Organisme caution et déchéance du terme, qui paye?

Laurent Latapie avocat procédure de référé
Laurent Latapie avocat procédure de référé

En cas de prêt immobilier octroyé par une banque à un emprunteur, en présence d’un organisme caution, quels sont les moyens de contestation lorsque déchéance du terme faisant l’organisme caution poursuit l’emprunteur malheureux ? En cas de nullité de la déchéance du terme, comment remettre toutes les parties en état ? 

Il convient de s’intéresser à la relation tripartite entre débiteur, établissement bancaires et organisme de caution, et ce, au travers d’une jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris

La Cour d’Appel de Paris a rendu un arrêt en ce mois de septembre 2021 qui vient aborder sous la plume de votre serviteur cette problématique très particulière selon laquelle il appartient au débiteur de ne jamais oublier que s’il est défaillant auprès de l’établissement bancaire et qu’un organisme de caution intervient, il devra dans le cadre d’un procès en responsabilité se défendre contre les deux établissements.

Et si, comme cela est trop fréquent, l’organisme caution assigne l’emprunteur malheureux, il lui appartiendra, non seulement de se défendre contre l’organisme caution, mais en sus, d’attaquer l’établissement bancaire, et ce, dans le même procès, 

Quels sont les faits ? 

Dans cette affaire, selon offre de prêts émise le 22 octobre et acceptée le 3 novembre 2010, la banque avait consenti aux consorts E engagés solidairement

·      Un prêt immobilier PII d’un montant de 254 300 euros remboursable en 276 mensualités

·      Un prêt immobilier à taux zéro, d’un montant de 27 000 euros

L’organisme de caution avait donné son accord de cautionnement, par actes sous seing privé en date du 14 octobre 2010.

Les emprunteurs ayant laissé impayées plusieurs échéances de leurs prêts, l’organisme de caution a été appelée en sa qualité de caution, et a désintéressé la banque des sommes suivantes :

·      Quittance subrogative du 30 mai 2014 pour la somme de 11 537,46 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 254 300 euros

·      Quittance subrogative du 4 juin 2014 pour la somme de 3 047,50 euros correspondant à des échéances impayées du prêt d’un montant initial de 27 000 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015, pour la somme de 250 560,21 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 254 300 euros,

·      Quittance subrogative du 11 décembre 2015 pour la somme de 10 335,09 euros correspondant à des échéances impayées et au capital restant dû du prêt d’un montant initial de 27 000 euros.

L’organisme de caution a informé les débiteurs de ce qu’il était amené à payer les sommes dues en leurs lieu et place, puis leur en a demandé remboursement, vainement.

L’assignation en paiement de l’organisme caution

Par suite, selon acte d’huissier daté du 15 mars 2016, l’organisme de caution a fait assigner Monsieur et Madame E en paiement, devant le Tribunal de Grande Instance.

Le 24 novembre 2016, ces derniers ont appelé la banque en intervention forcée.

L’intervention forcée de la banque 

Un jugement a été rendu le 28 mars 2019 et la banque en interjeté appel.

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient discuter à hauteur de Cour d’Appel, des enchevêtrements procéduraux, de la régularité de la déchéance du terme et des conséquences que cela pouvait avoir dans l’exécution du contrat et des relations tripartites.

Sur la régularité de la déchéance du terme

Monsieur et Madame E faisaient grief à l’organisme de caution qui les avait assignés en paiement, d’avoir désintéressé le prêteur de fonds, la banque, alors que la déchéance du terme avait été irrégulièrement prononcée par cette dernière et que les consorts E entendaient contester la validité de ladite déchéance en se basant justement sur les stipulations contractuelles.

Le tribunal retenant le bienfondé de la contestation quant à la validité de la déchéance du terme, avait constaté que la banque n’avait pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 2 septembre 2015, et l’avait condamnée à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros qui correspondait à la somme à laquelle ceux-ci avaient été condamnés à payer à l’organisme de caution.

En conséquence le tribunal avait ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre le remboursement des échéances postérieures à la dernière échéance impayée.

Il est vrai qu’en demandant la condamnation de la banque à payer une somme égale à celle réclamée par l’organisme de caution, cela permettait de repartir sur la base de l’échéancier du prêt. 

En sauvant par la même le bien immobilier, objet du prêt. 

Il ressortait des éléments du dossier que les conditions contractuelles de déchéance du terme prévues dans l’offre de prêt litigieuse prévoyaient que “le Prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt, en capital, intérêts etaccessoires, sans qu’il soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours”, notamment en cas de défaillance dans le remboursement des échéances du prêt.

En l’espèce, les emprunteurs avaient été défaillants dans l’exécution de leur obligation due au titre des prêts litigieux.

La banque faisait valoir qu’elle leur avait adressé, courant 2013, trois courriers de mise en demeure d’avoir à régulariser les impayés puis un courrier de déchéance du terme en date du 24 septembre 2015.

Pour autant la teneur de ces lettres de 2013, dont deux seulement sont qualifiées en leur entête de “mise en demeure” ne permettaient pas de retenir que ces courriers constituent la mise en demeure préalable contractuellement prévue. 

Une déchéance du terme non valide

La Cour d’Appel considère que la banque se contente de rappeler aux emprunteurs leurs manquements à leur obligation de paiement des échéances des prêts, de les inciter à régulariser leur situation, et d’indiquer qu’à défaut elle serait contrainte de procéder au recouvrement judiciaire de sa créance.

En revanche il n’est nullement fait référence à un possible prononcé de la déchéance du terme comme sanction de la défaillance des emprunteurs. 

D’ailleurs de telles poursuites, si elles avaient été exercées, pouvaient bien évidemment se limiter à une demande de règlement des échéances impayées sans que pour autant il ne soit, pour l’heure, question de déchéance du terme

Au vu des stipulations contractuelles, il était loisible à la banque de se prévaloir ou pas de la déchéance du terme, et rien ne lui imposait en ce cas de le faire dans un délai déterminé.

Monsieur et Madame E répondant dès le 28 avril 2014 aux sollicitations de l’organisme de caution l’ont informée de leurs difficultés financières tenant à un découvert bancaire important et ont proposé de régler le retard de manière échelonnée. 

Suite à une nouvelle relance en date du 30 mai 2014 aux fins de régularisation, sous peine d’inscription au FICP, Madame E précisait dans un courrier électronique daté du 19 juin 2014 quelle avait été la nature de leurs difficultés à savoir un important découvert générant retrait de l’autorisation de découvert, frais multiples, et retards dans l’acquittement d’une dette fiscale ensuite régularisée selon échéancier en cours jusqu’en août 2014 et indiquait que le remboursement des prêts immobiliers avaient été repris “autant que faire se peut” .

Elle ajoutait que pour s’acquitter de la somme due, elle était en mesure de verser 500 euros par mois. 

Cette proposition a été acceptée par l’organisme de caution prenant soin de souligner que les échéances courantes devaient être réglées à la banque à bonne date le plan de paiement remboursement devenant caduc, à défaut.

La lettre du 24 septembre 2015 dûment adressée à l’un et l’autre des co-emprunteurs, porte prononcé de la déchéance du terme et réclamation du reglement de l’intégralité des sommes restant dues de ce fait, au titre de l’un et l’autre prêt, et ne constitue pas une mise en demeure préalable conforme aux stipulations contractuelles qui serait de nature à faire considérer comme régulière la déchéance du terme prononcée dans une second temps, le 23 octobre 2015, laquelle se présente d’ailleurs comme annulant et remplaçant la précédente.

Ainsi et par suite et comme l’a retenu le premier juge, il n’est pas rapporté la preuve de l’envoi par la banque, d’une mise en demeure préalable au prononcé des deux déchéances du terme.

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré en ce qu’il a dit que banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015.

Absence de déchéance du terme, quelle conséquence ? 

Dès lors la question qui se posait était de savoir quelles étaient les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme pour les rapports entre Monsieur et Madame E et l’organisme de caution car c’est cette mécanique qui est au cœur du problème.

Les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme sont d’importance, pour chacune des parties dans cette relation tripartite,

Qu’il s’agisse de l’emprunteur, 

Qu’il s’agisse de l’établissement bancaire ou organisme préteur, 

Qu’il s’agisse de l’organisme caution, 

Cependant la vraie question demeure, 

Comment en tirer les conséquences entre toutes les parties et comment enchevêtrer tout cela ?

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E emprunteurs et l’organisme de caution :

L’organisme de caution qui sollicitait en première instance le remboursement par Monsieur et Madame E, de l’intégralité des sommes qu’elle avait elle-même versées à la banque aux lieu et place des emprunteurs, à hauteur de cour modifie sa demande et ne réclame plus que la condamnation de Monsieur et Madame E à lui payer les sommes versées à la banque au titre des échéances impayées.

Ce faisant, l’organisme de caution admet que lui est opposable l’irrégularité de la déchéance du terme.

L’organisme de caution, justifie également avoir été appelé en paiement en sa qualité de caution, par courrier émanant de la banque daté du 31 octobre 2013, et avoir adressé à Monsieur et Madame E, un courrier recommandé avec demande d’accusé de réception daté du 7 décembre 2015 par lequel il a les a informés de ce qu’il était amené à rembourser en leurs lieu et place l’intégralité du solde de la créance du prêteur, et en a demandé remboursement sous huitaine, à défaut de quoi des poursuites judiciaires seraient engagées sans nouvel avis.

L’organisme de caution indique enfin et surtout : “Il ressort des décomptes de créance produits aux débats que Monsieur et Madame E ont effectué des versements à hauteur de la somme totale de 36 285 euros »

Ces règlements ont permis de solder leur dette à l’égard de l’organisme de caution et lui resteront acquis. 

L’organisme de caution demande à la Cour d’Appel de condamner Monsieur et Madame E à lui payer la somme de 35 107,22 euros et s’engage à restituer le trop-perçu.

La Cour considère que Monsieur et Madame E sont, dans le principe, redevables à l’égard de l’organisme de caution, des sommes dont s’est acquittée la caution au titre des échéances impayées des contrats de prêt. 

De telle sorte qu’il sera donc fait droit à la demande de l’organisme de caution tendant à voir condamner solidairement Monsieur et Madame E au paiement de la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances, l’organisme de caution s’engageant à leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop versée.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre la banque préteur de fonds et l’organisme de caution :

La Cour d’Appel précise qu’en l’absence de déchéance du terme régulièrement acquise, la banque ne pouvait valablement actionner la caution au titre du capital restant dû des deux prêts et des pénalités afférentes à l’exigibilité anticipée.

Il est ainsi constant et l’organisme de caution en justifie, que ce dernier a désintéressé la banque, à ce titre sur la base des quittances subrogatives fournies aux débats

Il y a lieu à répétition de l’indu, et en conséquence de condamner la banque à restituer à l’organisme de caution au titre des deux prêts, le solde du capital restant dû et pénalités, soit les sommes de 234 912,95 euros (232 875,23 euros + 2 037,72 euros) au titre du prêt d’un montant de 254 300 euros, et de 5 460,09 euros (5 250 euros + 210,09 euros) au titre du prêt d’un montant de 27 000 euros.

Sur les conséquences de l’irrégularité de la déchéance du terme, dans les rapports entre Monsieur et Madame E et la banque prêteuse de fonds :

La Cour d’Appel considère que faute de déchéance du terme régulièrement prononcée, seules les échéances impayées, sont dues, la question concernant dorénavant les seuls rapports entre les emprunteurs et la caution qui a été amenée à payer à leur place, tel que cela a été exposé.

Le remboursement du prêt sera repris, point sur lequel le jugement sera donc confirmé tant dans le principe que dans les modalités.

Il est vrai que le jugement de première instance avait ordonné à la banque de permettre aux consorts E de reprendre l’exécution des contrats de prêts donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance échue impayée celle de septembre 2015 ce à compter du présent jugement sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée en septembre 2015 et ledit jugement de manière à remettre dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme.

Quelle solution globale ? 

La Cour d’Appel a donc confirmé le jugement déféré, en ce qu’il a énoncé que la banque n’a pas valablement prononcé la déchéance du terme des prêts par courrier du 24 septembre 2015 ; en ce qu’il a ordonné à la banque de permettre à Monsieur et Madame E de reprendre l’exécution des contrats de prêt, donc le remboursement normal des échéances postérieures à la dernière échéance impayée  ce à compter du présent jugement et sans pouvoir prétendre à des intérêts ou pénalités sur la période écoulée entre septembre 2015 et le présent jugement, de manière à remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant le prononcé irrégulier de la déchéance du terme ;

Et statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne solidairement Monsieur et Madame E à payer à l’organisme de caution la somme de 35 107,22 euros, correspondant au solde restant dû au titre des échéances impayées des prêts, en deniers ou quittances ;

Dit que l’organisme de caution, qui conservera le bénéfice des sommes déjà versées par Monsieur et Madame E devra leur restituer la somme de 1 177,78 euros, en trop perçue ;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a : condamné la banque à payer à Monsieur et Madame E une indemnité de 238 125,23 euros égale à celle qu’ils ont été condamnés à payer à l’organisme de caution

Déboute la banque de ses demandes

Condamne la banque à restituer à l’organisme de caution le montant correspondant au solde du capital restant dû et pénalités au titre des deux prêts, 

Cette jurisprudence met en avant la problématique particulière complexe pouvant exister entre l’action de l’organisme de caution contre le débiteur principal qui n’a plus lien avec la banque en l’état des quittances subrogatives mais qui évoque son recours personnel et non pas subrogatoire de telle sorte que le débiteur n’a pas de moyens de contestation.

Dès lors, il lui appartient d’appeler en cause la banque pour lui opposer un certain nombre de griefs notamment au titre de sa responsabilité ou de la validité de la déchéance du terme.

Il est extrêmement important d’orchestrer les chefs de demandes de manière précise entre le débiteur, l’établissement bancaire et l’organisme de caution.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/sort-de-la-caution-et-extinction-de-la-creance-en-procedure-collective/

Retrait du concours bancaire et liquidation judiciaire, la banque est-elle responsable ?

Laurent Latapie avocat banque
Laurent Latapie avocat banque

L’établissement bancaire engage t’elle sa responsabilité de la même manière à l’encontre de l’entreprise en difficulté tant en cas de soutien abusif, qu’en cas de rupture abusive du concours initialement octroyé ? La caution peut-elle engager la responsabilité de la banque pour ses deux fautes ? Sur quel fondement ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en septembre 2020 et vient aborder la problématique de la responsabilité civile de la banque lorsque celle-ci retire son concours.

 

Et ce, plus particulièrement, lorsque l’entreprise débitrice se retrouve en liquidation judiciaire.

 

La question se pose alors de savoir si la banque engage finalement sa responsabilité au visa des dispositions de l’article L650-1 du Code du commerce, qui sont liées au concours octroyé ou si finalement, le fondement juridique de la responsabilité de la banque est distinct car, finalement il est question de reprocher à la banque d’avoir retiré abusivement son concours ?

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte du 30 mars 2011, les consorts U s’étaient rendus cautions du prêt consenti à la société C par la banque.

 

Par la suite, malheureusement, la société a été mise en redressement, puis après résolution du plan en liquidation judiciaire respectivement les 18 juillet 2013 et 02 juillet 2015.

 

La banque, ne perdant pas de temps, a alors assigné en paiement les cautions.

Ces derniers, reconventionnellement, ont recherchés la responsabilité de la banque pour rupture abusive du crédit.

 

Dans le cadre de cette procédure, les cautions avaient opposé des moyens de défense classiques à l’encontre de la banque et avaient notamment soulevé le caractère disproportionné de leurs engagements de caution.

Ils avaient également soulevé différents manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mises en garde.

 

Le caractère disproportionné

 

Concernant le caractère disproportionné des engagements, la fiche de renseignements avait été étudiée par la banque et ne montrait pas une disproportion manifeste au sens de l’article 341-4 du Code la consommation, devenu désormais L332-1 et L343-4 du même code.

 

Il n’y avait donc pas de caractère disproportionné de l’engagement de caution. Ces derniers étant en mesure d’honorer leur engagement de caution à hauteur de la somme de 94 436 €, somme pour laquelle ces derniers avaient été condamnés.

 

Pour autant, était-il question d’en rester là ?

 

Les cautions maintenaient que la banque était tenue d’un devoir de mises en garde à l’égard des cautions, de telle sorte qu’au ljour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution.

 

En effet, il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, de telle sorte qu’il résulterait de cet engagement, une inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et de la caution.

 

Les cautions n’en restèrent pas là et soutenaient par ailleurs que le seul statut de dirigeant ou d’associés de la société cautionnée était impropre à caractériser la qualité de caution avertie.

 

Le devoir de mise en garde

 

De telle sorte que banque ne pouvait s’exonérer de son devoir de mise en garde.

 

Sur ce deuxième point, les juges au fond ne suivent pas l’argumentation des cautions et considèrent qu’ils doivent être considérées comme des cautions averties, dès lors qu’à la date de leur engagement ils étaient propriétaires à 100 % des parts sociales de la SCI C, débiteur principal.

 

La rupture abusive du crédit

 

Mais surtout, cette jurisprudence est intéressante en ce qu’elle vient aborder la problématique de la rupture abusive du crédit par l’établissement bancaire.

 

En effet, dans le cadre de leur pourvoi, les consorts U faisaient grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Nancy de les avoir déboutés de leur demande reconventionnelle relative à la mise en jeu de la responsabilité de la banque.

 

En effet, ces derniers considéraient que la banque engageait sa responsabilité à l’égard de la caution aussi bien pour l’octroi abusif d’un concours octroyé à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure collective que pour le cas ou le même établissement bancaire a rompu abusivement le concours.

 

Cependant la Cour d’Appel ne cède pas à l’amalgame entre deux champs de responsabilité bien distincts,

 

La Cour d’appel considérait que cette responsabilité de la banque pour un octroi abusif de concours était régie par les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce qui n’ouvre pas droit à réparation en cas de rupture abusive de crédit.

 

En effet, il convient de rappeler qu’en vertu des dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, il appartient à la caution qui entend rechercher la responsabilité de la banque non pas au titre d’une action qui lui est propre en vertu du caractère accessoire de son engagement au titre d’une faute commise par le comportement de l’emprunteur débiteur principal, il appartient à la caution de rapporter la preuve soit d’une fraude soit d’une exécution caractérisée dans la gestion du débiteur soit que les garanties prises en contrepartie des concours soient disproportionnés.

 

La question qui se posait était de savoir si oui ou non, la responsabilité de la banque devait être assujettie aux dispositions de l’article L650-1 du code du commerce, alors qu’il n’était pas question d’octroi de crédit, ni de soutien abusif, mais bel et bien de rupture abusive de crédit.

 

Pour autant, il est vrai que de prime abord tout semble lié.

 

En effet, dans un premier temps, les consorts U reprochaient à la banque d’avoir complaisamment donné son concours financier à la société C sans aucune vérification.

 

Puis, dans un deuxième temps, d’avoir brutalement révoqué ce concours en décidant de ramener l’autorisation de découvert bancaire qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €.

 

Acculant le débiteur principal à l’impayé, et exposant d’autant les cautions.

 

Dès lors, les cautions considéraient que la banque devait aussi voir sa responsabilité engagée pour avoir brutalement rompu le concours consenti à la société C.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation est sensible à cette problématique.

 

Tout dépend, cependant, du fondement juridique évoqué à cette fin.

 

En effet, s’il est vrai que la Cour d’appel a été sensible au fait qu’après avoir complaisamment donné son concours financier à la société, la banque avait, par la suite, brutalement révoqué son concours en décidant de ramener son autorisation de découvert qu’elle avait accordé à sa cliente de 50 000 € à 30 000 €,

 

Si faute il y avait, il n’en demeurait pas moins que le fondement juridique n’était plus le même.

 

En effet, à juste titre, la Cour rappelle que les dispositions de l’article L650-1 du code du commerce ne concernent que la responsabilité du créancier lorsqu’elle est recherchée du fait du concours qu’elle a consenti.

 

Sur la base de ce texte, seul l’octroi estimé est fautif de ceux-ci et non leur retrait peut donner lieu à l’application de ce texte.

 

Pour autant, l’établissement bancaire ne serait pas responsable en cas de rupture abusive de crédit ?

 

Bien sûr que si.

 

En effet, la Cour de cassation casse et annule puis renvoie les parties devant la même Cour d’appel autrement composée, en précisant que l’article L650-1 du code du commerce est réservé à l’établissement bancaire qui a commis une faute en octroyant un crédit.

 

Mais, dans le cas contraire, en cas justement de rupture abusive de crédit, si l’article L650-1 du Code du commerce ne trouverait à s’appliquer, il n’en demeure pas moins que le droit commun de la responsabilité a vocation à s’appliquer en cas de rupture abusive du crédit.

 

Cela est heureux.

 

En effet, cette jurisprudence est salutaire.

 

La Cour de cassation souligne que la rupture abusive du crédit ne peut être protégée par les critères extrêmement fermés de l’article L650-1 du code du commerce qui demeurent des dispositions dérogatoires et protectrices de l’établissement bancaire.

 

Par voie de conséquence, tant le débiteur principal, que la caution peuvent donc se retourner contre la banque en cas de rupture abusive de crédit.

 

Et venir ainsi sanctionner une pratique malheureusement trop courante lorsque notamment les découverts bancaires sont réduits à néant sans autre forme de procès, par l’établissement bancaire, quasi du jour au lendemain, sans aucune raison valable par ailleurs.

 

Il importe à ce moment-là au chef d’entreprise qui se trouve en difficulté, d’imaginer engager la responsabilité de la banque dès le début de la procédure collective sans avoir besoin d’attendre le prononcé de la liquidation judiciaire, véritable épée de Damoclès, exposant tant le débiteur principal que sa caution.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Opposabilité de la cession de créance au débiteur par le créancier poursuivant

Laurent LATAPIE avocat droit international
Laurent LATAPIE avocat droit international

Qu’en est-il de l’opposabilité de la cession de créance au débiteur par le créancier poursuivant lorsque le débiteur n’a pas été informé de l’existence de l’acte notarié portant endossement ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de l’opposabilité de la cession de créance au débiteur notamment lorsque celui-ci n’est pas été informé de l’existence de l’acte notarié portant endossement au profit du créancier poursuivant.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, la banque avait, par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2015, cédé à la société V la créance qu’elle détenait sur la SCI VI au titre de deux prêts qu’elle lui avait consenti par des actes notariés des 25 avril 2005 et 22 avril 2006.

Le 8 janvier 2016, deux actes d’endossement de la copie exécutoire des actes notariés de prêt avaient été reçus par notaire.

Le 4 avril 2017, la société avait fait pratiquer entre les mains des locataires de la SCI des saisies-attributions à exécution successive, dont la SCI a sollicité la mainlevée devant un juge de l’exécution, en soutenant notamment que les actes d’endossement ne lui étaient pas opposables

L’opposabilité des actes d’endossement

Dans le cadre de son pourvoi, la SCI faisait grief à l’arrêt de la débouter de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de nullité de la saisie de créances à exécution successive pratiquée par la société,

Selon la SCI « l’endossement de la copie exécutoire à ordre d’un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au notaire qui a reçu l’acte ayant constaté la créance et au débiteur »,

L’absence de l’une de ces notifications entraîne son inopposabilité aux tiers

La SCI reprochait à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché, comme elle y avait été invitée, à vérifier si le notaire signataire de l’acte d’endossement l’avait notifié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la SCI,

Or, la SCI considérait que l’absence d’accomplissement de cette formalité ne pouvait être suppléée par la mention de l’endossement sur le commandement de payer délivré au débiteur.

La notification indispensable de l’acte d’endossement

La Cour de Cassation rappelle que l’endossement de la copie exécutoire à ordre d’un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, et ce, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au débiteur,

L’absence de cette notification entraîne son inopposabilité aux tiers, et donc, au débiteur.

Pour opposer à la SCI la copie exécutoire à ordre portant endossement au profit de la société et rejeter la demande de la SCI de mainlevée des saisies-attributions pratiquées par cette société à son encontre, la Cour d’Appel avait retenu que, conformément au dernier alinéa de l’article 6 susvisé, la SCI avait été informée de la cession de créance par acte du 29 juin 2015 et qu’un commandement aux fins de saisie-vente du 16 février 2016 mentionnait expressément l’endossement du 8 janvier 2016.

Pour autant, la Haute juridiction ne s’y trompe pas,

La Cour de cassation sanctionne la Cour d’Appel qui n’a pas constaté que l’acte d’endossement avait été notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception par le notaire à la SCI,

En effet, l’information donnée à celle-ci de la cession de créance, avant l’endossement des actes notariés, ou la mention de ces endossements dans un autre acte, ne dispensait pas le créancier poursuivant, qui se prévalait de ces actes notariés endossés pour établir sa qualité de créancière de la SCI, de justifier de cette notification,

Dès lors à défaut de notification par le notaire, l’inopposabilité aux tiers permet au débiteur saisi de contester la cession de créance.

Cela a pour effet de permettre d’obtenir la mainlevée des saisies attributions qui ont été faites.

Pour conclure, il importe de rappeler que les moyens juridiques de défense et d’attaque liés à une cession de créance sont nombreux,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Pouvoirs du juge de l’exécution et disproportion de la caution

Une caution, frappée d’une mesure de saisie conservatoire de son créancier, peut-il opposer le caractère manifestement disproportionné de l’engagement de cautionnement devant le juge de l’exécution ? Le juge de l’exécution est-il compétent ? Comment la caution peut contester les mesures d’éxécution de son créancier ? Que dois t’elle opposer? 

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de cassation en ce mois de janvier 2021 qui vient aborder à la fois la notion de disproportion de l’engagement de cautionnement et vient également le pouvoir du Juge de l’Exécution lorsqu’un créancier prend une mesure conservatoire et que la caution la conteste.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, Madame D s’était portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 euros en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d’un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI T dont elle était co-gérante.

En raison de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du terme avait été prononcée le 24 décembre 2015 et qu’après-vente par adjudication de l’immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s’élevait à 201.315,39 euros en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017.

La banque avait initié à la fois une saisie conservatoire sur les comptes de Madame D et t engagé une action afin de réclamer le paiement du solde.

Madame D avait saisi le Juge de l’Exécution pour réclamer la main levée de la saisie conservatoire en soutenant que la créance était manifestement disproportionnée

La Cour d’Appel avait considéré que « s’agissant du principe de créance,  il est acquis que l’appelante s’est portée caution personnelle et solidaire pour un montant de 850.042,05 euros en principal, intérêts et pénalités de retard pour une durée de 330 mois, d’un prêt immobilier consenti le 28 avril 2008 par la banque à la SCI T; qu’il est aussi établi qu’en raison de la défaillance de l’emprunteur, la déchéance du terme a été prononcée le 24 décembre 2015 et qu’après-vente par adjudication de l’immeuble de la SCI, le solde de la créance bancaire s’élève à 201.315,39 euros en capital, intérêts et frais arrêtés au 25 août 2017

Le principe de la créance n’est donc pas contestable, étant observé qu’il n’est pas de la compétence du Juge de l’Exécution, saisi d’une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l’article L 511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, d’apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de caution invoqué par l’appelante, cette question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond »

Qui est le juge de la disproportion de la caution ?

Madame D soutenait qu’une mesure conservatoire ne peut être ordonnée par le Juge de l’Exécution que si, notamment, la créance de l’auteur de la demande est apparemment fondée en son principe,

Dans pareil cas, il appartient au Juge de l’Exécution, qui autorise la mesure conservatoire, de se prononcer sur les contestations relatives à sa mise en œuvre, même si elles portent sur le fond du droit, dès lors que l’appréciation de l’apparence de la créance litigieuse, fondée en son principe, en dépend.

Madame D reprochait à la Cour d’Appel d’avoir considéré que la créance alléguée par la banque paraissait fondée en son principe et d’avoir également décidée qu’il ne relevait pas de la compétence du Juge de l’Exécution d’apprécier le caractère disproportionné d’un tel engagement, une telle question ne pouvant être tranchée que par le juge du fond.

Or, Madame D considérait que le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,

De sorte que le Juge de l’Exécution devait se prononcer sur le caractère disproportionné de l’engagement souscrit par Madame D.au profit de la banque, qui était de nature à exclure l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe,

A hauteur de Cour, il appartenait à la Cour d’Appel de procéder aux vérifications d’usage au visa des articles L.341-4 ancien du Code de la Consommation, L. 213-6 du Code de l’Organisation Judiciaire et L. 511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

Fort heureusement, la Cour de cassation adhère à cette approche.

La Cour de Cassation rappelle que le Juge de l’Exécution connaît des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, et que, dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.

Ceci rappelé, il s’ensuit que toute personne justifiant d’une créance paraissant fondée dans son principe et de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement peut solliciter l’autorisation du juge de l’exécution de pratiquer une saisie conservatoire.

Pour autant, la Cour de cassation précise qu’il est de la compétence du Juge de l’Exécution, saisi d’une demande de saisie conservatoire sur le fondement de l’article L.511-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, d’apprécier le caractère disproportionné de l’engagement de caution invoqué par la débitrice,

Cela est salutaire,

Les pouvoirs du juge de l’exécution

Ainsi, il incombe désormais au juge de l’exécution, qui, en matière de saisie conservatoire, doit rechercher si la créance, dont le recouvrement est poursuivi, paraît fondée en son principe, d’examiner la contestation relative au caractère disproportionné d’un engagement de caution, qui était de nature à remettre en question l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe

Il est tout aussi heureux et logique que le juge de l’exécution ait ses mêmes pouvoirs dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

Cela signifie surtout qu’il appartient à la caution poursuivie de ne pas omettre de contester l’ensemble des moyens de contestations qui lui sont propres et ce, même devant le Juge de l’exécution.

Ces moyens de défense, propres à la caution, peuvent, et doivent, désormais etre soulevés devant le juge de l’exécution, et ce, en sus des moyens classiques de contestation des mesures d’exécution,

A bon entendeur,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Créance prescrite, entre surendettement et saisie immobilière

Laurent LATAPIE avocat famille 2021
Laurent LATAPIE avocat famille 2021

9 ans après la déchéance du terme, un établissement bancaire peut-il engager une procédure de saisie immobilière ? Le créancier ne serait-il pas prescrit ? Quelles sont les incidences des deux procédures de surendettement initiées par le débiteur dans ce laps de temps ?

Article :

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en juin dernier qui vient aborder la problématique de l’enchevêtrement d’une procédure de saisie immobilière avec une procédure de surendettement afin de savoir s’il est possible d’évoquer la prescription de la créance nonobstant les actes liés à la procédure de surendettement et au plan qui a été octroyé en son temps.

Quels sont les faits ?

Dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière entreprise par la banque à l’encontre des époux L concernant un bien situé dans le Var, le Juge de l’Exécution de l’Immobilier avait, le 22 novembre 2019 :

  • validé la procédure,
  • constaté une créance de 227 315,97 euros selon décompte arrêté au 15 décembre 2017
  • ordonné la vente forcée des biens.

Le titre exécutoire invoqué était un acte authentique de prêt établi le 18 novembre 2005, pour un montant emprunté de 205 644 euros.

Les consorts L entendaient soutenir la prescription de la procédure de saisie immobilière alors même qu’ils avaient fait l’objet de deux procédures de surendettement.

Prescription de la créance

La question était de savoir si l’enchevêtrement des actes permettait d’envisager une prescription.

En effet la déchéance du terme était intervenue le 19 février 2009 sur la base d’un acte notarié du 18 novembre 2005 et l’on ne pouvait que légitimement s’interroger sur la prescription de la procédure de saisie immobilière initiée sur la base d’un commandement de payer, signifié le 16 février 2018 soit 9 ans plus tard.

Les consorts L considéraient que la banque était prescrite en ses demandes sur le fondement de l’article L 137-2, du Code de la Consommation qui précise que « L’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »

La créance de la banque au titre de l’acte notarié du 18 novembre 2005 avait été fixée au passif des époux L à hauteur de 193 196,46 euros au principal avec intérêts au taux contractuel à compter du 19 février 2009 et de 13 523,75 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la même date, par jugement contradictoire du 5 octobre 2010 rendu après citation délivrée le 2 avril 2010.

Qu’en est-il de la procédure de surendettement ?

Il résultait des documents versés aux débats que les époux L avaient déposé un dossier de surendettement le 24 juillet 2009 lequel a été déclaré recevable le 26 août 2009 et avait abouti à des recommandations, comprenant un rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois afin de permettre aux époux L de vendre leur bien immobilier, aujourd’hui saisi, estimé à 360 000 euros établies par la commission le 10 décembre 2011 et auxquelles le Juge d’instance avait conféré force exécutoire par ordonnance du 9 mai 2012.

Surendettement sur surendettement ne vaut ?

Par la suite, les époux L avaient de nouveau déposé un dossier de surendettement le 9 mai 2014, alors qu’ils venaient juste d’être destinataires d’une mise en demeure de la banque en date du 28 avril 2014.

Or, la commission de surendettement avait déclaré irrecevable ce nouveau dépôt de dossier de surendettement, irrecevabilité confirmée, malgré leur recours exercé le 30 juin 2014, par jugement du Juge d’instance en date du 17 décembre 2015, date à laquelle la prescription biennale avait recommencé à courir.

Par la suite, le créancier justifiait de la délivrance aux époux débiteurs d’un commandement aux fins de saisie-vente en date du 11 août 2016, et ce, bien avant la délivrance du commandement valant saisie immobilière délivré le 16 février 2018.

C’est dans ces circonstances que le Juge de l’Exécution avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de considérer que la prescription est acquise et les époux avaient été déboutés de leurs demandes à ce titre.

 

A hauteur de Cour d’Appel, les consorts L avaient souhaité apporter des précisions complémentaires

 

Sur appel de cette décision, la Cour dans un arrêt en date du 22 octobre 2020 avait d’ailleurs ordonné une réouverture des débats et invité les parties à :

 

  • -s’expliquer sur le contexte dans lequel a été rendu un jugement le 5 octobre 2010 par le Tribunal d’Instance et à communiquer l’acte d’assignation, afin de vérifier s’il constitue un titre exécutoire en justifiant également de sa signification

 

  • -présenter leurs observations sur l’éventuelle modification du délai de prescription qui serait alors s’agissant d’un jugement de condamnation et donc d’un titre exécutoire, non plus biennale mais décennale

 

  • -à toutes fins dans le cadre de surendettement justifier d’un accusé de réception pour la lettre de caducité en date du 28 avril 2014

 

Il importe de préciser à ce stade que Monsieur L avait rencontré de graves problématiques de santé et pris du retard dans la défense de ses intérêts.

 

Problème de santé et validité de la procédure d’appel

 

L’ordonnance de clôture avait été rendue le 9 mars 2021 et ce n’est que postérieurement que les appelants avaient déposé de nouvelles conclusions, le 23 mars 2021.

 

Par requête, les époux L avaient sollicité le rabat de l’ordonnance de clôture, indiquant n’avoir pu se mettre en état en vue de l’audience, l’époux n’étant pas en capacité de s’occuper de ses affaires courantes, selon certificat de son médecin traitant en date du 16 février 2021.

 

Pour autant la Cour d’Appel a considéré que les termes du certificat médical étant imprécis sur la durée de l’incapacité, étant souligné que cette pièce est datée du 16 février 2021, soit plus d’un mois avant la date d’audience, que madame L, devrait être en mesure avec son conseil, même en cas de difficultés de santé de son époux, d’assurer le suivi de la procédure alors qu’il n’est pas évoqué une altération durable des capacités mentales de Monsieur L et de démarches entreprises en vue d’une mesure de protection.

 

Cette approche est particulièrement spécieuse et la Cour d’Appel aurait pu permettre à Monsieur L de faire valoir ses droits.

 

Caducité du plan de surendettement

 

La Cour d’appel souligne que certains éléments étaient insuffisamment exposés devant elle, en particulier, l’existence d’un jugement du 5 octobre 2010 prononcé par le Tribunal d’Instance non produit et explicité, et la nécessité de vérifier la caducité d’un plan de surendettement dont bénéficiaient les débiteurs, qui aurait alors interdit l’exercice des poursuites.

 

Cependant, à bien y regarder, le Tribunal d’Instance, par jugement en date du 5 octobre 2010 signifié le 29 octobre 2010, avait été saisi le 2 avril 2010, par la banque en paiement d’une ouverture de crédit du 13 avril 2007 et d’un prêt personnel en date du 6 ou 13 mars 2006 non remboursés. Monsieur L s’était présenté seul à l’audience pour lui-même et son épouse qu’il représentait.

 

En raison d’une procédure de surendettement, l’établissement financier avait alors sollicité uniquement la fixation de ses créances.

 

Ce qui semble logique.

 

Le Tribunal avait également statué sur un prêt immobilier, contracté le 18 novembre 2005, d’un montant initial de 205 644 euros remboursable sur 216 mois, au taux de 3.85 % l’an.

 

Ce prêt correspondant manifestement au prêt notarié basant actuellement la saisie immobilière poursuivie à l’encontre de Monsieur et Madame L

 

Au titre du prêt immobilier, le Tribunal avait fixé au passif du surendettement, le montant de 193 196.46 euros avec intérêt contractuel de 3.85 % l’an à compter du 19 février 2009 jusqu’à parfait paiement et 13 523.75 euros au titre de la clause pénale due, portant intérêt au taux légal à compter du 19 février 2009 également.

 

Les éléments du surendettement, ressortent désormais d’une ordonnance du même Tribunal, en date du 9 mai 2012, qui homologue la recommandation de la commission de surendettement des particuliers du Var, laquelle préconise un rééchelonnement sur 2 ans, afin de permettre la vente de l’immeuble estimé à 360 000 euros sans prévoir de remboursement dans l’attente afin que le prix permette de désintéresser les créanciers, le passif étant estimé à 268 905,00 euros.

 

La banque a tenté de substituer le titre exécutoire en cours de procédure et la Cour d’Appel souligne que la banque, jusqu’à la réouverture des débats devant la Cour d’Appel  ne s’est pas prévalu du jugement rendu le 5 octobre 2010 et qu’elle a fait le choix, dans le commandement de payer valant saisie immobilière de ne viser que le prêt notarié du 18 novembre 2005 sans doute parce qu’il ne porte pas expressément condamnation au paiement et également pour les conditions dans lesquelles il a été prononcé par le Tribunal d’Instance.

 

La Cour d’Appel rappelle que la procédure de saisie immobilière ne lui permet pas de substituer un titre à un autre en cours d’instance.

 

Ce qui est heureux.

 

Cependant, dans le cas des consorts L, force est de constater que l’imbrication et l’enchevêtrement des différentes procédures de surendettement n’ont pas permis d’acquérir la prescription de la créance bancaire, au titre du prêt immobilier.

 

Au contraire, ces procédures de surendettement ont été autant de prétextes à l’interruption de la prescription, permettant, in fine, à la banque, même plus de 9 ans après la déchéance du terme, d’envisager, et d’obtenir, la saisie immobilière de son débiteur.

 

L’enchevêtrement entre procédure de surendettement et procédure de saisie immobilière permettent dans certain cas de soulever la prescription de la créance bancaire.

 

Mais pas dans n’importe quelle condition.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

TEG erroné, entre prescription et déchéance totale ou partielle des intérêts du prêt

Laurent Latapie Avocat urbanisme et construction
Laurent Latapie Avocat urbanisme et construction

En cas de TEG erroné au sein d’un acte de prêt immobilier, quels sont les délais de prescription pour poursuivre l’établissement bancaire ? Et dans l’hypothèse où l’action ne serait pas prescrite, quelle est la sanction désormais prévue ? Sommes-nous en présence d’une possibilité d’annulation de la clause de stipulation des intérêts ou d’une déchéance totale ou partielle soumise à l’appréciation du juge ?

article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue en décembre 2020 qui vient aborder le sort du droit aux intérêts contractuels lorsque le TEG est erroné.

Pourtant, le sujet a déjà été très largement abordé.

Des portes se sont ouvertes grâce à la jurisprudence de la Cour de cassation il y maintenant plus de vingt ans de cela.

Au grand dam des banques qui ont tout fait pour l’empêcher,

Puis la jurisprudence a été par la suite de plus en plus sévère à l’encontre des emprunteurs,

Ainsi, cette jurisprudence est intéressante à double titre.

En premier lieu, elle vient rappeler les enjeux en matière de prescription pour pouvoir contester la validité du TEG et le calcul des intérêts du prêt.

En deuxième lieu, elle détermine la sanction désormais claire et incontestable en la matière.

Quels sont les faits ?

Suivant offre acceptée en date du 17 mars 2008, la banque avait consenti à Monsieur U un prêt destiné à l’acquisition d’un bien immobilier.

 

Soutenant que des erreurs affectaient le taux effectif global (TEG) du prêt, l’emprunteur a, par acte du 14 octobre 2013, assigné la banque en annulation de la stipulation de l’intérêt conventionnel, substitution de l’intérêt légal, et, subsidiairement, en déchéance de son droit aux intérêts.

 

La banque a alors opposé à l’emprunteur plusieurs arguments, notamment que la sanction de telles erreurs était la déchéance du droit aux intérêts, et non pas l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, mais que par ailleurs, et surtout, l’action était prescrite.

 

Dès lors, qu’en est-il des délais de prescription ?

En cas de TEG erroné, et dans l’hypothèse où l’action ne serait pas prescrite, quelle est la sanction désormais prévue ?

En effet, sommes-nous en présence d’une possibilité d’annulation de la clause de stipulation des intérêts ou d’une déchéance totale ou partielle soumise à l’appréciation du juge ?

Dans le cadre de cette procédure, Monsieur U soutenait que le délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant, dans l’offre de crédit immobilier, le taux effectif global et qu’il n’avait pas la possibilité de déceler des erreurs sur ce dernier, au jour de la conclusion du contrat.

Il est bien évident que Monsieur U, en sa qualité d’emprunteur profane, n’était pas en mesure de déceler l’irrégularité tenant à l’omission des frais de notaire, et ce, à la seule lecture de l’offre de prêt, laquelle ne lui permettait pas de s’interroger sur les frais de nature à être intégrés, ou non, dans le coût du crédit.

Bien plus encore Monsieur U soutenait que les irrégularités tenant à l’omission des frais de souscription des parts sociales et des frais de domiciliation bancaire et au recours à l’année lombarde dans le calcul du TEG ne pouvaient être simplement appréhendé par sa complexité.

En défense, la banque considérait que dès l’acceptation de l’offre, le 17 mars 2008, Monsieur U était à même de déceler plusieurs des erreurs dont il entend se prévaloir et qui pouvaient fonder son action » et que l’emprunteur « ne pouvait invoquer la découverte de prétendues nouvelles irrégularités issues de travaux de tiers, auquel il a eu recours, pour voir retarder le point de départ de la prescription, sous peine de faire dépendre le délai de prescription de sa seule volonté »,

Cette approche est spécieuse car il est bien évident que l’emprunteur profane n’est pas en mesure d’appréhender les modalités qui composent le TEG et de déceler les irrégularités qui s’en suivraient.

Lorsque la banque est interrogée sur la validité du TEG et de ses modalités de calcul, elle se terre dans un silence sans faille et n’apporte aucune réponse.

Le recours à un analyste actuariel peut sembler alors de bon aloi et ne peut être que vivement conseillé.

Dans l’hypothèse où l’emprunteur vient remettre en question le TEG, la charge de la preuve lui incombe.

Pour autant, la Cour de cassation retient l’argumentation de la banque.

La Solution entre prescription et déchéance

La Cour de cassation considère que la seule lecture de l’offre du prêt litigieux révèle que les frais de notaire n’étaient pas chiffrés.

L’emprunteur pouvait ainsi, sans qu’il soit besoin de compétences particulières, se convaincre de l’absence de prise en compte de ces frais pour le calcul du TEG et de l’erreur invoquée de ce chef,

Ceci d’autant, qu’au vu de l’offre mentionnant tant le taux de période que le TEG annuel et une périodicité mensuelle, le calcul tendant à démontrer le défaut de proportionnalité du TEG par rapport au taux de période est une opération dépourvue de complexité à laquelle l’emprunteur pouvait lui-même procéder.

Elle ajoute que le rapport produit par l’emprunteur tendant à démontrer que l’offre de prêt est irrégulière a été établi à la seule lecture de celle-ci, sans autre document, ni procéder au moindre calcul.

A bien y comprendre, l’emprunteur, même profane, serait à même de déceler seuls que différents postes n’avaient pas été pris en compte dans le calcul du TEG, et les éventuelles erreurs affectant celui-ci.

De telle sorte que la Cour d’Appel avait raison d’estimer que l’acceptation de l’offre par les emprunteurs constituait le point de départ du délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts et en a exactement déduit que la prescription était acquise.

Dès lors toutes les portes se ferment pour obtenir un allongement des délais de prescription.

La réponse de la Cour de Cassation est extrêmement claire sur ce point.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Cumul entre action en responsabilité contre la banque et suspension judiciaire des échéances

Laurent Latapie avocat procédure de référé
Laurent Latapie avocat procédure de référé

En cas de difficultés financières conjoncturelles ou structurelles, un emprunteur peut-il solliciter une suspension judiciaire des échéances ET engager la responsabilité de la banque au titre des obligations de conseil et de mise en garde ? Comment imbriquer intelligemment deux procédures aux philosophies et prescriptions distinctes ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à l’enchevêtrement particulier pouvant exister entre une procédure devant l’ancien Tribunal d’instance, désormais juridiction de proximité, aux fins d’obtenir la suspension judiciaire des échéances et de l’autre, la classique action en responsabilité que le débiteur peut opposer à la banque alors même que ce dernier soulève par ailleurs la prescription de la créance bancaire, voire même lorsque l’emprunteur conteste la validité de la déchéance du terme.

 

L’enchevêtrement procédural n’est pas toujours heureux entre les différentes demandes que l’emprunteur en difficulté peut faire et les prétentions de la banque, qui ne manque pas de tout faire pour poursuivre en paiement.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, suivant offre acceptée le 11 mai 2006, la banque avait consenti à Madame X un prêt immobilier de 145 000 € réaménagé par avenant en 2008.

 

 Dans la même foulée, en décembre 2008, la banque avait également consenti à l’emprunteur un prêt relais d’un montant de 200 000 €.

 

Cependant en l’état de différents impayés, Madame X qui était prévenante et prudente, a décidé d’engager une action aux fins de suspension judiciaire des échéances du prêt et a obtenu une Ordonnance de référé le 22 avril signifiée le 06 mai 2010.

 

Ladite Ordonnance du président du Tribunal d’instance, ordonnait la suspension judiciaire des échéances du prêt pour une durée de 24 mois à compter de la signification de la décision rendue et reportait le remboursement du prêt relais au 1eroctobre.

 

Pour autant, et par la suite, la banque a fait le choix d’assigner l’emprunteur en paiement, et ce, suivant assignation délivrée le 03 janvier 2014 suivant.

 

La prescription, premier moyen de défense du débiteur

 

En défense, le débiteur envisage de solliciter la prescription de l’action du créancier, et oppose la prescription biennale en prenant comme point de départ le prononcé de la décision du Tribunal d’instance ordonnant justement la suspension judiciaire des échéances du prêt.

 

La première des argumentations soulevées par le débiteur était alors d’imaginer opposer la prescription biennale puisque depuis l’Ordonnance il ne s’était rien passé.

 

Or, il ressort des circonstances de la cause que le débiteur avait adressé les courriers du 26 janvier 2011 et du 28 février 2012, dans lequel l’emprunteur s’était rapproché de l’établissement bancaire afin de trouver une solution amiable, comportement qui pouvait être interprété comme interruptif de prescription.

 

En effet, ces deux correspondances peuvent avoir un effet interruptif de prescription en ce que ces derniers caractérisaient la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier, cette reconnaissance suspendant la prescription de la créance.

 

Pour autant, le débiteur considérait que la procédure de suspension judiciaire des échéances ne faisait que suspendre les échéances mais ne suspendait en rien les délais de prescription,

 

De telle sorte que les seules correspondances du 26 janvier 2011 et du 28 février 2012 ne suffisaient pas à interrompre la prescription, car par la suite, et dans le cadre de la procédure de suspension judiciaire des échéances, faute de demande de la banque, celle-ci était prescrite, qu’importe la procédure.

 

La débitrice combattait les prétentions de la banque.

 

Elle considérait même que les pourparlers transactionnels ne peuvent être constitutifs d’une reconnaissance de dette interruptive des délais de prescriptions, de telle sorte que celle-ci était acquise.

 

Par ailleurs, la seule existence de correspondances ne saurait suffire.  

 

Il appartenait quand même au juge de s’assurer de l’absence totale d’équivoque et de vérifier la véracité de l’aveu clair et non équivoque de l’existence même de la créance de la banque.

 

A bien y comprendre, une simple demande de négociation ne saurait suffire.

 

Quelle interruption à la prescription ?

 

La Cour de cassation ne partage malheureusement pas cette analyse et considère que la décision du Juge des référés ayant ordonné à la suspension du prêt amortissable pendant 24 mois à compter de la signification de l’Ordonnance et reporté par la même le remboursement du prêt relais au 1er octobre 2010 avait un effet interruptif à la date de signification de l’Ordonnance intervenue dès lors le 06 mai 2010.

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que par la lettre du 26 janvier 2011, l’emprunteur a manifesté sa volonté d’aboutir à une résolution amiable de réaménagement de la créance avec effet au mois de juillet 2012 et qu’il a par ailleurs réitéré cette volonté par un courrier électronique du 28 février 2012 dans lequel il exprimait son interrogation sur l’intégration du prêt amortissable dans l’acte d’accord.

 

La reconnaissance expresse de la créance

 

Dès lors, la Cour de cassation considère que l’emprunteur a, dans ses actes, reconnu clairement et sans équivoque la créance de la banque de telle sorte que la Cour d’appel n’a pu qu’en déduire que lesdits actes étaient bels et bien interruptifs de prescription de sorte que l’action de la banque était encore recevable.

 

Dès lors, finalement ce n’est pas tant l’idée même d’une déchéance de la suspension judiciaire des échéances du prêt qui mettent en difficulté Madame X mais bel et bien les courriers qu’elle a fait par la suite afin de trouver une solution amiable.

 

De telle sorte qu’à bien y réfléchir, il n’est pas toujours bien-fondé d’adresser quelques correspondances que ce soit à l’établissement bancaire, qui quant à elle se garde bien d’écrire quoi que ce soit.

 

Pour autant, cela n’avait pas empêché Madame X d’engager une action en responsabilité contre la banque au titre des manquements de la banque à ses obligations de conseil et de mise en garde.

 

Or, dans le cadre de cette action en responsabilité, c’est au tour de la banque de soulever la prescription de l’action.

 

Cela peut sembler paradoxal.

 

D’un coté la banque demeure toujours recevable pour poursuivre son débiteur,

 

D’un autre coté, le débiteur serait prescrit à engager la responsabilité de la banque,

 

Les mêmes actes et éléments de procédure profitant à l’un (la banque), et pas à l’autre (le débiteur poursuivi),

 

Sic,

 

Or, la prescription n’est pas à sens unique,

 

Il appartient au débiteur d’y être extrêmement attentif lors de l’établissement de sa défense juridique er judiciaire tout comme dans ses choix d’attaque contre le créancier. `


Car, comme à chacun sait, la meilleure défense……

 

La prescription, entre attaque et défense

 

Pour autant, dans cette affaire, la Cour de cassation considère que la débitrice, Madame X, est prescrite dans son action en responsabilité contre la banque.

 

Les Juges du fonds reprochaient au débiteur d’avoir formalisé ce moyen tiré de la responsabilité de la banque pour manquement à ses devoirs d’informations et de mise en garde, lesquels  ne tendaient qu’au rejet de la demande en paiement formulé contre le débiteur, et ce, passé le sacro saint délai de prescription de la responsabilité contractuelle de de cinq ans qui a comme point de départ à compter de l’octroi du prêt

 

Dans ce sens là, immanquablement, la prescription était acquise.

 

Madame X tentait de considérer que cette demande était un moyen de défense au fond sur laquelle la prescription est sans incidence dans la mesure ou sa demande est une demande reconventionnelle celle-ci ne pouvait être assujettie à quelque forme de prescription que ce soit.

 

A bien y comprendre, la prescription ne s’appliquerait pas aux exceptions opposées à la demande principale, lorsqu’il revient au Juge du fond de restituer au moyen tiré de la responsabilité de la banque sa qualification de défense au fond.

 

Cependant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.

 

En effet, la Cour de cassation considère que la demande relative à la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde formée en réponse à l’action en paiement engagée par celle-ci, constitue une demande reconventionnelle aux fins d’allocation d’une indemnité pour perte de chance dont la prescription court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s’est révélé à la victime.

 

De telle sorte que, lorsque Madame a soulevé la responsabilité de la banque pour manquement de ces devoirs d’information, de conseil et de mise en garde par ses seules et simples premières conclusions du 26 mai 2015, celle-ci était déjà atteint de prescription.

 

Telle est la sentence de la Haute juridiction.

 

Prescription sur prescription ne vaut

 

Plusieurs remarques s’imposent à ce stade.

 

Premièrement, force est de constater qu’effectivement les conclusions consacrant la responsabilité de la banque au titre des sacro-saints manquements aux obligations de conseils et de mise en garde aurait dû être formalisées bien avant.

 

Ceci d’autant plus que les procédures judiciaires existaient depuis un certain temps.

 

Plusieurs conclusions s’imposent.

 

En effet, force est de constater que le contentieux contre la banque nécessite une ingénierie et une anticipation évidente des arguments juridiques tout comme du choix judiciaire.

 

En effet, si l’emprunteur, devenu débiteur, considère être en difficulté par rapport à l’établissement bancaire et ne pouvant faire face à ses obligations, il doit impérativement anticiper la situation, lancer les hostilités, et engager une action en fin de suspension judiciaire des échéances.


Cependant, rien ne l’empêche, à ce stade, en plus de cela, d’imaginer également engager une action en responsabilité contre la banque lui permettant notamment de contester la réalité de la déchéance du terme si celle-ci se présentait,

 

Cette approche a tout son sens.

 

Car, non seulement le débiteur fonde sa demande de suspension judiciaire des échéances sur des difficultés financières qu’il vient de rencontrer de manière conjoncturelle,

 

Tout en imaginant engager la responsabilité de la banque au titre de ses obligations de conseil et de mise en garde, si par extraordinaire il ressort que ces difficultés financières sont finalement structurelles, la banque leur ayant octroyé un financement inadapté ne pouvant que les mettre, à court ou moyen terme, en difficulté.

 

Ainsi, l’action contre la banque aux fins de suspension judiciaire des échéances, tout comme l’action contre la banque au titre de ses manquements de conseil et de mise en garde sont régies par des logiques et des problématiques de recevabilité et de prescription propres, notamment en matière de prescription.

 

Toute la magie du Conseil et avocat du débiteur est de choisir l’ingénierie juridique et judiciaire capable d’allier les deux avec force et intelligence.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Sort de l’indivision forcée et perpétuelle en saisie immobilière

Laurent Latapie Avocat Miami
Laurent Latapie Avocat Miami

En présence d’une indivision forcée et perpétuelle, le créancier saisissant peut-il se contenter de signifier l’habituel commandement de payer valant saisie immobilière et de saisir par la suite le juge d’orientation, ou doit-il évacuer cette indivision forcée et perpétuelle au travers d’une action en licitation partage ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue par la Cour d’Appel de Pau qui vient aborder la problématique de l’indivision forcée et perpétuelle afin de déterminer si la banque doit procéder par voie de licitation partage ou si elle peut engager une action en saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et suivant acte authentique en date du 29 juillet 2018, la banque avait octroyé un prêt à Monsieur R et à son épouse un prêt d’un montant de 290 000 euros destiné à l’acquisition d’une médina située au Maroc, remboursable en 179 échéances au taux conventionnel de 4,80% l’an et au taux effectif global de 5,5813% l’an.

 

Le contrat prévoyait en garantie l’inscription d’une hypothèque conventionnelle de premier rang, à hauteur de 200 000 euros sur un bien situé en France et appartenant aux consorts R.

 

Suite à plusieurs échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme selon courrier du 26 septembre 2013.

 

Par la suite, et par acte d’huissier du 19 septembre 2014 la banque a fait délivrer aux emprunteurs un commandement de payer aux fins de saisie-vente pour le recouvrement d’une somme de 277.445,94 euros outre les frais d’acte en vertu du prêt notarié du 29 juillet 2008.

 

Suivant acte en date du 17octobre 2014, Madame R a assigné la banque devant le Juge de l’Exécution aux fins de mainlevée du commandement de payer invoquant l’article 47 du Code de Procédure Civile en raison de sa fonction de juge prud’homale paloise.

 

Par jugement rendu le 9 février 2015, le tribunal s’est déclaré incompétent a rejeté les demandes formulées par les époux R, déclaré le commandement aux fins de saisie vente du 19 septembre 2014 régulier.

 

C’est dans ces circonstances que la banque a fait délivrer un nouveau commandement de payer valant saisie immobilière le 24 octobre 2016 portant sur trois parcelles et pour une somme de 301.028,94 euros créance arrêtée au 29 septembre 2016.

 

Lancement de la procédure de saisie immobilière

 

Le commandement de payer a été déposé au 1er Bureau du service de la publicité foncière le 23 décembre 2016

 

Par acte d’huissier en date du 13 février 2017, la banque a fait assigner Monsieur et Madame R devant le Juge de l’Orientation aux fins de statuer sur la demande de vente sur saisie immobilière de l’immeuble litigieux.

 

Par jugement d’orientation contradictoire rendu le 19 avril 2019, le Juge de l’Exécution sur le fondement de l’article 815-17 du Code Civil :

 

  • Déclaré nulle la saisie immobilière de la parcelle AI

 

  • Dit que cette nullité entraine l’irrégularité de l’ensemble de la procédure de saisie immobilière et donc la nullité du commandement valant saisie du 24 octobre 2016

 

La banque a alors interjeté appel de cette décision

La question qui se posait était liée à la saisie de l’un des trois parcelles qui faisait l’objet d’une indivision forcée et individuelle.

 

Sort de l’indivision forcée et éternelle

 

Le premier juge a retenu, sur le fondement de l’article 815-17 du Code Civil que la saisie de cette parcelle était nulle entraînant l’irrégularité de l’ensemble de la saisie, au motif que cette parcelle, indivise, ne pouvait être saisie directement par le créancier.

 

La banque soutenait que l’indivision relative à la parcelle AI était une indivision forcée et perpétuelle qui échappait aux dispositions de l’article 815- 17 du Code Civil.

 

Madame R quant à elle contestait ce caractère en exposant que la parcelle indivise ne constitue pas un accessoire indispensable du bien immobilier principal.

 

La saisie portait sur les parcelles AI 39 sur laquelle était édifiée une maison, AI 114 chemin d’accès à la maison depuis la parcelle AI 101et sur les droits indivis d’1/4 de la parcelle Al 101 qui permettait d’accéder au chemin.

 

Saisie immobilière classique ou licitation partage ?

La Cour d’Appel rappelle que, suivant les dispositions de l’article 815-17 du Code Civil, les créanciers personnels d’un indivisaire ne peuvent saisir sa part sur les biens indivis, meubles ou immeubles.

 

Ils ont toutefois la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur ou d’intervenir dans le partage provoqué par lui.

 

Cependant, le régime légal des indivisions tel que prévu aux articles 815 et suivants du Code Civil ne s’applique pas aux indivisions forcées et perpétuelles portant sur des biens affectés à titre d’accessoire indispensable à l’usage commun de plusieurs fonds appartenant à des propriétaires différents.

 

Il résulte des titres notariés versés au débat, ainsi que du plan cadastral que la parcelle indivise est affectée exclusivement à l’usage d’accès à plusieurs fonds appartenant à des propriétaires distincts, dont la parcelle chemin d’accès à la maison édifiée sur la parcelle, appartenant à Madame R.

 

L’indivision forcée et perpétuelle

 

Par suite, l’indivision qui affecte cette parcelle constitue une indivision forcée et perpétuelle dont la nature exclut l’application du droit commun de l’indivision et notamment les dispositions de l’article 815-17 exonérant la banque d’une nécessité de procéder par voie de licitation partage.

 

La Cour d’Appel a donc infirmé la décision du Juge de l’Orientation en ce qu’elle a considéré que les droits indivis de Madame R sur la parcelle AI 101 ne pouvaient faire l’objet d’une saisie.

 

Elle considère que la saisie de ces droits est donc régulière, de même que celle des parcelles AI 39 et AI 114, issue du commandement de payer en date du 24 octobre 2016, publié le 23 décembre 2016.

 

La Cour d’Appel a donc autorisé cette vente en considérant que la problématique de l’indivision forcée et individuelle échappait aux dispositions de l’article 815-17.

 

Ce qui est intéressant dans cette affaire est que dans la mesure où la banque avait été déboutée de ses prétentions aux fins de saisie immobilière, elle avait interjeté appel.

 

Par ailleurs, la question était de savoir ce qu’il en était de la survie du commandement de payer valant saisie immobilière et de la prorogation de ses effets.

 

En effet, la banque avait saisi le Premier Président de la Cour d’Appel aux fins de suspension de l’exécution provisoire de doit pour être autorisée à voir proroger les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

La banque avait été déboutée de cette demande.

 

Or, il était loisible d’imaginer que la banque était bien fondée à ressaisir le Juge de l’Exécution immobilier pour voir proroger les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

 

Un pourvoi en cassation est en cours et il va amener à deux réponses particulières.

 

Premièrement déterminer si, en présence d’une indivision forcée et perpétuelle le créancier doit saisir directement ou s’il doit envisager de passer par le biais d’une licitation partage ?

 

Deuxièmement, est que et la prorogation des effets du commandement de payer valant saisie immobilière peut être ordonnée devant le juge de l’orientation alors que la saisie immobilière a été annulée par ce dernier et que la procédure est toujours pendante à hauteur de Cour ?

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement

Laurent Latapie avocat droit de l'entreprise en difficulté 2020
Laurent Latapie avocat droit de l’entreprise en difficulté 2020

A quel moment le dirigeant caution peut soulever le caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement ? Cette disproportion doit-elle être analysée au jour de la conclusion de l’engagement de cautionnement ou au jour où la caution est poursuivie par l’établissement financier ?

Article :

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendu en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de la remise en question de l’engagement de cautionnement lorsque la caution entend opposer à l’établissement financier un manquement à ses obligations et plus particulièrement lorsqu’il est question du caractère disproportionné de l’engagement de cautionnement.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, le 1er février 2010, la banque avait consenti à la société F un prêt de 170 000 euros, pour lequel, Monsieur Q, alors gérant, s’est rendu caution solidaire dans la limite de 221 000 euros.

Se prévalant d’une créance impayée, la banque a alors assigné en paiement
la société débitrice principale, ultérieurement mise en redressement puis en liquidation judiciaire.

Dans le cadre de cette même procédure, la banque avait également poursuivi Monsieur Q en qualité de caution,

Lequel a opposé la disproportion manifeste de son engagement et un manquement à l’obligation de mise en garde qui pesait sur la banque.

En qualité de caution, Monsieur Q soutenait que l’organisme dispensateur de crédit ne pouvait se prévaloir d’un contrat de cautionnement d’une opération de crédit, conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

Caractère disproportionné de la caution

A bien y comprendre, le caractère disproportionné de l’engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine devant s’apprécier au moment non seulement de la souscription du cautionnement, mais également à la date de sa mise en œuvre par l’organisme prêteur, bénéficiaire de cet engagement de caution.

Monsieur Q mettait en avant le caractère disproportionné de son engagement de caution souscrit en 2010 lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013, au regard de ses ressources et de son patrimoine à cette époque.

Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel d’avoir considéré que l’engagement de caution de Monsieur Q n’étant pas disproportionné lors de sa souscription en 2010 et que dès lors, la banque n’avait donc pas à démontrer que le patrimoine de ce dernier lui permettait d’exécuter son engagement lorsqu’il a été poursuivi.

De même, Monsieur Q reprochait à la Cour d’Appel de s’être abstenue de procéder à la recherche qui lui était demandée quant à ce caractère disproportionné dudit engagement lorsqu’il avait été mis en œuvre par la banque en 2013.

Il soutenait également que la banque avait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde et rappelait que tout organisme dispensateur de crédit est tenu à un devoir de mise en garde de la caution, lui imposant notamment de l’alerter sur le risque encouru de non-remboursement des échéances du prêt par l’emprunteur.

La banque, quant à elle, n’avait pas manqué de souligner que la caution était également dirigeante de l’entreprise.

Monsieur Q soutenait que le devoir de mise en garde comportait trois obligations à la charge du banquier dispensateur d’un crédit, parmi lesquelles le devoir d’alerter la caution sur le risque encouru de non-remboursement par l’emprunteur, pour demander en conséquence à la cour d’appel de constater la défaillance de la banque dans l’exécution de son obligation préalable d’information.

De telle sorte que le dirigeant caution ne pouvait raisonnablement revendiquer ce manquement.

Pour autant, Monsieur Q faisait grief à la Cour d’Appel de ne pas avoir procédé à la recherche demandée quant à l’accomplissement par la banque de son obligation précontractuelle d’information sur le risque de non-remboursement encouru.

A bien y réfléchir, il convenait quand même de rappeler que la société débitrice avait été placée en liquidation judiciaire deux ans seulement après la souscription dudit emprunt.

Cette circonstance aurait dû caractériser le manquement à l’obligation de conseil et de mise en garde.

Pour autant, il convient de rappeler la rigueur du droit de cautionnement et les dernières jurisprudences en la matière qui sont plus favorables à l’établissement financier qu’à la caution.

Ce qui, en soi ,ne peut qu’interpeller.

En effet, concernant la disproportion de l’engagement de caution, la Cour de Cassation rappelle qu’il résulte de l’article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, alors applicable, que, dès lors qu’un cautionnement conclu par une personne physique n’était pas, au moment de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier peut s’en prévaloir sans être tenu de rapporter la preuve que le patrimoine de la caution lui permettait de faire face à son obligation au moment où elle a été appelée.

La disproportion, oui, à quel moment ?

La Cour de cassation souligne, encore, que pour invoquer le manquement d’un établissement de crédit à son obligation de mise en garde envers une caution, fût-elle non avertie, celle-ci doit rapporter la preuve que l’engagement n’était pas adapté à ses capacités financières personnelles et qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur, débiteur principal.

En l’occurrence, dans cette affaire, la caution, qui ne prétendait pas que son engagement n’était pas adapté à ses propres capacités financières, ne produisait aucune pièce caractérisant l’existence d’un risque d’endettement de la société F et, de l’autre, que, si cette société avait été mise en liquidation judiciaire deux ans après la souscription de l’emprunt, aucun incident de paiement n’avait été constaté avant la déchéance du terme provoqué par l’ouverture de la liquidation.

Cette approche ne résout pas tout.

Comment soulever la disproportion de l’engagement de cautionnement ?

En effet, cette jurisprudence est intéressante car elle revient sur les moyens de défense que peut avoir le dirigeant caution lorsque son entreprise est en liquidation judiciaire et que la banque se retourne contre lui.

Il importe de préciser que la Cour de Cassation considère que la notion de disproportion s’analyse essentiellement au jour de l’engagement de cautionnement qu’importe que par la suite la caution n’arrive plus à y faire face.

La notion d’obligation de conseil et de mise en garde est moins aisée à être soulevée par le chef d’entreprise.

Ce que la Cour de Cassation ne dit pas mais qui mérite d’être clairement rappelé est que l’essentiel de cette argumentation juridique repose également sur des éléments probatoires puisqu’il appartient à la caution qui entend se défendre face à l’établissement bancaire de rapporter la preuve de sa situation patrimoniale et non pas à la banque de rapporter la preuve que l’engagement n’était pas proportionné.

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Saisie pénale immobilière et atteinte proportionnée au droit à la propriété, quelle motivation ?

Laurent Latapie avocat saint Raphael
Laurent Latapie avocat saint raphael

Le juge d’instruction, qui prononce une mesure de saisie pénale immobilière et de confiscation des biens immeubles, doit-il motiver sa décision et apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit de la propriété du mis en cause ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en mai dernier et qui vient aborder la question très spécifique de la saisie pénale immobilière réglementée par le Code de procédure pénale et qui vient quand même porter clairement atteinte au droit de la propriété.

 

Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante qu’elle amène à s’interroger sur l’étendue des pouvoirs du Juge d’instruction décidant d’ordonner une saisie pénale immobilière alors même que l’instruction n’est pas terminée et que, par là même, le principe de présomption d’innocence prévaut, ce qui n’est quand même pas rien.

 

Tel était le débat devant la chambre d’instruction de la Cour d’Appel de Cayenne, dans le cadre d’une information ouverte à l’encontre de Monsieur X pour des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et de blanchissement aggravés, ladite chambre d’instruction confirmant les Ordonnances du Juge d’instruction sur ce point.

 

Quels sont les faits ?

 

Il convient de reprendre les faits de l’espèce.

 

Monsieur X avait été mis en examen des chefs d’infraction à la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés.

 

Faits commis entre 2011 et 2014 consistants dans l’organisation de jeux clandestins qui avait produit un bénéfice total estimé à plusieurs milliers d’euros.

 

Sommes que Monsieur X avait, comme de rien, « omis » de déclarer à l’administration fiscale et auprès des Caisses, sociale et qui avait étés « blanchies » en octroyant des prêts personnels ou des prêts sur gages au profit de tierces personnes qui ont pu acquérir par ce biais différents biens immobiliers outre les classiques dépenses de la vie courante.

 

C’est dans ces circonstances, que dans le cadre de la mise en examen dans la procédure d’instruction ouverte contre Monsieur X, des chefs d’infraction de la législation sur les jeux en bande organisée et blanchissement aggravés, le juge d’instruction avait finalement ordonné la saisie pénale, et donc la confiscation de 5 biens immobiliers dont Monsieur X était propriétaire, en considérant notamment que la valeur totale des biens équivalait en tout ou en partie aux produits des infractions reprochées.

 

L’intéressé encourait également la peine complémentaire de confiscation de tout ou partie de son patrimoine.

 

Saisie pénale et confiscation des immeubles

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur X a interjeté appel puis un pourvoi en Cassation sur cette saisie pénale immobilière qu’il entendait contester.

 

Il convient de rappeler qu’aux termes des dispositions de l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, il est possible d’envisager la confiscation qui peut porter sur tout ou partie des biens appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la disposition.

 

Ainsi, l’article 131-21 alinéa 6 du Code de procédure pénale, permet au Juge d’instruction de procéder à une saisie de l’intégralité ou d’une partie du patrimoine immobilier et mobilier de Monsieur X.

 

C’est dans ces circonstances que le juge d’instruction a sollicité la saisie pénale des actifs immobiliers de Monsieur X, en lien avec les faits de blanchiment aggravés, pour lesquels il avait été mis en examen, confisquant ainsi son patrimoine personnel.

 

Pour autant, Monsieur X entendait soulever plusieurs moyens de contestations.

 

Au niveau procédural, ce dernier soulevait le fait que la saisie de tout ou partie du patrimoine ne peut être ordonnée par le Juge d’instruction que sur requête du Procureur de la République ou d’office après avis du ministère public.

 

Monsieur X faisait notamment valoir que le Juge d’instruction ne pouvait valablement ordonner la saisie d’une partie de son patrimoine, sur le fondement de l’article 706-148 du Code de procédure pénale dès lors que la saisine du ministère public portait sur 5 saisies immobilières distinctes reposant ainsi sur une base légale différente puisque ce dernier se fondait sur l’article 706-150 du Code de procédure pénale.

 

Monsieur X reprochait au Juge d’instruction de s’être borné à affirmer qu’il pouvait valablement limiter la saisie du patrimoine de 5 immeubles litigieux.

 

A bien y comprendre, il appartenait au juge d’instruction de vérifier que le bien immobilier dont il a ordonné la confiscation dans le cadre de la saisie pénale était bien compris et visé dans les réquisitions prises par le Ministère public au même titre que les autres biens immobiliers qui ont été saisis.

 

Et que dès lors, c’est à bon droit que Monsieur X faisait valoir que la confiscation du patrimoine dont il avait fait l’objet portait à une atteinte grave et manifestement injustifiée au regard du droit et au respect de ses biens.

 

De plus, Monsieur X reprochait au Juge de s’être borné à affirmer de manière générale et abstraite que les saisies litigieuses ne caractérisaient pas une attente grave, dans la mesure ou il ne s’agissait que de mesures conservatoires, par là même compatibles avec la notion de proportionnalité de l’atteinte portée au droit et au respect des biens de Monsieur X par la portée des confiscations au regard de sa situation personnelle.

 

Ce point est important, car il rappelle quand même que la mesure du Juge d’instruction n’est que conservatoire et n’a vocation qu’à perdurer jusqu’à la décision pénale définitive de condamnation pour lequel celle-ci doit être intégralement reprise.

 

La Cour de Cassation retient cette argumentation et fait droit de l’interprétation de Monsieur X.

 

Caractère proportionnel de la confiscation

 

En effet, la Cour de Cassation rappelle que le Juge qui prononce une mesure de saisie de tout ou partie du patrimoine doit apprécier le caractère proportionnel de l’atteinte porté au droit d’intérêt et que par ailleurs, tout jugement ou arrêt doit comporter des motifs propres à justifier sa décision.

 

Au niveau de la décision rendue par le juge d’instruction, il convient de rappeler, au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale, ainsi qu’au visa du protocole n°1 à la Convention européenne de Sauvegarde des droits de l’Homme, que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

 

La Cour de Cassation reproche au Juge d’instruction, et à la chambre d’instruction de la Cour d’appel, de rejeter le moyen de l’atteinte disproportionnée portée au droit de la propriété du demandeur au seul motif pris que les saisies pénales immobilières en cause ne seraient pas de nature à constituer une atteinte à la propriété privée dès lors qu’elles ne constituent que des mesures conservatoires.

 

Or, la Cour de Cassation rappelle qu’en statuant ainsi, sans rechercher si les meures critiquées en ce qu’elles concernent les éléments de patrimoine insusceptibles de constituer le produit d’infraction ne portaient pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété de Monsieur X, le juge d’instruction n’avait pas justifié sa décision.

 

Cet arrêt est intéressant à bien d’un titre.

 

En premier lieu, il convient de rappeler qu’il appartient au Juge d’instruction de motiver ses décisions et de d’établir le lien, actif par actif, produit par produit entre l’infraction caractérisée et l’actif saisi tout en caractérisant clairement la nécessité et la proportionnalité de l’atteinte portée au droit au respect des biens appartenant au mis en examen.

 

Il ne peut se satisfaire d’une phrase type en indiquant, de manière parfaitement évasive et par une formulation générique, que la mesure de saisie a été ordonnée au regard de la situation personnelle du mis en examen, alors qu’il appartient au juge de caractériser de manière spécifique et développée les raisons de la confiscation.

 

Par ailleurs, cette jurisprudence rappelle que la mesure prise de confiscation qui est la première étape du droit de la saisie pénale immobilière, n’est qu’une mesure conservatoire et surtout qu’une mesure provisoire qui ne peut durer par nature que jusqu’à ce que la juridiction pénale statue et condamne de manière définitive Monsieur X, des chefs d’infraction qui lui sont reprochés.

 

En effet, devant la juridiction correctionnelle, la saisie pénale devra être confirmée et réitérée avec une décision de la juridiction pénale qui devrait être immanquablement motivée.

 

Sans quoi celle-ci ne serait plus valable.

 

Rappelons à cette fin que la juridiction pénale ne peut reconfirmer la saisie pénale immobilière par une simple substitution de motif de ce qu’a été pris par le Juge des libertés et de la détention, du Juge d’instruction alors qu’il prend un caractère définitif avec une appréhension totale et définitive de l’actif immobilier en question.

 

La saisie pénale immobilière n’est pas de droit pour le ministère public ni pour le Juge d’instruction ou le Juge des libertés et de la détention.

 

Elle a vocation à être caractérisée en disposition du Code de procédure pénale aux articles 706-148 et suivants déterminent clairement les conditions dans laquelle la saisie doit être faite.

 

Elle doit être proportionnée et largement motivée au travers d’un lien direct avec l’infraction pour lequel Monsieur X serait mis en examen ou tel prévenu serait poursuivi, et surtout la mesure n’est que conservatoire et provisoire.

 

Les moyens de contestations ont nombreux.

 

Les obligations à la charge du ministère public et du Juge d’instruction le sont tout autant.

 

Ce qui est autant d’atouts et de points de développement qui doivent être pris en considération pour permettre au mis en examen de se défendre afin de préserver son patrimoine qui n’est pas forcément en lien avec l’infraction pour laquelle celui-ci est mis en examen et qu’on lui reprochait.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr