Saisie immobilière et jugement de divorce

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel en février 2018 qui vient aborder le cas spécifique d’un créancier qui, suite à un jugement de divorce, envisage une saisie immobilière sur la base d’un titre exécutoire à l’encontre de deux époux qui ont divorcés peu de temps avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière,

 

La question se posait alors de savoir si le jugement de divorce, ainsi que sa mention sur les registres d’état civil et donc son opposabilité aux tiers, avaient vocation à impacter les droits du créancier,

 

Dans cette affaire, la société F avait poursuivi les anciens époux K et L (Monsieur K, et Madame L) pour procéder à l’exécution d’un jugement rendu en novembre 2012 par le Tribunal de Grande Instance de Metz qui les avait condamnés au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, auquel venait s’ajouter une deuxième décision de justice, savoir un arrêt rendu le 9 décembre 2014 dans lequel la Cour d’Appel de Metz avait condamné Monsieur K à payer après compensation la somme de 58 000,00 euros.

 

Le créancier n’étant pas réglé a cru bon procéder à la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière afin de réaliser un actif ayant dépendu de la communauté conjugale.

 

Le créancier se prévalait d’une inscription d’hypothèque définitive publiée le 6 février 2015 et d’un commandement de payer valant saisie qui avait dénoncé tant à Monsieur K qu’à Madame L, le 6 avril 2016, et ce, pour une somme de 909 786,53 euros.

 

En première instance, le Juge de l’Exécution avait ordonné la vente du bien aux enchères et rejeté la demande de nullité du commandement de saisie qui avait été soulevée par les époux K et L,

 

En première instance, le Juge d’orientation avait pris soin de ventiler la créance entre époux en précisant que la société F poursuivait la saisie immobilière à l’encontre de Monsieur K pour une créance liquide et exigible de 909 000 euros et à l’encontre de Madame L pour une créance liquide et exigible 6 022,82 euros.

 

Ce même juge d’orientation avait alors ordonné la vente aux enchères publiques du bien et considérait que le jugement de divorce des époux K et L, n’était pas publié au moment de la délivrance du commandement de payer en date du 6 avril 2016, ne pouvait don être opposé de quelque manière que ce soit au créancier poursuivant,

 

Les consorts K et L ont donc interjeté appel de la décision.

 

La Cour d’Appel a estimé que l’appel était recevable.

 

Ceci étant dit, la Cour s’intéresse à la validité de la procédure de saisie immobilière,

 

La Cour rappelait que le commandement de payer valant saisie a été signifié le 6 avril 2016 à Monsieur K et L, avec la mention époux en biens commun, pour paiement d’une somme de 909 786,53 euros, et ce, dans un délai de 8 jours.

 

En réclamant le montant total de la créance aux époux, la société F a agit en qualité de créancier de la communauté conjugale.

 

Or, celle-ci était dissoute par un jugement de divorce prononcé le 9 mars 2015.

 

La question qui se posait était de savoir à quelle date, le jugement de divorce avait été publié afin de déterminer si à la date du commandement, ce jugement était opposable aux tiers par sa publication auprès du registre de l’Etat civil.

 

La Cour considère que le Juge d’orientation, en première instance, a reconnu à tort que tel n’était pas le cas, puisque le jugement de divorce ayant été inscrit en marge des extraits de naissance de chacun des débiteurs saisis le 27 janvier 2016, il était bien évident que cette inscription était antérieure à la délivrance du commandement de payer valant saisie immobilière en date du 6 avril 2016.

 

Dès lors, il convenait de retenir cette date d’inscription en marge des extraits de naissance pour reconnaître que la dissolution du régime matrimonial était bien opposable aux tiers.

 

Il en résulte que, s’agissant d’une indivision post communautaire, le créancier personnel d’un seul des co-indivisaires ne peut saisir en son ensemble le bien indivis.

 

En effet la retranscription des actes de divorce étant antérieure à l’engagement des poursuites, le prononcé du divorce est opposable aux créanciers,

 

Or, dans pareil cas, la cessation de la communauté des biens fait alors place à une indivision post communautaire qui ne peut prendre fin qu’en cas de partage, lequel n’est pas encore intervenu.

 

Il est donc bien évident que la société F ne pouvait poursuivre les co-indivisaires que dans la limite prévue par l’article 815-17 du Code Civil.

 

Immanquablement, le créancier qui a engagé des poursuites sur le fondement d’une copie exécutoire d’un jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Metz en novembre 2012 et d’un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Metz en décembre 2014 à l’encontre des deux époux, ne peut utilement se prévaloir, dans le cadre de la présente procédure, du droit de suite s’attachant à l’inscription d’hypothèque judiciaire.

 

Dès lors, la nullité du commandement de payer s’imposait, tout comme la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente,

 

Ainsi, dans l’hypothèse de mesures d’exécution à l’encontre d’époux divorcés et dont le jugement de divorce est opposable aux tiers pour avoir été retranscrit en marge des actes de naissance de chacun des époux avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière, le créancier doit bien appréhender les créances qu’il détient distinctement à l’encontre de chacun des époux avant de foncer « tête baissée » en engageant une procédure de saisie immobilière,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Péremption du commandement de payer en saisie immobilière

Qu’en est il de la péremption du commandement de payer lorsque la procédure de saisie immobilière dure dans le temps ? Entre hypothèses de suspension de la péremption et hypothèse de prorogation, quel échappatoire pour le débiteur ?

 

 

Il convient de s’intéresser à la question spécifique du délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière qui peut faire l’objet tantôt de prorogation et tantôt de suspension suivant le déroulement de la procédure de saisie immobilière.

 

Une jurisprudence d’octobre 2017 est revenue sur cette problématique particulière au visa de l’article R 321-20 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui précise que le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle combien le droit de la saisie immobilière peut dans certains cas s’inscrire dans la durée et créer de nouveaux obstacles pour le créancier saisissant,

 

Cette longueur procédurale peut avoir des conséquences sur la validité même de la procédure de saisie immobilière puisqu’effectivement si le commandement de payer valant saisie immobilière n’est ni prorogé ni suspendu, il est périmé dans un délai de deux ans à compter de sa publication à la Conservation des Hypothèques.

 

Il convient de rappeler que les mentions en marge de la copie commandement de payer publié ont vocation à informer les tiers qu’il y a une saisie immobilière, ce qui entraine la compétence exclusive du Juge de l’Exécution pour toutes ventes forcées ou amiables du bien en question dès sa signification,

 

Parallèlement à cela, cela permet à tout tiers intéressé en ce compris les créanciers inscrits de déclarer leur créance au sein de la procédure.

 

Cette jurisprudence rappelle en tant que de besoin les effets des articles les articles R. 321-20 et R. 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui prévoit le délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée d’une décision de justice emportant la suspension des procédures d’exécution, tant que cette décision produit ses effets, ainsi que d’une décision ordonnant le report, en vertu d’une disposition particulière, de l’adjudication ou la réitération des enchères, dans l’attente de l’adjudication à intervenir,

 

Or, en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d’un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement

 

La question est de savoir dans quelles conditions, dans l’hypothèse où la procédure s’inscrirait dans la durée, le débiteur pourra opposer la péremption du commandement de payer, ce qui aurait pour effet de mettre fin à la procédure.

 

Cela pourrait avoir pour effet d’entrainer la nullité de l’intégralité des actes de l’ensemble de la procédure et par là même d’envisager une prescription si par extraordinaire la banque souhaitait relancer par la suite, une nouvelle procédure de saisie immobilière.

 

Dans cette affaire, à la suite d’un commandement valant saisie immobilière délivré à M. X par la société A, le Juge de l’Exécution , après une première adjudication, a, par jugement publié en marge du commandement le 4 juillet 2013, prorogé pour une durée de deux ans les effets du commandement.

 

Puis ce même Juge a, par jugement du 18 juillet 2013, fixé au 7 novembre 2013 la date à laquelle il serait procédé à une nouvelle adjudication par réitération des enchères.

 

Par jugement du 5 décembre 2013, publié en marge du commandement le 7 février 2014, le Juge de l’Exécution a dit le syndicat des copropriétaires subrogé dans les poursuites et a fixé au 3 avril 2014 une nouvelle date d’adjudication.

 

L’affaire a été à nouveau renvoyée dans l’attente de l’issue d’un recours formé contre ce jugement.

 

Puis, le Juge de l’Exécution a, par jugement du 19 novembre 2015, ordonné la subrogation de la banque dans les poursuites,

En même temps il a prorogé les effets du commandement pour une durée de deux ans courant à compter de la vente sur réitération des enchères et à l’expiration de la durée restant à courir à compter de la suspension,

 

Puis a fixé une nouvelle date d’adjudication.

 

Les deux parties avaient une interprétation contraire sur les dispositions de l’article R. 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, selon lesquelles « Ce délai est suspendu ou prorogé, selon le cas, par la mention en marge de la copie du commandement publié d’une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d’exécution, le report de la vente, la prorogation des effets du commandement ou la décision ordonnant la réitération des enchères. »

 

  1. X. sollicitait notamment que soit constatée la « caducité » du commandement.

 

La Cour d’Appel n’a pas partagé cet avis puisqu’elle retient que le commandement, publié le 7 juillet 2011, a été prorogé pour deux ans par jugement publié le 4 juillet 2013, soit jusqu’au 4 juillet 2015,

 

Que par la suite, une nouvelle publication en marge du commandement a été effectuée le 7 février 2014, celle du jugement du 5 décembre 2013 fixant notamment la date de la vente sur réitération des enchères au 3 avril 2014.

 

Le cheminement est complexe,

 

Le calendrier de procédure l’est tout autant,

 

Pour autant, il convient de rappeler que l’article R. 321-22 contient un seul cas de suspension, soit la mention en marge de la copie du commandement publié d’une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d’exécution,

 

Ce même texte prévoit trois cas de prorogation de la durée de ses effets, la publication d’un jugement ordonnant soit la prorogation de ceux-ci, soit le report de la vente, soit la réitération des enchères.

 

La question était de savoir s’il y avait matière à prorogation.

 

Le créancier considérait que dans la mesure ou la procédure approchait de son terme, la vente ayant été ordonnée, de sorte que l’esprit du texte conduisait à retenir que la durée de la prorogation des effets du commandement s’étendait jusqu’à la publication de la vente, aucun élément ne justifiant la limitation que souhaitait lui donner M. X et qu’en matière de réitération des enchères, la date de la vente peut être reportée sans qu’une sanction soit encourue.

 

C’est dans ces circonstances que le premier juge avait retenu que le commandement n’était pas périmé.

 

Pour autant la Cour de Cassation ne partage pas cette analyse,

 

Elle rappelle que le jugement ordonnant la réitération des enchères avait uniquement suspendu le cours du délai de péremption, depuis sa publication et jusqu’à la date du 7 novembre 2013, prévue pour l’adjudication,

 

Des lors, les renvois ultérieurement ordonnés, pour des motifs étrangers aux causes de report de l’adjudication prévues par les articles R. 322-19 et R. 322-28 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, étaient sans effet sur le cours de ce délai de péremption.

 

Cette décision est salutaire car elle vient rappeler qu’il résulte des articles R321-20 et R 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution que le délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée d’une décision de justice emportant la suspension des procédures d’exécution, tant que cette décision produit ses effets, ainsi que d’une décision ordonnant le report, en vertu d’une disposition particulière, de l’adjudication ou la réitération des enchères, dans l’attente de l’adjudication à intervenir et, d’autre part,

 

Qu’en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d’un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement.

 

En conséquence elle censure toute décision qui retiendrait que la publication d’un jugement ordonnant la réitération des enchères a prorogé les effets du commandement valant saisie jusqu’à ce que la vente sur réitération soit publiée.

 

Ainsi cela à pour effet d’entrainer une véritable péremption d’instance ce qui permet au débiteur de préserver son bien,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Gérant-caution et obligation de mise en garde de la banque

Le gérant-caution peut il opposer à la banque la disproportion ou bien le manquement à l’obligation de mise en garde, lorsque celui-ci est primo-dirigeant et lorsque le financement est immédiatement inapproprié ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en cette fin d’année 2017 qui vient aborder la question spécifique du droit que peut avoir un gérant-caution d’engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.

Dans cette affaire, en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la banque avait, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société X, dont la gérante était Mme Z…, un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z.

L’entreprise faisant faillite, l’établissement bancaire croit bon se retourner contre le gérant-caution,

Ainsi assigné en paiement, le gérant-caution a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde.

Cette jurisprudence pose la question de la mise en garde de la caution lorsque celle-ci est gérante,

Il est vrai que la jurisprudence est toujours sévère à l’encontre du gérant-caution, ce dernier ne pouvant opposer un manquement aux obligations de conseil ou de mise en garde,

Or, dans cette affaire, il importe de préciser que le gérant-caution est primo-dirigeant,

Dans pareil cas, le primo-dirigeant, gérant-caution, a vocation à opposer à la banque ses manquements en terme d’obligation de conseil et de mise en garde,

Or, il ressort des circonstances de l’espèce que dès son démarrage, le financement proposé était voué à l’échec, ce que ne pouvait appréhender Madame Z dans la mesure ou elle n’était que primo dirigeante, et ce ne pouvait ignorer la banque, à même de comprendre que le financement proposé, aux vu de éléments comptables et financier, était parfaitement inadapté,

Dès lors, la banque est tenue à une véritable obligation de conseil et de mise en garde à l’encontre de la caution, fut-ce t’il gérant-caution, dans la mesure ou ce dernier est primo-dirigeant,

Cette jurisprudence est salutaire car elle vient caractériser la responsabilité de la banque au titre du manquement au titre de son devoir de mise en garde.

Dans un premier temps, Madame Z en qualité de gérant-caution avait envisagé d’invoquer la disproportion de l’engagement de caution à l’encontre de la banque.

En effet, il convient de rappeler qu’en application de application de l’article L. 341-4 du Code de la Consommation,  » un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation  »

Madame Z, même en qualité de gérant-caution, invoquait le caractère disproportionné de son engagement car lors de la signature de l’acte de cautionnement du 15 décembre 2010 elle n’avait comme justificatif de revenus que des avis de versement de l’allocation de retour à l’emploi d’un montant de 22, 20 € par jour.

La banque rappelait, quant à elle, que la fiche patrimoniale renseignée par Madame Z…faisait état que celle-ci était propriétaire d’un bien immobilier d’une valeur estimée de 180 000,00 € nonobstant l’encours bancaire propre à ce bien immobilier et que l’actif patrimonial permettait de garantir l’engagement de caution, de telle sorte que la disproportion ne pouvait être retenue,

Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

La Haute juridiction retient que pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de gérant-caution, il convient de tenir compte non seulement des revenus du gérant-caution mais également des biens mobiliers ou immobiliers qu’elle possède au moment de la signature.

Dès lors, la Cour considère que s’il est exact que les revenus de Madame Z étaient réduits lors de l’acquisition du fonds de commerce et de la souscription du prêt, il n’en demeure pas moins que l’existence d’un bien propre valorisé à 180. 000 € était de nature à lui permettre de faire face à ses engagements en cas de défaillance de l’emprunteur,

De telle sorte que la Haute juridiction conclut que l’engagement de gérant-caution n’était pas manifestement disproportionné,

Pour autant, tout n’est pas perdu pour le gérant-caution,

En effet, c’est sur la question du devoir de mise en garde que la Cour de Cassation a été bien plus favorable pour le gérant-caution.

La Haute Cour rappelle que le devoir de mise en garde du banquier dispensateur de crédit s’impose lorsque l’emprunteur, ou la caution, est non avertie ou profane, en cas de risque lié à un endettement excessif né de la souscription de l’engagement,

Dès lors, le défaut de mise en garde du banquier peut être sanctionné sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ce qui implique la démonstration d’une faute qui a entraîné un dommage.

La Cour de Cassation procède sur la base d’un double raisonnement.

Tout d’abord elle considère que la personne, même en qualité de gérant-caution, est non avertie et que le crédit en question était non adapté et risquait de générer un endettement excessif.

Dès lors, la Haute juridiction estime que la seule qualité de gérant-caution ne suffît pas à attribuer au gérant la qualité de caution avertie.

Il faut en outre que ce gérant-caution dispose des compétences nécessaires pour apprécier la faisabilité de l’opération et les risques encourus.

Or, Madame Z était enseignante en musique et en chômage de longue durée lorsqu’elle s’est lancée dans ce projet d’acquisition d’un fonds de commerce, ce que la banque ne conteste pas.

Par ailleurs, rien n’indique que le gérant-caution aurait eu une quelconque expérience dans la gestion d’une entreprise et encore moins dans la gestion d’un commerce de thé dansant-restaurant.

Bien plus, la banque ne justifie pas non plus s’être assurée de la faisabilité du projet en demandant notamment à la gérante une étude de marché, un prévisionnel ou les bilans antérieurs du commerce concerné,

L’ensemble de ces éléments, pour la Cour de Cassation, caractérise une légèreté peu compatible avec le devoir de mise en garde de la banque,

En s’abstenant d’opérer à des vérifications élémentaires, en particulier sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités que peut avoir la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, la banque s’est privée de la possibilité de mettre en garde le gérant-caution des risques encourus ;

Ainsi, la banque a manqué à son devoir de mise en garde puisque le gérant-caution n’a pas été en mesure de prendre la mesure du risque de perdre son patrimoine immobilier qui constitue aussi le logement familial, ce bien n’étant pas immédiatement réalisable.

La Cour de Cassation souligne que les difficultés de l’entreprise qui sont survenues très rapidement après l’acquisition du fonds de commerce démontrent clairement que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement.

Dès lors, et à juste titre, la Cour de Cassation vient sanctionner l’établissement bancaire car immanquablement Madame Z, même en qualité de gérant-caution, n’était pas une caution avertie,

La Haute juridiction rappelle que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsqu’au jour de l’engagement celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s’il existe un risque d’endettement né de l’octroi du prêt garanti.

La Cour de Cassation a souligné le risque de l’endettement né de l’octroi du prêt, ce qui résultait de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur,

Ceci d’autant plus que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, de telle sorte que le gérant-caution, ne pouvait qu’être exposé.

Dès lors, le gérant-caution n’est pas démuni sur le terrain juridique et judiciaire lorsque l’établissement bancaire vient le chercher en paiement,

Loin s’en faut,

Et heureusement d’ailleurs,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Cession de créance et retrait litigieux, quand et combien ?

Droit au retrait litigieux, ou comment la caution doit contester le droit au fond du créancier d’une créance qui a été cédée, cession de créance d’une parmi tant d’autre, alors que le cessionnaire se garde bien d’individualiser la créance afin d’empêcher dans la pratique, le recours au retrait litigieux,

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en avril dernier relatif la question spécifique de la cession de créance et du retrait litigieux.

 

Il convient de rappeler que le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession de créance, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu’au cours de l’instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.

 

Il est alors question de retrait litigieux,

 

Il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1699 du Code Civil « celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s’en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite ».

 

C’est sur ce fondement juridique qu’est abordé la question de la contestation de la créance initiale pour permettre le retrait litigieux.

 

Cet arrêt aborde deux problématiques particulières,

 

La première est relative à a date à retenir pour la cession de créance,

 

La deuxième est relative à l’individualisation de la créance en tant que telle,

 

Ces deux problématiques abordées ne répondent qu’à une seule question : dans quelles mesures ou sous quelles conditions effectuer ce retrait litigieux,

 

Dans cette affaire, rendue sur renvoi de cassation, les faits remontent à 1987.

 

En effet, par acte du 30 juillet 1987, la banque a consenti à M. et Mme X. deux prêts garantis par l’engagement de caution d’une mutuelle,

 

Les débiteurs principaux s’étant montrés défaillants, la banque le 16 septembre 1998, les avait assignés en paiement ainsi que la caution,

 

Le 19 février 1999, la banque avait cédé à la société M CREANCES un portefeuille de créances incluant celle née des prêts consentis à M. et Mme X.

 

Dans cette affaire la Mutuelle opposait à la société M CREANCES son droit au retrait litigieux au motif pris qu’en sa qualité de caution, elle avait vocation à pallier la carence du débiteur principal et que par conséquence, elle était parfaitement en droit de lui opposer son droit au retrait litigieux.

 

La société M CREANCES s’opposait aux prétentions de la mutuelle sur la base de deux motifs de contestations,

 

Le premier était relatif à l’incapacité d’individualisation de la créance dans la mesure où la cession de créances emportait un portefeuille de cession de créances,

 

Par ailleurs, elle considérait que le droit à céder de la caution n’avait pas fait l’objet de contestations de la part de la caution.

 

La société M CREANCES opposait en outre que la cession portant sur un portefeuille de 391 créances incluant celle née des prêts consentis aux époux X pour un prix global d’une valeur de 21 723 984 euros, de telle sorte qu’en pratique le retrait litigieux était impossible,

 

Bien plus, la société M CREANCES se refusait de communiquer la liste,

 

Cependant, dans le cadre de la procédure en question, la société M Créances avait malgré tout remis l’acte authentique des 23 et 24 mai 2000 dans lequel l’acte de cession de portefeuille de créances comportait bien la liste exacte de l’ensemble des créances cédées, rendues anonymes, à l’exception de celle des époux X, bien visible,

 

La question se posait alors de savoir comment calculer le cout de la cession en litige, pour pouvoir exercer le retrait litigieux,

 

Afin de résoudre cette problématique, la Mutuelle envisage un système de calcul adapté, faute d’éléments de réponse de la part du cessionnaire,

 

La Mutuelle se positionne à la date de cession, date à laquelle la dette des époux X représentait un montant de 59 777,39 euros, alors que la totalité des créances cédées représentait un montant total de 84 475 036,77 euros, soit une valeur bien supérieur au prix d’achat fixé dans l’acte de cession à la somme de 21 723 984,95 euros,

 

Comme quoi, même l’argent se monnaye à vil prix,

 

Au détriment du débiteur…..,

 

La Mutuelle résiste en rappelant que le seul fait que la cession ait été faite pour un prix global, qui n’est pas calculé créance par créance mais qui résulte, d’une approche globale du portefeuille cédé, n’est pas en soit de nature à écarter l’application de l’article 1699 du code civil alors que les créances sont individualisées dans la copie authentique de l’acte de cession ;

 

A bien y comprendre, rien ne s’opposerait à ce que le prix de cession, ne comprenant que des créances soient appréhendé sur la base d’un pourcentage du montant total de celles-ci alors que l’acte de cession ne comporte aucune précision ou règle de calcul applicable au prix de cession des créances cédées.

 

Dès lors la Mutuelle considère qu’il pouvait être admis que si le retrait litigieux ne pouvait être ordonné qu’en échange du paiement du prix réel de cession et non d’une somme forfaitaire, en l’espèce force était de constater que l’ensemble des créances cédées d’un montant théorique de 84 475 036,77 euros a été racheté pour la somme de 21 723 984,95 euros soit 25,71 % des créances référencées.

 

Cette argumentation fait « mouche », car ce prorata n’est pas contesté par la société M CREANCES.

 

C’est donc à bon droit que la Mutuelle considère que la créance cédée par référence au montant de sa dette par rapport à l’ensemble des créances cédées et au prix total de la cession, sur une base de 25,71 % de la créance initiale d’un montant de 59 777,39 euros, représenterait une somme proratisée sur cette même base de 15 368,76 euros les conditions du retrait litigieux étaient remplies.

 

Il importe de préciser que dans le cadre de cette argumentation, la société M CREANCES n’a proposé aucune autre évaluation du prix réel de la créance avec les frais et loyaux coûts que celle proposée par la mutuelle.

 

Des lors, tout laisserait à penser que les conditions du retrait litigieux seraient remplies en présence d’une créance litigieuse et que l’économie de la cession résultant de l’acte produit dans son intégralité rendrait possible la détermination du prix réel correspondant à la cession litigieuse.

 

Pour autant, la Mutuelle n’en reste pas là et reproche également à la société M CREANCES sa résistance à communiquer l’information au motif qu’elle s’opposait au retrait litigieux.

 

Dès lors, la mutuelle est bien fondée à solliciter des dommages et intérêts équivalente à perte de la chance d’effectuer son droit de retrait litigieux en s’opposant à la communication de l’acte de cession de créances pendant presque 10 ans.

 

Cette argumentation est intéressante car elle permet de contester la réticence parfaitement scandaleuse, mais tellement fréquente, que peuvent avoir certains établissements bancaires à communiquer des informations importantes et non négligeables afin de justement permettre au débiteur ou la caution d’exercer son droit au retrait litigieux,

 

La deuxième problématique qui se pose est de savoir à quelle stade la créance était litigieuse,

 

En effet, la société M CREANCES considère que tant bien même la Mutuelle a été appelée en cause dans le cadre d’un contentieux à l’encontre des débiteurs principaux en sa qualité de caution, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’a pas contesté le bien fondé de cette créance.

 

La société M CREANCES considère que si la mutuelle, en sa qualité de caution défenderesse à l’instance en paiement engagée par le créancier, a la faculté d’exercer son droit de retrait, encore faut-il qu’à la date de la cession de la créance, objet du litige, il existait une contestation sur la créance afin que celle-ci soit litigieuse au sens de l’article 1700 du code civil.

 

Elle rappelle que la créance objet du litige a été cédée le 19 février 1999 avec un portefeuille de 391 créances incluant celle née des prêts consentis aux époux X la cession étant signifiée à la mutuelle le 25 octobre 1999 ;

 

Les époux X et la mutuelle en sa qualité de caution, ont été assignés en paiement par l’établissement bancaire par exploit d’huissier en date du 16 septembre 1998 après que la mutuelle avait manifesté, suite à deux mises en demeure en date du 9 mars 1995 de payer le solde des prêts impayés, et par deux courriers datés d’avril et juillet 1995, sa contestation en soulevant que son consentement à l’acte de cautionnement a été vicié par les fausses déclarations des époux X et par le défaut de diligence et de sérieux de l’analyse effectuée par les services de la banque lors de la constitution du dossier, constitutifs de dol.

 

Il ressort des circonstances de la cause que par courrier adressé à la banque le 10 juillet 1998 en réponse à la mise en demeure de payer en date du 4 juin 1998, la mutuelle avait réitéré sa position et son refus de payer et sa contestation sur l’existence même du droit de la caisse.

 

Tant bien même la mutuelle n’avait formalisé que par conclusions en date du 6 mai 1999, sa contestation à l’action en paiement de la caisse, il n’en demeure pas moins que l’assignation en paiement qui lui a été délivrée le 16 septembre 1998 était en droit d’exercer le retrait litigieux de la créance cédée.

 

Sur ce point la Cour de Cassation rend une décision regrettable puisqu’elle considère que la créance cédée n’avait fait l’objet, dans le cadre de l’instance engagée par la banque à l’encontre des débiteurs principaux et de leur caution, d’aucune contestation sur le fond antérieurement à la cession, ce dont il résulte que les conditions du retrait litigieux n’étaient pas réunies,

 

De telle sorte que la caution n’avait donc pas été privée de la possibilité de l’exercer rappelant le principe selon lequel le retrait litigieux, institution dont le caractère exceptionnel impose une interprétation stricte, ne peut être exercé que si, antérieurement à la cession, un procès a été engagé sur le bien-fondé du droit cédé et qu’au cours de l’instance, celui qui entend exercer le retrait a, en qualité de défendeur, contesté ce droit au fond.

 

Cette jurisprudence est décidemment regrettable car en considérant qu’il n’y a pas eu de contestations elle expose la responsabilité de l’avocat à charge des intérêts de la Mutuelle, alors que celle-ci n’a eu de cesse faire part de son désaccord.

 

Telle décision mets immanquablement à mal l’ensemble des correspondances adressées par la caution qui n’a eu de cesse de manifester son désaccord quant au paiement des créances réclamées.

 

A mon sens, cette interprétation stricte sert le créancier bénéficiaire d’une cession de créances sur la base d’une créance cédée par l’établissement bancaire au détriment du débiteur et de sa caution alors même que ces derniers n’ont eu de cesse de contester les prétentions de la société M CREANCES.

 

Cette jurisprudence demeure intéressante car elle rappelle au débiteur ou bien encore à la caution que le droit à contestation ne se présume pas en tant que tel,

 

Il appartient à ces derniers de contester, sans relâche, les prétentions du créancier, encore plus lorsque la créance est cédée et que le cessionnaire se garde bien de révéler le cout de le cession en litige, ne serait-ce que pour empêcher le débiteur ou la caution de recourir à son droit au retrait litigieux,

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Vente en viager, entre avantages et inconvénients,

Quels sont les avantages et inconvénients d’une vente en viager, tant au regard du vendeur, autrement appelé le crédirentier qu’au regard de l’acheteur, le débirentier ? Entre nullité de la vente d’une part, et résiliation de la vente d’autre part,

Il convient de s’intéresser au cas de la vente immobilière en viager, dite vente en viager, dans laquelle l’acquéreur appelé débirentier a vocation à payer une soulte d’entrée mais également et surtout une rente périodique jusqu’ au décès du vendeur appelé crédirentier

 

La vente en viager est une bonne opportunité de transmission du patrimoine avec une rente mensuelle qui permet notamment à des personnes âgées de disposer d’un complément de retraite non négligeable

 

Le décès du vendeur va mettre fin au paiement de cette rente, le débirentier devenant alors pleinement propriétaire.

 

Cependant cette vente en viager crée deux difficultés majeures tantôt du fait du débirentier tantôt du fait du crédirentier.

 

Il n’est pas rare de voir un contentieux naitre de la part des héritiers du crédirentier qui viennent contester le prix de la vente en viager, notamment lorsque la vente en viager s’est faite sur la base d’une petite soulte et que les rentes ‘n’ont pas été réglées dans les temps.

 

Cela donne parfois l’impression aux héritiers de voir le bien bradé et de voir leur succession vidée,

 

Fort heureusement il y a des calculs précis qui viennent déterminer si le bien n’a été pas été vendu à un prix bien inférieur à la valeur du marché et ce en considération de l’aléa découlant de la projection que l’on peut espérer de l’espérance de vie du vendeur.

 

Les modalités de calcul du juste prix de la vente en viager se font en prenant en considération le bouquet mais également en faisant une projection du nombre des rentes.

 

Pour autant, la jurisprudence est précise et rappelle qu’il importe de comparer les revenus du bien immobilier ainsi que des intérêts du capital que le bien peut représenté et que la rente en viager correspond bien à la valorisation qui peut être faite du bien par le biais d’autres revenus.

 

Plus le risque de perte financière est important pour le crédirentier et plus la rente risque d’être remise en question tout comme l’appréciation de l’aléa et du caractère sérieux du prix de vente qui aurait été fixé dans le cadre de cette rente en viager.

 

L’analyse des revenus se fait par une approche in concreto prenant les revenus et charges du bien tels que l’on peut légitimement le définir.

 

Le décès prématuré du vendeur peut être une cause de nullité de la vente en viager.

 

Il convient de préciser que plusieurs articles régissent cette vente particulière et viennent sanctionner le décès prématuré du crédirentier notamment les articles 1974 et 1975 du Code Civil.

 

Tout contrat de rente viagère, créé sur la tête d’une personne qui était morte au jour du contrat, ne produit aucun effet,

 

Il en est de même du contrat par lequel la rente a été créée sur la tête d’une personne atteinte de la maladie dont elle est décédée dans les vingt jours de la date du contrat.

 

Ces dispositions et la jurisprudence que va de pair s’appliquent aussi lorsque la rente viagère est constituée sur plusieurs tètes.

 

La question d’absence d’aléa s’analyse sur la base du décès du dernier crédirentier et ce dans le délais de vingt jours ce qui peut sembler malgré tout extrêmement court.

 

La contestation de la vente en viager à l’encontre crédirentier est relative parfois à la mauvaise fixation du bouquet et de la rente mensuelle qui peut être fixée sur un taux bien inférieur à ce qu’on peut légitiment espérer.

 

En effet, la jurisprudence vient sanctionner la vente en viager lorsque la rente viagère est bien trop faible voire dérisoire.

 

Il faut procéder à des vérifications précises du prix dans l’acte de vente établit par le notaire qui doit clairement déterminer la valeur du bouquet qui s’entend comme une somme d’argent immédiatement exigible ainsi que le solde du prix de vente en viager déduit en rente viagère jusqu’à l’hypothèse du décès du ou des crédirentiers.

 

Se porte également une réflexion sur la notion de consentement du crédirentier dans le cadre de cette vente en viager qui est souvent soulevé par les héritiers du crédirentier.

 

Il importe de s’interroger sur l’état de santé mentale du vendeur au moment de la vente.

 

Il faut également vérifier si oui ou non le vendeur avait parfaitement conscience de ce qu’il faisait afin de vérifier la parfaite véracité de son consentement.

 

Il importe de savoir ce qu’il en est lorsque le débirentier décide de ne pas faire face à ses obligations et ne paye plus la rente viagère

 

Cette question est d’autant plus importante qu’il n’est pas rare de constater que la rente viagère est un complément de retraite bien salutaire

 

Il arrive que la vente en viager se fasse suivant plusieurs options dans l’hypothèse d’un viager dit viager occupé avec parfois une majoration de la rente lorsque le bien devient libre.

 

Certaines clauses prévoient également une majoration de la rente au titre des obligations de soins qui vont de pair.

 

L’ensemble de ces éléments sont donc à prendre en considération et sont déterminants sur le fait que le débirentier doit bel et bien régler ses échéances car en cas d’impayés, cela plonge le crédirentier en grande difficulté financière.

 

Il convient de rappeler que les actions en paiement des arrérages sont assujettis à une prescription de 5 ans, chaque rente impayée faisant partir à nouveau un nouveau délai de prescription.

 

Dès lors, se pose la question de la résiliation du contrat de vente en viager dans l’hypothèse où notamment le débirentier ne paye plus la rente viagère.

 

Il importe de vérifier si oui ou non est prévue dans le contrat de vente en viager, une clause résolutoire expresse et non équivoque qui vient à procéder à la résolution de la vente en viager en cas de non paiement des rentes et ce suivant un commandement de payer visant la clause résolutoire qui pourrait être signifié par voie d’huissiers et qui permettrait dès lors de mettre fin à la vente.

 

La loi prévoit par ailleurs dans son article 1978 du Code Civil que « le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise point celui en faveur de qui elle est constituée à demander le remboursement du capital, ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné … »

Le crédirentier est en droit d’exiger le paiement des rentes impayées soit par voie d’assignation devant le juge des référés soit par voie d’assignation au fond devant le Tribunal de Grande Instance,

 

Il peut lorsqu’un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue dans l’acte notarié a été signifié demander la résiliation de la vente aux torts exclusifs du débirentier.

 

Il convient d’être attentif aux effets de la résolution de la vente en viager car dans la mesure ou la condition résolutoire a vocation à procéder à la révocation de l’obligation, il est bien évident que l’ensemble des parties sont remises en l’état de la situation comme si l’obligation n’avait jamais existée.

 

Or, cela suppose le remboursement du bouquet et des rentes perçues par le crédirentier.

 

Fort heureusement, le crédirentier n’est pas démuni sur ce point car il peut dans un premier temps prévoir dans le contrat de vente en viager qu’en cas de résolution, le crédirentier conservera l’ensemble des arrérages perçus, bouquet compris.

 

Il peut également prévoir une clause pénale permettant la conservation du bouquet dans son contrat et il peut demander de toute façon à ce que le Juge atténue les effets de la résolution en accordant des dommages et intérêts au crédirentier sur la base d’un montant au moins équivalent à ce qu’il a déjà perçu jusqu’à ce jour.

 

Cela entrainerai une compensation entre sa dette de restitution et la créance de dommages et intérêts que viendrait réclamer au débirentier indélicat qui n’a pas cru bon faire face à ses obligations.

 

Dès lors, immanquablement la vente en viager offre des avantages tant au crédirentier qu’au débirentier qui trouve intérêt à acquérir un patrimoine à moindre coût.

 

La vente en viager peut également présenter des inconvénients car d’un coté, il n’est pas rare de voir les héritiers du crédirentier remettre en question la vente en viager et il n’est pas rare non plus de voir que le crédirentier rencontre bon nombre de difficultés lorsque le débirentier ne fait plus face à ses obligations et ne règle plus les rentes.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

SCI de construction et moyens de contestation en saisie immobilière

Quels sont les moyens de défense d’une SCI de construction dans le cadre d’une saisie immobilière ? Entre qualité à agir, erreur de TEG et rupture abusive de crédit, bon nombre de moyens sont à opposer à l’établissement bancaire, et à défaut, des solutions alternatives à la saisie existent,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’Appel d’Aix en Provence en ce mois de septembre 2017 qui vient aborder la capacité qu’à une SCI de construction, de se défendre en droit de la saisie immobilière,

Si bon nombre de SCI sont des SCI familiales, la question peut également se poser concernant des SCI de construction,

Car il est bien évident que même les SCI de construction vente, S.C.I.C.V, peuvent rencontrer des difficultés avec leur établissement bancaire,

La SCI de construction peut alors se retrouvée attrait dans une procédure de saisie immobilière que la banque n’a pas manqué d’engager sur la seule base d’une déchéance du terme et d’un acte authentique.

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder trois questions spécifiques à savoir ;

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Dans cette affaire, par acte notarié en date du 2 juin 2010 la Banque, le Crédit du Nord, avait consenti à une SCI de construction vente un prêt d’un montant en principal de 2 400 000 euros dont le remboursement était garanti par une inscription d’hypothèque conventionnelle.

Le 5 janvier 2016, une deuxième banque, la Société Marseillaise de crédit, venant aux droits de la première banque, le Crédit du Nord, avait fait signifier à la SCI de construction en question, un commandement de payer valant saisie immobilière portant sur une somme de 297 895,06 euros obtenu selon décompte établi le 3 septembre 2015.

C’est dans ces mêmes circonstances que la deuxième banque, a fait signifier une assignation à comparaitre devant le Juge de l’orientation pour une audience du 29 mars 2016.

 

C’est dans ces conditions que la SCI de construction a contesté la qualité à agir du créancier poursuivant.

 

I/ Sur la qualité à agir :

 

En effet la SCI de construction considérait qu’il appartenait à la deuxième banque, la Société Marseillaise de Crédit de justifier d’une qualité à agir et d’un intérêt à agir.

 

Ceci était d’autant plus justifié que dans le cadre de son intervention, cette dernière précisait bien qu’elle intervenait sur la base d’une convention d’apports partiels.

 

Cette argumentation du débiteur saisi me semble parfaitement légitime car il n’y a aucune raison que le créancier ne justifie pas de sa qualité à agir.

 

Le fait qu’il y ait une convention d’apports partiels ne donne pas forcément une légitimité au nouveau créancier de saisir le bien,

 

En effet, la SCI de construction considère qu’il incombe au créancier, demandeur, de justifier non seulement de l’apport partiel d’actif mais doit également justifier, au sein de cet apport partiel, la ligne de créance de la SCI de construction,

Or, telle preuve n’était pas rapportée,

Le créancier expliquant seulement de ce que le traité d’apport partiels d’actifs découlait d’un regroupement géographique de leurs activités par la SA Crédit du Nord, préteur et la Société marseillaise de crédit,

Lequel traité d’apport partiel d’actif avait été approuvé par l’assemblée générale de ses actionnaires, le 19 octobre 2012.

Pour autant, cela était-il suffisant pour justifier d’une qualité à agir ?

Or, curieusement, la Cour d’Appel considère que la banque justifie de sa qualité à agir sans même procéder à quelques vérifications que ce soit en prenant tout simplement pour acquis les déclarations de la banque,

Il convient de rappeler que le demandeur doit rapporter la preuve de sa qualité à agir et doit par voie de conséquence justifier que cette convention d’apports partiels comprend bien la créance de la SCI de construction concernée,

Dès lors, le Juge ne peut se retrancher derrière une simple présomption et rien qu’en cela, la décision est contestable,

II/ Sur le Taux effectif global :

En deuxième lieu sur la question spécifique du T.E.G, l’arrêt de la Cour d’Appel est tout aussi décevant car il se retranche derrière la problématique de la prescription et se refuse à toute interprétation du contrat.

Dans cette affaire, il convient de rappeler qu’au visa de l’article 1907 du Code Civil, l’intérêt conventionnel, qui doit être fixé par écrit, peut excéder celui de la loi toutes les fois où celle-ci ne le prohibe pas,

La violation des dispositions d’ordre public édictées dans le seul intérêt de l’emprunteur est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels, par une action qui s’éteint si elle n’a pas été exercée dans les cinq ans.

La banque soulève la prescription de la demande de nullité de la stipulation contractuelle fondée sur l’article 2224 du code civil au motif que le point de départ de la prescription est fixé au moment de l’octroi du crédit survenu en juin 2010.

La Cour d’Appel rappelle toutefois que le délai de 5 ans de la prescription des actions liées au contentieux du T.E.G, prévu par l’ancien article 1304 et le nouvel article 1144 du Code Civil, ainsi que par l’article 2224 du même Code, court, en cas d’octroi d’un crédit immobilier à un consommateur ou à un non professionnel, à compter du jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur ou l’irrégularité qu’il invoque, à savoir la date de la convention lorsque l’examen de la teneur de l’acte permet de la constater ou sinon, celle de sa révélation à l’emprunteur

La jurisprudence est claire sur ce point comme le rappelle un arrêt de la 1ère chambre civile du 1er mars 2017 pourvoi n°16-10142.

Pour autant, la Cour d’Appel écarte les prétentions de la SCI de construction, dans un raisonnement en deux temps,

En premier lieu, elle considère que la lecture du contrat de prêt ne permet pas de conclure, contrairement à ce que soutient la SCI de construction que le taux d’intérêt EURIBOR était fixé sur la base d’une année de 360 jours (dite année Lombarde), lequel aurait été sanctionné, s’agissant d’un mode de calcul se répercutant sur le T.E.G dans l’offre de prêt, par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, et qu’aucun chiffrage différent ne permet d’en apporter la preuve contraire.

Bien plus, en second lieu, la Cour d’appel considère que la SCI de construction ne peut se prévaloir d’une absence de spécification portant sur la détermination du T.E.G, qui lui serait apparue postérieurement au contrat, de sorte qu’il doit être retenu que le point de départ de son action ne peut être reporté dans le temps,

Dès lors, la prescription quinquennale, qui court à compter de l’acte du 2 juin 2010, était acquise le 2 juin 2015, soit bien antérieurement à la signification du commandement de payer valant saisie immobilière survenue le 5 janvier 2016.

Cela est parfaitement regrettable car, là encore, il est bien évident que la SCI de construction, qui signe un contrat de prêt, n’est pas en mesure quelle que soit sa spécificité de procéder à des vérifications d’usage quant à la validité du T.E.G et part sur la présomption que celui-ci serait juste.

In fine, personne ne vérifie si le T.E.G est juste, et ce, pour une raison bien simple.

Tout emprunteur, sauf à être spécialiste en finance et en calcul actuariel, n’est pas en mesure de procéder aux vérifications d’usage et n’a pas d’autre choix que de faire confiance à la banque.

En tout état de cause, si cela était abordé, cela serait pris par la banque comme un sentiment de défiance qui se refuserait à ce moment là à tout financement.

Pour autant la Cour d’Appel préfère se retrancher sur la problématique de la prescription pour éviter de trancher une difficulté concrète qui a vocation à impacter la créance même de la banque,

Or, il n’est pas rare de constater que c’est lors de la signification du commandement de payer valant saisie immobilière dans lequel est prévu un décompte que les montants évoqués semblent particulièrement importants et déstabilisent l’emprunteur.

Le point de départ de la prescription pourrait démarrer à ce moment là, au jour de la révélation de l’erreur,

Pour autant, rares sont les jurisprudences qui laissent à penser que le point de départ de la prescription pourrait être le décompte fourni dans le commandement de payer valant saisie immobilière alors même que c’est à ce moment là que la banque fournit un nouveau décompte réactualisé avec une ventilation entre capital principal et intérêts et frais divers et variés.

III/ Sur la responsabilité de la banque :

Sur la question de la responsabilité de la banque, là encore l’arrêt de la Cour d’Appel est décevant car il convient de rappeler que la SCI de construction avait rencontré des difficultés financières et n’avait eu cesse de se rapprocher de la banque afin d’envisager des accords financiers pour assurer soit un nouveau financement soit la mise en place de délai permettant à la SCI de construction de traverser une crise conjoncturelle qui la mettait en difficulté.

La SCI de construction reprochait à la banque de s’être retranchée dans un silence patenté et en refusant d’apporter toutes réponses positives ou négatives.

Pour autant là encore la Cour d’Appel préserve la banque,

Elle considère que le prêt consenti par la banque à la SCI de construction avait vocation à financer son activité professionnelle et le Juge de l’Exécution a retenu avec justesse que cette société ne pouvait utilement reprocher à l’établissement bancaire une rupture abusive du concours bancaire au visa de l’article L 312-10, devenu L 313-34 du Code de la Consommation,

La Cour va plus loin et considère que la banque n’a pas retiré abusivement son concours comme il lui en est fait reproche, mais à l’opposé, a accepté à plusieurs reprises d’accorder, bien au delà de la date initiale d’échéance du remboursement du seul prêt consenti qui devait survenir le 31 mars 2012, des délais de paiement à la SCI de construction et notamment pour lui permettre de procéder à la vente d’un appartement, selon la proposition que celle-ci lui avait présentée, ce qui n’a pas été suivi d’effet et a mis le créancier en droit de refuser de procéder à un refinancement.

Qu’il s’ensuit la confirmation du jugement et la vente aux enchères du bien en question.

Il est particulièrement regrettable de constater que la Cour suit sans difficulté les seules explications de la banque alors même que sur le terrain factuel, celle-ci ne répondait pas sur les hypothèses de refinancement ou de suspension des échéances afin de trouver une solution amiable.

A bien y comprendre, la banque serait effectivement gagnante à ne pas prendre position et à garder le silence.

Cela donne toute latitude à cette dernière par la suite d’apporter toutes réponses utiles devant la Cour d’Appel au détriment du débiteur.

Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante, à plus d’un titre,

En premier lieu, elle aborde en son sein trois problématiques récurrentes en droit de la saisie immobilière, et relatifs à :

  • La qualité à agir du créancier poursuivant
  • La validité du T.E.G
  • L’hypothèse de la responsabilité de l’établissement bancaire qui aurait commis des fautes notamment en ne soutenant pas son partenaire économique, la SCI de construction,

Ensuite, elle rappelle qu’il appartient au débiteur saisi, qu’il s’agisse d’un simple particulier, d’une SCI ou bien encore d’une SCI de construction vente, de se défendre en soulevant devant le juge de l’orientation l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée,

Car il est bien évident que si les juridictions du fond sont parfois sévères contre les débiteurs qui ont eu le « malheur » de ne plus payer les établissements de crédit, il n’en demeure pas moins que bon nombre de jurisprudences permettent aux débiteurs de se défendre, et d’empêcher des saisies immobilières,

Ceci d’autant plus, que même en cas d’échec, des solutions existent,

Encore plus en présence de SCI, qu’il s’agisse de SCI familiale ou de SCI de construction vente,

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Rejet de chèque, information préalable et responsabilité

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en juin 2017 qui vient aborder la question spécifique du rejet de chèque, du rejet de plusieurs chèques établis par une société qui s’est retrouvée par la suite en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire.

 

Il vient aborder la question de l’information préalable que doit adresser la banque au titulaire du compte.

 

Et ce, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un professionnel,

 

La banque est en effet tenue, préalablement au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, de prévenir son client afin que celui-ci soit en mesure de ré créditer le compte et d’éviter toutes difficultés bancaires et financières.

 

Il convient de rappeler que l’article L131-73 du Code Monétaire et Financier prévoit que :

 

« Le banquier tiré peut, après avoir informé par tout moyen approprié mis à disposition par lui le titulaire du compte des conséquences du défaut de provision, refuser le paiement d’un chèque pour défaut de provision suffisante. Il doit enjoindre au titulaire du compte de restituer à tous les banquiers dont il est le client les formules en sa possession et en celle de ses mandataires et de ne plus émettre des chèques autres que ceux qui permettent exclusivement le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés. Le banquier tiré en informe dans le même temps les mandataires de son client ».

 

Cet arrêt est intéressant car il vient aborder deux points précis.

 

Tout d’abord, il aborde la question de la responsabilité de la banque qui a manqué à son obligation d’information préalable en cas de rejet de chèque et vient aborder en second lieu la question de l’indemnisation et du préjudice qui aurait été subi en l’état de la faute commise par la banque.

 

Mais surtout cet arrêt est d’autant plus intéressant qu’il aborde la question du préjudice pour la société commerciale.

 

Dans cette affaire, la société VE a conclu une convention d’ouverture de compte courant avec l’établissement bancaire avec une autorisation de découvert.

 

En mars et en mai 2006, la banque a rejeté plusieurs chèques pour défaut de provision,

 

Or, aprés avoir été mise en redressement judiciaire, la société VE a assigné la banque en responsabilité pour rupture abusive de crédit et pour défaut d’information préalable au rejet des chèques émis sans provision suffisante.

 

La société VE ayant été mise en liquidation judiciaire le 30 mai 2008, la SCP X, a été désignée en qualité de liquidateur, puis est intervenue à l’instance es qualité.

 

La société VE faisait grief à la banque d’avoir manqué à son obligation de bonne foi en rejetant, sans aucune information préalable pourtant prévue par l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, plusieurs dizaines de chèques et en mettant ainsi fin au découvert autorisé.

 

La question était de savoir si la banque avait remplie ses obligations,

 

La banque en semblait persuadée,

 

Pour autant, il n’en est strictement rien.

 

C’est dans ces circonstances que la société VE a entendu engager la responsabilité de l’établissement bancaire,

 

Elle lui reproche surtout d’avoir adressé des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés.

 

A ce sujet, il est bien évident qu’il y a matière à distinguer un particulier d’une société ou d’un commerçant qui peut émettre un certain nombres de chèques pour lesquelles il a besoin d’un soutien de l’établissement bancaire qui en qualité de partenaire privilégié de son activité a vocation à lui apporter toutes les réponses utiles

 

Plus particulièrement en l’informant des chèques en question.

 

Il est bien évident que le nombre de chèques émis par un professionnel a vocation à représenter un volume bien plus important qu’un simple particulier,

 

Le 6 mars 2006, la banque avait informé la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement d’un chèque »

 

Pour autant, cette lettre n’identifie pas le chèque en cause, et par la suite, aucun avertissement n’a été adressé par la banque pour les 32 chèques rejetés le 10 mars 2006 et le 29 mai 2006,

 

La banque avait alors indiqué à la société VE que « la position du compte ne permettait pas d’effectuer le règlement des chèques venant d’être présentés et elle a mis fin à la convention de compte.

 

Sur le terrain factuel, il ressort clairement que la banque s’était bien gardée d’apporter quelques précisions sur les chèques en question.

 

In fine, cette jurisprudence est satisfaisante,

 

Elle consacre clairement la responsabilité de la banque pour avoir manqué à son obligation d’information préalable du titulaire du compte fut il un client professionnel.

 

Pour autant, la réponse à la première question en appelle forcément une deuxième,

 

En effet, le vrai débat concerne l’indemnisation du préjudice subi.

 

Sur cette question spécifique, la Cour de Cassation est beaucoup plus sévère,

 

Elle sanctionne la Cour d’Appel qui a condamné la banque à payer au liquidateur une somme correspondant au solde débiteur du compte,

 

Alors qu’après avoir énoncé que les dispositions de l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier prévoient une information de la banque au titulaire du compte, préalable au rejet de chèque pour défaut de provision suffisante, elle a retenu que la banque a engagé sa responsabilité en adressant des avertissements n’identifiant aucun des chèques concernés à sa cliente qui est fondée à obtenir réparation du préjudice né du rejet indu des chèques en cause ;

 

Pour autant, sur la question spécifique de l’indemnisation du préjudice né du rejet de chèque indu, la Haute Cour ne partage pas l’avis de la Cour d’Appel.

 

En effet, la Cour d’appel avait indemnisé l’entreprise à hauteur du solde débiteur du compte,

 

Mais la Cour de Cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant du défaut de délivrance de l’information prévue par l’article L. 131-73, alinéa 1er, du code monétaire et financier, qui ne se confond pas avec le rejet fautif du chèque, consiste en la perte de la chance, pour le titulaire du compte, d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis et échapper aux conséquences qui résultent du refus de paiement du chèque,

 

De telle sorte que la cour d’appel aurait violé le texte susvisé.

 

Concernant le préjudice, la Cour de Cassation considère que le préjudice ne peut-être fixé à hauteur du découvert du seul débiteur du compte puisque la véritable problématique était relative au rejet des chèques mais surtout à la capacité qu’avait l’entreprise à couvrir le compte bancaire pour pouvoir faire face aux chèques rejetés en question.

 

Sur ce point, la Cour de Cassation est un peu sévère,

 

Elle considère qu’il y a matière à réflexion sur la réparation du préjudice subi car la Cour d’Appel aurait du rechercher si le paiement des chèques litigieux par la banque n’aurait pas porté lé débit du compte de sa cliente au-delà du découvert autorisé.

 

La véritable question est de savoir si celle-ci aurait été en mesure de faire face à ses obligations et donc de payer les créances en question.

 

Dès lors c’est à juste titre que la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel ne pouvait confondre le solde débiteur du compte et le préjudice subi par l’entreprise qui ne peut s’entendre que comme la perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.

 

La question du préjudice est à mon sens un sujet important car retenir la faute de l’établissement bancaire est une chose et quantifier le préjudice à sa juste mesure en est une autre,

 

Pourtant le sujet de l’indemnisation et de la quantification du préjudice est extrêmement important.

 

Plus particulièrement en liquidation judiciaire afin de désintéresser les créanciers admis au sein de la procédure collective,

 

La décision est quand même à saluer dans son ensemble et ce pour deux raisons, même s’il y a de quoi « rester sur sa faim »,

 

Il est vrai qu’elle vient clairement caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire

 

Il est tout aussi vrai qu’elle vient apporter certaines précisions sur la question de l’indemnisation.

Cependant, à mon sens, le raisonnement est incomplet,

 

Il est bien évident que l’établissement bancaire en l’état des impayés a clôturé le compte et donc généré une cotation près de la Banque de France qui a donné une « mauvaise image » de l’entreprise VE et dès lors celle-ci s’est immanquablement retrouvée handicapée,

 

Cette situation était génératrice de perte de confiance absolue de ses partenaires économiques.

 

Sur ce point, il est bien évident que le préjudice ne peut se cantonner à la seule perte de chance pour le titulaire du compte d’approvisionner celui-ci pour couvrir les chèques émis.

 

Car il ne faut pas oublier que passé l’étape des chèques rejetés, la banque a clôturé le compte bancaire de l’entreprise et l’a affligé d’une « cotation bancaire » désastreuse pour la confiance financière que la société VE souhaitait entretenir avec ses partenaires économiques,

 

Dès lors, le préjudice doit être regardé dans un champ indemnitaire bien plus large,

 

Cette jurisprudence, qui pouvait sembler réductrice sur la question indemnitaire peut sembler incomplète, et pourrait, par une analyse plus extensive, permettre de faire supporter l’intégralité du passif de la procédure collective par l’établissement bancaire qui a eu un comportement abusif et non conforme à la Loi et à la jurisprudence en vigueur.

Responsabilité de la Banque et lettres de change payées sauf désaccord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en octobre 2017 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui vient aborder la question de la convention de compte liant un entrepreneur et l’établissement bancaire lorsqu’une lettre de change, ou des lettres de change, sont présentées sur le compte,

 

Dans cette affaire, pour les besoins de son activité professionnelles, Monsieur E, entrepreneur en bâtiment avait signé plusieurs conventions de compte auprès de l’établissement bancaire prévoyant une facilité de trésorerie pour un montant 20 000 euros qui ne pouvait normalement pas être dépassés.

 

Au cours du mois d’octobre 2012, la société R avait présenté à l’établissement bancaire deux lettres de change tirées par Monsieur E.

 

Ces lettres de change arrivant à échéance fin octobre 2012 étaient d’un montant respectif de 35 000,00 euros et de 46 201,97 euros soit un montant total de 81 201,97 euros.

 

Ces lettres de change ont été débitées le 22 octobre 2012 alors que le compte présentait déjà un solde débiteur de près de 40 000 euros.

 

Or, ce débit d’effet de commerce a eu comme conséquence de passer le compte bancaire en question en débit largement supérieur au débit découvert autorisé.

 

Suite à cela, la banque a adressé un courrier recommandé le 7 décembre 2012 visant un préavis non motivé de 60 jours.

 

Par courrier en date du 8 janvier 2013, Monsieur E était informé que son entreprise était cotée H8 par la BANQUE DE France, cette cotation correspondant aux entreprises menacées compte tenu des incidents de paiement déclarés.

 

Monsieur E assigné en responsabilité la banque devant le tribunal de grande instance, estimant que la banque avait commis une faute en payant les effets de commerce, autrement dit les lettres de change, alors que le solde de son compte était insuffisant.

 

Monsieur E soutenait que l’établissement bancaire avait engagé sa responsabilité en payant les deux effets de commerce litigieux sans avoir, au préalable, vérifié que le compte bancaire présentait une provision suffisante, et sans avoir alerté clairement et en temps utile son client.

 

Cette faute a pour effet d’obérer la situation bancaire et financière et d’aggraver sa cotation Banque de France, à une période où l’activité économique avait diminué, s’agissant d’une période hivernale peu propice à la réalisation de chantiers.

 

Dès lors Monsieur E était bien fondé à considérer que le préjudice causé par ce comportement fautif dépassait l’enjeu des lettes de changes car cela impactait les perspectives de développement et de chiffre d’affaires de l’entreprise.

 

Pour autant, la banque affirme qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle a payé les deux effets de commerce litigieux, dans le respect de la convention “de paiement sauf désaccord” conclue avec Monsieur E,

 

Dans le cadre de la procédure, elle précise avoir adressé le 15 octobre 2012 à Monsieur E un relevé des lettres de change qui seraient payées le 22 octobre suivant, si aucune instruction inverse n’était donnée par Monsieur E,

 

La banque explique que le règlement des deux effets de commerce est intervenu, comme prévu, le 22 octobre 2012, son client ne s’y étant pas opposé.

 

Pour autant, le banquier domiciliataire est le mandataire de son client s’agissant du règlement des effets de commerce, autrement dit lettres de change, qu’il ne peut ainsi payer ces effets que lorsqu’il en a reçu l’ordre de son client, cet ordre pouvant être ponctuel ou permanent.

 

Or, la convention de compte comporte une clause intitulée « Convention de paiement de lettres de change sauf désaccord » dans laquelle Monsieur E donne mandat à la banque, qui l’accepte, de régler sans autre avis tous les effets de commerce, quel que soit leur montant, domiciliés aux caisses de la banque, en faveur de tiers en France par le débit du compte de référence désigné ci-dessus, ou de l’un des autres comptes courants désignés ci-après.

 

Il résulte de cette clause que la banque a reçu un ordre permanent de payer les lettres de change domiciliées dans ses caisses.

 

La question était alors de savoir si le délai prévu dans le contrat était respecté et si cette clause n’était pas abusive en générant un risque pour l’entrepreneur de ne pas répondre dans le délai imparti tant celui-ci est cours.

 

La banque se retranche derrière le fait que les conditions générales prévoient expressément que sur ordre formel du client, banque fait parvenir au client quelques jours avant l’échéance, un relevé d’effets à payer, que le client retourne à la banque au plus tard le dernier jour avant la date de paiement, avec ses instructions de paiement de tout ou partie des effets mentionnés.

 

Pour éviter au client de devoir donner systématiquement ses instructions pour le paiement des effets, une convention dite de « paiement sauf désaccord » peut être conclue par ailleurs; cette convention prévoit que le client ne donne aucune instruction lorsqu’il est d’accord pour le paiement, la banque ne rejetant les effets présentés au paiement qu’à la demande expresse du client en temps utile.

 

La vraie question était de savoir si la lettre avait été envoyée dans un temps conforme aux dispositions contractuelles et si ce temps était suffisant pour permettre à Monsieur E de répliquer dans des délais raisonnables.

 

La banque indique sue ce relevé date du 15 octobre 2012, soit de sept jours avant la date prévue pour le règlement des deux lettres de change.

 

Monsieur E soutenait que la banque n’apportait aucune preuve de l’envoi de la lettre en tant que tel.

 

Que le délai d’expédition laissait une marge de deux à trois jours de réception du courrier, la banque n’ayant pas envoyé la lettre par affranchissement prioritaire.

 

Que par ailleurs, dans l’hypothèse où Monsieur E ne suivait pas son courrier au jour le jour ou étant en déplacement, il est bien évident que le délai était trop court.

 

Pour autant, la Cour d’Appel brille par une certaine intransigeance sur la question des lettres de change et fait une application stricte du contrat au profit de la banque,

 

En effet, la Cour considère que l’envoi de ce relevé sept jours avant la date de paiement prévue n’est pas fautif dans la mesure où, d’une part, ce délai, même bref, permet au tiré de s’opposer en temps utile au paiement, ou au passage des lettres de change, et où, d’autre part, les conventions rappelées ci-dessus ne fixe aucun délai minimum.

 

La Cour d’Appel ne répond pas à l’argumentation de Monsieur E sur les conditions d’acheminement de la lettre ou sur le justificatif de son envoi.

 

Il est donc regrettable que la Cour considère que c’est à bon droit que la banque a payé les deux lettres de change litigieuses contrairement à la convention qui avait été signée et alors même qu’une deuxième difficulté se posait relative à la responsabilité de la banque sur la gestion du compte débiteur.

 

Il convient de rappeler qu’au moment du paiement des lettres de change le compte de Monsieur E était largement débiteur puisqu’il dépassait de plus de 20 000 euros la facilité de caisse.

 

Sur ce, la banque fait passer les lettres de change en augmentant de près de 80 000 euros le découvert en question, ce qui à mon sens caractérise la responsabilité de cette dernière qui aurait du se cantonner au seul découvert autorisé.

 

En conséquence, la Cour se fourvoie en considérant que le simple fait que le compte de Monsieur E ait présenté, au moment du paiement des lettres de change, un solde débiteur dépassant le découvert autorisé, n’était pas, en l’espèce, une anomalie de nature à imposer à la banque d’alerter plus particulièrement son client et de refuser ce paiement dans la mesure où, d’une part, il appartenait à Monsieur E de surveiller le solde de son compte et de s’opposer, le cas échéant, au paiement des lettres de change par prélèvement sur le compte bancaire litigieux, et où d’autre part, la banque avait déjà, par le passé, accepté que le découvert autorisé soit dépassé.

 

Que ces dépassements exceptionnels de découvert, prévus dans la convention de facilité de trésorerie, étaient par la suite réduits par Monsieur E par le dépôt de fonds sur le compte bancaire de telle sorte que compte tenu de ce fonctionnement, la banque a pu légitimement penser qu’il en serait de même lorsqu’elle a payé les deux lettres de change litigieuses et n’a commis aucune faute en procédant à leur règlement.

 

Il peut quand même sembler curieux de constater qu’il est donné force juridique à une pratique qui n’est pas règlementée par la convention de compte et qui vient largement dépasser la facilité de caisse pourtant déjà autorisée à titre exceptionnel.

 

Il est tout aussi curieux que constater que sur le sujet de la lettre de change, la Cour d’Appel fait une application stricte du contrat alors qu’inversement, sur la question de la responsabilité de la banque, celle-ci se réfère non plus au contrat mais à la pratique bancaire.

 

Cette analyse contractuelle à géométrie variable peut sembler parfaitement contestable,

 

Monsieur E reproche également à la banque au titre de la rupture des concours financiers.

 

En effet Monsieur E soutenait que la banque avait manqué à ses obligations légales en ne motivant pas la rupture de ses concours financiers et en ne répondant pas aux demandes faites par son client, ou par le conseil de ce dernier, portant sur les raisons de cette rupture.

 

En réponse la banque a fait valoir qu’elle a rompu ses concours financiers à durée indéterminée en respectant les dispositions de l’article L 313-12 du Code Monétaire et Financier et que, contrairement à ce que prétend l’appelant, ce dernier ne lui a jamais demandé de préciser les raisons de cette rupture.

 

La Cour d’Appel considère qu’il résulte de l’article L 313-12 du Code Monétaire et Financier, le préavis de rupture doit être notifié par la banque par écrit à son client mais qu’en revanche il n’est pas nécessaire d’y indiquer le motif de la rupture, une demande devant être émise par le client pour obtenir une telle justification.

 

Or la Cour ne prend pas en considération le fait que Monsieur E avait manifesté son mécontentement et avait donc par là même sollicité de la banque les raisons de cette rupture ce à quoi elle n’a jamais répondu.

 

Cet arrêt est particulièrement sévère et parfaitement critiquable puisqu’il donne raison à la banque sur tous les points et ce sur la base d’une analyse contractuelle à géométrie variable,

 

Concernant le paiement des lettres de change sauf désaccord, la Cour se réfère à une application stricte du contrat,

 

Lorsqu’il est question du dépassement des facilités de caisse, la Cour se réfère à la pratique bancaire,

La Cour considère enfin que la banque n’a pas à justifier une rupture de concours bancaire dès lors que le préavis de 60 jours a été respecté.

 

Mais surtout, la Cour ne semble pas sensible à la question de la matérialité d’un délai utile pour permettre à l’entrepreneur de donner son désaccord sur les lettres de change,

 

Il appartient donc au chef d’entreprise d’être particulièrement vigilant quant au sort des lettres de change afin d’anticiper toute difficulté avec ces fournisseurs, et surtout avec sa banque,

 

Saisie immobilière ou lorsque le créancier oublie de conclure sur la prescription

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en droit de la saisie immobilière de juin 2017 qui vient aborder une fois de plus les difficultés récurrentes que peut avoir le débiteur afin de préserver ses droits et se défendre dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.

 

Cet arrêt rappelle en tant que besoin la rigueur propre à l’article R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution propre à la saisie immobilière qui rappelle qu’à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incidente ne peut, sauf dispositions contraires, être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article R. 322-15 à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation ou la demande incidente est formée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’acte.

 

Cet arrêt est intéressant car une fois n’est pas coutume c’est au créancier que l’on vient opposer cette irrecevabilité et non pas au débiteur.

 

Cet arrêt vient aborder différentes réponses à deux questions majeures fréquentes en droit de la saisie immobilière,

 

La première question est relative à la question de la prescription qui découle de l’article L 137-2 du Code de la Consommation applicable en droit de la saisie immobilière,

 

Pour autant, la question demeure de savoir si le droit français est applicable alors que le prêt a été conclu en devises étrangères, ou bien, lorsque le prêt a été contracté à l’étranger.

 

La deuxième question était tout aussi intéressante puisqu’il s’agissait de savoir si la banque était obligée de répliquer aux conclusions adverses relatives justement à la question de la prescription ou si elle pouvait se dispenser de le faire.

 

Les faits sont les suivants.

 

La banque avait par commandement de payer délivré le 5 décembre 2014 sollicité le recouvrement d’une créance de 1.105.086,18 euros.

Le juge de l’orientation avait ordonné la vente aux enchères publiques du bien, fixé la date d’adjudication et ses modalités préalables ainsi que la taxation des frais de poursuite.

 

Pour autant, il n’en demeurait pas moins que devant le juge de l’orientation, le débiteur saisi avait contesté le bien fondé de la saisie et avait opposé à l’établissement bancaire la prescription de sa saisie immobilière,

 

Or, la banque n’avait pas pris soin, devant le juge de l’orientation, de répliquer sur cette question pourtant importante.

 

Ce n’est finalement qu’en cause d’appel, devant la Cour, que la banque soutenait que le contrat de prêt, qui liait contractuellement les parties, se soumettait expressément au droit suisse,

 

A bien y comprendre la banque, c’est le droit suisse qui serait applicable pour déterminer la Loi qui règlementerait l’obligation du contrat, qui définirait sa prescription, la durée et le point de départ de celle-ci, les causes de suspension et d’interruption,

 

En cause d’appel, la banque soutenait, finalement, que la charge de la preuve quant au droit applicable pesait sur les épaules de Monsieur X auquel incombait la charge de la preuve,

 

Dès lors, ce serait à Monsieur X de démontrer que rien ne faisait obstacle à l’application des dispositions de l’article L.137-2 du Code de la Consommation qui aurait vocation à s’appliquer au détriment du droit suisse.

 

La banque soutenait que la prescription n’était pas une prescription abrégée, mais quinquennale, conformément au droit suisse par application des articles 127, 128, 135 du code des obligations (suisse) et qu’il résultait des pièces versées aux débats, qui n’étaient pas contestées, que le 3 septembre 2009, la banque prononçait la déchéance du terme en réclamant paiement d’une somme totale de 824.680 CHF dont le décompte joint fait apparaître que l’échéance impayée la plus ancienne est celle du 10 mars 2009.

 

Dès lors, le commandement de payer valant saisie immobilière ayant été délivré en vertu de la copie exécutoire de l’acte notarié du 5 décembre 2014, la prescription quinquennale, prévue par le droit suisse, était donc acquise.

 

Pour autant, la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et écarte l’application du droit suisse,

 

Elle considère qu’il résulte des articles 3 et 5 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 que le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assure les dispositions impératives de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle;

 

Par voie de conséquence, en se bornant à relever que les parties avaient désigné la loi suisse pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation français soulevée par M. X…, la Cour d’Appel a méconnu, ensemble les articles 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, 2, 3 et 5 de la Convention de Rome en date du 19 juin 1980.

 

La Cour de cassation précise encore que les dispositions protectrices du consommateur sont d’application impérative pour le juge français,

 

De telle sorte qu’en se bornant à relever que les parties avaient désigné la loi suisse pour écarter la prescription biennale de l’article L. 137-2 du Code français de la Consommation soulevée par M. X…, la Cour d’Appel a méconnu l’article 3 du Code Civil et l’article L. 137-2 du Code de la Consommation dans sa rédaction applicable aux faits.

 

Par voie de conséquence, la Cour de Cassation a une approche attractive salutaire des dispositions protectrices de l’article L. 137-2 du Code de la Consommation puisqu’elle privilégie et protège le consommateur français.

 

Ceci répond donc à la première question,

 

La deuxième question était de savoir si la banque pouvait considérer qu’elle avait toujours raison à telle point qu’il ne lui était pas forcément nécessaire de se défendre devant le Juge de l’orientation et de se réserver cette prérogative en cas de difficulté devant la Cour,

 

De prime abord, et même si l’arrêt analysé n’est pas très clair sur cette question sur le calendrier précis des échanges qu’ont pu avoir Monsieur X et la banque, il est bien évident que la banque n’a pas cru bon répliquer devant le Juge de l’Orientation sur cette problématique de prescription et semble finalement vouloir s’en défendre devant la Cour d’Appel.

 

Pour autant, la Cour de Cassation constate que la banque n’avait pas devant le juge de l’orientation soulevé ses moyens de défense, savoir, ni l’irrecevabilité de l’exception invoquée par le débiteur et tirée de la prescription applicable en droit suisse, ni l’interruption de celle-ci par l’acte de saisine du tribunal de première instance du canton de Genève, de telle sorte que la créance était bel et bien prescrite.

 

La Cour d’Appel avait quant à elle fait droit à la demande et avait validé la procédure de saisie immobilière et ordonné la vente forcée de l’immeuble.

 

La Cour d’appel retenait en effet : « d’une part que le fait pour le créancier poursuivant, qui a délivré l’assignation à l’audience d’orientation aux fins de vente forcée à défaut de vente amiable, de n’avoir pas répondu aux contestations formées par la partie saisie, ne vaut pas renonciation à ses demandes initiales, et que la reprise par le créancier poursuivant de ses demandes initiales, qui avaient toutes été soumises à l’audience d’orientation par l’assignation, est donc recevable, d’autre part, que l’exception tirée de la prescription invoquée par le débiteur devait être rejetée »,

 

Pour autant, cet arrêt de la Cour d’Appel était critiquable et contraire aux dispositions de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

La Haute Juridiction ne s’y trompe pas,

 

Elle considère qu’en examinant les moyens produits devant la Cour d’appel par la banque, qui n’avait cependant pas conclu au moment de l’audience d’orientation du juge de l’exécution, la Cour d’appel, qui a omis de relever d’office l’irrecevabilité des contestations nouvelles du créancier poursuivant, a manifestement méconnu l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.

 

Fort heureusement, la Cour de Cassation rappelle que la procédure doit être équitable et respecter l’égalité des armes entre le créancier poursuivant et le débiteur saisi,

 

Dès lors, en considérant que la banque était recevable à présenter pour la première fois des moyens qui n’avaient pas été exposés au moment de l’audience d’orientation du Juge de l’Exécution tandis que le débiteur saisi n’était plus autorisé à présenter la moindre contestation nouvelle devant la Cour d’Appel en application de l’article R. 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, la Cour d’Appel a méconnu le principe de l’égalité des armes et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

On ne peut que saluer cet attendu de principe qui rappelle les principes fondamentaux du droit au procès équitable, et casse finalement la décision de la Cour d’appel,

 

En effet, la Cour d’appel semblait plus encline à satisfaire les droits financiers de l’établissement bancaire que de préserver les principes inhérents à la procédure de saisie immobilière pourtant très rigoureuse, et les droits de propriété inhérents au débiteur,

 

La remarque peut sembler sévère,

 

Pour autant, il ne faut pas oublier que dans pareil cas, rien ne dis si l’établissement bancaire a cru bon procéder à la réalisation du bien immobilier sur la base de l’arrêt de la Cour d’appel, exécutoire nonobstant le pourvoi en cassation,

 

Sur ce point l’arrêt commenté reste muet,

 

En tout état de cause, cette décision est salutaire,

 

Elle consacre le caractère attractif et protecteur du droit de la consommation d’application impérative, et rappelle surtout à l’établissement bancaire que rien n’est jamais acquis par avance,

 

De là à ce quelle considère qu’elle ne peut pas vendre le bien immobilier de son débiteur avant de l’avoir tué…., il n’y a qu’un pas,

 

Pas, que le conseil du débiteur ne doit pas laisser franchir.

 

Médiation et saisie immobilière, lorsqu’une mauvaise saisie vaut mieux qu’un bon accord,

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en ce mois de juin 2017 qui vient aborder le cas particulier d’une saisie immobilière qui se fait alors qu’une médiation est en cours entre l’établissement bancaire et son débiteur, et ce, conformément au contrat de prêt qu’il prévoit.

Dans cette affaire, la banque avait engagé à l’encontre de M. et Madame X une procédure de saisie immobilière,

Un jugement d’orientation avait été rendu le 9 juin 2015 constatant la régularité de la procédure et autorisant la vente amiable du bien puisque de prime abord, à bien y comprendre, les consorts X avaient mis le bien en vente afin de faire face à leurs obligations bancaires, nonobstant procédure et médiation,

La particularité de cette affaire est qu’effectivement la clause prévue dans le contrat de prêt permettait une médiation préalablement à toute présentation d’une demande en justice.

Pour autant, la Cour de Cassation, dans sa rigueur habituelle, considère qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut en l’absence de stipulations expresses en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée.

Dans cette affaire, les consorts X faisaient fait grief à l’arrêt confirmatif de considérer la demande de la banque recevable.

La Cour de Cassation considère que la procédure de médiation à la lecture du contrat n’était qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux.

Madame X a formé pourvoi contrat l’arrêt confirmatif au motif pris qu’elle considérait que dans la mesure où une procédure de médiation était envisagée et quand bien même ne serait qu’une procédure facultative aux termes des conditions générales du prêt litigieux, il n’en demeurait pas moins que dans l’hypothèse où la procédure de la médiation était engagée, les parties devaient alors s’y plier et s’abstenir de recourir au juge tant que la médiation était en cours.

Dès lors, pour madame X c’est à tort que la banque a cru bon envisager une procédure de saisie immobilière alors qu’une mesure de médiation était envisagée et que la patience dont l’établissement bancaire aurait pu faire preuve ne pouvait en aucun cas lui nuire puisque le créancier était de toute façon garanti par une hypothèque judiciaire.

Ceci d’autant plus que la procédure de médiation était encadrée dans des délais raisonnables de près de deux mois,

Par ailleurs, l’article L 316-1 du Code Monétaire et Financier dispose expressément que la saisie du médiateur suspend la prescription.

Par voie de conséquence, les consorts X considéraient que la banque avait eu un comportement abusif en envisageant une saisie immobilière.

Inversement, la banque s’en défend puisqu’elle soutient que les pouvoirs du médiateur demeurent en revanche circonscrits, qu’il bénéficie surtout d’un pouvoir de recommandation et les parties peuvent par conséquent ne pas adhérer à leurs recommandations et peuvent par la suite saisir le Juge.

Dès lors, la saisine du médiateur ne constituerait pas un obstacle sérieux à une action en justice, et donc à une saisie immobilière,

La Cour de Cassation semble sensible à cette argumentation,

Bien plus, elle considère que si la banque peut accepter de différer l’introduction du recours judicaire à l’encontre de son client dès lors que le médiateur a été préalablement saisi, il n’en demeure pas moins que ceci n’est qu’une faculté que la banque a la liberté de lever comme bon lui semble afin de poursuivre le débiteur si besoin est.

C’est ce que d’ailleurs les faits démontrent,

La banque n’a absolument pas patienté.

Cet arrêt mérite attention car s’il est bien évident, si tout laisse à penser qu’effectivement, à la lueur des dispositions de l’article L 111-7 du Code des Procédures Civiles d’Exécutions qui disposent que le créancier a le choix des mesures propres à assurer l’exécution ou la conservation de sa créance, le texte rappelle quand même que l’exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l’obligation.

L’article L 121-2 du même Code dispose, quant à lui, que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.

Madame X envisageait sur cette base juridique la condamnation de la banque au motif pris que ces démarches pouvaient être vécues par le débiteur comme des démarches particulièrement agressives alors même qu’une médiation, contractuellement prévue dans le contrat de prêt, avait été mise en œuvre par les débiteurs.

Dès lors, il est bien évident que si les dispositions de l’article L 111-7 n’empêchent pas le créancier de saisir le Juge de l’Orientation alors même qu’une médiation est envisagée, il n’en demeure pas moins que celle-ci pouvait être tout considérée comme abusive au motif que cela pouvait infléchir la médiation,

Ou à tout le moins déstabiliser suffisamment les débiteurs pour faire avorter la médiation,

L’attitude de la banque était particulièrement critiquable,

Ceci d’autant plus qu’il ressort des circonstances de la cause que le médiateur lui même a affirmé que le dossier était encore à l’étude et que la proposition de médiation n’avait pu être finalisée au motif que le dossier n’était pas complet, le médiateur ayant relancé à moult reprises l’établissement bancaire qui n’avait pas daigné apporter de réponses au médiateur,

Immanquablement, la banque s’est refusée à une médiation pourtant contractuellement prévue dans le cadre d’un contrat d’adhésion qu’elle a elle-même établi.

Il est dés lors particulièrement regrettable de constater que la Cour de Cassation ne retienne pas la responsabilité de l’établissement bancaire et considère qu’il n’y a pas matière à caractère abusif de la procédure de saisie immobilière en jugeant que la Cour d’Appel a pu retenir par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et que la demanderesse ne justifiait pas le caractère abusif de cette procédure.

Pourtant, il peut sembler largement critiquable de constater que la banque se sert de son contrat pour soutenir la déchéance du terme et envisager une saisie immobilière et se garde bien de faire face à ses propres obligations contractuelles pour dénier une médiation pourtant contractuellement prévue et pouvant potentiellement aider l’emprunteur,

Cette utilisation à géométrie variable des termes du contrat à son seul profit mériterait pourtant sanction,

La banque montre par là même sa mauvaise foi absolue.

Non seulement l’établissement bancaire ne patiente pas la phase de médiation pour saisir le débiteur, mais bien plus fait volontairement obstacle à ladite médiation en se refusant de collaborer,

Pour autant, il ne faut pas désespérer,

In fine, dans un univers sans solution juridique par nature acquise au profit de l’emprunteur il appartient à ce dernier, malgré tout, et en toutes circonstances, de faire preuve de pugnacité sans faille dans la défense de ses intérêts, et soulever, une fois de plus, l’ensemble des moyens de droit et de fait à sa portée contre l’établissement bancaire,

Laurent Latapie Avocat à Fréjus, Avocat à Saint Raphael,