Séjour tout compris à l’Ile Maurice, avec Lastminute.com, quelle responsabilité lorsque le séjour vire au cauchemar ? 

Laurent Latapie avocat immobilier 2025
Laurent Latapie avocat immobilier 2025

Un séjour tout compris à l’Ile Maurice, vol + hôtel est réservé par un jeune couple amoureux sur la plateforme Lastminute.com. mais le séjour idyllique vire au cauchemar, ente vol retardé de plus de 7h et réservation dans l’hôtel de luxe annulée suite à un problème informatique. Quelle responsabilité du voyagiste Lasminute.com ? Quelle indemnisation ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue, une fois n’est pas coutume, par le Tribunal de proximité de Brignoles ce 07 février 2025 et qui vient aborder une problématique d’un consommateur qui avait souhaité prendre un séjour tout compris, vol + hôtel, à l’Ile Maurice avec la société Lastminute.com, 

 

En effet, Madame B a contracté effectivement un contrat pour l’achat d’un voyage via un site internet d’une compagnie de voyage low-cost dénommée LASTMINUTE.COM.

 

Ce contrat comprenait un pack travel, incluant la réservation du vol Marseille – Ile Maurice, du déplacement nécessaire ainsi que de l’hôtel pour une durée de treize nuits, du 01er novembre 2023 au 14 novembre 2023 pour deux personnes.

 

Le montant de ce séjour tout compris était de 3 587.92 €.

 

Un voyage idyllique tout compris avec lastminute.com

 

Madame B avait également pris soin de contracter une assurance dans le cadre de son contrat avec LASTMINUTE.COM, celle-ci comprenait une garantie pour le retard de vol, l’assurance couvrant à partir de quatre heures après l’heure du départ du vol initial, 30.00 € par tranche de deux heures de retard par la suite et un montant total plafonné à 150.00 €.

 

Malheureusement, le 31 octobre 2023 au départ de Paris Charles de Gaulles, le vol MK0015 a eu plus de sept heures de retard, ce séjour idyllique et romantique au sein d’une villa privée avec piscine et spa privatif devait pourtant être l’endroit du voyage romantique et reposant auquel espérait Madame B et qui avait d’ailleurs économisé toute l’année à cette fin.

 

Un vol retardé plus de 7h

 

Or, arrivé à la destination de l’Ile Maurice avec plus de sept heures de retard, Madame B, accompagnée de son conjoint, se sont rapprochés de l’hôtel qu’elle avait réservé sur l’Ile Maurice qui leur a annoncé dans la plus grande des surprises que la réservation avait été annulée en amont et en accord avec l’agence LASTMINUTE.COM.

 

Une réservation en hôtel de luxe annulée à cause d’un problème informatique

 

Cette problématique était en fait liée à un incident technique émanant des services de LASTMINUTE, ce que la compagnie reconnaissait aisément dans un certain nombre d’échanges de mails qui ont amené effectivement Madame B à se retrouver sans pouvoir jouir de la résidence hotellière qu’elle avait réservé avec le standing qui allait de pair.

 

Ce qui n’a jamais d’ailleurs été contesté par LASTMINUTE.COM.

 

Madame B et son compagnon ont été extrêmement choqués puisqu’ils avaient réservé un voyage tout compris et se sont pourtant retrouvés à l’étranger sans logement.

 

Madame B a eu beaucoup de mal à joindre la compagnie LASTMINUTE.COM et a dû même engager un certain nombre de frais téléphoniques pour arriver à trouver une solution de repli.

 

C’est dans ces circonstances que finalement LASTMINUTE.COM a réservé un autre hôtel prétendument au standing similaire.

 

Le déplacement au sein de ce nouvel établissement hôtelier s’est fait aux frais de Madame B.

 

Or, sur place, le nouvel hôtel proposé par LASTMINUTE.COM était, quant à lui, complètement complet, le gérant affirmant ainsi qu’il était impossible que l’agence LASTMINUTE.COM ait réservé une suite.

 

Il est alors 18H00 et le couple se trouvait toujours sans domicile.

 

Aucune solution de secours proposé par Lastminute.com

 

La compagnie de voyage LASTMINUTE.COM proposait en début de soirée un troisième logement, le déplacement sur les lieux aux alentours de 20H00 s’est encore fait aux frais de Madame B.

 

En arrivant sur les lieux, Madame B s’est retrouvée face à la maison d’un particulier recouvrant une chambre à louer au sein d’un quartier insécurisé.

 

Cet établissement était de qualité bien inférieure et pour lequel Madame B a immédiatement répercuté par mail les difficultés rencontrées quant à l’hygiène, la sécurité et la salubrité de l’établissement de secours que LASTMINUTE.COM avait proposé, ne donnant pas d’autre choix à Madame B de se débrouiller par ses propres moyens.

 

Un logement de secours proposé par Lastminute.com insalubre et dans un quartier insécurisé

 

Ces difficultés ont clairement gâché l’esprit du séjour réservé sur la plateforme LASTMINUTE.COM, séjour qui était pourtant l’investissement de plus d’une année d’économie et qui est devenu un véritable parcours du combattant qui a impacté considérablement Madame B, tant sur le terrain psychologique et moral, mais également sur le terrain financier.

 

Le voyage romantique tout compris aura finalement fait perdre deux jours de visite à Madame B et à son compagnon mais également un montant de 3 587.92 € correspondant au prix du séjour comprenant le vol ayant eu plus de sept heures de retard, l’hôtel dans lequel Madame B n’a pu passer aucune nuit ainsi que le déplacement qui a été fait aux frais de Madame.

 

À cela s’ajoutant une angoisse dans les premiers jours mais surtout beaucoup de dépenses supplémentaires.

 

Un voyage romantique virant au cauchemar à grands renforts de frais imprévus

 

De telle sorte que Madame B s’est considéré bien fondée à engager la responsabilité du voyagiste qui a commis un grand nombre d’erreurs.

 

Il convient d’ailleurs de constater qu’aucune prise en charge n’a été organisée par la compagnie LASTMINUTE.COM malgré leur promesse pour trouver un logement conforme au contrat principal et permettre à Madame B d’avoir un logement salubre durant son séjour alors que, au cours d’un échange de mails entre la compagnie LASTMINUTE.COM et Madame B, l’agence prévoyait que, dans l’hypothèse où un autre emplacement ne serait pas trouvé dans de bonnes conditions, un remboursement pourrait être effectué dans lequel LASTMINUTE.COM déclare clairement que, en cas d’insatisfaction et de non re dispatching de Madame B dans un établissement de même qualité, LASTMINUTE.COM s’engageait à la rembourser.

 

Cette proposition de remboursement avait d’ailleurs été renouvelée dans un autre mail le 02 novembre 2023.

 

Pour autant, force est de constater que LASTMINUTE.COM n’a jamais procédé à son remboursement, contraignant Madame B à saisir la juridiction compétente.

Une proposition d’indemnisation de lastminute.com jamais honorée

 

Il importe de préciser que, en cas d’inexécution totale d’un contrat, la responsabilité contractuelle prévue par l’article 1231-1 du Code civil s’applique.

 

Ainsi, le débiteur peut être condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

 

Quelle responsabilité du voyagiste pour Lastminute.com ?

 

En application des dispositions de l’article 23 de la Loi du 13 juillet 1992, tout organisateur ou vendeur de voyage ou de séjour est responsable de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations résultant de son contrat, que ces obligations soient exécutées par lui-même ou par d’autres prestataires de service.

 

Ce que confirme largement la jurisprudence, 1ère Chambre civile, 15 mars 2005, N°02-15.940.

 

C’est dans ces circonstances que le Juge est effectivement rentré en voie de condamnation à l’encontre de LASTMINUTE.COM sur la base du raisonnement suivant.

 

Le Tribunal de proximité de Brignoles reprend les dispositions de l’article 1217 du Code civil qui dispose que :

 

« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté ou l’a été imparfaitement peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat, demander réparations des conséquences de l’inexécution.

 

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées, des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter. »

 

L’article 1231-1 du Code civil dispose quant à lui que :

 

« Le débiteur est condamné s’il y a lieu au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

 

Madame B sollicite à titre principal le remboursement du prix réglée à LASTMINUTE.COM au titre de ce séjour à l’Ile Maurice du 01er au 14 novembre 2023 et ce, pour deux personnes, pour un montant total de 3 587.92 €.

 

À cette fin, cette dernière fournit un mail qu’elle intitule « Bon de commande », la réservation initiale de l’hébergement, des échanges de mails entre Madame B et la société LASTMINUTE.COM, les factures de téléphone, factures de taxi sur place ainsi que la facture de l’hôtel réservé par Madame B, le mail de proposition de prise en charge de 15 % du séjour du 07 novembre.

 

Il résulte de ces pièces que Madame B a réservé auprès de la société LASTMINUTE.COM un vol et un hébergement sur l’Ile Maurice du 01er novembre au 14 novembre 2023.

 

Un problème relatif à l’établissement réservé au titre de l’hébergement lors de l’arrivée de Madame B se déduit des échanges de mails entre celle-ci et LASTMINUTE.COM le 06 novembre 2023 et le 07 novembre 2023.

 

La difficile démonstration de la preuve de tous les préjudices subis

 

Toutefois, Madame B ne produit aucune pièce au débat permettant à la juridiction de s’assurer du prix versé au titre des prestations commandées qui n’ont pu être assurées, notamment en ce qui concerne le logement.

 

La prestation concernant le vol pour deux passagers à destination de l’Ile Maurice a bien été assurée, même si Madame B justifie d’un retard de vol.

 

Au regard de l’ensemble des éléments, il convient de condamner la société LASTMINUTE.COM à régler à Madame B les dommages et intérêts qui seront fixés au montant du prix de l’hôtel réservé sur place par ses soins, soit, la somme de 2 112.00 €, outre la somme de 75.49 € au titre des frais de téléphone et 22.90 € au titre de la facture de taxi.

 

Par ailleurs, il apparait incontestable que Madame a subi un préjudice moral eu égard au caractère inattendu de la situation à gérer sur place dans un pays étranger qui sera indemnisé à hauteur de 400.00 €, auxquels viennent s’ajouter tout naturellement 1 000.00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens.

 

La responsabilité de Lastminute.com consacrée au titre de ses différents manquements

 

Cette jurisprudence, même rendue par la juridiction du Tribunal de proximité, est une jurisprudence intéressante car elle rappelle que, effectivement, dans le cadre de voyage organisé notamment avec des packs séjour comprenant vol et hôtel, il peut y avoir des difficultés d’exécution dans le cadre de la réalisation des prestations réservées et il n’en demeure pas moins que le voyagiste engage sa responsabilité et peut être condamné à indemniser la victime qui a vu son séjour idyllique se transformer en un véritable cauchemar.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Couple propriétaire en indivision, quelle créance entre concubins ? Comment faire les comptes entre les anciens concubins ? 

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

En cas de bien immobilier acquis par des concubins dans des proportions différentes et du financement par le concubin de la part de la concubine, comment établir la proportion dans laquelle le règlement par le concubin des échéances de l’emprunt, en capital et intérêts, a contribué au financement global de l’acquisition ?

 

Comment établir entre les concubins un partage juste et équitable ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Première Chambre civile de la Cour de cassation au 23 mai 2024 et qui vient expliciter, non sans mal, la mécanique des créances pouvant exister entre concubins, notamment lorsque des dépenses sont engagées par l’un des concubins pour assurer la conservation du bien, notamment en procédant au règlement des échéances de l’emprunt.

 

Cette jurisprudence rappelant que, selon l’article 815-13 alinéa premier du Code civil, pour les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis dont fait partie le règlement des échéances de l’emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte, selon l’équité, à l’indivisaire de la plus forte des deux sommes que représente la dépense qu’il a faite et le profit subsistant.

 

Ce dernier représentant l’enrichissement procuré au patrimoine indivis.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur J et Madame O vivaient en concubinage ayant acquis en indivision, pour respectivement ¾ pour Monsieur et ¼ pour Madame, un immeuble d’habitation.

 

Après la séparation du couple, des difficultés se sont élevées à l’occasion de la liquidation de l’indivision.

 

Dans le cadre de son pourvoi en cassation, Monsieur J faisait grief à la Cour d’appel de Caen de limiter à un certain montant sa créance à l’égard de l’indivision au titre du financement de l’immeuble d’habitation.

 

Le financement de l’immeuble indivis

 

Selon lui, en application de l’article 815-13 du Code civil, lorsqu’un coindivisaire a financé des dépenses nécessaires telles que le remboursement du prêt ayant permis le paiement du prix de l’acquisition, il a le droit à une indemnité ainsi sur la valeur du bien autant sur le partage de l’indivision.

 

En l’espèce, Monsieur J avait remboursé 75 % des échéances du prêt entre 2003 et 2006 et l’intégralité des échéances du prêt à compter de 2006.

 

Or, pour fixer la créance de Monsieur J à l’encontre de l’indivision, les Juges du fond devaient confronter le montant de ses paiements au montant de l’acquisition du bien pour ensuite appliquer le pourcentage ainsi déterminé à la valeur actuelle du bien.

 

Créance entre concubin ou contre l’indivision ?

 

Ainsi, en se déterminant pour arrêter la créance de Monsieur J sur le financement par Monsieur J de la part de Madame O, comme si la créance invoquée était une créance contre Madame O et non une créance contre l’indivision, ce dernier considérait que les Juges du fond avaient violé les dispositions de l’article 815-13 du Code civil.

 

Ce dernier considérait que, par ailleurs, en se bornant pour déterminer ce droit à l’encontre de l’indivision à évoquer sa part dans la plus-value acquise par le bien, que la créance de Monsieur J devait être déterminée en confrontant le montant de ses paiements au montant de l’acquisition du bien, puis, en appliquant le pourcentage ainsi déterminé à la valeur actuelle du bien, les Juges du fond effectivement n’avaient pas respecté les dispositions de l’article 815-13 du Code civil.

 

Pour autant, la Cour de cassation, dans sa jurisprudence, suit le raisonnement de Monsieur J et rappelle au visa de l’article 815-13 alinéa premier du Code civil qu’il résulte de ce texte que pour les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis dont fait partie le règlement des échéances de l’emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte selon l’équité à l’indivisaire de la plus forte des deux sommes que représente la dépense qu’il a faite et le profit subsistant représentant alors l’enrichissement procuré au patrimoine indivis.

 

Quel enrichissement pour le patrimoine indivis ?

 

Or, pour limiter à une certaine somme le montant de la créance de Monsieur J sur l’indivision au titre du financement du bien indivis, la Cour d’appel avait retenu qu’ayant financé la part de Madame O dans une certaine proportion, il devait être tenu compte dans cette même proportion de la différence entre la valeur actuelle du bien indivis et le prix de son acquisition.

 

Pour autant, la Haute juridiction considère que la Cour d’appel s’est fourvoyée puisqu’il lui appartenait d’établir la proportion dans laquelle le règlement de Monsieur J des échéances de l’emprunt en capital et intérêts avait contribué au financement global de l’acquisition, incluant ainsi les frais d’acquisition et le coût du crédit, puis, d’appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l’acquisition.

 

Et, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite.

 

Le calcul du profit subsistant pour l’indivision

 

Dès lors, cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle rappelle bien dans quelle proportion les comptes doivent être fait entre les parties lorsque les ex-concubins, qui ont acheté un bien en indivision, se séparent et comment les comptes doivent être fait entre les parties, notamment lorsque l’un des concubins paye le crédit de l’autre.

 

La Cour de cassation précisant ainsi dans cette jurisprudence qu’en cas de bien immobilier acquis par des concubins dans des proportions différentes et du financement par le concubin de la part de la concubine, il faut établir la proportion dans laquelle le règlement par le concubin des échéances de l’emprunt, en capital et intérêts, a contribué au financement global de l’acquisition.

 

Incluant ainsi les frais de l’acquisition et le coût du crédit, puis, d’appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l’acquisition, puis, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec les dépenses faites.

 

Comment faire les comptes entre les anciens concubins ?


Cette jurisprudence est salutaire puisqu’elle apporte de précisions sur le terrain juridique et mathématique finalement quant aux conditions dans lesquelles le compte entre les anciens concubins doit être fait sur le bien qu’ils ont acquis en indivision.

 

Ceci encore plus lorsque le bien a été acquis en indivision avec des proportions différentes, dans cette affaire ¾ ; ¼, et pour lequel un des concubins a supporté seul pendant de nombreuses années le coût du crédit.

 

De telle sorte que, pour amener à un partage équitable, il convenait de préciser les modalités de calcul du droit à récompense qu’avait Monsieur J à l’encontre de l’indivision.

 

Les comptes faits entre concubins, un partage équitable ?

 

Si le calcul semble difficile à mettre en place, il est pourtant le meilleur calcul possible pour permettre à Monsieur J de récupérer ses droits au plus juste de ce qu’il a réglé alors que ce dernier faisait justement griefs à la Cour d’appel d’avoir limité ses droits.

 

Dès lors, la créance entre concubins a toute son importance et doit être prise en considération suivant les modalités de calcul fixées par cette jurisprudence, rappelant effectivement que si l’un des concubins a assuré les dépenses nécessaires à la conservation du bien, et notamment le règlement des échéances de l’emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte, sur les bases de règles d’équité, à la fois de la plus forte des deux sommes que représente la dépense qu’il avait faite mais également le profit subsistant, ce dernier représentant l’enrichissement procuré au patrimoine indivis.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

Travaux réalisés par un époux dans l’immeuble appartenant à l’autre époux, quelle récompense due à la communauté ?

Laurent LATAPIE Avocat 2025 droit de la famille

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui vient aborder la problématique très spécifique des calculs de récompense due à la communauté par l’un des époux au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation ce 23 mai 2024, N°22-18911 de la Première Chambre civile, qui vient aborder la problématique très spécifique des calculs de récompense due à la communauté par l’un des époux au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre.

 

Toute la subtilité de cette problématique n’est pas tant de fixer le droit lui-même puisque le droit à récompense au profit de la communauté est consacré, c’est les modalités de calcul qui sont toujours sujet à problématique.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, un jugement en date du 09 septembre 2015 avait prononcé le divorce de Monsieur V et de Madame M, lesquels étaient mariés sans contrat préalable.

 

Ces derniers étaient donc mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts.

 

Or, des difficultés sont survenues à l’occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux et Monsieur V faisait grief à hauteur de Cour de cassation à l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 23 mars 2022 de confirmer le jugement disant qu’il sera redevable d’une récompense à la communauté au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre,

 

De telle sorte que pour la Cour d’appel, ladite récompense devait être calculée en déterminant la plus-value procurée à l’immeuble par les travaux (soit, la valorisation actuelle de l’immeuble – la valeur de l’immeuble si les travaux financés par la communauté n’avaient pas été réalisés) en calculant la part correspondante au montant pris en charge par la communauté au titre du remboursement des prêts souscrits pour ces travaux et ce, à la date d’effet du divorce sur la part totale empruntée par la communauté pour le financement des travaux du bien propre de l’époux et en appliquant cette proportion sur la plus-value de l’immeuble.

 

Monsieur V faisait également grief à la Cour d’appel d’avoir donné mission à l’expert de seulement déterminer la valeur actuelle de l’immeuble, sa valeur si les travaux n’avaient pas été réalisés, la plus-value apportée par la construction, alors que, selon lui, ce dernier considérait que l’amélioration de son bien propre devait dépendre d’un mode de calcul différent.

 

L’estimation des travaux par la seule plus-value apportée à la construction ?

 

La Cour de cassation, dans sa décision, apporte des précisions importantes quant aux modalités de calcul telles qu’elles doivent être effectuées par les professionnels du droit.

 

La Cour de cassation rappelle que pour confirmer le jugement disant que le montant de la récompense due à la communauté par Monsieur V au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre devait être calculée en déterminant d’abord la plus-value procurée à l’immeuble par les travaux résultant de la valorisation actuelle de l’immeuble – la valeur de l’immeuble si les travaux financés n’avaient pas été réalisés, puis, en établissant la part correspondant au montant pris en charge par la communauté au titre du remboursement des prêts souscrits pour les travaux du dit immeuble à la date d’effet du divorce sur la part totale empruntée pour le financement de ces travaux.

 

Les modalités de calcul de la récompense due à la communauté

 

Enfin, en appliquant cette proportion à la plus-value préalablement déterminée, l’arrêt retient que le montant de la récompense due à la communauté par Monsieur V doit être calculée en déterminant d’une part la plus-value apportée à l’immeuble lui appartenant en propre par les travaux de construction établis en soustrayant de la valeur du bien au jour de la liquidation dans son état au jour des effets du divorce (A), la valeur du bien à la même date sans les travaux réalisés (B) et, d’autre part la part rattachable aux matériaux financés par la communauté (C) dans la valeur des travaux, dans leur ensemble, matériaux et main d’œuvre, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux (D) pour établie enfin, par une application de cette proportion à la plus-value préalablement déterminée (A-B x C/D), la part rattachable aux matériaux financés par la communauté dans la plus-value apportée par les travaux au bien propre de Monsieur V.

 

La Cour de cassation considérant que la Cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction entre les motifs excluant que la récompense comprenne la plus-value de l’industrie personnelle déployée par Monsieur V, incluant cette plus-value dans le calcul de la récompense en violant ainsi les dispositions susvisées.

 

Un mode de calcul à récompense nécessitant la désignation d’un expert judiciaire ?

 

Ainsi, la Cour de cassation souligne, en application de l’article 624 du Code de procédure civile, que la cassation du chef des dispositifs à l’arrêt fixant un mode de calcul à récompense due par Monsieur V au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre entraine la cassation du chef des dispositifs donnant mission à l’expert judiciaire de déterminer la valeur actuelle de l’immeuble, la valeur de l’immeuble si les travaux n’avaient pas été réalisés, et la plus-value apportée par la construction qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

 

L’une des particularités de cette décision est que la Cour de cassation va rentrer dans les modalités pratiques de calcul en considérant d’ailleurs que l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour de cassation statue au fond.

 

Celle-ci précise que, selon l’article 1437 du Code civil, un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu’il a pris une somme sur celle-ci ou, plus généralement, lorsque l’époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté.

 

Il s’ensuit que la plus-value procurée par l’activité d’un époux ou de tiers non rémunéré ait organisé des travaux sur un bien appartenant en propre à cet époux ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté.

 

La Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil, lorsque la valeur empruntée a servi à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur, la récompense doit être égale au profit subsistant, lequel se détermine après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribués à l’amélioration du bien propre, le profit subsistant représente l’avantage réellement procuré au fond emprunteur.

 

La récompense égale au profit subsistant ?

 

À bien y comprendre la Cour de cassation, il en résulte que si l’amélioration d’un bien propre est due à la fois des dépenses assumées au moins partiellement par la communauté et à l’industrie personnelle déployée par un époux ou des tiers non rémunérés, le montant de la récompense due est égal à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, à l’exclusion de la part de cette plus-value découlant de l’industrie déployée et, le cas échéant, de dépenses ne provenant pas de la communauté.

 

Comment calculer cette récompense ?

 

La Cour de cassation nous précise donc comment ce calcul de récompense doit s’effectuer.

 

Celle-ci précise qu’il convient donc, pour fixer la récompense due par Monsieur V et alors qu’il est constant qu’au moins une partie des travaux ont été réalisés par celui-ci, de déterminer :

 

  • La valeur du bien au jour de la liquidation,

 

  • La valeur qu’aurait eu le bien au jour de la liquidation sans les travaux réalisés,

 

  • Le montant des dépenses assumées par la communauté s’agissant du remboursement d’échéances d’emprunt souscrit pour financer les travaux relatifs à un bien propre au seul capital remboursé par la communauté, soit, la somme dans cette affaire de 29 123.19 €,

 

  • Le coût total qu’auraient eu les travaux à l’époque de la réalisation, matériaux et main d’œuvre compris, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux ou des tiers non rémunérés.

 

La récompense sera alors égale à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, soit, (A-B) x (C/D).

 

Les valeurs A, B et D demeurant inconnues, il y a lieu de compléter la décision de l’expert aux fins de déterminer ces valeurs.

 

Ainsi, la Cour de cassation vient clairement déterminer les modalités de calcul pour arriver au droit à récompense de la communauté par l’un des époux qui a su en tirer profit pour les travaux et l’amélioration de son bien en propre.

 

Le rôle déterminant de l’expert judiciaire pour déterminer les différentes valeurs

 

La Cour confirmant donc ces modalités de calcul et ajoute à la mission de l’expert de déterminer la valeur actuelle de l’immeuble ainsi que la valeur actuelle qu’aurait eu l’immeuble si ces travaux de construction n’avaient pas été réalisés et de déterminer au besoin le coût total qu’auraient eu les travaux à l’époque de la réalisation, matériaux et main d’œuvre compris, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux ou des tiers non rémunérés.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient finalement préciser les modalités de calcul permettant de déterminer la récompense que doit l’un des époux à la communauté au titre des travaux réalisés pour la construction ou l’amélioration d’un bien lui appartenant en propre.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr