Exemple jurisprudentiel de saisie immobilière internationale. Procédure de saisie enclenchée à la demande d’une banque luxembourgeoise, sur la base d’un acte de prêt authentique pour des fonds libérables en euros, francs suisses et en yens, contre sa débitrice autrichienne propriétaire d’une demeure à Saint-Tropez. Quel droit appliquer ? Entre règles internationales, dispositions européennes et Convention de Rome, lorsque le droit local propre à l’Alsace-Moselle vient impacter tout simplement le droit français.
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Un débiteur saisi peut-il, dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, contester la validité de la notification de la cession de créance mal faite au débiteur et solliciter par là même son droit à retrait litigieux et racheter la créance bancaire au prix très avantageux de la cession de créance ? Exemple jurisprudentiel ou le créancier a notifié la cession de créance au débiteur en confondant Saint-Raphaël dans le Var avec Saint-Raphaël en Dordogne.
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Lors de la conclusion d’un contrat de prêt, l’établissement bancaire engage t’il sa responsabilité en cas d’inadéquation du contrat d’assurance groupe souscrit par l’emprunteur notamment au motif pris de l’âge dépassé?
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Le juge des libertés et de la détention, le JLD, peut-il ordonner une saisie pénale immobilière, sur la base d’une saisine du Procureur de la République faite en cours d’enquête préliminaire, mais qui rend sa décision postérieurement à la convocation des mis en cause devant la juridiction correctionnelle, dite convocation qui a pour effet de clôturer la procédure d’enquête?
Continue readingLa faute de l’organisme caution et la perte de chance pour les emprunteurs de contester leur engagement de prêt
Résumé :
Un organisme de cautionnement, qui n’avertit pas les emprunteurs de la sollicitation du prêteur, alors que ces deniers disposaient d’un moyen de nullité leur permettant d’invalider totalement ou partiellement leur obligation principale de remboursement, peut-il être totalement déchu de son droit à remboursement à hauteur des sommes que les emprunteurs n’auraient pas eu à s’acquitter ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en septembre 2020 et qui vient se prononcer sur le recours par la caution du débiteur principal dans le cadre d’un contrat de cautionnement et de prêt.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, un prêt immobilier a été consenti par la banque M et les emprunteurs Q. Un organisme de cautionnement s’était porté caution dans le même prêt.
La banque a alors prononcé déchéance du terme à la suite d’échéances impayées.
La caution, qui a alors désintéressée le créancier principale, la banque, c’est alors retourné et a mis les emprunteurs en demeure de lui rembourser les sommes réclamées par la banque.
C’est dans ces circonstances que les époux emprunteurs ont assigné la banque ainsi que la caution en nullité du contrat de prêt et du cautionnement et en paiement de dommages et intérêts.
Dans le même laps de temps, l’organisme de caution assigne les emprunteurs en remboursement des sommes réclamées par la banque M.
Un premier arrêt a été rendu par les juges du fonds au recours de la nullité du contrat de prêt au motif pris qu’il y avait un démarchage irrégulier à l’encontre des époux emprunteurs.
La nullité du contrat de prêt et le cautionnement
La caution a alors interjeté l’appel de la décision rendue en première instance, et dans un arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles, cette dernière a estimé que l’obligation de remboursement envers la caution devait être réduite à sa simple proportion.
Dans sa décision du 09 septembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation vient confirmer l’arrêt rendu par la cour d’appel de Versailles.
Le pourvoi était double, avec un pourvoi principal émis par l’organisme caution et un pourvoi incident formulé par le couple emprunteur.
L’organisme de caution, dans son pourvoi principal, reprochait à la Cour d’appel de limiter la condamnation des emprunteurs à lui payer le capital prêté, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement déduction faites des sommes versées par les emprunteurs.
Concernant le pourvoi incident formulé par les époux emprunteurs, ces derniers reprochaient à l’arrêt de la Cour d’appel de les avoir condamnés à payer à la caution, le capital prêté avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement.
La problématique de cette jurisprudence est de savoir si l’organisme de cautionnement, qui n’avertit pas les emprunteurs de la sollicitation du prêteur, alors que ces deniers disposaient d’un moyen de nullité leur permettant d’invalider totalement ou partiellement leur obligation principale de remboursement, peut être totalement déchu de son droit à remboursement à hauteur des sommes que les emprunteurs n’auraient pas eu à s’acquitter.
La déchéance du droit à remboursement des emprunteurs
Concernant le pourvoi principal, la Cour de cassation confirme que l’organisme caution avait manqué à ses obligations envers les emprunteurs de telle sorte que ces derniers étaient déchus de leur droit de recevoir un remboursement concernant les sommes que les emprunteurs n’avaient pas payé.
Concernant le pourvoi incident, formulé par les époux emprunteurs, la Cour rappelle que l’obligation de remboursement desdits emprunteurs envers la caution ne devaient concerner que des sommes qui ne sont pas déjà payées.
Cette jurisprudence appelle plusieurs observations.
Le droit de remboursement de la caution
La première est relative à l’absence du droit de remboursement de la caution par les emprunteurs du fait d’un manquement à l’obligation d’information de cette dernière.
Et la deuxième est relative à l’obligation de remboursement partiel des emprunteurs envers la caution pour les sommes qui sont dues au créancier.
Concernant l’absence du droit au remboursement de la caution par les emprunteurs, il convient de rappeler que le devoir d’information et les recours de l’organisme de cautionnement envers son débiteur existent et son nombreux.
Le devoir d’information de la caution envers l’emprunteur
En effet, le devoir d’information existe dans le contrat de cautionnement, contrat par lequel, une personne, la caution, s’engage envers un créancier à satisfaire l’exécution de l’obligation de contractuelles lorsque le débiteur n’y satisfait pas lui-même.
Et ce, contrairement à l’article 2288 du code civil, afin de bénéficier de ces recours, la caution doit appliquer son devoir d’information envers ses débiteurs et naturellement de les prévenir lorsque celle-ci a désintéressé le créancier en taux et en partie.
Et c’est toute la subtilité de ce contentieux par rapport aux organismes de caution que ladite caution dispose tantôt d’un recours personnel, comme le rappelle l’article 2305 du code civil et tantôt d’un recours subrogatoire conformément à l’article 2306 du code civil, contre son ou ses débiteurs, lorsqu’elle a déjà payé le créancier.
Le recours personnel de la caution contre l’emprunteur
Rappelons que, d’après l’article 2305 du code civil, la caution qui a payé son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement a été donné au su et à l’insu des débiteurs.
Ce recours à lieu, tant pour le principal que pour les intérêts et frais.
Néanmoins, la caution n’a de recours que pour les faits qu’elle a dénoncé au débiteur principal.
L’article 2306 dispose quant à lui que : La caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.
Or, force est de constater que l’organisme caution n’a pas rempli ses obligations d’information à l’encontre de l’emprunteur.
L’obligation d’information de la caution
En effet, la Cour de cassation rappelle, dans sa décision, que la caution a désintéressé la banque à la suite de la présentation d’une lettre de sa part l’engageant à la tenir informée de cette décision à la suite des impayés des emprunteurs, alors même que ledit organisme caution n’a pas cru bon avertir les emprunteurs de cette sollicitation alors même que ces derniers qui disposaient d’un moyen de nullité permettant d’invalider, au moins partiellement, leur obligation principale de remboursement.
Dès lors, quelle sanction pouvait s’imposer à l’organisme caution dans sa négligence envers ses créanciers concernant l’erreur d’information ?
A bien y comprendre la Cour de cassation, la sanction semble être la déchéance des recours possibles.
La sanction par la caution du défaut d’information
En effet, le manquement au droit d’information de la caution envers son ou ses débiteurs est prévu par législateur en l’article 2308 du code civil, lequel article prévoit :
La caution qui a payé une première fois n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier. Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.
C’est justement sur ce point que cette jurisprudence est intéressante puisque la Cour de cassation vient sanctionner l’absence d’information préalable des emprunteurs par l’organisme caution, conformément aux dispositions de l’article 2308 du code civil, puisque force est de constater que la caution avait manqué à ses obligations à leurs égards.
L’organisme caution devait donc être déchu de son droit au remboursement à hauteur des sommes que ces derniers n’auraient pas eu à acquitter.
La déchéance du droit au remboursement
A bien y comprendre, si la caution n’avait pas manqué à son devoir d’information envers les époux emprunteurs, ces derniers auraient pu déclarer leur dette éteinte.
Pour autant, la question peut se poser de savoir si oui ou non les emprunteurs sont tenus à l’obligation de remboursement total ou partiel envers la caution pour les sommes qui sont dues au créancier et pour lequel ce dernier fit jouer son recours sinon subrogatoire à tout le moins personnel ?
En effet, il convient de rappeler que par principe, les emprunteurs sont tenus à une obligation de remboursement intégral envers leur caution si cette dernière est venue payer les créanciers à leur place, lorsque justement la caution a justement exercé son obligation dans le contrat de cautionnement qui consiste à satisfaire l’exécution de l’obligation contractuelle lorsque le débiteur n’y satisfait pas lui-même tel que nous l’avons abordé au visa des articles 2305 et 2306 du code civil.
Pour autant, la jurisprudence revient sur cette exception, puisque lorsque la caution paye sans avertir les emprunteurs alors que ces derniers avaient la possibilité de faire déclarer leur dette éteinte,
La Cour de cassation vient effectivement consacrer cette exception en rappelant que la caution à désintéressée la banque à la suite de la présentation d’une lettre de sa part, l’engageant à la tenir informé de sa décision à la suite d’impayés des emprunteurs, et qu’elle n’a pas avertie de cette sollicitation ces derniers, qui disposaient alors d’un moyen de nullité permettant d’invalider partiellement leur obligation principale de remboursement.
L’obligation d’information de la caution
Dès lors, la Cour de cassation, dans sa jurisprudence, vient finalement consacrer l’obligation d’information de remboursement partiel des emprunteurs par la caution, sanctionnée, pour le coup, pour impossibilité de faire déclarer leur dette éteinte au moment du paiement de la dette par ladite caution.
Ainsi, la Cour souligne qu’au moment des paiements effectués par la caution, les emprunteurs n’avaient pas les moyens de faire déclarer leur dette éteinte, mais disposaient cependant de la possibilité d’obtenir l’annulation du contrat de prêt.
C’est dans ces circonstances que les juges ont donc décidé que l’obligation de l’emprunteur vis-à-vis de la caution a ainsi été limité au remboursement du capital versé par la banque, déduction faite des sommes déjà payées.
Avec cet arrêt récent de la première chambre civile de la Cour de cassation de septembre 2020, on peut constater un assouplissement de la déchéance du droit des recours de la caution au profit des emprunteurs.
La déchéance du droit de recours de la caution contre l’emprunteur
Ainsi, dès lors que cette annulation conduisait à ce qu’ils restituent à la banque le capital versé déduction faite des sommes déjà payées, l’obligation de remboursement des emprunteurs à l’égard de la caution devait être limitée dans sa proportion.
A bien y comprendre, lorsque la caution a manqué à son obligation d’information, suite au paiement de tout ou une partie de la dette, le ou les débiteurs se retrouvent dans l’impossibilité de voir déclaré leur dette éteinte au moment de ce paiement, ils peuvent obtenir à l’encontre de l’organisme caution une déchéance totale ou partielle des sommes qu’ils auraient dû initialement devoir rembourser à l’organisme caution en remboursement des sommes payées par elle.
Forte heureusement, cette jurisprudence n’est pas isolée,
En effet, un autre arrêt a été rendu par la première chambre civile de mars 2021 qui vient également mettre en lumière la subtilité de ce contentieux opposant l’emprunteur à l’organisme caution d’un côté, et l’emprunteur et l’établissement bancaire de l’autre.
Dans cette autre jurisprudence, l’emprunteur avait aussi invoqué, en premier lieu l’irrégularité du prononcé de la déchéance du terme affectant l’exécuté, et en second lieu, un manquement de la banque à son devoir de mise en garde, ainsi que l’octroi de dommages et intérêts à l’encontre de l’organisme caution car l’emprunteur, de par son fait, n’avait pas été en mesure de faire déclarer sa créance éteinte.
Pour autant, dans cette autre affaire, la Cour de cassation a considéré qu’ayant constaté que les conditions de l’article 2308 alinéa 2 du code civil n’étaient pas réunies, la cour d’appel n’était pas tenue de rechercher si la caution a commis une faute.
Pour la Haute juridiction, d’une part il n’avait pas été invoqué de faute distingue de celle-ci, qui a payé les sommes réclamées par la banque, et d’autre part, l’emprunteur avait, semble-t-il, conservé la possibilité d’invoquer, à l’encontre de la banque, un manquement à son devoir de mise en garde.
S’il est vrai que les jurisprudences se suivent et ne se ressemblent pas, elles rappellent surtout, et c’est cela qui est très important, que lorsque l’organisme de caution, qui désintéresse la banque alors que l’emprunteur principal est défaillant, se retourne immédiatement contre l’emprunteur, celui-ci bénéficie de moyens de défenses tant à l’encontre de l’organisme caution qu’à l’encontre de l’établissement bancaire initial.
La relation tripartite emprunteur banque et organisme caution
Les montages financiers proposés par des établissements bancaires assortis d’un cautionnement réservé à un organisme caution, proche cousin de ladite banque, sont nombreux.
Les hypothèses sont alors nombreuses, en cas d’impayés de l’emprunteur malheureux qui rencontre des difficultés, l’organisme caution désintéresse l’établissement bancaire dans le cadre d’échanges internes qu’ignore complètement ledit emprunteur.
Passé le règlement des sommes impayées par l’organisme caution, ce dernier se retourne, comme de rien, contre l’emprunteur, bien souvent en agrémentant son action d’une hypothèque judiciaire provisoire afin de grever le bien immobilier de l’emprunteur malheureux qu’il entend saisir par la suite.
L’organisme caution se réfugiant alors derrière l’article 2305 du code civil en évoquant son recours personnel qui empêche les emprunteurs d’opposer à l’organisme caution, ce qu’ils auraient pu opposer à l’établissement bancaire.
Il est impératif d’appeler en cause, et d’assigner en intervention forcée dans cette procédure le créancier initial afin de pouvoir organiser une discussion tripartite, et si la responsabilité de la banque est engagée, d’en tirer judiciairement et juridiquement les conséquences à la fois contre l’établissement bancaire, mais également contre l’organisme caution, à ce que les discussions soient réparties intelligemment, que les droits de chacun soient protégés et que l’emprunteur sache comment se défendre et attaquer, tantôt contre l’un, et tantôt contre l’autre.
A bon entendeur,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
https://www.laurent-latapie-avocat.fr/organisme-caution-et-decheance-du-terme-qui-paye/
Saisie pénale immobilière, l’histoire d’une injustice Corse
Résumé :
Une saisie pénale immobilière et une confiscation sont ordonnées par le JLD à l’encontre des actifs immobiliers de deux SCI, tiers à Monsieur C, auteur des faits. Pour autant, la juridictionnelle correctionnelle n’a pas repris les termes de cette saisie pénale immobilière contre les deux SCI, mais a seulement précisé : « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » avec une vague substitution de motifs. Quelles solutions pour les deux SCI qui n’ont pas été convoquées devant la juridiction correctionnelle et qui se retrouve poursuivies par l’AGRASC deux ans plus tard ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Bastia en septembre 2021 et qui vient aborder le cas particulier de deux SCI qui ont subies les affres d’une saisie pénale immobilière et pour lesquelles un pourvoi est en cours.
Il est vrai qu’initialement, il y avait matière à infraction pénale mais est-ce que pour autant, il y avait matière à saisie pénale immobilière, surtout à l’égard des deux SCI lesquelles étaient des tiers.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, et sur la base d’un extrait de naissance falsifié, Monsieur C avait obtenu la délivrance d’une carte d’identité au nom de Monsieur M moyennant laquelle, après qu’il eut été interdit bancaire et frappé d’une interdiction de gérer, a pu contracter six prêts entre le 15 décembre 2010 et le 25 mars 2013.
En produisant par ailleurs d’autres documents falsifiés de type bulletins de salaire, relevés de compte, et avis d’imposition.
Ces prêts ont permis diverses acquisitions immobilières soit directement soit par l’intermédiaire de SCI.
Il est important à ce stade de préciser que, Monsieur C était dirigeant et associé de ces deux SCI.
Cependant, par la suite, et avant même que les faits soient révélés, il était démissionnaire de ses fonctions de dirigeant des deux SCI en question et a également cédé ses parts pour se retrouver seulement associé minoritaire et sur l’une seule d’entre les deux.
Enfin et surtout, ces deux SCI ont, quant à elles parfaitement rempli leurs obligations puisque les fonds empruntés avaient permis l’acquisition d’appartements et de garages qui ont tous été loué.
Lesdits revenus locatifs ont servi à couvrir l’ensemble des crédits en cours ainsi que les charges de copropriétés ainsi que la fiscalité immobilière afférente.
Une confiscation ordonnée par le JLD
Or, ensuite de l’enquête préliminaire qui a été diligenté sur ces faits à l’encontre de Monsieur C, et par ordonnance du 07 avril 2016, le juge des libertés de la détention du Tribunal de grande instance de Bastia avait autorisé la saisie pénale immobilière de l’ensemble des biens.
Un appartement, dix places de parking motos, vingt-deux box fermés, un appartement et seize caves. Tels étaient l’ensemble des actifs acquis avec ces fonds par les deux SCI B et E en question.
Or, rappelons que la décision du juge des libertés de détention est une mesure provisoire par principe, devant être ensuite reprise, ou à tout le moins tranchée par une décision correctionnelle,
Tel fut le cas puisqu’une décision correctionnelle a été rendue par jugement de la même année,
Pour autant, au sein de cette décision, aucune référence ni aux deux SCI en question, ni à leurs actifs,
En effet, le Tribunal correctionnel de Bastia a déclaré Monsieur C coupable du fait d’escroquerie, usage de faux dans un document administratif commis de manière habituel et blanchiment aggravé.
Monsieur C étant alors condamné à un emprisonnement délictuel de trois ans dont un assorti d’un sursis simple, outre une interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer et gérer ou contrôler une entreprise ou une société de manière définitive,
Mais surtout, le Tribunal correctionnel ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur.
La confiscation des biens saisis en valeur
Il n’échappera pas au lecteur attentif que, ni la SCI B, ni la SCI E ont été convoqué ou avisé de quelques manières que ce soit, au besoin par COPJ, a cette audience correctionnelle alors qu’il s’agissait quand même de leurs actifs,
Car s’il est vrai que si Monsieur C était à l’initiative de cette falsification et de ces différents prêts immobiliers, il n’en demeure pas moins que ce sont les deux SCI qui ce sont finalement retrouvées propriétaires des biens immobiliers en question.
Il appartenait à la juridiction correctionnelle de les convoquer.
Ces dernières SCI n’ont jamais été convoquées, n’ont jamais été entendues, ni manifestées quelques moyens de fait ou de droit à la défense de leurs intérêts.
Et c’est dans ces circonstances que le jugement est devenu définitif.
La confiscation par l’Agrasc
Cependant, ce n’est que trois ans plus tard en 2018 que les deux SCI se sont rendues compte que la confiscation avait eu lieu et maintenue dans la mesure où l’AGRASC, a pris soin de se rapprocher afin de procéder d’elles afin de procéder à l’appréhension et à la vente des actifs saisis.
C’est à ce moment là que les SCI B et E ont finalement réagies.
Elles considéraient ladite saisie pénale immobilière et la confiscation qui s’en suit comme étant attentatoire à leur droit de propriété, et ont souhaité la contester.
Les deux SCI ont alors imaginé saisir la juridiction pénale aux fins de restitution et de main levée de la saisie pénale immobilière.
Pour autant, ces derniers ont rencontré les plus grandes difficultés pour obtenir gain de cause.
Le refus d’enrôlement des requêtes en mainlevée de la saisie pénale immobilière
En effet, c’est en 2018 que les SCI B et E ont diligenté des requêtes en s’apercevant de la réalité de cette saisie pénale immobilière et ont par la même diligenté des requêtes devant la juridiction corse le 17 avril 2018.
Pour autant, ces deux requêtes, aux fins de main levée, n’ont pas été pris en considération par le Ministère Public puisque le Procureur de la République du tribunal de Bastia a par correspondance du 30 avril 2018, rejeté les requêtes au motif pris que : « attendu qu’une telle demande de main levée est irrecevable dans la mesure ou le tribunal a pris une décision aujourd’hui définitive, ordonné la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur à l’encontre de Monsieur C. »
L’appel impossible pour contester la saisie pénale immobilière
Il parait logique que la seule voie de recours des deux SCI B et E soit la voie de l’appel, cependant, ces derniers n’ont jamais été convoqué à l’audience correctionnelle, n’étaient pas partie en présence à la procédure correctionnelle de telle sorte que, il m’apparait effectivement difficile pour ces derniers, de faire appel dans les délais d’une décision pour laquelle ils n’ont pas été convoqué et qu’ils n’ont absolument pas eu vent jusqu’à ce que l’AGRASC vienne sur le terrain envisager une cession.
La requête en main levée de la saisie pénale immobilière
Pour autant, dès lors, la requête en main levée, semblait la plus adaptée, mais cette demande s’est heurtée à un refus « politique » et juridique de la part du Ministère Public.
Le conseil des deux SCI a alors contesté cette mesure et a saisi le premier Président et le Procureur général de la cour d’appel de Bastia.
Dans un premier temps le premier Président de la cour d’appel a apporté une réponse en indiquant qu’il transmettait la demande du conseil des SCI au Procureur général et in fine.
Ce dernier « dans sa grande sagesse » a adressé une réponse le 18 janvier 2019 en indiquant que la difficulté ne pouvait être tranchée que par le tribunal correctionnel de Bastia saisi par voie de requête sur le fondement de l’article 710 et 711,
Ce qui fut immédiatement fait par le conseil des deux SCI, de telle sorte qu’il a fallu plus de dix mois entre le dépôt de la requête et l’audiencement devant la juridiction correctionnelle de Bastia.
Les difficultés d’exécution d’une saisie pénale immobilière
C’est dans ces circonstances, politiques et juridiques, qu’il m’apparait bon de reprendre à titre introductif, que les deux SCI B et E ont formé un recours en application de l’article 710 et 711 du code des procédures pénales pour contester l’exécution et la justification de la saisie pénale immobilière ordonnée par le Juge du tribunal correctionnel en juillet 2016, devenue définitive puisque non révélée aux deux SCI à temps.
Or, selon l’article 710 du code de procédure pénale susvisé, tous incidents contentieux relatifs à l’exécution sont portés devant le tribunal ou la cour qui a prononcé la sentence ; cette juridiction peut également procéder à la rectification des erreurs purement matérielles contenues dans ses décisions.
Il découle de l’article 710 que doit être examiné la requête de toute personne non condamnée pénalement, copropriétaire indivis qui soulève un incident contentieux relatif à l’exécution de la décision de confiscation
Les deux SCI saisissaient donc la juridiction correctionnelle de Bastia afin de solliciter la main levée de la saisie pénale immobilière des deux SCI de bonne foi, et ce à l’encontre des actifs saisis.
Or, la question qui se posait était de savoir à partir de quand la décision de confiscation était définitive et opposable aux deux SCI,
Car si c’est le JLD qui a ordonné la confiscation, celle-ci n’a pas été reprise, stricto sensu par la juridiction correctionnelle.
Il est important de rappeler que cette ordonnance du JLD ne peut valoir que jusqu’à la fin de la procédure d’instruction et qui a pour vocation à être reprise et confirmée par la décision correctionnelle, laquelle prend des mesures par la suite pour l’avenir.
Saisie pénale immobilière et décision du JLD, quelles limites ?
La saisie pénale immobilière et la confiscation définitive des actifs susvisés ne peuvent reposer sur la seule ordonnance du JLD.
En effet le Ministère public ne peut considérer que la requête devant le tribunal correctionnel est sans objet, et ce, dans la mesure ou la saisie pénale immobilière aurait été formalisé avant la décision correctionnelle qui n’aurait fait que la confirmer.
Or, il convient de rappeler que l’ordonnance du JLD ne peut prononcer que des mesures provisoires par nature.
Si nous devions faire un comparatif malheureux, si le JLD ordonne une détention provisoire, il est bien évident que celle-ci ne dure que jusqu’à l’audience de correctionnelle et qu’il appartient à la juridiction pénale d’ordonner le maintien du dépôt pour que la personne incarcérée, dans le cadre d’une décision provisoire, reste écrouée sur la base de la décision qui sera rendue par la suite.
Dès lors, en l’absence totale d’une notification ou d’une convocation des deux SCI devant la juridiction correctionnelle, ces derniers ont bien fondés à venir solliciter à faire état de la difficulté d’exécution et solliciter la main levée.
La saisie pénale immobilière de tiers
Il est bien évident que la décision du tribunal correctionnel de Bastia, en litige, est extrêmement mal rédigée, puisque le tribunal confond la saisie pénale immobilière des tiers, qui représente les SCI et qui sont distincts de Monsieur C.
De telle sorte que la mention « confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur » n’a absolument aucune valeur et ne peut justifier la confirmation de la confiscation.
En effet, aucun des actifs visés ne sont repris ni même détaillés dans le jugement correctionnel lequel ne reprend pas la liste des actifs ni dans sa motivation ni dans son expositif.
Le tribunal laissera penser qu’il y a une confirmation de la décision, alors même que les actifs en question ne sont pas ceux de Monsieur C mais bel et bien des deux SCI qui sont désormais distinctes et pour lequel Monsieur C n’a plus aucun lien.
Dès lors, le tribunal correctionnel ne pouvait sérieusement valider la saisie immobilière sur la simple phrase : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis ».
Il appartenait à la juridiction correctionnelle de reprendre l’ensemble des actifs et de les viser.
Le Tribunal correctionnel de Bastia avait l’obligation de convoquer les 2 SCI et de motiver par ailleurs sa décision en faisant un lien entre l’infraction visée et l’acquisition du bien pour justifier du bien-fondé de la saisie pénale immobilière.
Le lien indispensable entre infraction pénale et l’objet de l’actif confisqué.
De telle sorte que, à mon sens, le tribunal correctionnel ne peut procéder par adoption ou substitution de motif de l’ordonnance du JLD puisque ce dernier ne prononce que des mesures provisoires par nature.
Il appartenait à la juridiction correctionnelle de prendre des mesures définitives qui permettent à l’ensemble des actifs au service de l’état.
Rappelons que cette appréhension des actifs est une atteinte au droit de la propriété telle que constitutionnellement reconnu au travers des disposition du code de procédure pénale et du code pénal qui sont par nature d’interprétation stricte.
Dans la mesure où cette saisie n’est pas correctement réalisée ou confirmée, il y a tout lieu de penser que la saisie pénale immobilière est illicite, nulle et non avenue, et que c’est donc à bon droit que les deux SCI ont saisi la juridiction correctionnelle pour obtenir la main levée.
En effet, les deux SCI, tiers de bonne foi, sollicitent la main levée de la saisie pénale immobilière et considèrent qu’il n’y a aucune mesure pénale définitive à leur encontre, qui peut leur être opposable de quelques manières que ce soit à leur actif.
A bien y comprendre, et si nous allons jusqu’au bout du raisonnement, une simple lecture de la décision dans laquelle il est ordonné à l’encontre de Monsieur C, la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur, pourrait même laisser à penser que finalement les actifs en question des deux SCI n’ont fait l’objet d’aucune mesure de saisie pénale immobilière définitive par la juridiction correctionnelle.
De telle sorte que, l’interprétation faite de cette décision amènerait à penser que dans la mesure ou la juridiction correctionnelle ne reprend pas les actifs et ne fait aucun lien entre saisie pénale et infraction, ces derniers ne font pas l’objet de saisie pénale à la lueur de la décision correctionnelle, mais sur la seule base de l’ordonnance du JLD, laquelle est provisoire par nature de telle sorte que, à ce moment-là, celle-ci serait devenue caduc et de nul effet, à compter de la décision correctionnelle.
La décision du JLD est une décision purement provisoire, elle pourrait se comparer à une décision de détention provisoire de contrôle judiciaire qui n’a vocation à perdurer jusqu’à ce que la juridiction pénale s’exprime à travers une décision correctionnelle sauf à ce qu’elle la reprenne pour elle dans une motivation spécifique qui motive l’OP.
Quelle décision pénale pour la confiscation ?
Or, toute la difficulté et l’ambiguïté de la décision correctionnelle, pourtant parfaitement incomplète et qui procède même par substitution de motif, laisse à penser à l’AGRASC que la confiscation est devenue définitive et qu’elle est bien fondée à poursuivre les mesures coercitives sur les actifs immobiliers des deux SCI afin d’appréhender l’intégralité des actifs et de les réaliser au profit de l’État.
Dès lors, de deux choses l’une,
La difficulté d’exécution au secours de la main levée de la saisie pénale
Soit le tribunal correctionnel considère que la saisie pénale a été réitérée et confirmée dans le cadre de la décision correctionnelle qui a été rendue en lieu et place de la mesure provisoire du JLD et alors, nous sommes en présence d’une difficulté d’exécution car le juge ne peut procéder par voie de substitution de motif sur la base d’un actif qu’il a obligation de viser expressément et nommément lot par lot et pour lequel il doit également justifier du bien fondé de la dite saisie du bien de causalité existant entre le chef de la l’infraction et le produit de l’infraction qui justifierait la dite sanction complémentaire de la saisie pénale immobilière.
Et dans ce cas, seule la requête aux fins d’exécution est ouverte procéduralement aux SCI.
Soit, il y a d’autant plus une difficulté d’exécution puisque dans la mesure ou le tribunal correctionnel n’a pas réitéré la saisie pénale immobilière, décidé à titre provisoire par le JLD, les actifs seraient alors libérés de la saisie.
L’AGRASC ne peut donc pas prendre de mesure coercitive à l’encontre des deux SCI,
L’absence de l’AGRASC aux débats
Toute difficulté et également toute ineptie de ce dossier, montre la résistance de l’AGRASC qui joue au chat et à la souris et ne conclut pas, pour indiquer si elle entend se reposer sur la décision du JLD ou sur le tribunal correctionnel laissant le Ministère public valider la mesure de saisie pénale immobilière sans répondre franchement aux questions.
Effectivement on peut s’interroger sur l’impartialité du Ministère public qui finalement intervient au nom et pour le compte de l’AGRASC comme étant lui-même l’une des réminiscences de l’Etat et de son pouvoir exécutif sans pour autant répondre clairement sur l’origine du titre permettant à l’AGRASC de saisir.
Dès lors, il apparaissait tout aussi important que la décision en difficulté d’exécution soit opposable à l’AGRASC.
Dans la mesure ou les deux SCI n’ont pas été convoqué devant la juridiction correctionnelle et n’ont pas été destinataire de la décision en question, la voie de l’appel leur est définitivement fermée.
Pour autant, Les deux SCI étaient d’autant plus de bonne foi qu’elles n’avaient, non seulement, plus aucun lien avec Monsieur C, mais que par ailleurs elles faisaient face à leurs obligations financières sur les différents actifs, remplissant leurs obligations bancaires et fiscales.
La décision de la Cour d’appel sur la difficulté d’exécution de la saisie pénale immobilière
Contre toute attente, la Cour d’appel a pris une décision complètement inverse à ce qui peut sembler, je dirais, juridiquement fondé, quant aux prétentions des deux SCI, puisqu’elle a rejeté la requête en difficulté d’exécution.
Une confiscation valide pour la Cour d’appel
En effet, la cours considère que si le jugement du tribunal correctionnel qui prononce confiscation ne reprend pas l’énumération des biens concernés, il se déduit nécessairement de la formule employée : « ordonne à l’encontre de Monsieur C la confiscation de l’ensemble des biens saisis en valeur », que la mesure portant sur la totalité des biens dont la saisie a été préalablement autorisé par l’ordonnance du juge des libertés de la détention en avril 2016.
A cette décision du JLD qui désigne précisément les deux SCI comme propriétaires des biens saisis, a été dument notifié par lettre recommandée le jour même à ces derniers qui n’auront émis aucun recours.
Aucun recours « note du rédacteur » aucun recours contre la décision provisoire !
Alors qu’ils auraient dû être convoqué dans la juridiction correctionnelle.
Ainsi, la cour d’appel considère que la confiscation et non la saisie ordonnée à l’encontre de Monsieur C, par une décision judiciaire devenue définitive ne peut plus être contestée.
Cependant, les requérants, en leur qualité de tiers propriétaire des biens confisqués, demeurent fondés à discuter les effets de la mesure à leur égard,
La cour rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 131-21 du code pénal, que la peine complémentaire de confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et délits d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à un an, à l’exception des délits de presse.
Le bien-fondé de la peine de confiscation
Une telle peine de confiscation peut porter d’une part sur des biens ayant servis à commettre l’infraction qui été destinée à la commettre et dont le condamné est propriétaire et d’autre part sur tous les biens qui font l’objet ou le produit direct ou indirect de l’infraction ainsi que sur les biens qualifiés de dangereux par la loi.
Il n’est pas contestable que les biens confisqués ont été acquis frauduleusement, l’enquête ayant permis de retracer les versements de fonds nécessaires aux acquisitions réalisées par les SCI à partir du compte ouvert par Monsieur C sous une fausse identité ou l’obtention de prêts à partir de documents frauduleux.
Selon la Cour, ils constituent aussi le produit direct ou indirect des infractions et à ce titre peuvent être confisqués alors qu’ils ne sont pas la propriété de la personne condamnée.
Pour autant, à ce stade, on peut légitimement s’interroger sur la motivation de la cour d’appel qui vient finalement réécrire la décision correctionnelle de 2016 alors que la seule question qui est posée est de savoir si oui ou non, la rédaction de l’arrêt de la décision correctionnelle de 2016 était juridiquement fondée, ce qui n’était pas le cas.
En amenant la confiscation des biens saisis en valeur, le tribunal a fait application de l’alinéa 9 du texte susvisé qui prévoit que ce type de confiscation peut être exécutée sur tout bien quel qu’en soit la nature appartenant au condamné ou sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi dont il a la libre disposition.
Étant pourtant rappelé qu’il appartient à la juridiction qui procède à cette confiscation de viser nommément les actifs en question et que cette seule phrase de genre ne serait suffire.
La bonne foi du tiers subissant une saisie pénale immobilière
Par ailleurs, la cour engage un nouveau débat afin de savoir si oui ou non les deux SCI étaient de bonne foi.
Pourtant, la Cour d’appel était à même de constater que Monsieur C n’avait plus de lien avec les deux SCI en question, lesquelles ont toujours fait face à leurs obligations bancaires, financières et fiscales et qu’elles ont toujours réglé les prêts immobiliers, ont toujours payé les charges de copropriété et ont assurés l’ensemble des lots en question outre le poids fiscal de ces placements financiers ainsi que de leurs revenus locatifs.
Dès lors, il peut paraître parfaitement incongru, pour la cour d’appel, de considérer que les deux SCI ne seraient pas de bonne foi, motif suffisant pour cette dernière pour rejeter les prétentions des deux SCI qui ne seraient d’ailleurs pas fondé à contester les confiscations.
Fort heureusement un pourvoi a été diligenté,
La question se pose aussi de savoir s’il ne serait pas non plus judicieux de revenir devant le JLD,
Affaire à suivre donc,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Local commercial, engagement de caution et bailleur professionnel, qu’en est-il?
Le bailleur d’un local commercial ou professionnel qui exige un engagement de cautionnement doit-il être considéré comme un créancier professionnel ? Surtout lorsque ce dernier est propriétaire de plusieurs locaux commerciaux tant en nom personnel qu’au travers ou une plusieurs SCI. L’engagement de cautionnement doit-il dans ce cas respecter le formalisme ad validitatem ou la caution peut reprocher le non-respect de ce formalisme ?
Continue readingResponsabilité de la banque et souscription d’un contrat d’assurance vie,
Dans quelles conditions la banque engage sa responsabilité dans la souscription, l’exécution, et la résiliation d’un contrat d’assurance vie ? Ceci d’autant plus que très souvent, c’est le conseiller bancaire qui conseille ses clients quant à la souscription d’un contrat d’assurance vie pourtant établi par une compagnie d’assurance, proche mais distincte de l’établissement bancaire proprement dit.
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en juin dernier et qui vient aborder la problématique de la responsabilité de l’établissement bancaire dispensateur de crédit lorsque ce dernier subordonne l’octroi du prêt à la souscription d’une assurance vie garantissant la fin des remboursements.
Les conditions de souscription de l’assurance vie
Dans cette affaire, les consorts E qui par l’intermédiaire de la banque C avaient adhéré à deux contrats collectifs d’assurance sur la vie dénommés H souscrits par cette banque auprès de la société S, avaient en mai 2002, informé celle-là de sa volonté de résilier ses contrats et lui avait demandé de transférer leur valeur sur leur compte chèques.
La résiliation des contrats d’assurance vie
La banque, qui avait refusé de donner suite à cette demande, avait été condamnée en référé à l’exécuter et a dû verser aux héritiers des consorts E une somme correspondant à la moins-value enregistrée sur les contrats avant cette exécution et aux intérêts de droit.
Elle avait alors déclaré ce sinistre à la Caisse de garantie des professionnels de l’assurance (la CGPA) auprès de laquelle elle avait souscrit une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant l’activité de courtier en assurances.
Il convient dans un premier temps de s’intéresser à la portée de l’article L 140–6 du Code des Assurances qu’il convient de reprendre dans son intégralité.
« Pour les contrats d’assurance de groupe au sens de l’article L. 140-1, autres que ceux qui sont régis par le titre Ier de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, et pour les contrats collectifs de capitalisation présentant les mêmes caractéristiques que les contrats de groupe au sens de l’article L. 140-1, le souscripteur est, tant pour les adhésions au contrat que pour l’exécution de celui-ci, réputé agir, à l’égard de l’adhérent, de l’assuré et du bénéficiaire, en tant que mandataire de l’entreprise d’assurance auprès de laquelle le contrat a été souscrit, à l’exception des actes dont l’adhérent a été préalablement informé, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie, que le souscripteur n’a pas pouvoir pour les accomplir. En cas de dissolution ou de liquidation de l’organisme souscripteur, le contrat se poursuit de plein droit entre l’entreprise d’assurance et les personnes antérieurement adhérentes au contrat de groupe.
Le présent article ne s’applique pas aux contrats d’assurance en cas de vie dont les prestations sont liées à la cessation d’activité professionnelle, souscrits par une entreprise ou un groupe d’entreprises au profit de leurs salariés ou par un groupement professionnel représentatif d’entreprises au profit des salariés de celles-ci ou par une organisation représentative d’une profession non salariée ou d’agents des collectivités publiques au profit de ses membres. Il ne s’applique pas non plus aux contrats de groupe souscrits par un établissement de crédit, ayant pour objet la garantie de remboursement d’un emprunt. »
La question était de savoir dans quelles conditions l’établissement bancaire intervenait.
En effet, la banque faisait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes formées à l’encontre de la CGPA, la Caisse de garantie des professionnels de l’assurance.
Elle considérait qu’il résulte de l’article L. 511-1 du Code des Assurances, et des articles R. 511-1 et R. 511-2 du même code, qu’est considérée comme présentation d’une opération d’assurance pratiquée par un courtier, le fait de solliciter ou de recueillir l’adhésion à un contrat d’assurance ou d’exposer oralement ou par écrit à un adhérent éventuel, en vue de cette adhésion, les conditions de garantie d’un tel contrat.
La responsabilité de la banque au titre de l’assurance vie
A bien y comprendre pour la banque, il résultait de ces dispositions qu’est une opération d’assurance, le fait pour un courtier, ayant souscrit une assurance collective, de proposer à ses clients d’y adhérer
De telle sorte qu’en l’espèce, en proposant aux consorts E d’adhérer à un contrat d’assurance-vie collectif, auquel ils avaient souscrit, la banque avait exercé une activité de courtier.
Le banquier, courtier en assurance vie ?
Que pour autant la Cour d’Appel avait considéré que l’activité de souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe n’était pas une activité de courtage d’assurance, et que la banque ne pouvait être garanti par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA.
La banque rappelait que l’article II- 02 A.1 des conventions spéciales de l’assurance responsabilité civile, souscrite par la banque, stipulait que « dans la limite de l’activité déclarée aux conditions particulières, le présent contrat garantit l’assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant lui incomber en raison des dommages causés aux tiers du fait des activités professionnelles limitativement énumérées ci-après :
– la présentation d’opérations d’assurance telle que définie à l’article R. 511-1 du Code des Assurances comme étant le fait pour toute personne physique ou morale de solliciter ou de recueillir la souscription d’un contrat d’assurance ou de capitalisation ou l’adhésion à un tel contrat ou d’exposer oralement ou par écrit à un souscripteur ou adhérent éventuel en vue de cette souscription ou adhésion, les conditions de garantie d’un tel contrat ;
– la gestion des contrats d’assurance conclus par l’intermédiaire de l’assuré
Pour la banque, il résulte de cette clause, qu’est une opération d’assurance, le fait pour un courtier, ayant souscrit une assurance collective, de proposer à ses clients d’y adhérer et reprochait à la Cour d’Appel d’avoir considéré pourtant que la banque étant le souscripteur du contrat d’assurance-vie auquel avait adhéré sa cliente n’était pas garantie par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA.
La responsabilité de la banque et les opérations d’assurance
Enfin la banque rappelait que les pertes et les dommages causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée, contenue dans la police
En l’espèce, les juges du fond, avaient constaté que le contrat rappelle qu’il appartient à la CGPA de rapporter la preuve des exclusions et qu’aucune clause n’interdit aux courtiers d’être souscripteur dans le cadre d’une assurance groupe ou n’exclut cette activité.
Or c’est bien dans le cadre de la gestion d’un contrat d’assurance conclu par son intermédiaire que la banque en refusant la demande de rachat, avait engagé sa responsabilité professionnelle
Pour la banque, la Cour d’Appel s’était bornée à considérer que l’activité de souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe n’était pas une activité de courtage d’assurance, pour en déduire que cette dernière n’était pas garanti par le contrat d’assurance responsabilité civile souscrit auprès de la CGPA, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la police d’assurance contenait une clause excluant la garantie de la CGPA, en cas d’assurance de groupe souscrite par l’établissement bancaire.
L’assurance de groupe souscrite par la banque
La Cour de Cassation entend répondre sur ces différents points en précisant que la banque était le souscripteur des contrats collectifs d’assurance sur la vie auxquels les consorts E avait adhéré, ce dont il résultait qu’elle était réputée être le mandataire de l’assureur tant pour les adhésions à ces contrats que pour leur exécution.
La banque, mandataire de l’assureur
La Cour d’Appel qui n’avait pas à procéder à la recherche dont l’omission est critiquée par la troisième branche que ses constatations et énonciations rendaient inopérante, en a exactement déduit que le sinistre litigieux n’était pas survenu du fait de l’activité de courtier en assurances de cette banque et, en conséquence, n’était pas garanti par le contrat souscrit auprès de la CGPA.
C’est donc à bon droit que les clients de l’établissement bancaire avaient engagé une action en responsabilité à l’encontre de cette dernière.
S’il est vrai que la banque avait cru bon déclarer ce sinistre auprès de la CGPA, la Cour de Cassation a malgré tout considéré qu’il n’y avait pas matière à garantie.
Dès lors la jurisprudence est claire.
Elle rappelle que l’établissement bancaire engage sa responsabilité tant concernant l’adhésion que l’exécution et la résiliation liées à des contrats d’assurance vie.
Par contre la garantie découlant de la CGPA n’a pas vocation à garantir le sinistre car la Cour de Cassation considère que L. 140–6 ne s’applique pas aux contrats de groupe et que la banque a engagé sa responsabilité professionnelle et a vocation à indemniser ses clients.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
Fonds commun de titrisation et saisie immobilière
La contestation de la créance d’un fonds de titrisation en droit de la saisie immobilière, entre exception de nullité, créance clairement individualisée et identifiable et procédure en inscription de faux, autant d’obstacles pour le débiteur saisi qui entend se défendre devant le juge de l’orientation,
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt récent de la Cour d’appel d’Aix en Provence venant aborder la problématique d’une saisie immobilière engagée, non pas par le créancier initial, mais par le fonds de titrisation qui a bénéficié de la cession de la créance en litige,
Cession de créance et fonds commun de titrisation
Il convient de rappeler que la titrisation consiste en une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers, (ou immobiliers), tels que des créances,
Dans cette affaire, par jugement dont appel du 4 novembre 2016 le Juge de l’Exécution du Tribunal de Grande Instance a ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers saisis au préjudice de monsieur B pour une créance liquide et exigible de 66.660,44 euros en principal outre les intérêts et accessoires,
Monsieur B a frappé d’appel la décision et est venu opposer le fait que le fonds de titrisation n’était fondé à engager une procédure de saisie immobilière.
fonds de titrisation et saisie immobilière
Là encore la Cour d’Appel d’Aix en Provence brille par une certaine sévérité à l’encontre du débiteur et donne l’amer sentiment que rien ne trouve jamais grâce aux yeux de la Cour lorsqu’il s’agit d’un débiteur.
Afin d’échapper à la rigueur de cette saisie immobilière, Monsieur B avait pris soin de soutenir un certain nombre d’arguments et venait notamment mettre en avant un moyen de nullité tiré de l’irrégularité d’un acte de signification.
Pour autant le fonds de titrisation s’y oppose et rappelle que s’il résulte des notes en délibéré, du jugement d’orientation, des conclusions des parties que la nullité des actes de signification des 28 juin 2005 et 18 août 2012 a bien été soutenue à l’audience d’orientation, il n’en demeure pas moins que celle-ci est contestable,
La signification de la cession de créance au profit du fonds commun de titrisation
En effet, la contestation de la validité d’un acte qui le prive d’effet de droit, en l’espèce le caractère non-définitif des titres exécutoires, devant s’entendre d’une nullité de l’acte à raison d’irrégularité qui l’affecte, moyen soutenu devant le juge de l’exécution, a vocation à être rejeté, le débiteur l’ayant soulevé au mauvais moment au mauvais endroit,
La remarque peut sembler spécieuse, ou trop rigoureusement tranchée,
Même si, sur le plan du droit de la procédure civile, celui-ci a tout son sens,
En effet, la Cour d’Appel rappelle qu’aux termes de l’article 112 du Code de Procédure Civile :
« La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non recevoir sans soulever la nullité. »
La Cour considère que l’appelant ayant soutenu dans ses conclusions devant le Juge de l’Exécution ainsi qu’il résulte du jugement déféré, préalablement au moyen de nullité, deux fins de non recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant, il en résulte l’irrecevabilité de l’exception de nullité,
Qui aurait du être soulevé avant,
Le juge de l’orientation et le fonds commun de titrisation
Ceci fait que désormais la Cour ne vient même plus reprocher au débiteur, et à son conseil, d’avoir omis tel moyen de fait ou de droit, et ce, au titre du principe de concentration des moyens,
Désormais, elle va jusqu’à reprocher au débiteur et à son conseil l’emplacement de tel ou tel argument dans le corps de ses conclusions,
Dès lors, à bien y comprendre la Cour, le débiteur, (ou son conseil), aurait eu la « maladresse » de conclure d’abord sur des problématiques de fins de non recevoir au lieu de soutenir avant toute chose l’exception de nullité,
Il convient de rappeler que devant le Juge de l’Orientation l’ensemble des moyens de faits et de droit doit être soulevé sous peine d’irrecevabilité.
Dès lors, pareille décision de la Cour, doit être comprise comme une « piqure de rappel » au débiteur et à son conseil, dans la rédaction et l’établissement juridique et stratégiques des conclusions prises devant le Juge de l’Orientation sont fondamentalement déterminantes ceci d’autant plus qu’il n’y a pas d’effet dévolutif en cause d’appel en droit de la saisie immobilière,
De telle sorte qu’il serait impossible pour le débiteur et, ou, son conseil, de rattraper l’erreur commise en première instance devant la Cour d’Appel.
Ceci étant dit, il convient également de s’intéresser à la problématique de la cession de créance au profit du fonds de titrisation,
En effet, le débiteur, appelant, soutient que le créancier poursuivant agit en vertu de l’acte de cession de créances en date du 23 juillet 2010,
Celui-ci tente de faire croire que le fonds de titrisation envisagerait une saisie immobilière sur la seule base de la cession de créance alors qu’il devrait justifier d’un titre exécutoire,
La Cour ne s’y trompe pas,
Elle souligne qu’il résulte clairement du commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 4 novembre 2015 que le fonds de titrisation vient aux droits de la Banque, en vertu d’un bordereau de cession de créances en date du 23 juillet 2010, certes, mais ledit commandement de payer valant saisie de biens et droits immobiliers, repose aussi et surtout sur divers titres exécutoires énoncés de telle sorte que tout interprétation d’une poursuite en vertu d’un acte de cession de créance conduisant à une prescription à la date anniversaire du 23 juillet 2015 constitue immanquablement une dénaturation de l’acte d’exécution.
Il convient de rappeler de rappeler que rien n’empêche le fonds de titrisation d’envisager toute mesure d’exécution car la remise la remise du bordereau entraîne de plein droit, aux termes de l’article L214-169 du Code Monétaire et Financier le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires.
De telle sort que le droit de mettre en oeuvre les mesures d’exécution résulte expressément des articles L 214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier, fondant le droit de poursuite en matière de saisie immobilière de sorte que le fonds de titrisation est fondé à faire délivrer le présent commandement.
Pour autant, il est important de rappeler que plusieurs moyens de contestation sérieux peuvent être opposé au fonds de titrisation,
Dès lors, on peut retrouver regrettable de constater que le débiteur, ou son conseil, n’ait pas eu la présence d’esprit de soulever bon nombre de ces moyens de contestation,
Pour autant, il n’en demeure pas moins que celui-ci en soulève au moins un intéressant,
En effet, le débiteur envisage un axe de contestation plus sérieux en venant remettre en cause la validité et le non-respect des dispositions légales en la matière concernant la cession de créances.
En effet, les articles L214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier précisent que :
«La cession devient opposable aux tiers à compter de la date apposée sur le bordereau lors de sa remise, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances, sans qu’il soit besoin d’autres formalités de sorte que les dispositions invoquées de l’article L211-37 dudit code, intéressant la cession de créances afférentes aux obligations financières mentionnées à l’article L211-36, que ne sont pas les créances présentement cédées, sont inapplicables à la cause ce dont il suit que le moyen d’irrégularité est rejeté. »
A toute fin, il convient de rappeler que les dispositions de l’article 1690 du Code civil sont inapplicables en matière de Titrisation.
Sur ce point, c’est à bon droit que la Cour d’Appel considère que bordereau de cession de créances déposé au rang des minutes d’un notaire qui doit contenir diverses énonciations, celles-ci prévues par l’article D214-227 du code susdit, dont la désignation et l’individualisation des créances cédées, comprend en l’espèce, après analyse des éléments de créances mentionnés suivis du nom de monsieur B, une indentification suffisante des créances cédées à l’encontre de l’intéressé, l’acte de cession étant suffisant pour identifier les créances cédées.
Dès lors, la Cour considère que, la suffisance de l’identification et le fait que l’opération de Titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant, il n’y a lieu de mentionner sur le bordereau de cession les décisions judiciaires obtenues par la banque à l’encontre du débiteur co-contractant du créancier cédant,
Ce serait donc en vain que monsieur B demande l’application d’une jurisprudence de la cour de cassation du 1er décembre 2015 aux termes de laquelle, au cas d’espèce déféré à la Cour suprême, la cour d’appel ayant fait ressortir que les créances dont la cession était alléguée n’étaient pas suffisamment identifiées, s’agissant d’associés, contre lesquels le créancier disposait de titres exécutoires, d’une société également condamnée, cette Cour d’Appel a pu en déduire que le Fonds Commun de Titrisation ne pouvait pas se prévaloir des titres exécutoires dont bénéficiait la caisse à l’encontre des consorts X de sorte que le moyen est rejeté.
Cette jurisprudence du 1er décembre 2015 consacre l’obligation de faire apparaître, dans le cadre de la cession de créances à un fonds de Titrisation, chaque créance comme devant doit être clairement individualisée et identifiable.
Mais surtout, la Cour considère qu’in fine, le débiteur saisi n’a pas utilisé la bonne procédure en relevant que la contestation de la régularité des mentions de l’extrait notarié confirmant ou infirmant que parmi les créances cédées figure les créances détenues à l’encontre de Monsieur B, aurait du faire l’objet d’une procédure spécifique d’inscription de faux, laquelle n’a pas été mise en œuvre.
Là encore, le choix procédural émis par le débiteur est sérieusement malmené par la Cour qui vient, une fois de plus, rejeter les prétentions du débiteur tant sur le fond que sur la forme,
Sur le fond, la Cour appréciant souverainement l’acte authentique considère que la créance de Monsieur B est clairement individualisée et identifiable,
Sur la forme, la Cour reproche à Monsieur B de n’avoir pas retenu la bonne procédure permettant de contester l’acte authentique,
De telle sorte que si la créance en litige n’avait pas été clairement individualisée et identifiable, l’erreur procédurale l’aurait emporté au détriment du fond, soit, l’absence d’opposabilité de la cession de créance par le débiteur, et par là même, l’absence de qualité à agir pour procéder à une saisie immobilière,
Le débiteur se voit débouter de l’ensemble de ses demandes ce qui est bien regrettable.
Ceci d’autant plus que la créance est classiquement cédé au fonds de titrisation à vil prix,
Si dans cette affaire, la décision n’est pas favorable au débiteur qui a pris soin de contester cette cession de créances et la qualité du fonds de titrisation, cet axe de contestation, (peut-être mieux développé) demeure néanmoins pertinent.
En effet, la cession de créances au profit d’un fonds de titrisation se fait dans le cadre d’une procédure clairement déterminée par les textes et est assujettie au respect d’un certain nombre de règles de procédure.
Il appartient au débiteur, et à son conseil, de procéder aux vérifications d’usage pour chercher une faille, tantôt dans la régularité des mentions dans le corps même de l’acte notarié, tantôt dans l’obligation d’individualiser et d’identifier clairement les créances cédées.
Ces points de vérifications sont fondamentaux et il ne faut pas oublier que dans pareils cas si le débiteur entend contester la validité même de l’acte authentique de cession de créance, il devra non seulement le conclure devant le Juge de l’Orientation mais il devra, également, envisager une procédure de faux,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, Docteur en Droit,
SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière contre la banque
Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement préteur, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière, dans le cadre de mesures d’exécution,
Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction vente,
Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement prêteur,
La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière, aux fins de vente amiable ou de vente aux enchères, que le créancier n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.
Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;
Ø La qualité à agir du créancier poursuivant
Ø La validité du T.E.G
Ø L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement financier qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction vente,
Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 le Banquier, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.
Le 5 janvier 2016, un deuxième établissement, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits du premier établissement préteur, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.
L’assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation
C’est dans ces mêmes circonstances que le deuxième établissement, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.
L’objectif de la procédure est simple: saisir le bien immobilier et envisager tantôt une vente amiable, tantôt une vente aux enchères publiques,
C’est dans ces conditions qu’à l’audience, la SCI de construction vente résiste contre les mesures d’exécution et conteste la qualité à ester en justice du créancier poursuivant dans le cadre de sa procédure de saisie
I/ Sur la qualité à agir :
En effet la SCI de construction vente considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité et d’un intérêt à poursuivre le débiteur dans le cadre de la procédure
La qualité de la banque à poursuivre le débiteur
Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.
Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le demandeur ne justifie pas de sa qualité.
Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,
Moyens de défense de la SCI de construction
En effet, la SCI de construction vente considère à l’audience qu’il incombe à l’établissement financier, demandeur, de démontrer dans la procédure non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,
Or, telle preuve n’était pas rapportée,
Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,
Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.
Qu’en est il du traité d’apport partiel?
Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à ester en justice à l’audience ?
Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que l’organisme financier réponds de sa qualité à ester en justice sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations du banquier,
Il convient de rappeler qu’en procédure, le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité et doit par voie de conséquence démontrer que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction vente concernée,
Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,
II/ Sur le Taux effectif global :
Deuxièmement, sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.
Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,
La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.
Le demandeur, à l’audience, soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.
Les juges du second degré rappellent toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur
La prescription de la contestation du TEG
La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.
Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,
Que précise le contrat de prêt?
En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction vente que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.
Bien plus, en second lieu, les juges du second degré considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,
Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.
Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction vente, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.
In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.
Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à l’organisme préteur.
En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par l’établissement bancaire comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.
Pour autant les juges du fond préfèrent se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter les droits même du créancier,
Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.
Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,
Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que l’établissement financier fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.
III/ Sur la responsabilité de la banque :
Sur la question de la responsabilité de l’organisme préteur, là encore l’arrêt de la Cour est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction vente avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de son créancier afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.
La SCI de construction reprochait à l’établissement bancaire de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.
Pour autant, là encore, la Cour préserve le créancier préteur,
Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,
La Cour va plus loin et considère que l’établissement financier n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.
Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.
Le créancier peut donc poursuivre sa procédure et saisir le bien immobilier de la SCI,
Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de l’organisme prêteur alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.
A bien y comprendre, l’établissement financier serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.
Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.
Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,
En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :
Ø La qualité du créancier poursuivant à ester en justice
Ø La validité du T.E.G
Ø L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction vente,
Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,
Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières, lorsque le créancier pousse à la vente amiable ou à la vente aux enchères,
Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,
Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,
Là encore, le rôle de l’avocat est déterminant
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,