause de réserve de propriété devait avoir été convenue par les parties et notamment avoir été acceptée par l’acheteur au moment de la livraison, même tacitement mais à la condition que son attention ait été suffisamment attirée sur l’existence de la clause,

 

Ce qui impose, est-il besoin de le rappeler, que cette clause de réserve de propriété ait été ostensible isolée des autres conditions contractuelles et parfaitement visible.

 

Or, dans les faits, la clause apparaissait dans les devis et dans la facturation ainsi que sur le bon de livraison pour lequel le débiteur avait signé avec la mention « bon pour accord ».

 

Tout laissait donc à penser que le dirigeant l’avait clairement et expressément acceptée.

 

La Haute Juridiction considère en effet que la clause de réserve de propriété figurait bien sur les devis, sur les factures d’acomptes des 16 novembre 2005 et 30 janvier 2006 ainsi que sur celle du 23 mars 2006 émise avant la livraison pour le règlement du solde,

 

Par ailleurs, les deux factures d’acompte ont été payées sans observations de la part du représentant de la société débitrice qui a également apposé sur le bon de livraison la mention «  bon pour accord » de telle sorte qu’il apparaissait évident que la société débitrice avait accepté la clause de réserve de propriété dans un écrouit établi au plus tard au moment de la livraison .

 

La demande en revendication de propriété de matériel impose une lecture attentive de l’article L124-9 et de l’article R624-13 du Code du Commerce qui rappellent que la demande en revendication de propriété ou en restitution doit être exercée dans un délai de trois mois en étant adressée par lettre recommandée avec avis de réception à l’administrateur ou à défaut au débiteur avec copie au mandataire judiciaire,

 

Aux termes de l’article L624-17 du Code du Commerce, l’administrateur avec l’accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande de revendication de propriété.

 

Pour autant, l’article L6247-13 alinéa 1er du Code du Commerce n’exige pas que la lettre recommandée avec demande d’avis de réception contenant la demande de revendication de propriété soit adressée au débiteur lorsque ce dernier est assisté d’un administrateur ou représenté par un liquidateur.

 

Enfin et surtout, la dernière question posée à la Cour est relative au démontage et à la séparation demandée du matériel par rapport à la dalle béton.

 

Sur ce point, la Cour de Cassation précise que c’est à bon droit que la Cour d’Appel a, en ayant relevé que le matériel revendiqué était identifiable et dissociable du plancher en béton sur lequel il avait été fixé de telle sorte que son démontage ne nécessité qu’une éventuelle remise en état de celui-ci sans risque de dégradation pour les biens de la société débitrice de telle sorte que la séparation des biens pouvait s’effectuer sans qu’ils en subissent un dommage tel et ce, dans le parfait respect de l’esprit de l’article L624-16 alinéa 3 du Code du Commerce.

 

Que c’est salutaire puisque la Haute Juridiction rappelle en tant que de besoin que les conditions de revendication de prospérité en rappelant bien dans quelle mesure le créancier doit faire apparaitre sa clause de réserve de propriété au sein de ces devis, factures et bons de livraison.

 

Elle rappelle également que dans le cadre de la procédure collective, qu’il s’agisse d’une procédure de sauvegarde, d’un redressement ou de liquidation judiciaire, le créancier, s’il souhaite procéder à une demande de revendication de propriété de matériel et au besoin en cas de liquidation, une restitution de matériel doit respecter la procédure et doit adresser aux organes de la procédure dans un délai de trois mois les demandes en question et ce de manière distincte à la déclaration de créance qui en est faite,

 

De même il doit vérifier à chaque fois si le matériel revendiqué est clairement identifiable et dissociable des autres actifs de la liquidation judiciaire pour pouvoir justement récupérer sans difficulté ou en tout cas sans créer quelques préjudices que ce soient à la liquidation judiciaire.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr