Sort de l’indivision forcée et perpétuelle en saisie immobilière

Laurent Latapie Avocat Miami
Laurent Latapie Avocat Miami

En présence d’une indivision forcée et perpétuelle, le créancier saisissant peut-il se contenter de signifier l’habituel commandement de payer valant saisie immobilière et de saisir par la suite le juge d’orientation, ou doit-il évacuer cette indivision forcée et perpétuelle au travers d’une action en licitation partage ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue par la Cour d’Appel de Pau qui vient aborder la problématique de l’indivision forcée et perpétuelle afin de déterminer si la banque doit procéder par voie de licitation partage ou si elle peut engager une action en saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et suivant acte authentique en date du 29 juillet 2018, la banque avait octroyé un prêt à Monsieur R et à son épouse un prêt d’un montant de 290 000 euros destiné à l’acquisition d’une médina située au Maroc, remboursable en 179 échéances au taux conventionnel de 4,80% l’an et au taux effectif global de 5,5813% l’an.

 

Le contrat prévoyait en garantie l’inscription d’une hypothèque conventionnelle de premier rang, à hauteur de 200 000 euros sur un bien situé en France et appartenant aux consorts R.

 

Suite à plusieurs échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme selon courrier du 26 septembre 2013.

 

Par la suite, et par acte d’huissier du 19 septembre 2014 la banque a fait délivrer aux emprunteurs un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour le recouvrement d’une somme de 277.445,94 euros outre les frais d’acte en vertu du prêt notarié du 29 juillet 2008.

 

Suivant acte en date du 17octobre 2014, Madame R a assigné la banque devant le Juge de l’Exécution aux fins de mainlevée du commandement de payer invoquant l’article 47 du Code de Procédure Civile en raison de sa fonction de juge prud’homale paloise.

 

Par jugement rendu le 9 février 2015, le tribunal s’est déclaré incompétent a rejeté les demandes formulées par les époux R, déclaré le commandement aux fins de saisie vente du 19 septembre 2014 régulier.

 

C’est dans ces circonstances que la banque a fait délivrer un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière le 24 octobre 2016 portant sur trois parcelles et pour une somme de 301.028,94 euros créance arrêtée au 29 septembre 2016.

 

Lancement de la procédure de saisie immobilière

 

Le commandement de payer a été déposé au 1er Bureau du service de la publicité foncière le 23 décembre 2016

 

Par acte d’huissier en date du 13 février 2017, la banque a fait assigner Monsieur et Madame R devant le Juge de l’Orientation aux fins de statuer sur la demande de vente sur saisie immobilière de l’immeuble litigieux.

 

Par jugement d’orientation contradictoire rendu le 19 avril 2019, le Juge de l’Exécution sur le fondement de l’article 815-17 du Code Civil :

 

  • Déclaré nulle la saisie immobilière de la parcelle AI

 

  • Dit que cette nullité entraine l’irrégularité de l’ensemble de la procédure de saisie immobilière et donc la nullité du commandement valant saisie du 24 octobre 2016

 

La banque a alors interjeté appel de cette décision

La question qui se posait était liée à la saisie de l’un des trois parcelles qui faisait l’objet d’une indivision forcée et individuelle.

 

Sort de l’indivision forcée et éternelle

 

Le premier juge a retenu, sur le fondement de l’article 815-17 du Code Civil que la saisie de cette parcelle était nulle entraînant l’irrégularité de l’ensemble de la saisie, au motif que cette parcelle, indivise, ne pouvait être saisie directement par le créancier.

 

La banque soutenait que l’indivision relative à la parcelle AI était une indivision forcée et perpétuelle qui échappait aux dispositions de l’article 815- 17 du Code Civil.

 

Madame R quant à elle contestait ce caractère en exposant que la parcelle indivise ne constitue pas un accessoire indispensable du bien immobilier principal.

 

La saisie portait sur les parcelles AI 39 sur laquelle était édifiée une maison, AI 114 chemin d’accès à la maison depuis la parcelle AI 101et sur les droits indivis d’1/4 de la parcelle Al 101 qui permettait d’accéder au chemin.

 

Saisie immobilière classique ou licitation partage ?

La Cour d’Appel rappelle que, suivant les dispositions de l’article 815-17 du Code Civil, les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part sur les biens indivis, meubles ou immeubles.

 

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui.

 

Cependant, le régime légal des indivisions tel que prévu aux articles 815 et suivants du Code Civil ne s’applique pas aux indivisions forcées et perpétuelles portant sur des biens affectés à titre d’accessoire indispensable à l’usage commun de plusieurs fonds appartenant à des propriétaires différents.

 

Il résulte des titres notariés versés au débat, ainsi que du plan cadastral que la parcelle indivise est affectée exclusivement à l’usage d’accès à plusieurs fonds appartenant à des propriétaires distincts, dont la parcelle chemin d’accès à la maison édifiée sur la parcelle, appartenant à Madame R.

 

L’indivision forcée et perpétuelle

 

Par suite, l’indivision qui affecte cette parcelle constitue une indivision forcée et perpétuelle dont la nature exclut l’application du droit commun de l’indivision et notamment les dispositions de l’article 815-17 exonérant la banque d’une nécessité de procéder par voie de licitation partage.

 

La Cour d’Appel a donc infirmé la décision du Juge de l’Orientation en ce qu’elle a considéré que les droits indivis de Madame R sur la parcelle AI 101 ne pouvaient faire l’objet d’une saisie.

 

Elle considère que la saisie de ces droits est donc régulière, de même que celle des parcelles AI 39 et AI 114, issue du commandement de payer en date du 24 octobre 2016, publié le 23 décembre 2016.

 

La Cour d’Appel a donc autorisé cette vente en considérant que la problématique de l’indivision forcée et individuelle échappait aux dispositions de l’article 815-17.

 

Ce qui est intéressant dans cette affaire est que dans la mesure où la banque avait été déboutée de ses prétentions aux fins de saisie immobilière, elle avait interjeté appel.

 

Par ailleurs, la question était de savoir ce qu’il en était de la survie du commandement de payer valant saisie immobilière et de la prorogation de ses effets.

 

En effet, la banque avait saisi le Premier Président de la Cour d’Appel aux fins de suspension de l’exécution provisoire de doit pour être autorisée à voir proroger les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

La banque avait été déboutée de cette demande.

 

Or, il était loisible d’imaginer que la banque était bien fondée à ressaisir le Juge de l’Exécution immobilier pour voir proroger les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Un pourvoi en cassation est en cours et il va amener à deux réponses particulières.

 

Premièrement déterminer si, en présence d’une indivision forcée et perpétuelle le créancier doit saisir directement ou s’il doit envisager de passer par le biais d’une licitation partage ?

 

Deuxièmement, est que et la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière peut être ordonnée devant le juge de l’orientation alors que la saisie immobilière a été annulée par ce dernier et que la procédure est toujours pendante à hauteur de Cour ?

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement

Laurent Latapie avocat droit de l'entreprise en difficulté 2020
Laurent Latapie avocat droit de l’entreprise en difficulté 2020

A quel moment le dirigeant caution peut soulever le caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement ? Cette disproportion doit-elle être analysée au jour de la conclusion de l’engagement de cautionnement ou au jour où la caution est poursuivie par l’établissement financier ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendu en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de la remise en question de l’engagement de cautionnement lorsque la caution entend opposer à l’établissement financier un manquement à ses obligations et plus particulièrement lorsqu’il est question du caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, le 1er février 2010, la banque avait consenti à la société F un prêt de 170 000 euros, pour lequel, Monsieur Q, alors gérant, s’est rendu caution solidaire dans la limite de 221 000 euros.

Se prévalant d’une créance impayée, la banque a alors assigné en paiement
la société débitrice principale, ultérieurement mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

Dans le cadre de cette même procédure, la banque avait également poursuivi Monsieur Q en qualité de caution,

Lequel a opposé la disproportion manifeste de son engagement et un manquement à l’obligation de mise en garde qui pesait sur la banque.

En qualité de caution, Monsieur Q soutenait que l’organisme dispensateur de crédit ne pouvait se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Caractère disproportionné de la caution

A bien y comprendre, le caractère disproportionné de l’engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine devant s’apprécier au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en œuvre par l’organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution.

Monsieur Q mettait en avant le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque.

Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel d’avoir considéré que l’engagement de caution de Monsieur Q n’étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010 et que dès lors, la banque n’avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d’exécuter son engagement lorsqu’il a été poursuivi.

De même, Monsieur Q reprochait à la Cour d’Appel de s’être abstenue de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013.

Il soutenait également que la banque avait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et rappelait que tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l’alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l’emprunteur.

La banque, quant à elle, n’avait pas manqué de souligner que la caution était également dirigeante de l’entreprise.

Monsieur Q soutenait que le devoir de mise en garde comportait trois obligations à la charge du banquier dispensateur d’un crédit, parmi lesquelles le devoir d’alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l’emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d’appel de constater la défaillance de la banque dans l’exécution de son obligation préalable d’information.

De telle sorte que le dirigeant caution ne pouvait raisonnablement revendiquer ce manquement.

Pour autant, Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel de ne pas avoir procédé à la recherche demandée quant à l’accomplissement par la banque de son obligation précontractuelle d’information sur le risque de non-remboursement encouru.

A bien y réfléchir, il convenait quand même de rappeler que la société débitrice avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt.

Cette circonstance aurait dû caractériser le manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde.

Pour autant, il convient de rappeler la rigueur du droit de cautionnement et les dernières jurisprudences en la matière qui sont plus favorables à l’établissement financier qu’à la caution.

Ce qui, en soi ,ne peut qu’interpeller.

En effet, concernant la disproportion de l’engagement de caution, la Cour de Cassation rappelle qu’il résulte de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, alors applicable, que, dès lors qu’un cautionnement conclu par une personne physique n’était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s’en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

La disproportion, oui, à quel moment ?

La Cour de cassation souligne, encore, que pour invoquer le manquement d’un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers une caution, fût-elle non avertie, celle-ci doit rapporter la preuve que l’engagement n’était pas adapté à ses capacités financières personnelles et qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur, débiteur principal.

En l’occurrence, dans cette affaire, la caution, qui ne prétendait pas que son engagement n’était pas adapté à ses propres capacités financières, ne produisait aucune pièce caractérisant l’existence d’un risque d’endettement de la société F et, de l’autre, que, si cette société avait été mise en liquidation judiciaire deux ans après la souscription de l’emprunt, aucun incident de paiement n’avait été constaté avant la déchéance du terme provoqué par l’ouverture de la liquidation.

Cette approche ne résout pas tout.

Comment soulever la disproportion de l’engagement de cautionnement ?

En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle revient sur les moyens de défense que peut avoir le dirigeant caution lorsque son entreprise est en liquidation judiciaire et que la banque se retourne contre lui.

Il importe de préciser que la Cour de Cassation considère que la notion de disproportion s’analyse essentiellement au jour de l’engagement de cautionnement qu’importe que par la suite la caution n’arrive plus à y faire face.

La notion d’obligation de conseil et de mise en garde est moins aisée à être soulevée par le chef d’entreprise.

Ce que la Cour de Cassation ne dit pas mais qui mérite d’être clairement rappelé est que l’essentiel de cette argumentation juridique repose également sur des éléments probatoires puisqu’il appartient à la caution qui entend se défendre face à l’établissement bancaire de rapporter la preuve de sa situation patrimoniale et non pas à la banque de rapporter la preuve que l’engagement n’était pas proportionné.

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Saisie pénale immobilière et atteinte proportionnée au droit à la propriété, quelle motivation ?

Laurent Latapie avocat saint Raphael
Laurent Latapie avocat saint raphael

Le juge d’instruction, qui prononce une mesure de saisie pénale immobilière et de confiscation des biens immeubles, doit-il motiver sa décision et apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit de la propriété du mis en cause ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mai dernier et qui vient aborder la question très spécifique de la saisie pénale immobilière réglementée par le Code de procédure pénale et qui vient quand même porter clairement atteinte au droit de la propriété.

 

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante qu’elle amène à s’interroger sur l’étendue des pouvoirs du Juge d’instruction décidant d’ordonner une saisie pénale immobilière alors même que l’instruction n’est pas terminée et que, par là même, le principe de présomption d’innocence prévaut, ce qui n’est quand même pas rien.

 

Tel était le débat devant la chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Cayenne, dans le cadre d’une information ouverte à l’encontre de Monsieur X pour des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et de blanchissement aggravés, ladite chambre d’instruction confirmant les Ordonnances du Juge d’instruction sur ce point.

 

Quels sont les faits ?

 

Il convient de reprendre les faits de l’espèce.

 

Monsieur X avait été mis en examen des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés.

 

Faits commis entre 2011 et 2014 consistants dans l’organisation de jeux clandestins qui avait produit un bénéfice total estimé à plusieurs milliers d’euros.

 

Sommes que Monsieur X avait, comme de rien, « omis » de déclarer à l’administration fiscale et auprès des Caisses, sociale et qui avait étés « blanchies » en octroyant des prêts personnels ou des prêts sur gages au profit de tierces personnes qui ont pu acquérir par ce biais différents biens immobiliers outre les classiques dépenses de la vie courante.

 

C’est dans ces circonstances, que dans le cadre de la mise en examen dans la procédure d’instruction ouverte contre Monsieur X, des chefs d’infraction de la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés, le juge d’instruction avait finalement ordonné la saisie pénale, et donc la confiscation de 5 biens immobiliers dont Monsieur X était propriétaire, en considérant notamment que la valeur totale des biens équivalait en tout ou en partie aux produits des infractions reprochées.

 

L’intéressé encourait également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de son patrimoine.

 

Saisie pénale et confiscation des immeubles

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur X a interjeté appel puis un pourvoi en Cassation sur cette saisie pénale immobilière qu’il entendait contester.

 

Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, il est possible d’envisager la confiscation qui peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la disposition.

 

Ainsi, l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, permet au Juge d’instruction de procéder à une saisie de l’intégralité ou d’une partie du patrimoine immobilier et mobilier de Monsieur X.

 

C’est dans ces circonstances que le juge d’instruction a sollicité la saisie pénale des actifs immobiliers de Monsieur X, en lien avec les faits de blanchiment aggravés, pour lesquels il avait été mis en examen, confisquant ainsi son patrimoine personnel.

 

Pour autant, Monsieur X entendait soulever plusieurs moyens de contestations.

 

Au niveau procédural, ce dernier soulevait le fait que la saisie de tout ou partie du patrimoine ne peut être ordonnée par le Juge d’instruction que sur requête du Procureur de la République ou d’office après avis du ministère public.

 

Monsieur X faisait notamment valoir que le Juge d’instruction ne pouvait valablement ordonner la saisie d’une partie de son patrimoine, sur le fondement de l’article 706-148 du Code de procédure pénale dès lors que la saisine du ministère public portait sur 5 saisies immobilières distinctes reposant ainsi sur une base légale différente puisque ce dernier se fondait sur l’article 706-150 du Code de procédure pénale.

 

Monsieur X reprochait au Juge d’instruction de s’être borné à affirmer qu’il pouvait valablement limiter la saisie du patrimoine de 5 immeubles litigieux.

 

A bien y comprendre, il appartenait au juge d’instruction de vérifier que le bien immobilier dont il a ordonné la confiscation dans le cadre de la saisie pénale était bien compris et visé dans les réquisitions prises par le Ministère public au même titre que les autres biens immobiliers qui ont été saisis.

 

Et que dès lors, c’est à bon droit que Monsieur X faisait valoir que la confiscation du patrimoine dont il avait fait l’objet portait à une atteinte grave et manifestement injustifiée au regard du droit et au respect de ses biens.

 

De plus, Monsieur X reprochait au Juge de s’être borné à affirmer de manière générale et abstraite que les saisies litigieuses ne caractérisaient pas une attente grave, dans la mesure ou il ne s’agissait que de mesures conservatoires, par là même compatibles avec la notion de proportionnalité de l’atteinte portée au droit et au respect des biens de Monsieur X par la portée des confiscations au regard de sa situation personnelle.

 

Ce point est important, car il rappelle quand même que la mesure du Juge d’instruction n’est que conservatoire et n’a vocation qu’à perdurer jusqu’à la décision pénale définitive de condamnation pour lequel celle-ci doit être intégralement reprise.

 

La Cour de Cassation retient cette argumentation et fait droit de l’interprétation de Monsieur X.

 

Caractère proportionnel de la confiscation

 

En effet, la Cour de Cassation rappelle que le Juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit d’intérêt et que par ailleurs, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier sa décision.

 

Au niveau de la décision rendue par le juge d’instruction, il convient de rappeler, au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale, ainsi qu’au visa du protocole n°1 à la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme, que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

 

La Cour de Cassation reproche au Juge d’instruction, et à la chambre d’instruction de la Cour d’appel, de rejeter le moyen de l’atteinte disproportionnée portée au droit de la propriété du demandeur au seul motif pris que les saisies pénales immobilières en cause ne seraient pas de nature à constituer une atteinte à la propriété privée dès lors qu’elles ne constituent que des mesures conservatoires.

 

Or, la Cour de Cassation rappelle qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les meures critiquées en ce qu’elles concernent les éléments de patrimoine insusceptibles de constituer le produit d’infraction ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de Monsieur X, le juge d’instruction n’avait pas justifié sa décision.

 

Cet arrêt est intéressant à bien d’un titre.

 

En premier lieu, il convient de rappeler qu’il appartient au Juge d’instruction de motiver ses décisions et de d’établir le lien, actif par actif, produit par produit entre l’infraction caractérisée et l’actif saisi tout en caractérisant clairement la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect des biens appartenant au mis en examen.

 

Il ne peut se satisfaire d’une phrase type en indiquant, de manière parfaitement évasive et par une formulation générique, que la mesure de saisie a été ordonnée au regard de la situation personnelle du mis en examen, alors qu’il appartient au juge de caractériser de manière spécifique et développée les raisons de la confiscation.

 

Par ailleurs, cette jurisprudence rappelle que la mesure prise de confiscation qui est la première étape du droit de la saisie pénale immobilière, n’est qu’une mesure conservatoire et surtout qu’une mesure provisoire qui ne peut durer par nature que jusqu’à ce que la juridiction pénale statue et condamne de manière définitive Monsieur X, des chefs d’infraction qui lui sont reprochés.

 

En effet, devant la juridiction correctionnelle, la saisie pénale devra être confirmée et réitérée avec une décision de la juridiction pénale qui devrait être immanquablement motivée.

 

Sans quoi celle-ci ne serait plus valable.

 

Rappelons à cette fin que la juridiction pénale ne peut reconfirmer la saisie pénale immobilière par une simple substitution de motif de ce qu’a été pris par le Juge des libertés et de la détention, du Juge d’instruction alors qu’il prend un caractère définitif avec une appréhension totale et définitive de l’actif immobilier en question.

 

La saisie pénale immobilière n’est pas de droit pour le ministère public ni pour le Juge d’instruction ou le Juge des libertés et de la détention.

 

Elle a vocation à être caractérisée en disposition du Code de procédure pénale aux articles 706-148 et suivants déterminent clairement les conditions dans laquelle la saisie doit être faite.

 

Elle doit être proportionnée et largement motivée au travers d’un lien direct avec l’infraction pour lequel Monsieur X serait mis en examen ou tel prévenu serait poursuivi, et surtout la mesure n’est que conservatoire et provisoire.

 

Les moyens de contestations ont nombreux.

 

Les obligations à la charge du ministère public et du Juge d’instruction le sont tout autant.

 

Ce qui est autant d’atouts et de points de développement qui doivent être pris en considération pour permettre au mis en examen de se défendre afin de préserver son patrimoine qui n’est pas forcément en lien avec l’infraction pour laquelle celui-ci est mis en examen et qu’on lui reprochait.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Confiscation pénale d’un bien immeuble appartenant à deux époux

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

Dans le cadre d’une saisie pénale immobilière, dans l’hypothèse où le bien immobilier appartient à un couple marié sous le régime de la communauté, la question se pose de savoir si l’intégralité du bien est confisqué, ou si seuls les droits indivis du conjoint condamné ont vocation à être transférés à l’État ? Quel est le sort des droits de l’époux de bonne foi, ignorant des agissements litigieux ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence récente de la Cour de cassation et qui vient apporter des précisions quant au fonctionnement d’une saisie pénale.

 

La saisie pénale d’un bien commun

 

Plus précisément, cette jurisprudence apporte des précisions lorsque la confiscation du produit d’infraction porte sur un bien dépendant d’une communauté conjugale et que le conjoint condamné est reconnu de bonne foi.

 

En effet, dans l’hypothèse où le bien immobilier appartient à un couple marié sous le régime de la communauté, la question se pose de savoir si l’intégralité du bien est confisqué au profit de l’Etat ou si seuls les droits indivis du conjoint condamné ont vocation à être transférés à l’État, protégeant ainsi l’autre époux, de bonne foi.

 

Cette jurisprudence est intéressante.

 

Elle illustre bien le fait que, finalement, l’époux commun en bien est moins bien traité dans le cadre de la confiscation pénale d’un bien immobilier appartenant au couple, que dans le cadre d’une simple indivision d’un couple vivant en union libre.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait déclaré Monsieur F coupable d’abus de confiance et avait ordonné la confiscation à titre de produit d’infraction un appartement sur Rennes ainsi que d’une maison d’habitation située dans le même département, appartenant tant au condamné qu’à Madame D. son épouse, tous deux mariés sous le régime de la communauté légale.

 

Madame D, épouse de bonne foi, ignorante par ailleurs des faits reprochés à son conjoint, avait alors saisi la Cour afin de rectifier l’arrêt de condamnation en précisant que la confiscation ne portait que sur la seule part indivis des immeubles appartenant au condamné dans la mesure où celle-ci n’avait pas été poursuivie pleinement et était donc de parfaite bonne foi.

 

Alors que le couple est marié sous le régime de la communauté légale, la question est de savoir si l’épouse de bonne foi pouvait voir préserver sa part indivise, alors que l’intégralité du bien a été transférée dans le cadre de la saisie pénale,

 

Ou bien, la saisie pénale se fait bien sur l’intégralité du bien et ne permet d’ouvrir à l’égard de l’époux commun en bien qu’à un simple droit de récompense que le condamné devra à la communauté lors de la dissolution du couple et du patrimoine commun.

 

La solution

 

Pour rappel au visa de l’article L131-21 du Code pénal que la condamnation à la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cadres prévus par la loi.

 

La haute juridiction rappelle aussi qu’elle préserve les droits des propriétaires, et propriétaires indivis de bonne foi même lorsque le bien constitue le produit direct ou indirect de l’infraction.

 

Ainsi, lorsque le bien confisqué constitue un bien indivis appartenant à la personne condamnée et à un tiers, ce dit bien est alors saisi sur la base de la seule saisie pénale des droits indivis au profit de l’État, de sorte que les droits des tiers de bonne foi sont préservés.

 

Pour autant, lorsque le bien confisqué constitue un bien commun à la personne condamnée et à son conjoint, la situation présente une spécificité tenant à ce qu’en l’application de l’article 1413 du Code civil, le paiement des dettes dont chaque époux est tenu pour quelque cause que ce soit pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude du débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu.

 

Il en est ainsi même lorsque l’infraction sur laquelle repose la saisie pénale immobilière a été commise par un époux seul.

 

Il résulte de l’article 1467 du Code civil que lorsque la communauté est dissoute, chacun des époux reprend ceux des biens qui n’étaient point entrés en communauté, s’ils existent en nature, ou les biens qui y ont été subrogés.

Il y a lieu ensuite à la liquidation de la masse commune, active et passive.

 

 

Pour la Cour de cassation il s’en déduit que la confiscation d’un bien commun prononcé en répression d’une infraction commise par l’un des époux, seul ne peut qu’emporter sa dévolution pour le tout à l’Etat.

 

La confiscation est donc alors totale sur le bien commun, de telle sorte que l’époux de bonne foi ne peut opposer sa bonne foi et donc évoquer ’indivision.

 

La saisie pénale se fait de manière indivise sur le bien commun.

 

La saisie pénale immobilière se fait sur l’intégralité de l’actif.

 

Pour autant, la Cour de cassation rappelle que cette confiscation et cette dévolution ne fait pas disparaitre les droits de l’époux de bonne foi dès lors que la confiscation constitue une pénalité en argent est susceptible de faire naître un droit à récompense à la communauté lors de la dissolution de celle-ci, déduction faite du profit retiré en l’application de l’article 1417 du Code civil au même titre qu’une amende et payée par la communauté.

 

Cependant, la vraie question demeure, quelle valorisation des droits survivrait au profit de l’époux de bonne foi dans le cadre de la liquidation de la communauté qui aurait lieu après la saisie pénale ?

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Retards de paiement du prêt bancaire immobilier et suspension judiciaire des échéances

Laurent Latapie Avocat immobilier
Laurent Latapie Avocat immobilier

L’emprunteur d’un prêt immobilier, rencontrant des retards dans le paiement de ses échéances et qui se heurte à la passivité de l’établissement bancaire, peut-il saisir le tribunal et obtenir la suspension judiciaire des échéances ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à la nouvelle rédaction de l’article L414-20 du Code de la consommation, tout aussi connu sous l’ancien article L313-12 du Code de la consommation, article permettant de solliciter judiciairement la suspension judiciaire des échéances d’un prêt bancaire.

 

Cet article permet effectivement d’envisager, en cas de difficultés économiques rencontrées par des emprunteurs, qu’il s’agisse d’un prêt de consommation, d’un prêt personnel ou bien encore d’un prêt immobilier, de solliciter des délais pour faire face à leur difficulté conjoncturelle.

 

En effet, il n’est pas rare de constater que l’établissement bancaire, pourtant premier partenaire économique de ses clients et emprunteurs qui rencontrent des difficultés économiques et financières conjoncturelles et qui manifestent justement leurs inquiétudes à leur banquier, demeure passif et taisant, laissant les emprunteurs en difficulté seuls avec leurs difficultés,

 

Et ce, même lorsque les emprunteurs en difficulté sollicitent des délais pour faire face à ses difficultés qui n’ont par nature vocation qu’à être conjoncturelles.

 

Or, dans certains contrats de prêts, il n’est pas rare de constater que dans les conditions générales il est inséré une clause permettant à l’établissement bancaire d’octroyer des délais pour des périodes malheureusement extrêmement trop courtes, de 3 à 6 mois maximum, et ce, à grand renfort de frais et d’intérêts intercalaires, intérêts majorés qui mettent d’autant l’emprunteur en difficulté qui a besoin d’un second souffle pour repartir de bon pied.

 

Or, malheureusement les hypothèses de difficultés économiques conjoncturelles sont nombreuses, et peuvent survenir à tout moment, notamment en cas de séparation et de divorce, d’un licenciement ou même en cas de décès lorsque la compagnie d’assurances qui organise l’assurance décès fait des difficultés pour indemniser la victime et désintéresser la banque.

 

L’année 2020 et cet état d’urgence sanitaire et de confinement, lié à cette crise internationale de COVID, et ce sont des pans entiers de l’économique qui ont été sacrifiés, plongeant un grand nombre de personnes, salariés ou chefs d’entreprises, dans de vraies difficultés économiques et financières certes conjoncturelles mais dont beaucoup n’en voient pas la fin.

 

Les hypothèses sont donc nombreuses et il n’est pas rare que l’emprunteur se heurte à un mur de silence de la part de l’établissement bancaire dont les propositions, lorsque celui-ci formalise finalement une proposition de report d’échéances, sont très largement insuffisantes et pour des périodes bien trop courtes.

 

Fort heureusement, l’emprunteur a la possibilité de saisir le Juge en état de difficultés économiques rencontrées par ces derniers alors qu’ils ont toujours manifestés de nombreux efforts de paiement et se heurte juste à une problématique de paiement conjoncturel.

 

Il convient également de souligner que la jurisprudence permet également la suspension et terme d’échéance même en cas d’échéance du terme du prêt.

 

Ce point est important, car tant bien même la banque prononcerait la déchéance du terme, tout en restant silencieuse aux appels au secours des emprunteurs, la demande de délais peut être sollicitée même lorsque la déchéance du terme a été prononcée.

 

Il ne faut par ailleurs pas oublier que l’emprunteur devenu débiteur peut aussi contester la validité de la déchéance du terme.

 

Plusieurs jurisprudences vont en ce sens.

 

Dans tous les cas, les emprunteurs peuvent demander une suspension judiciaire des échéances du prêt bancaire et, ou prêt immobilier, et ce devant le juge, alors que l’établissement bancaire s’y refuse.

 

L’emprunteur peut alors demander au juge une suspension pouvant s’étendre jusqu’à deux ans.

 

Cependant, il convient d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait que dans cette procédure judiciaire, l’établissement bancaire risque fort d’être son principal et plus farouche adversaire.

 

En effet, il importe de rappeler, à ce stade, que ce n’est pas une demande acquise de droit.

 

La banque soutenant malgré tout que, nonobstant les difficultés économiques rencontrées, et qu’elle n’ignore pourtant pas, que la situation financière de l’emprunteur permet de faire face à ses obligations nonobstant les périodes difficiles qu’elle rencontre ou bien encore que la situation difficile est tellement acquise qu’elle est irrémédiable et que par conséquent octroyer 2 ans n’apporterait rien de plus ni à l’emprunteur ni à l’établissement bancaire.

 

Transformant ainsi le premier partenaire économique de l’emprunteur en véritable adversaire pour lequel il faut impérativement faire preuve de pugnacité contre cette dernière.

 

Il importe de préciser que l’emprunteur peut obtenir jusqu’à 2 ans de délais.

 

A charge pour l’emprunteur en difficulté de démontrer le caractère conjoncturel des difficultés.

 

Il importe encore de préciser que l’emprunteur peut également demander que tout paiement dans le laps de temps octroyé aurait vocation à s’amortir sur le capital restant dû sans s’impacter sur quelques intérêts que ce soit.

 

Ce que, là encore, le banquier se garde bien de proposer….

 

L’emprunteur pouvant encore proposer que, dans le laps de temps octroyé, les sommes dues ne produiraient aucun intérêt.

 

Ce qui peut être effectivement très rassurant et salvateur pour les personnes qui rencontrent des difficultés.

 

La seule obligation qui perdurerait serait naturellement de payer les cotisations d’assurance obligatoires attachées au prêt, afin de permettre à l’emprunteur de demeurer assuré, et d’être garanti, en cas de sinistre nonobstant la suspension judiciaire des échéances.

 

L’emprunteur en difficulté peut se retourner en cas de silence et de mutisme de la banque,

 

L’emprunteur peut aussi aller voir le juge pour expliquer sa situation et à demander des délais,

 

Ainsi il est important que l’emprunteur ait bien conscience que lorsque celui-ci rencontre des difficultés, qu’il s’agisse d’un licenciement, d’un divorce ou encore d’un décès et qu’il se heurte à un mur de silence ou une résistance particulière de l’établissement bancaire pour l’octroi de délais, ce dernier peut aller chercher en justice les délais et peut obtenir jusqu’à 2 ans de suspension judiciaire des échéances pouvant être accompagnés d’un gel des intérêts.

 

A bon entendeur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit et liquidation judicaire

Laurent Latapie faillite internationale
Laurent Latapie faillite internationale

Une entreprise se trouvant en difficulté financière du fait de la rupture subite par la banque du concours et des prêts bancaires, et se retrouvant sous le coup d’une procédure collective, redressement ou liquidation judiciaire, peut-elle engager la responsabilité de la banque pour rupture fautive de crédit ? la banque peut-elle se retrancher derrière les dispositions protectrices de l’article L650-1 du code du commerce ou engage t’elle quand même sa responsabilité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et qui vient aborder la question récurrente, surtout en ces temps difficiles, et en ces phases de confinement successives, de la responsabilité de la banque lorsque l’entreprise rencontre des difficultés, et que comme de rien, la banque décide de mettre fin à toute forme de concours, laissant ainsi à penser que la banque peut et elle peut engager sa responsabilité pour rupture abusive de crédit.

 

La question qui se pose est de savoir sur quel fondement puisque la responsabilité de la banque est classiquement abordée au visa de l’article L650-1 du Code de commerce lorsque l’entreprise est sous le coup d’une procédure collective, sauvegarde de justice, redressement judiciaire, ou bien encore en liquidation judiciaire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société CF avait souscrit auprès de plusieurs partenaires, dont la banque X différentes ouvertures de crédit.

 

Malheureusement, les 02 octobre 2014 et 02 février 2015, les deux banques ont, respectivement, notifiés à la société CF la donation des concours consentis.

 

C’est dans ses circonstances que dans la même foulée, la société CF s’est retrouvée en cessation des paiements, et a dû déposer le bilan, de telle sorte que, par jugement en date du 21 avril 2015, le Tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la société CF.

 

C’est dans ses circonstances que la société CF dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire a pris l’initiative d’engager une action en responsabilité contre la banque sur le fondement en responsabilité contractuelle des banques sur le fondement des articles 1134 et 1147 du Code civil ainsi que l’article L313-12 du Code monétaire et financier pour rupture abusive du crédit.

 

Or, à hauteur de Cour d’appel, la société CF et son mandataire de justice, avaient été déboutés par la Cour d’appel de Bourges, qui avait, tout simplement, déclarée leur action irrecevable au motif pris que l’article L650-1 du Code de commerce était applicable.

 

Quelle responsabilité contre la banque ?

 

Cependant, dès le début de la procédure, la société CF avait considéré que l’article L650-1 du Code de commerce ne pouvait être applicable qu’à la responsabilité fondée sur un octroi abusif de crédit et non à la responsabilité résultant d’une rupture fautive de crédit.

 

Celle-ci ayant par là même fondée son action contre la banque sur la base de sa responsabilité de droit commun semblait bien fondée à le faire.

 

De telle sorte qu’en appliquant ce texte à une action en rupture fautive de crédit, la Cour d’appel avait violé l’article L650-1 du Code de commerce.

 

Il convient de rappeler que l’article L650-1 alinéa 1er du Code de commerce, précise que lorsqu’une procédure de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceci.

 

Une thèse avait d’ailleurs été faite en son temps par votre serviteur, « le soutien bancaire à l’entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 », thèse publiée à l’université de Nice en 2010 et qui vient aborder justement toutes la finesse et les finalités liées à l’article L650-1 du Code de commerce tout comme cette thèse abordait également tous les moyens de mettre en difficulté l’établissement bancaire nonobstant en dehors du champ classique de l’article L650-1 du Code de commerce, nouvelle disposition protectrice des établissements bancaires qui avait en son temps fait couler beaucoup d’encre.

 

Au visa de cet article, la Cour d’appel avait effectivement considéré qu’il n’était ni établi ni même allégué que les banques intimées se serait rendue coupable de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours auraient été disproportionnées à ces derniers, de telle sorte que les prétentions de la société CF se heurtait à la rigueur des critères limités de l’article L650-1 précité et ne pouvait donc obtenir gain de cause sur cette seule base.

 

Pour autant, la société CF considérait que l’article L650-1 du Code de commerce n’était applicable qu’à la responsabilité fondée sur un octroi fautif de crédit et non à la responsabilité résultant d’une rupture fautive du crédit, de telle sorte qu’en appliquant ce texte en action à une action en rupture fautive de crédit, la Cour d’appel avait forcément violé l’article L650-1 du Code de commerce.

 

Quant à elle, la Cour de cassation ne s’y trompe pas et vient effectivement exclure l’application de l’article L650-1 du Code de commerce dans le cadre de cette action en responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit.

 

La Cour de cassation rappelle au visa de l’article L650-1 du Code de commerce, qu’aux termes de ce texte lorsqu’une procédure de sauvegarde de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis sauf les cas de fraudes et d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteurs ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnés à ceux-ci.

 

La banque demeure responsable pour sa rupture de crédit

 

Pour autant, pour déclarer l’action en responsabilité irrecevable, l’arrêt de la Cour d’appel de Bourges retient que les demandes fondées sur l’exclusion de l’article L313-12 du Code monétaire et financier, aux fins d’octroi de dommages et intérêts en raison de la rupture du crédit à court terme doit s’analyser comme constituant au sens de l’article L650-1 du Code de commerce des demandes tendant à ce que les créanciers soient tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis et qu’il n’est pas établi, ni même allégué, que les banques se seraient rendues coupables de fraudes, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou que les garanties prises en contrepartie des concours ont été disproportionnées.

 

Or, la Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi alors que les dispositions de l’article L650-1 du Code de commerce ne concerne que la responsabilité du créancier lorsqu’il est recherché du fait des concours qu’il a consenti, seul l’octroi estimé fautif de ceux-ci et non leur retrait peut engager leur responsabilité en application de ce texte.

 

De telle sorte que la Cour de cassation considère que la Cour d’appel a violé l’article L150-1 du Code de commerce.

Elle casse et annule l’arrêt en question puis renvoi l’affaire devant la Cour d’appel autrement composée afin que celle-ci détermine et tranche la responsabilité de la banque pour rupture abusive de crédit au visa non plus de l’article L650-1 du Code de commerce mais bel et bien des articles 1134 et 1147 du Code civil et de l’article L313-12 du Code monétaire et financier qui vient justement sanctionner la banque pour rupture abusive de crédit.


Dès lors, en cas de rupture du concours bancaire ou du crédit bancaire, exposant l’entreprise au dépôt de bilan et à la liquidation judiciaire, l’établissement bancaire engage clairement sa responsabilité et le chef d’entreprise ne doit pas négliger cette option.

 

A bon entendeur…

 

 

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Crédit à la consommation et remise du bordereau de rétraction

latapie avocat contentieux bancaire
latapie avocat contentieux bancaire

La signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétraction est-elle suffisante ? Ou bien appartient-il à l’établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise effective du bordereau de rétractation ? Dans tous les cas, il en va de déchéance du droit aux intérêts du prêt à la consommation.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui vient rappeler en tant que de besoin les obligations pesant sur l’établissement de crédit quant à la preuve de la remise du bordereau de rétractation à son client et emprunteur.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et suivant acte du 07 février 2013, l’établissement de crédit avait consenti à Monsieur I, emprunteur un crédit à la consommation.

 

A la suite d’échéances demeurées impayées et du placement sous curatelle de l’emprunteur Monsieur I, prononcé par jugement du 18 février 2015, la banque avait, par acte des 08 et 09 juin 2015 assignée Monsieur I paiement du solde du prêt, ainsi que l’UDAF, l’organisme de tutelle, prise en sa qualité de curateur.

 

L’emprunteur a alors demandé que la banque soit déchue de son droit aux intérêts en l’absence de remise du bordereau de rétractation prévu à l’article L311-12 du Code de la consommation.

 

Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article L311-12 du Code de la consommation, le consommateur peut, dans un délai de 14 jours, exercer son droit de rétractation en utilisant le formulaire détachable de la rétractation jointe à son exemplaire du contrat de crédit.

 

Or, la reconnaissance écrite par l’emprunteur dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre laisse présumer la remise effective de celui-ci.

 

Pour autant, cela ne saurait forcément suffire.

 

En effet, le texte impose que ce formulaire figure également sur l’exemplaire conservé par le prêteur.

 

Or, dans cette affaire sur la page 4 de l’offre préalable, immédiatement avant la signature de l’emprunteur, figure la mention suivante : « Je reconnais rester en possession d’un exemplaire de cette offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation et de la notice d’information d’assurance ».

 

Monsieur I avait effectivement souscrit une telle reconnaissance et ne rapportait pas la preuve de l’absence de remise du bordereau ou, à défaut de son caractère irrégulier, de telle sorte que, pour la banque, ce dernier ne pouvait se prévaloir de la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

 

Monsieur I et l’organisme de curatelle ne partagent pas cette analyse.

 

Le formulaire de rétractation détachable :

 

Le prêteur doit apporter la preuve qu’il a remis à l’emprunteur le formulaire de rétraction détachable visé par l’article L311-12 du Code de la consommation.

 

Il est vrai qu’une clause est prévue au sein de l’offre de prêt au terme de laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation qui peut être considéré comme un indice.

 

Cependant, cela ne saurait suffire.

 

Il appartient malgré tout à l’emprunteur d’établir d’autres éléments à l’effet de prouver la remise effective du bordereau de rétractation.

 

Le seul fait que Monsieur I ait reconnu à travers une clause de l’offre de prêt, la remise du bordereau permettant de présumer l’arrêté de ces remises de bordereaux sans constater l’existence d’autres éléments de nature à corroborer l’exécution parfaite de son obligation par l’emprunteur ne saurait suffire à satisfaire aux obligations prévues par les articles L311-12 et L311-48 du Code de la consommation.

 

La Cour de cassation reprend l’argumentation pertinente de l’emprunteur concernant la preuve de la remise du bordereau de rétractation concernant ce crédit à la consommation.

 

La remise effective du bordereau de rétractation :

 

En effet, la Cour de cassation considère qu’il résulte des articles L311-12 et L311-48 du Code de la consommation que, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétraction, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit.

 

A défaut, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire, est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le Juge.

 

La Cour de cassation rappelle que ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive n°2008/48/CE du Parlement européen et du conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CE.

 

La Cour de cassation rappelle encore que par arrêt du 18 décembre 2014, CA CONSUMERS FINANCE C449/13, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens en ce qu’elle s’oppose à ce qu’en raison d’une clause type, les Juges doivent considérer que le consommateur a reconnu la pleine et parfaite exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur.

 

Cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution des dites obligations de nature à compromettre l’effectivité d’être reconnu par la directive 2008/48.

 

La Haute juridiction précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne suffit pas à consacrer l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national implique seulement que le consommateur atteste de la remise qu’il lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée.

 

La Cour de cassation ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer, par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.

 

Bien plus, le consommateur doit pouvoir toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant.

 

Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait en vertu du droit national la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution dites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48.

 

Pour la Cour de cassation, il s’ensuit qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait aux obligations précontractuelles et que contrairement à ce que précédemment jugé la Cour de cassation, 1ère chambre civile 16/01/2013 pourvoi n°12-14122, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétraction constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

 

Dès lors, pour la Haute juridiction, la Cour d’appel ne pouvait pas rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l’emprunteur.

 

Rappelons que la Cour d’appel avait cru bon rejeter la demande de l’emprunteur au motif pris de ce que la reconnaissance écrite, par celui-ci, dans le corps de l’offre préalable de la remise d’un bordereau de rétraction détachable joint à cette offre laisse présumer sa remise effective, de telle sorte que l’emprunteur n’apportait pas la preuve de l’absence de remise du bordereau de rétraction par le prêteur ou à défaut son caractère irrégulier.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle que, tant bien même l’emprunteur signerait une clause dans laquelle il reconnaît avoir été destinataire du formulaire détachable qui serait joint à son exemplaire du contrat de crédit, il n’en demeure pas moins que le prêteur doit rapporter la preuve de sa remise effective.

 

Il appartient au prêteur de fournir d’autres indices montrant bien qu’il a bien rempli cette obligation sans se retrancher derrière une vulgaire clause obscure suivant lequel l’emprunteur reconnaît avoir reçu le formulaire de rétractation.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Rôle de l’assurance en cas de destruction d’un véhicule en location longue durée

En cas de LOA ou de contrat location longue durée, LLD, qu’en est-il des relations tripartites entre le locataire, le loueur et la compagnie d’assurance de l’autre, notamment en cas de perte ou d’accident du véhicule ? Qu’en est-il lorsque le véhicule devient une épave ? Quel rôle joue la garantie perte locative en cas de sinistre ?

 

Article :

 

Bon nombre de chefs d’entreprises conduisent des véhicules par le biais de LOA ou de contrat de location de longues durées,

 

Toutefois, ces contrats ne sont pas sans conséquence, surtout en cas d’accident ou de perte du véhicule,

 

Qu’en est-il alors de cette relation tri partite entre d’un côté le conducteur, et de l’autre côté, à la fois la société de location de longue durée et l’assureur ?

 

Il convient de s’intéresser à la problématique et à l’enchevêtrement entre compagnie d’assurance, contrat d’assurance et location longue durée autrement appelée LLD au sein de l’entreprise, notamment concernant leur flotte de véhicules, en cas de perte ou d’accident du véhicule.

 

La location longue durée se fait de plus, en plus même au profit de particulier, et cela fait naître une relation contractuelle très particulière entre le locataire et le loueur, mais cela crée une difficulté particulière lorsque le véhicule fait l’objet d’un sinistre, d’un accident, ou bien d’une perte, et que la compagnie d’assurance doit intervenir.

 

Tout laisse à penser que l’assureur qui assure le véhicule ignore les relations contractuelles pouvant exister entre le loueur et le locataire et ne les découvrent finalement que lorsqu’il y a véritablement un sinistre.

 

Il est effectivement courant de constater que les contrats de location longue durée précisent clairement que le loueur autorise le locataire à faire procéder aux réparations en cas d’accident, à travers une clause donnant mandat à ces derniers de le faire.

Cependant, les loueurs conservent, malgré tout, la main sur la décision à prendre, surtout lorsque le véhicule devient épave.

 

Pourtant, le loueur n’est pas seul à intervenir,

 

La compagnie d’assurance joue aussi un rôle important.

 

En effet, c’est bien souvent la compagnie d’assurance de prendre la décision de procéder à la cession de l’épave au profit de l’assureur en cas de perte totale, comme le prévoit l’article L327–1 du Code de la route :

 

 « Les entreprises d’assurances tenues à un titre quelconque à indemniser les dommages à un véhicule dont un rapport d’expertise fait apparaître que le montant des réparations est supérieur à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre doivent dans les quinze jours suivant la remise du rapport d’expertise proposer une indemnisation en perte totale avec cession du véhicule à l’assureur. Le propriétaire du véhicule dispose de trente jours pour donner sa réponse ». 

 

Cela vient bousculer les relations contractuelles entre les parties car il n’y a pas d’un côté une relation contractuelle entre locataire et l’assureur et de l’autre côté la relation contractuelle entre le locataire et le loueur.

 

En effet, dans le cadre de la cession de l’épave à l’assureur, la relation devient tripartite.

 

Deux contrats autonomes se croisent.

 

Il convient de rappeler que le locataire est tenu personnellement des dommages subis par le véhicule et à l’obligation par là-même, de souscrire une assurance dommages qui vient parfois assurer et compléter la garantie obligatoire de responsabilité civile.

 

Dans ce genre de contrat, comme le rappelle d’ailleurs la jurisprudence, le loueur demande à bénéficier de la qualité d’assuré.

 

Or, le contrat de location longue durée jouit de certaines particularités, et notamment concernant l’assurance en valeur financière.

 

En effet, la principale particularité de la location longue durée réside notamment dans l’assurance en valeur financière et la gestion des sinistres subis par le véhicule loué, car à l’origine de la location, le loueur de longue durée connaît le prix d’acquisition du véhicule qu’il met en location et anticipe par la même le coût de rentabilité et de financement dudit véhicule.

 

Avec en prime, la détermination de la valeur résiduelle du véhicule en fin de contrat permettant ainsi dans certains cas de prévoir soit une offre d’achat, ce sont les contrats de location avec offre d’achat ou soit de reprendre le véhicule.

Le montant du loyer étant alors déterminé sur la base de la différence courant entre la valeur du véhicule à l’achat et la valeur du véhicule à la revente appelée également valeur résiduelle lorsque le locataire rend le véhicule au loueur.

 

La difficulté survient lorsque les vrais problèmes commencent lorsque le véhicule est accidenté alors que le contrat est en cours car c’est à l’assurance d’intervenir dans une situation contractuelle qu’il ignore, dont il ne connaît pas les tenants et aboutissants à la base.

 

C’est à ce moment précis que les difficultés commencent.

 

En effet, en cas d’accident, l’assureur prend en charge le montant des réparations, de telle sorte que la valeur du bien est rétablie, ce qui n’impacte pas le loueur du contrat de location longue durée.

 

Cependant, la destruction du véhicule ou encore sa disparition en cas de vol entraînent une perte totale et le locataire est alors tenu d’indemniser le loueur à hauteur de la valeur financière du véhicule, tel que nous l’avons précédemment déterminé.

 

Le loueur fournissant d’ailleurs à son locataire un tableau d’amortissement du contrat de location qui permet de déterminer selon le temps écoulé depuis le début de l’opération, la valeur résiduelle du véhicule.

 

Il appartient surtout au locataire d’être particulièrement assuré afin de prévoir une indemnisation en valeur de remplacement à dire d’expert, bien qu’en pratique la valeur de remplacement à dire d’expert est bien souvent insuffisante à couvrir les réclamations du loueur en cas de perte totale, ce qui génère tout une difficulté car la compagnie d’assurance va classiquement à dire d’expert, son expert déterminer une valeur de remplacement du véhicule à moindre coût, c’est le jeu.

 

Le loueur, quant à lui va maintenir sa réclamation sur la base de sa valeur financière qu’il a déterminé lui-même.

 

Il y a une différence, et cette différence est malheureusement à la charge du locataire.

 

Il importe à ce moment-là, et c’est malheureusement trop négligé, bien souvent pour des simples soucis d’économie, de contracter un contrat d’assurance comprenant la perte financière afin d’anticiper cette difficulté.

 

Si la valeur de remplacement est supérieure à la valeur financière, le locataire se retrouve, à ce moment-là, avec un boni, lui permettant alors de réinvestir dans un nouveau contrat de location de longue durée ou de réfléchir tout simplement à l’acquisition d’un nouveau véhicule.

 

Cependant, entre l’inflexibilité de la valeur résiduelle du loueur et la capacité qu’a la compagnie d’assurance de réduire comme peau de chagrin la valeur financière du véhicule qu’il a vocation à prendre en charge, il est fort à parier que la valeur de remplacement se retrouve bien souvent inférieur à la valeur financière et là les véritables problèmes commencent.

 

Classiquement, le locataire de bonne foi qui n’a rien à se reprocher, va naturellement se rapprocher du loueur pour le tenir informé du sinistre et ce dernier ne va pas manquer de se rapprocher immédiatement de la compagnie d’assurance pour pouvoir percevoir directement l’indemnisation de la compagnie d’assurance.

 

Le risque est alors grand pour le locataire de, soit se retrouver avec un boni de faible importance car l’assureur aura fait en sorte de réduire comme peau de chagrin la valeur résiduelle la valeur de remplacement du véhicule, soit, pire encore, de devoir encore de l’argent au loueur car le locataire n’aura pas pensé à compléter son assurance avec une garantie perte financière.

 

Cela est une véritable problématique et il est important d’attirer l’attention des locataires sur ce point.

 

Ceci d’autant plus que dans certains contrats plus spécifiques, les difficultés ne s’arrêtent pas là.

 

Dans certains cas, le contrat passé entre professionnels peut imposer au locataire, notamment pour assurer la préservation de la valeur résiduelle du véhicule au meilleur taux pour le loueur, qu’en cas d’accident, le véhicule soit exclusivement réparé par le seul biais de pièces neuves, interdisant le locataire à utiliser quelques pièces de réemplois ou de pièces de rénovation ou de « rafistolage ».

 

Le locataire étant alors tenu d’assurer les réparations avec des pièces neuves, naturellement pièces d’origine constructeur, imposant au locataire de supporter le coût des réparations en question,

 

Un autre grand classique est lié à la question de réparation du pare-brise dans le cadre d’impact, le loueur sollicitant non pas une réparation du pare-brise mais bel et bien son remplacement de la glace dans son intégralité.

 

Générant ainsi un surcoût à la charge du locataire qui n’a jamais pensé supporter lorsqu’il a contracté initialement le contrat de location longue durée.

 

Ainsi, l’assurance en valeur financière ainsi que la valeur de remplacement du véhicule sont des véritables problématiques qui peuvent mettre le locataire en difficulté face à deux adversaires tout aussi coriaces l’un que l’autre, entre d’un côté l’inflexibilité du loueur qui va tout faire pour assurer une valeur résiduelle maximale dans le cadre de son contrat de location, et de l’autre côté, une compagnie d’assurance qui va, par nature, réduire l’indemnisation, à sa plus simple expression autant que faire se peut.

 

Cependant, il convient de rassurer le locataire.

 

Celui-ci n’est pas démuni face à ce genre de problématiques.

 

Il a bien sûr la possibilité de contester la valeur résiduelle retenue proposée par le loueur, tout comme il peut ouvrir un véritable débat avec son assureur, quant à l’indemnisation du sinistre.

 

Bien plus, le locataire face à son loueur n’est pas non plus démuni.

 

Il doit cependant, être prudent dès la conclusion du contrat,

 

Le locataire doit s’assurer convenablement et doit naturellement souscrire une assurance dommages complétant la garantie obligatoire de responsabilité civile.

 

Le locataire est également invité à prendre une assurance perte financière autrement appelée également indemnité de cessation prématurée du contrat de location pour le loueur afin de temporiser la somme qui serait encore due au loueur si par extraordinaire la valeur de remplacement est inférieure à la valeur financière.

 

Si la valeur de remplacement est supérieure à la valeur financière, il appartient alors au locataire de tout faire pour que la compagnie d’assurance indemnise encore au maximum pour être sûr de percevoir le meilleur boni possible.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Saisie pénale de créance déclarée au passif d’une procédure collective, quels enjeux ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde permet-elle d’empêcher que soit ordonnée une saisie pénale de créance ? Cette créance saisie pénalement peut-elle permettre la vente aux enchères du bien immobilier ? Dans pareil cas, entre juge de l’exécution immobilier et JLD, quel est le juge compétent ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en décembre dernier et qui vient aborder les difficultés liées au croisement entre le droit de la saisie pénale de créance et le droit des entreprises en difficulté.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, par acte sous seing privé du 28 octobre 2009, plusieurs actionnaires, parmi lesquels Madame L ont cédé l’intégralité des actions de la SAS v à la SAS FH.

Cette dernière ayant refusé de s’acquitter du solde du prix, les cédants l’ont fait assigner devant le Tribunal de Commerce.

La société a sollicité, à titre reconventionnel, l’annulation de la vente.

Par jugement du 13 décembre 2012, la demande des cédants a été accueillie.

Par arrêt, devenu irrévocable, du 23 septembre 2014, rectifié par un arrêt du 18 novembre 2014, la Cour d’Appel a infirmé ce jugement, annulé la cession pour dol et ordonné la restitution, par les cédants, des sommes perçues, et par les cessionnaires, des actions.

Une procédure de sauvegarde judiciaire

Par jugement du 5 novembre 2014, le Tribunal de Commerce a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la société et a désigné Madame X en qualité d’administrateur judiciaire.

Une procédure de saisie immobilière

Les 29 septembre et 9 novembre 2015, la société et ses mandataires ont délivré à Madame L, sur le fondement de l’arrêt du 23 septembre 2014, deux commandements valant saisie immobilière portant sur diverses parcelles de vigne dont elle était propriétaire et l’ont assignée à une audience d’orientation.

Le Juge de l’Exécution a rejeté l’ensemble des contestations soulevées et ordonné la vente forcée de l’immeuble.

Un jugement du 22 novembre 2016, confirmé par un arrêt du 27 juin 2017, a prononcé l’adjudication des lots saisis.

Le 5 décembre 2016, Monsieur et Madame W ont surenchéri du dixième pour chacune des adjudications.

Et une procédure pénale avec saisie pénale de créance

Pour autant, le 27 mars 2017, lors d’une instruction ouverte pour escroquerie au jugement et faux, un juge d’instruction a ordonné la saisie de la créance détenue par la société sur Madame L.

Cette ordonnance a été confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction de la même Cour d’Appel du 18 mai 2018.

La société a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

La chambre criminelle a considéré que le prononcé d’une mesure de sauvegarde n’interdisait pas que soit ordonnée une saisie pénale d’une créance, ni ne limite les effets d’une telle saisie préalablement ordonnée.

Le juge de l’exécution ne peut apprécier la validité de la saisie pénale au regard des règles relatives à la procédure de sauvegarde.

Dès lors, la procédure collective n’est pas toujours une procédure utile pour empêcher une saisie pénale immobilière.

Entre procédure de sauvegarde et saisie pénale de créance qui l’emporte ?

Dans le cadre de cette procédure, Madame L faisait grief à l’arrêt de rejeter sa contestation relative à l’absence de créance de la société, de procéder à la vente sur surenchère des deux immeubles lui appartenant, et de donner acte à la société de ce que le produit de la vente sera remis au commissaire à l’exécution du plan et qu’il ne sera utilisé qu’en concertation avec le Ministère Public.

Elle considérait que la mesure de saisie pénale qui avait été ordonnée malgré l’existence d’une procédure de sauvegarde devait produire ses effets jusqu’à ce que le juge qui l’avait ordonnée en autorise la mainlevée

La Cour d’Appel ne pouvait donc refuser de faire produire effet à une saisie pénale ordonnée par le juge d’instruction du Tribunal de Grande Instance et qui n’avait pas fait l’objet d’une mainlevée, peu important que le débiteur saisi bénéficie d’une procédure de sauvegarde.

Quelle est la solution ?

La Cour de Cassation ne partage pas cette analyse,

La Haute juridiction rappelle, au visa des articles 706-144 et 706-153 du Code de Procédure Pénale et l’article L. 622-21, II du Code de Commerce, que le prononcé d’une mesure de sauvegarde n’interdit pas que soit ordonnée une saisie pénale d’une créance, ni ne limite les effets d’une telle saisie pénale préalablement ordonnée.

Dès lors le Juge de l’Exécution ne peut apprécier la validité de la saisie pénale au regard des règles relatives à la procédure de sauvegarde.

Cette saisie pénale de créance s’impose.

La cour précise que le Juge de l’Exécution ne peut poursuivre la vente sur surenchère d’un immeuble, quand bien même l’audience d’orientation aurait fixé les termes de la vente sur adjudication du bien immobilier et une première adjudication aurait déjà été prononcée, lorsque la saisie pénale de la créance, cause de la saisie immobilière, a été ordonnée par un Juge d’instruction postérieurement à la première adjudication.

Dans cette hypothèse, la vente sur surenchère de l’immeuble ne peut avoir lieu que sur l’autorisation du Juge des libertés et de la détention ou du juge d’instruction délivrée en application des articles 706-143 et 706-144 du code de procédure pénale, ce juge pouvant décider que la saisie pénale sera reportée sur la somme revenant au créancier dans le prix d’adjudication et consignée sans délai auprès de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués

Qu’importe que la vente aux enchères ait été effectuée et que l’acte translatif de propriété a été réalisée au profit des adjudicataires, la saisie pénale de créance l’emporte.

Cette jurisprudence est importante et éclaire le prévenu pénalement saisi sur les enjeux d’une ouverture d’une procédure collective, qu’il soit débiteur, ou créancier, dont il ne trouvera pas forcément le salut pour bénéficier de l’arrêt des poursuites individuelles si efficace en procédure de sauvegarde de justice, de redressement judiciaire ou même de liquidation judiciaire.

Pour autant, et fort heureusement, d’autres protections existent….

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

Saisie immobilière et affectation des paiements en cas de pluralité de prêts

Laurent Latapie avocat droit routier
Laurent Latapie avocat droit routier

En cas de pluralité de prêts, le débiteur peut-il affecter une partie des paiements au profit de telle ou telle créance et opposer ensuite l’extinction ou la prescription d’une partie des prêts ? Le débiteur est-il en droit d’exiger la signification du titre exécutoire lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui vient aborder le droit de la saisie immobilière sur deux points particuliers.

Cette jurisprudence vient rappeler les obligations de l’huissier lorsqu’il signifie un commandement de payer aux fins de saisie immobilière.

Cela montre, aussi et surtout, que rien qu’à ce stade plusieurs axes de vérification s’imposent pour vérifier la validité de la procédure de saisie immobilière et mettre au besoin en difficulté le créancier saisissant.

Elle vient également aborder la question du paiement des dettes dues par le débiteur lorsque celui-ci a plusieurs engagements et qu’il s’acquitte d’une partie de ces dernières.

Quelle règle s’applique à l’imputation des paiements ?

Rappel des faits :

Dans cette affaire, sur des poursuites de saisie immobilière engagées par la banque à l’encontre de Monsieur et Madame X sur le fondement de deux actes notariés de prêt des 10 juin 2003 et 1er décembre 2006, celle a déclaré deux autres créances, dont l’une était garantie par l’hypothèque donnée par Monsieur et Madame X à titre de sûreté en vue du remboursement d’un prêt accordé par la banque le 27 juin 2007.

Cette créance était liée à une opération immobilière et découlait d’un cautionnement hypothécaire consenti par Monsieur et Madame X en garantie du même prêt.

Quels moyens de défense ?

Deux axes de contestation étaient soulevés par Monsieur et Madame X à l’encontre du bien-fondé de la saisie immobilière qui visait à appréhender leur actif personnel.

Ils contestaient la validité de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière.

Ils sollicitaient la nullité du commandement de payer valant saisie immobilière qui leur avait été signifié le 23 avril 2013, et des actes de procédure subséquents, voulant par la même faire sauter la validité de la procédure de saisie.

Ils considéraient qu’un acte ne pouvait être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire et qu’à peine de nullité, l’huissier qui procédait à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière devait présenter au débiteur, lors de la signification, le titre exécutoire en vertu duquel le commandement était délivré.

Quid du titre exécutoire ?

Ce point est intéressant car il est vrai que d’un côté, le droit de saisie immobilière est assujetti à une rigueur particulière pour préserver les intérêts du débiteur il n’aborde pas la question du justificatif du titre exécutoire, ou bien encore de la validité de la déchéance du terme que le créancier ne présente jamais.

Cette déchéance du terme devrait pourtant être communiquée dès le début de la procédure.

Elle fonde quand même l’exigibilité de la créance.

Elle est aussi le point de départ de la prescription.

La Cour de Cassation ne retient pourtant pas cette argumentation.

La Haute juridiction considère qu’il ne résulte pas de l’article R. 321-3 du Code des Procédures Civiles D’exécution, applicable à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, une obligation pour l’huissier de justice qui signifie cet acte de remettre au débiteur saisi une copie du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie est entreprise.

Que faire en cas de paiements sur plusieurs prêts ?

Par ailleurs, les consorts X ont soulevé un second argument.

Dans l’hypothèse ou plusieurs paiements ont été effectués par le débiteur, ce dernier considéraient qu’en l’état des paiements effectués sur un seul des deux engagements bancaires, l’autre engagement bancaire, n’ayant reçu aucun paiement, la prescription était acquise,

En effet, les consorts X faisaient valoir, éléments de preuve à l’appui, que le produit de la vente des appartements avait permis à la société S de verser plus de 7 000 000 euros à la banque.

Ils soutenaient que, par l’effet de ces paiements, la créance au titre de la caution consentie en vertu de l’acte notarié du 27 juin 2007, d’un montant total de 1 200 000 euros, était éteinte.

Les consorts X rappelaient qu’ils s’étaient portés caution d’un premier crédit d’un montant de 1 200 000 euros, consenti le 27 juin 2007 par la banque à la société S et que l’acte prévoyait que le prêt serait remboursé par le produit de la vente des appartements objets de l’opération financée.

Que par ailleurs, par acte du 1er octobre 2010, et alors que le premier crédit n’avait pas été remboursé, la banque avait consenti un nouveau financement d’un montant de 2 730 000 euros à la société S.


Cet acte prévoyait que le produit de la vente des appartements serait affecté au remboursement de ce second financement.

Dès lors, l’acte du 1er octobre 2010, qui modifiait, sans l’accord des consorts X, l’imputation des paiements effectués par le débiteur principal, était inopposable à la caution.

C’est en tout cas ce qu’ils soutenaient.

Pour autant, la Cour d’Appel s’est borné à juger que l’accord du 1er octobre 2010 était opposable à Monsieur et Madame X et qu’en vertu de cet accord, le produit de la vente des appartements avait été imputé en priorité sur le découvert autorisé du compte centralisateur de l’opération de promotion immobilière d’un montant maximal de 2 730 000 euros,

Les consorts X reprochaient à la Cour d’appel de n’avoir pas pris soin de rechercher, comme elle y était invitée, à vérifier si les versements d’un montant supérieur à 7 000 000 euros n’avaient pas en outre permis de rembourser le prêt d’un montant de 1 200 000 euros souscrit dans l’acte notarié du 27 juin 2007, éteignant par là même la créance au titre de la caution consentie par Monsieur et Madame X .

Cependant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.

La Haute juridiction rappelle, au visa de l’article 1253 du Code Civil, applicable en la cause, que le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter.

Dès lors, à bien y comprendre, l’accord d’imputation des paiements conclu le 1er octobre 2010 entre la banque et Monsieur X en sa qualité de gérant de la société S, prévoyait que le produit de la vente des appartements serait imputé sur le compte centralisateur de l’autorisation de découvert en compte courant de l’opération immobilière menée par cette société, et non sur le prêt du 27 juin 2007, s’imposait au tiers.

Ainsi, le choix d’imputation des paiements effectués par le débiteur principal s’impose au tiers qui s’était porté garant, et donc à la caution, que celui-ci en ait été informé ou non.

Dès lors, l’acte du 1er octobre 2010 était opposable à Monsieur Madame X sans avoir à procéder à une recherche qui ne lui était demandée.

Cette jurisprudence est intéressante sur deux points.

Elle rappelle les obligations qui pèsent sur l’huissier significateur, ainsi que celles qui ne pésent pas.

Ainsi, il ne résulte pas de l’article R. 321-3 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, applicable à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, une quelconque obligation pour l’huissier de justice qui signifie cet acte de remettre, au débiteur saisi, une copie du titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie est entreprise.

Mais surtout, cette jurisprudence, rappelle que le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter.

Les conséquences en termes d’extinction de créance et de prescription peuvent être importantes lorsque le débiteur est saisi, sur la base de plusieurs engagements bancaires….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

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