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Continue readingSort du salarié et fermeture de l’établissement secondaire de l’employeur en location gérance
Résumé :
Qu’en est-il du transfert du contrat de travail d’un salarié lorsque le contrat de location gérance prend fin ? Le salarié est-il transféré automatiquement au bailleur ou doit-il suivre le locataire gérant lorsque celui-ci ne fait finalement que fermer son établissement secondaire pour retourner au sein de son établissement principal ? Quelles conséquences si ce même locataire gérant signe un document dans lequel il s’engage à prendre en charge le cout d’un éventuel licenciement ?
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence rendue par la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Nancy en mai dernier qui vient aborder le cas particulier du sort d’un salarié lorsque le locataire gérant ferme son établissement secondaire.
La question qui se pose est de savoir si les salariés ont vocation à suivre le propriétaire du bail commercial ou suivre le locataire gérant vers son établissement principal.
Quels sont les faits ?
Par acte du 1er novembre2015, Monsieur K a donné en location gérance à la SARL B, un fonds de commerce de café-restaurant sis à Nancy.
Par contrat de travail du 16 décembre 2015, la SARL B a embauché Madame M en qualité d’employée.
Par courrier du 8 décembre 2017, la SARL B a, par l’intermédiaire de son avocat, informé Madame M du transfert du contrat de travail au bailleur Monsieur K.
Par courrier du même jour, elle a informé Monsieur K du transfert dudit contrat de travail.
Par courrier du 26 décembre 2017, Monsieur K a fait savoir à la SARL B qu’il ne poursuivrait pas l’activité, qu’il n’y aurait pas de repreneur et que le personnel ne lui serait pas transféré.
Un état des lieux objets de la location-gérance a été effectué par Monsieur K et la SARL B le 2 janvier 2018 en présence de Maître N, huissier de justice, qui en a dressé procès-verbal.
Par la suite, et par courrier du 30 janvier 2018, Madame M a, par l’intermédiaire de son avocat, indiqué à Monsieur K qu’il était devenu son employeur au 1er janvier 2018 et qu’au vu du refus de ce dernier, il y avait rupture du contrat de travail.
La procédure prudhommale du salarié d’un employeur en location gérance
Par requête du 26 février 2018, Madame M a saisi le Conseil de Prud’hommes de Nancy aux fins de voir condamner Monsieur K à lui payer diverses sommes à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur K a appelé la SARL B en intervention forcée.
Par jugement de novembre 2018, le Conseil de Prud’hommes de Nancy a :
Ø Dit qu’il n’y a pas eu transfert de fonds de commerce au profit de Monsieur K et que l’employeur de Madame M est la société B.
Ø Dit que le licenciement de Madame M est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Ø Condamné la société B à relever et garantir Monsieur K de tout chef de condamnation et de demandes émanant de Madame M
En conséquence,
Ø Condamné la société B à payer à Madame M les sommes suivantes :
· 3094 euros à titre d’indemnité de préavis, 309,40 euros à titre de congés payés
· 773,50 euros à titre d’indemnité de licenciement,
· 4 641 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
· 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La société B a interjeté appel de la décision.
La question était de savoir si nous étions en présence d’un fonds de commerce récupéré par le propriétaire du fonds de commerce, alors que les jurisprudences classiquement abordées en la matière sont relatives à une liquidation judiciaire ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Restitution du fonds de commerce ?
Il convenait de savoir s’il y avait restitution du fonds de commerce.
La SARL B faisait valoir que la résiliation du contrat de location gérance au 31 décembre 2017 avait pour effet le transfert du contrat de travail des salariés au bailleur du fonds, Monsieur K commerçant.
Elle ajoute qu’il avait été informé du transfert des contrats de travail et qu’il ne soulevait pas l’état de ruine des locaux objets de la location gérance.
Transfert du contrat de travail en cas de ruine ?
Monsieur K faisait valoir qu’il n’y avait pas transfert du fonds de commerce à son profit car l’activité exploitée par la SARL B était propre à cette dernière, qui poursuivait son activité de restauration italienne à son siège social.
Il ajoute que les salariés travaillaient tantôt dans un établissement de la société, tantôt dans l’autre.
Le propriétaire du fonds ne reprend pas l’activité
Le bailleur indiquait qu’il n’avait pas repris l’activité et qu’il y avait lieu de considérer qu’il y avait ruine du fonds et que le fonds n’avait été que partiellement restitué par l’impossible exploitation au 1er janvier 2018, au motif du retrait des éléments incorporels, de la disparition de la clientèle et du travail de certains salariés ·sur l’établissement de la SARL B.
Il ajoutait que le droit ·au bail et le local vide ne suffisaient pas à constituer un fonds de commerce.
Il précisait qu’il n’était inscrit au registre du commerce que comme professionnel de la location de chambre meublée et non comme exploitant.
Il importe de préciser que dans le cadre de la rupture du contrat de location gérance, Monsieur K faisait valoir que la SARL B et sa gérante avaient signé une attestation de reprise des salariés.
L’attestation de reprise des salariés par le locataire gérant
Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article L 144-1 du Code de Commerce, est un contrat de location gérance tout contrat par lequel le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce ou d’un établissement artisanal en concède totalement ou partiellement la location à un gérant qui l’exploite à ses risques et périls.
Un fonds de commerce est composé d’éléments incorporels (clientèle et achalandage, nom commercial, enseigne, droit au bail, droits de propriété industrielle, littéraire ou artistique} et d’éléments corporels (matériel ou outillage, marchandises).
En l’absence de clientèle, le fonds disparaît.
Par ailleurs, aux termes de l’article L 224-1 du Code du Travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession ; vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
La résiliation d’un contrat de location-gérance entraînant le retour du fonds loué au bailleur, le contrat de travail qui lui est attaché se poursuit avec ce dernier, sauf lorsque le fonds n’est pas exploitable au jour de sa restitution, ce caractère inexploitable ne pouvant résulter de la seule décision du bailleur de ne pas en poursuivre l’activité,
La résiliation du contrat de location-gérance
La Cour d’Appel considère qu’il convient dès lors d’établir si au moment de la résiliation du contrat de location-gérance, la clientèle, élément essentiel du fonds de commerce, existait toujours ou non comme le précise la jurisprudence de la Cour de Cassation du 17 décembre 2013 n°12/22.167
En l’espèce, la Cour d’Appel rappelle qu’aux termes du contrat de location gérance du 1er novembre 2015, Monsieur K a loué à la SARL B un fonds de commerce de café-restaurant sis à NANCY comprenant l’enseigne, le nom commercial, la clientèle et l’achalandage y rattaché, le mobilier, le matériel et l’agencement servant à l’exploitation dudit fonds décrit dans un état dressé par les parties et les locaux situés au rez-de-chaussée de l’immeuble.
Ce contrat a été résilié à effet au 31 décembre 2017 et un état des lieux contradictoire a été établi le 2 janvier 2018, duquel il résulte que l’établissement ne comportait pas d’enseigne italienne mais une enseigne « pizza cuite au feu de bois » et « restaurant-bar pizzeria », l’huissier mentionnant notamment la présence de tables et chaises « bistrot », un ensemble bar et équipements en partie arrière, des équipements électriques, un four à pizza, un ensemble d’ustensiles et matériels de cuisine, une hotte, des feux gaz, un four, un réfrigérateur, du matériel de cuisson etc, le tout en état d’usage.
La restitution des éléments corporels du fonds de commerce
Dès lors, le local restitué n’était pas vide et les éléments corporels du fonds de commerce avaient été restitués.
S’il est vrai que la SARL B exploitait simultanément deux fonds de commerce et si elle avait poursuivi, après résiliation du contrat de location-gérance, l’exploitation de son propre fonds de commerce, ce seul fait n’établissait pas la disparition de la clientèle du fonds de commerce pris en location gérance.
En effet, par mail du 27 décembre 2017, elle indiquait à Monsieur K que « la clientèle est revenue et reste fidèle »
En outre, Monsieur K n’indiquait pas que la SARL B exploitait les deux fonds sous la même enseigne et il n’est aucunement établi que la SARL B aurait eu l’intention de détourner la clientèle du fonds pris en location gérance vers son fonds propre.
De plus, Monsieur K avait, par courrier du 26 décembre 2017, déclaré qu’il ne poursuivrait pas l’activité et qu’il n’y aurait pas de repreneur, de telle sorte que la cessation d’activité était due à sa propre volonté.
Dès lors, Monsieur K ne démontrait pas que le fonds était inexploitable au jour de sa restitution.
En conséquence, les contrats de travail attachés à l’exploitation de ce fonds de commerce avaient été transférés à Monsieur K.
L’absence de ruine du fonds et le transfert du contrat de travail
Dans la mesure où la Cour d’Appel répondait sur la question de la restitution du fonds de commerce, elle pouvait donc aborder le sort du transfert du contrat de travail en considérant qu’aux termes du contrat de travail de Madame M conclu le 16 décembre 2015 avec la SARL B, elle était embauchée en qualité d’employée
En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats que seuls deux salariés travaillaient dans le restaurant en plein cœur de Nancy, à savoir le cuisinier et Madame M, et il n’existe aucune preuve de ce qu’elle aurait ponctuellement travaillé dans le restaurant sis au siège de la société.,
La Cour d’Appel considère que dès lors le contrat de travail de Madame M était bien attaché au fonds de commerce objet de la location gérance, au jour de sa résiliation et qu’en conséquence, Monsieur K à compter du 1er janvier 2018 était l’employeur de Madame M
Monsieur K devait donc supporter toutes les conséquences relatives à la rupture du contrat de travail.
Cependant la Cour d’Appel revient sur la notion d’appel en garantie
L’appel en garantie du locataire gérant
Monsieur K faisait valoir que la SARL B et son gérant s’étaient engagés à prendre en charge le départ et le licenciement des salariés à la fin du bail.
Par attestation remise à Monsieur K le 14 septembre 2017, Madame P, agissant en sa qualité de gérante de la SARL B avait indiqué que « la société prendra en charge le départ-licenciement des salariés embauchés à 61 rue H à Nancy ».
La SARL B ne contestait pas l’authenticité de cette attestation.
Dès lors, il convenait de condamner la SARL B à garantir Monsieur K de l’ensemble des condamnations financières prononcées à son encontre.
En conclusion, le transfert du contrat de travail
Cette jurisprudence est intéressante car elle vient aborder la question de la restitution des locaux en fin de contrat de location gérance afin de savoir si le fonds de commerce est exploitable.
Force est de constater que si en l’espèce la Cour d’Appel de Nancy a interprété les faits laissant à penser qu’il n’y avait pas ruine du fonds et que Monsieur K pouvait reprendre les salariés pour poursuivre l’exploitation d’un restaurant, il n’en demeure pas moins que dans d’autres cas, la démonstration serait moins évidente.
Le point crucial qui mérite à mon sens d’être développé est de déterminer dans quelles conditions, les salariés peuvent être sur les deux établissements.
Car si dans ce cas précis, la Cour d’appel de Nancy a transféré le salarié au bailleur, il aurait très bien pu, aussi, le transférer au locataire gérant au sein de son établissement principal, et ce, d’autant que ce dernier c’était engagé à faire son affaire personnelle des salariés.
A bon entendeur…
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
La responsabilité de l’hébergeur
Quid de la responsabilité de l’hébergeur quant aux données ou publications illicites ou protégées diffusées par ses clients ? Entre contrôle a priori, obligation de retrait immédiat ou de limitation d’accès dès la notification valable d’une infraction, qu’en est-il des clauses exonératoires de responsabilité au sein des conditions générales d’utilisation ?
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