Au sein d’une association syndicale libre, ASL, ou d’un lotissement, à quelle majorité peut être voté la modification du cahier des charges ? quels sont les moyens pour le coloti insatisfait de s’opposer à cette modification ?
Article :
Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en juin 2019 qui vient aborder la problématique de la modification statutaire d’une association syndicale libre, ASL.
Il est ici question à la fois des statuts, et à la fois du cahier des charges.
La Cour de Cassation considère qu’est valable la délibération de l’assemblée générale de l’association syndicale libre, ASL, ayant décidé, à la majorité qualifiée de l’article L. 315-3 du Code de l’Urbanisme, de modifier le cahier des charges afin, notamment, de réduire la largeur de la voie privée desservant le lotissement
Dans cette affaire, les consorts B, propriétaires d’un lot dans un lotissement, régi par un cahier des charges du 10 septembre 1925, ont assigné l’association syndicale libre de ce lotissement (l’ASL) en annulation de la délibération de l’assemblée générale du 1er juin 2007 ayant décidé, à la majorité qualifiée de l’article L. 315-3 du Code de l’Urbanisme, de modifier le cahier des charges afin, notamment, de réduire la largeur de la voie privée desservant le lotissement.
Les époux B soutenant alors que les conditions d’adoption de la résolution litigieuse caractérisent une violation des règles de majorité et de consultation des colotis applicables.
Dans le cas précis de cette ASL, l’article 3-14 des statuts de ladite association syndicale libre, ASL, dispose que les délibérations sont prises à la majorité des voix des membres présents ou représentés, que si la décision porte sur une modification des pièces du lotissement, elle doit être prise à la majorité alternative fixée par l’article L 315-3 du Code de l’Urbanisme.
Cet article L315-3 du Code de l’urbanisme dispose que :
« Lorsque les deux tiers des propriétaires détenant ensemble les trois quarts au moins de la superficie d’un lotissement ou les trois quarts des propriétaires détenant au moins les deux tiers de ladite superficie le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents, et notamment du cahier des charges concernant ce lotissement, lorsque cette modification est compatible avec la réglementation d’Urbanisme applicable au secteur où se trouve situé le terrain.
Jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de l’achèvement du lotissement, la modification mentionnée à l’alinéa précédent ne peut être prononcée qu’en l’absence d’opposition du bénéficiaire de l’autorisation de lotir tant que celui-ci possède au moins un lot constructible. »
Il convient de rappeler que le régime de l’association syndicale libre, ASL, relève exclusivement de l’ordonnance du 1er juillet 2004 et non des règles de copropriété.
Les statuts de l’association syndicale libre, ASL, déterminent librement les conditions dans lesquelles doivent se tenir les assemblées générales de l’association syndicale libre et les règles de majorité à recueillir pour les prises de décisions.
Qu’en l’espèce, il résulte de l’article 3.14 des statuts de l’association syndicale libre, ASL, que :
« Les décisions sont prises à la majorité des voix des membres présents ou représentés.
D’autre part, si la décision porte sur une modification des pièces du lotissement, elle doit être prise à la majorité alternative fixées par l’article L. 315-3 du Code de l’Urbanisme ».
Les consorts B considéraient que le cahier des charges constitue un document contractuel qui ne peut être modifié que par la seule décision de l’assemblée générale des colotis à l’unanimité,
Par ailleurs, pour les consorts B, une association syndicale libre, ASL, ne constituait pas « une autorité compétente » susceptible de modifier unilatéralement le cahier des charges d’un lotissement au sens de l’ancien article L. 315-3 du Code de l’Urbanisme.
Pour autant, le cahier des charges du lotissement, qui régissait ledit lotissement, prévoyait expressément la création d’une association syndicale libre, ASL, destinée à gérer les questions d’organisation et de réglementation de l’association, dans la limite des stipulations du cahier des charges qui prévoyait que « ses décisions celles de l’association syndicale libre qui en aucun cas ne pourront être contraires aux stipulations du présent cahier des charges, seront prises à la majorité des membres présents ou représentés ».
Les statuts de l’association syndicale libre prévoyaient, en application de ce cahier des charges, que :
« L’association syndicale libre a pour objet : l’appropriation, la gestion, l’entretien et l’amélioration de la voirie, des espaces verts de toutes installations d’intérêt commun et tous terrains propriété de l’association tels que définis dans le cahier des charges »
A bien y comprendre, pour les consorts B, le vote ne pouvait se faire qu’à l’unanimité.
Ils considéraient qu’en jugeant néanmoins que l’association syndicale libre, l’ASL, créée en application de ce cahier des charges, avait pu valablement modifier, par un vote non unanime, les dispositions expresses dudit cahier des charges relatives à la largeur de la voirie, et ce en application de règles de vote figurant aux statuts de l’association syndicale libre, ASL, la cour d’appel avait violé l’article 1103 nouveau du Code Civil, anciennement 1134 du Code Civil.
Les consorts B considéraient que dans la mesure ou le cahier des charges constitue un document contractuel, il ne peut être modifié par la seule décision de l’assemblée générale des colotis qu’à l’unanimité.
La Cour de Cassation constate que les statuts de l’association syndicale libre, ASL, adoptés à l’unanimité des colotis, prévoyaient que la décision portant sur une modification des pièces du lotissement devait être prise à la majorité qualifiée de l’article L. 315-3 du Code de l’Urbanisme et que la résolution du 1er juin 2007 avait été adoptée à cette majorité de telle sorte la Cour d’Appel en a exactement déduit que la modification du cahier des charges n’avait pas à être approuvée par l’autorité compétente et que la résolution avait été valablement adoptée.
Les consorts B soulevaient que l’association syndicale libre ne constitue pas une « autorité compétente » susceptible de modifier unilatéralement le cahier des charges d’un lotissement au sens de l’article L. 315-3, devenu L. 442-10 du Code de l’Urbanisme.
La Cour de Cassation considère que la décision de modifier le cahier des charges d’un lotissement peut valablement être adoptée à la majorité qualifiée de l’article L. 315-3 du Code de l’Urbanisme, sans approbation par l’autorité compétente, dès lors que les statuts de l’association syndicale libre, ASL, de ce lotissement, adoptés à l’unanimité des colotis, prévoient une telle règle de majorité.
Les consorts B considéraient en outre que dans la mesure où les statuts de l’ASL n’avaient pas fait l’objet d’une publication celle-ci n’avait pas de légitimité à agir.
La Cour de Cassation rappelle que si la résolution votée lors de l’assemblée générale du 16 décembre 1999 avait prévu la publication des statuts, cette exigence n’avait pas été érigée en formalité substantielle conditionnant la constitution de l’association syndicale libre.
Dès lors, elle considère que la Cour d’Appel en a exactement déduit que, le consentement unanime des propriétaires intéressés ayant été constaté par écrit, l’association syndicale libre, ASL, avait été régulièrement constituée.
Les consorts B tentent enfin de contester la majorité qualifiée au motif d’un abus de majorité.
Mais là encore, la Cour de cassation souligne que la modification du cahier des charges ne créait aucune disparité de traitement entre les colotis riverains de la voie,
Qu’il n’était pas plus établi qu’elle avait été adoptée grâce aux seules voix de ceux d’entre eux auxquels Monsieur et Madame B reprochaient d’avoir empiété sur l’emprise de la voirie commune ou à leur collusion avec d’autres colotis et que ces derniers ne démontraient pas l’existence de manœuvres tendant à utiliser la majorité dans un intérêt autre que l’intérêt collectif, ni ne justifiaient d’un préjudice personnel.
La Haute Juridiction souligne que l’association syndicale libre, ASL, a été régulièrement constituée dès lors que le consentement unanime des propriétaires intéressés a été constaté par écrit peu importe l’absence de publication des statuts.
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle l’importance du cahier des charges au sein d’un lotissement ou d’une association syndicale libre.
Elle rappelle aussi les conditions de modification et analyse clairement la corrélation existante entre les statuts d’un côté, et l’article L315-3 du Code de l’urbanisme de l’autre côté.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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