Responsabilité de la banque et retraits d’argent par l’épouse qui a subtilisé la carte bancaire de son mari

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

Quelle est la responsabilité de la banque en cas d’opérations de paiement non autorisées sur le compte de son titulaire ? quels sont les délais pour contester ces opérations de paiement non autorisés ? Hypothèse de retraits et de paiements effectuée par une épouse à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle a obtenu à son insu.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence de la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 02 mai 2024, N°22-18.074, qui vient caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire alors que les opérations de banque ont été effectuées par, non pas le titulaire du compte, mais par son épouse qui avait subtilisé le doublon de sa carte bancaire.

 

En effet, dans cette jurisprudence, la Cour de cassation rappelle que les retraits et paiements effectués par une épouse à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle a obtenu à son insu constitue des opérations de paiement non autorisées.

 

La responsabilité de la banque pour des opérations de paiement non autorisées

 

De telle sorte que l’action en responsabilité de la banque pour ces opérations que l’utilisateur de service de paiement s’est abstenu de contester dans le délai de treize mois, applicable quand bien même la banque est l’employeur de l’épouse, est irrecevable pour cause de forclusion.

 

Cette jurisprudence venant rappeler les délais dans lesquels le titulaire du compte est en mesure de le contester.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur L avait assigné le 15 juin 2017 la banque en sa qualité de commettant d’une salariée, Madame X, qui est alors son épouse séparée de biens et qui s’était fait établir et remettre à son insu un doublon de la carte de paiement qu’il détenait sur un compte ouvert dans les livres de cette banque qui avait, entre 2007 et 2011, utilisé cette carte pour effectuer des retraits et payer différents achats dont le montant était débité sur le compte de son époux.

 

Monsieur L formait pourvoi en cassation en suite de l’arrêt qui avait été rendu par la Cour d’appel de Nîmes en avril 2022 au motif pris de ce que ce dernier faisait griefs à la Cour d’appel d’avoir déclaré son action dirigée contre la banque irrecevable et de substituer la cause d’irrecevabilité tirée de la forclusion à celle de la prescription retenue par le premier Juge.

 

Le délai de forclusion pour contester une opération de paiement non autorisé

 

En effet, ce dernier rappelait, au visa de l’article L 133-24 du Code monétaire et financier que, en cas d’opération de paiement non autorisée signalé par l’utilisateur de service de paiements, le remboursement immédiat du montant de l’opération non autorisée par le prestataire de service de paiement du payeur est conditionné au signalement de l’opération par l’utilisateur dans un délai de treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion tel que le rappelle l’article susvisé.

 

Pour autant, Monsieur L rappelait que l’émission d’une carte bancaire en doublon par la banque à la demande de sa préposée à l’insu du titulaire du compte ne constitue pas une opération de paiement non autorisée.

 

La responsabilité de la banque du fait de sa préposée

 

Qu’en l’espèce, Monsieur L avait effectivement engagé une action en responsabilité à l’égard de la banque en sa qualité de commettant en raison de la demande d’autorisation frauduleuse et de l’obtention par sa préposée d’une carte de doublon à l’insu du titulaire du compte.

 

Or, pour juger que l’action en responsabilité engagée à l’encontre de la banque était recevable pour cause de forclusion, la Cour d’appel avait relevé que la situation entre l’utilisateur du moyen de paiement et la banque est régis par le droit spécial de l’article L 133-24 du Code monétaire et financier enfermant le délai d’action du titulaire du compte dans le délai de forclusion de treize mois.

 

Un délai d’action du titulaire du compte inscrit dans un délai de forclusion de treize mois

 

De sorte que le demandeur, qui s’était abstenu de contester en temps utile des opérations litigieuses intervenues sur son compte, ne peut prétendre engager la responsabilité du prestataire de service de paiement passé ce délai.

 

Or, pour Monsieur L, en subordonnant la recevabilité de l’action en responsabilité intentée contre la banque au respect des délais fixés à l’article L 133-24 du Code monétaire et financier qu’en l’action intentée visait à retenir la responsabilité du banquier commettant en raison de l’émission d’une carte doublon demandée frauduleusement à l’insu du titulaire du compte par la préposée, tant bien même celle-ci serait son épouse séparée de biens, s’analyse non pas en une opération de paiement non autorisé, de telle sorte que ce dernier était bien fondé à engager la responsabilité du banquier en sa qualité de commettant du fait de son préposé suivant responsabilité contractuelle de cinq ans.

 

La responsabilité contractuelle de la banque de cinq ans

 

Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.

 

La Haute juridiction rappelle en tant que de besoin que selon l’article L 133-6 du Code monétaire et financier, une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.

 

Il en résulte que, contrairement à ce que postule Monsieur L, les retraits et paiements effectués par Madame X à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle avait obtenu à son insu constitue des opérations de paiement non autorisées par le payeur titulaire du compte,

 

Pour autant, il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne du 16 mars 2023 (BEOBANK c/ C-351/21) que dès lors que la responsabilité de la banque, prestataire de service de paiement, est recherchée sur le fondement d’une opération de paiement non autorisée, elle est seule applicable au régime de la responsabilité définie au visa de l’article L 133-18 à L133-20 du Code monétaire et financier et ce, à l’exclusion de tout autre régime alternatif de responsabilité résultant du droit national.

 

Bien plus, pour la Haute juridiction, selon l’article L 123-24 du Code du commerce, l’utilisateur des services de paiement signale sans tarder à son prestataire de service de paiements une opération de paiement non-autorisée ou mal exécutée et, au plus tard, dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.

 

Un délai de forclusion de 13 mois pour contester une opération de paiement non-autorisée

 

De telle sorte que la Cour de cassation considère que c’est à bon droit que la Cour d’appel a fait application de l’article L 123-24 du Code monétaire et financier quand bien même la banque se trouvait être l’employeur de Madame X.

 

Que dès lors, Monsieur L, qui entendait engager la responsabilité de la banque pour des opérations de paiement intervenues sur son compte entre 2007 et 2011 et qu’il s’était abstenu de les contester dans le délai de treize mois, ce n’est qu’à juste titre que la Cour d’appel en a exactement déduit que cette action était irrecevable pour cause de forclusion.

 

Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.

 

Premièrement, elle rappelle effectivement que le titulaire d’un compte bancaire peut engager la responsabilité de la banque en cas d’opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées par l’établissement bancaire.

 

Cependant, elle rappelle quand même que ce délai est strictement encadré par un délai de forclusion de treize mois à compter d’une opération litigieuse.

 

Qu’il appartient donc au titulaire du compte d’être malgré tout attentif au sort de son compte bancaire et à ses opérations car même si on peut aisément comprendre que tout à chacun est pris par ses affaires courantes, un minimum de vigilance quant à la gestion de ses comptes bancaires et de ses finances demeure malgré tout un point à s’assurer et à vérifier afin de justement ne pas se retrouver par la suite hors délai car finalement le délai de forclusion de treize mois reste un délai assez court.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

SCI familiale et contestation de la déchéance du terme du prêt immobilier, est-ce possible ? 

Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024
Laurent Latapie avocat divorce 2024

Une Sci familiale, poursuivie par un établissement bancaire dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière vient contester la validité de la déchéance du terme. Exemple jurisprudentiel de la Cour d’appel de Riom annulant la procédure de saisie immobilière et imposant la reprise des échéances.

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Riom en ce début décembre 2024, jurisprudence très récente,  dans lequel j’intervenais aux intérêts d’une SCI familiale à l’encontre d’un établissement bancaire.

 

Or, force est de constater que les jurisprudences se suivent et ne se ressemblent pas car finalement, assez récemment, j’avais obtenu devant la Cour d’appel d’Aix en Provence, sur une même problématique entre banque et Société Civile Immobilière à caractère familial, une décision décevante.

 

SCI et déchéance du terme font ils bon ménage ?

 

En effet, la Cour d’appel d’Aix en Provence n’avait pas voulu reprendre et suivre mon argument concernant la problématique de la validité de la déchéance du terme qui pouvait être remise en question tant la banque s’était précipitée à prononcer la déchéance du terme.

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait considéré que, dans la mesure où nous étions en présence d’une Société Civile Immobilière, celle-ci ne pouvait valablement pas se prévaloir d’une éventuelle clause abusive.

 

Force est de constater que la Cour d’appel de Riom, dans sa décision très récente, ne partage absolument pas cette analyse et vient finalement, contre toute attente, faire droit à la SCI familiale.

A chaque Cour d’appel son regard juridique ?

 

Là-encore, la procédure était en lien avec une procédure de saisie immobilière.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par acte d’huissier de justice signifié le 12 août 2022, la banque avait délivré à la SCI un commandement de payer valant saisie immobilière d’une maison d’habitation avec dépendance et terrain attenant, et ce, en recouvrement de deux sommes de 167 511.72 € et de 25 456.60 € correspondant à deux prêts hypothécaires contractés auprès de ladite banque par deux actes authentiques en date du 18 janvier 2008 et du 28 mars 2009 pour laquelle la banque venait réclamer le paiement en suite de la déchéance du terme qu’elle avait prononcé et pour lequel, commandement de payer valant saisie immobilière faisant, la banque enclenchait dès lors une procédure de saisie immobilière.

 

C’est dans ces circonstances que suivant assignation en date du 01er décembre 2022 la banque avait saisi le Juge de l’orientation du Tribunal judiciaire de Cusset qui a rendu, le 24 avril 2024, un jugement d’orientation en vente forcée rejetant les contestations de la SCI, retenant le montant total de la créance pour 189 620.65 € et ordonner la vente forcée de l’ensemble immobilier avec une mise à prix de 50 000.00 €.

 

Fort heureusement, la SCI a, au travers de mon cabinet, interjeté appel et la question de la validité de la déchéance du terme a été immanquablement au cœur du débat tant bien même nous sommes en présence d’une Société Civile Immobilière.

 

Dans sa décision, la Cour d’appel rappelle que,

 

« Conformément aux dispositions de l’article L 311-2 du Code des procédures civiles d’exécution suivant lesquelles tout créancier muni d’un titre exécutoire, constatant une créance liquide et exigible, peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées dans le présent livre (livre 3 de la saisie immobilière) et par les dispositions qui ne lui sont pas contraire du livre 1. »

 

C’est dans ces circonstances que la banque a diligenté cette procédure de saisie immobilière en application du titre exécutoire que constitue chacun des actes authentiques.

 

Une saisie immobilière enclenchée sur la base des actes authentiques de prêt,

 

La Cour s’est intéressée aux dispositions relatives à la déchéance du terme puisque la Cour reprend la clause de déchéance du terme ci-après libellée :

 

« Déchéance du terme, exigibilité du présent prêt, le prêt deviendra de plein droit exigible si bon semble à la banque en capital, intérêt accessoire, par la seule survenance de l’un quelconque des événements énoncés ci-dessous et dans les huit jours de la réception d’une lettre recommandée avec avis de réception adressée à l’emprunteur par le préteur en cas de non-paiement à la date de leur échéance de somme exigible au titre tant du présent prêt que de tout autre prêt consenti par le prêteur. »

 

Concernant le deuxième prêt, la clause est strictement identique.

 

« Déchéance du terme, exigibilité du présent prêt,

 

  1. Le prêteur aura la possibilité de se prévaloir de l’exigibilité immédiate du présent prêt en capital, intérêt accessoire, par la seule survenance de l’un quelconque des événements ci-après et sans qu’il ne soit besoin d’aucun préavis et aucune formalité judiciaire en cas de non-paiement des sommes exigibles ou d’une seule échéance malgré une mise en demeure de régulariser adressée à l’emprunteur par tout moyen et restée sans effet pendant quinze jours. »

 

La validité de la clause de déchéance du terme

 

La Cour reconnait que ces clauses sont tout à fait usuelles de déchéance de plein droit du terme et donc de constatation de la défaillance de l’emprunteur ont donc normalement vocation à s’appliquer en cas de survenance d’un impayé sur une échéance de remboursement sous condition toutefois d’envoi d’un avis de régularisation pendant un délai imparti sous forme le plus souvent d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

 

La Cour souligne que ce dispositif tout à fait conforme aux usages commerciaux en la matière ne procède d’aucun déséquilibre particulier en matière de contrat conclu entre professionnels et non-professionnels au consommateur entre leurs droits et obligations mutuels au sens des dispositions de l’article L 132-1 du Code de la consommation.

 

Ceci est d’autant plus vrai que la SCI en convenait d’ailleurs dans ses écritures à hauteur de Cour accent désormais sa défense sur le fait que ce n’est qu’à défaut par le prêteur d’avoir valablement procédé à une mise en demeure préalable valant avertissement de mobilisation de la clause contractuelle de déchéance du terme que ce dispositif revêtait un caractère abusif.

 

La mise en demeure préalable à la déchéance du terme

 

En effet, la SCI, dans ses écritures, rappelait en tant que de besoin les dispositions de l’article R 212-2 du Code de la consommation suivant lesquelles ce n’est que par la notification d’un préavis d’une durée raisonnable que le prêteur professionnel peut exercer sa faculté de résilier le contrat de financement en cas de défaillance de l’emprunteur.

 

Or, un décorticage des faits de l’espèce semblait d’importance, ce en quoi procède la Cour puisqu’elle retient qu’en l’espèce la banque avait notifié à la SCI, à l’adresse indiquée, une lettre de mise en demeure avec demande d’avis de réception datée du 14 juin 2021 et dont l’avis de réception a été présenté le 21 juin 2021 et distribué le 22 juin 2021 au destinataire.

 

Cette mise en demeure de payer a été effectuée de manière groupée concernant les deux contrats de prêt renseignant des retards de paiement à hauteur d’un montant total de 1 932.15 € en ce qui concerne le premier prêt et à hauteur de 381.54 € concernant le deuxième prêt.

 

Ce courrier adressé au siège social de la SCI, qui fait également référence à deux autres impayés contractuels qui ne sont pas compris dans le présent litige, mentionne explicitement qu’à défaut de régularisation de la somme totale de 3 453.01 € correspondant à quatre impayés contractuels dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre, la déchéance du terme interviendra sur chacun des quatre contrats.

 

Une mise en demeure jamais réceptionnée par l’emprunteur

 

Pour autant, la SCI objecte qu’elle n’a jamais reçu cette mise en demeure, invoquant en premier lieu pour preuve qu’elle n’a pas signé cet avis de réception qui, comme le reconnait très justement la Cour, ne comporte aucune signature manuscrite du destinataire.

 

La banque, quant à elle, explique, assez maladroitement d’ailleurs, cette absence de signature par l’appel d’urgence sanitaire consécutive avec l’épidémie de COVID 19 ayant alors généré des pratiques professionnelles différentes consistant ici pour l’agent postal de distribution à s’assurer oralement de la présence de destinataire, présentation du 21 juin 2021, puis à distribuer le courrier le lendemain, distribution du 22 juin 2021.

 

La distribution de RAR pendant le COVID

 

En l’occurrence, la Cour ne s’y trompe pas.

 

Elle considère que les mesures restrictives ou complètement suspensives d’un certain nombre de pratiques professionnelles dont le service public postal n’ont été adoptés qu’à partir de mars 2020 et au cours de la seule année 2020, et donc, ne peuvent expliquer la problématique du recommandé au cours de l’année 2021.

 

La Cour considère qu’elle supposait qu’un certain nombre de ces pratiques modificatives avaient été maintenues dans le secteur postal à la date du 21 juin 2021, date de la notification de ce courrier recommandé, la banque n’apporte aucunement la preuve par la communication en ce sens d’une note normative à un terme de la société de la poste.

 

En tout état de cause et sans pour autant devoir en déduire que cet avis de réception serait un faux, l’examen de cette pièce ne permet aucunement de vérifier quelle personne et en quelle qualité aurait été ainsi oralement interpellée par l’agent postal de distribution, ce document ne comportant aucune précision à ce sujet.

 

Dans ces conditions, la Cour d’appel considère qu’en définitive il ne peut être considéré que la banque a valablement effectué à l’égard de la SCI familiale une notification préalable de la déchéance du terme concernant chacune de ces deux situations contractuelles en retard de paiement, faute de signature manuscrite de cet avis de réception qui ne peut être suppléé par ces mentions postales.

 

Dès lors, pour la Cour, le jugement de Première Instance sera dès lors infirmé en toute ses dispositions de rejet des contestations de la SCI et, par voie de conséquence, en ses décisions de fixation de la créance du créancier poursuivant à la somme totale de 189 620.65 € après déchéance du terme sur chacun de ces deux contrats de prêt d’autorisation de vente forcée de l’ensemble immobilier sur la base d’une mise à prix de 50 000.00 € et d’aménagements divers de ce dispositif de vente forcée.

 

La décision est extrêmement satisfaisante.

 

Ainsi, la Cour d’appel de Riom ne valide pas cette déchéance du terme qui a été réalisée dans de très mauvaises conditions et vient l’invalider complètement, mettant à néant ainsi la procédure de saisie immobilière dans son intégralité.

 

La Cour va encore plus loin, en effet, elle considère qu’en conséquence de l’absence de validité de la déchéance du terme sur chacun de ces deux contrats de prêt il importe effectivement d’ordonner la reprise de chacun de leurs échéanciers à compter de la présente décision avec ré imputation sur chacun de ces nouveaux échéanciers de l’ensemble des règlements effectués par la SCI.

 

La reprise des échéances ordonnée par la Cour d’appel

 

La Cour considère qu’il n’apparait pas nécessaire d’assortir l’injonction de remise en place d’un tableau d’amortissement et d’un échéancier d’une mesure d’astreinte contre la banque que lui avait pourtant demandé la SCI afin de s’assurer que la banque fasse diligences afin que celle-ci, par une résistance dans l’exécution, ne se retrouve pas à solliciter ou à chercher par tout moyen une deuxième déchéance du terme passé l’arrêt de la Cour d’appel de Riom.

 

La Cour précise encore que cette suspension de paiement de chacun de ces deux prêts de la date du 14 juin 2021 à celle de la présente décision n’apparait en définitif pas imputable à la SCI en raison de la notification irrégulière de la déchéance du terme sur chacun de ces deux contrats.

 

La Cour fait donc droit à la demande additionnelle de la SCI aux fins d’exonération d’intérêt intercalaire au cours de cette période, soit, entre le 14 juin 2021 et le 03 décembre 2024, date à laquelle la Cour d’appel s’est exprimée.

 

La Cour souligne cependant qu’il n’est pas contesté par la SCI que cette irrégulière notification de déchéance du terme sur chacun de ces deux contrats de prêt n’en est pas moins intervenue en raison de réel retard de paiement.

 

La banque ayant dès lors agit dans le cadre de ses intérêts, non moins légitimes que ceux de son débiteur.

 

Une déchéance du terme abusive ?

 

De plus, la Cour souligne qu’il ne ressort pas des débats que la banque ait diligenté cette mesure de déchéance du terme de manière abusive en étant venu par des intentions de mauvaise foi même si ces déchéances du terme s’avèrent, en réalité, avoir été irrégulièrement pratiquées.

 

Par ce raisonnement, la Cour d’appel déboute la SCI de sa demande additionnelle de dommages et intérêts en allégation d’abus de droit.

 

Pour autant, la Cour d’appel fait droit à la demande formée par la SCI aux fins de main levée de l’inscription relative à la présente procédure de saisie immobilière et vient même condamner la banque au paiement d’un article 700 à hauteur de 3 000.00 €, ce qui est extrêmement satisfaisant.

 

Ainsi, la Cour d’appel infirme en toutes ses dispositions le jugement d’orientation en vente forcée qui avait été rendu initialement par le Juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de Cusset.

 

Y ajoutant, elle ordonne en conséquence à la banque de reprendre chacun de ses deux échéanciers de prêt à la date de la présente décision avec ré imputation sur chacun de ces nouveaux échéanciers de l’ensemble des règlements effectués par la SCI familiale et ce, sans aucun prélèvement d’intérêt intercalaire de la date du 14 juin 2021 à celle de la présente décision, outre l’article 700 pour lequel la banque est également condamnée.

 

Cette décision est extrêmement satisfaisante puisqu’elle vient finalement rappeler que, tant bien même la discussion métaphysique pouvant encore se poser afin de savoir si oui ou non la SCI familiale est un professionnel ou un consommateur n’enlève rien au fait qu’il appartient à la banque de respecter les conditions contractuelles de déchéance du terme et effectivement tout laisse effectivement à penser dans cette jurisprudence que la banque, qui n’a peut-être pas commis un abus de droit à la lecture qu’en fait la Cour d’appel de Riom, s’est quand même malgré tout précipité pour prononcer la déchéance du terme.

 

Or, cette étape décisive mérite une vérification toute particulière du débiteur et de son conseil car c’est le point de départ de l’exigibilité de la créance qui justifie la procédure de saisie immobilière.

 

Dès lors, la vérification de celle-ci permet effectivement de remettre en question cette exigibilité et, par la même, d’envisager de mettre fin à la saisie immobilière.

 

Stratégie juridique qui, dans cette jurisprudence, a été effectivement payante, ce qui est extrêmement satisfaisant, montrant ainsi que, dans ce rapport entre pot de fer, établissement bancaire, et pot de terre, emprunteur en difficultés financières, il y a matière malgré tout à réajuster les rapports de force afin de permettre de sortir par le haut.

 

Les vaines tentatives de la SCI pour trouver une solution amiable en 3 ans de procédure

 

Ainsi, nonobstant trois ans de procédure dans laquelle la SCI familiale a tout fait pour trouver une solution amiable avec la banque et s’est engluée dans une procédure judiciaire difficile aux fins de saisie immobilière où les membres de cette SCI familiale ont cru tout perdre, la remise en place de l’échéancier, sans frais et sans avoir a supporter les intérêts intercalaires qui auraient pu être générés entre 2021 et 2024, ce qui leur permet de repartir sur de bonnes bases de continuer à désintéresser la banque et de sortir par le haut.

 

Il est vrai que, accident de la vie faisant, il peut arriver qu’un débiteur se retrouve en difficultés et il est toujours un peu regrettable de constater que, lorsque ce dernier se rapproche de son établissement bancaire pour trouver une solution alors que ces derniers lui ont promis monde et merveilles lors de la signature du prêt, se retrouve face à un établissement bancaire particulièrement rigide qui n’accepte aucune alternative amiable.

 

Cette jurisprudence illustre enfin qu’il appartient bien sûr, dans le cadre de la saisie immobilière, au débiteur en difficultés de ne pas manquer de soulever tous les moyens de fait et de droit à sa portée pour se défendre.

 

Étant d’ailleurs rappelé, mais ça a été l’objet de bon nombre de chroniques plus particulièrement pour les Sociétés Civiles Immobilières à caractère familial, que tant bien même cette déchéance du terme ne serait pas remise, il y a encore fort heureusement d’autres solutions à portée de tir pour la SCI pour préserver son bien immobilier et éviter la saisie immobilière.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

Utilisation frauduleuse d’un instrument de paiement et la négligence grave du titulaire du compte, qu’en est-il ? 

Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement
Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement
Laurent Latapie avocat 2022 avocat faillite surendettement

Si en droit bancaire, le titulaire d’un compte supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part, qu’en est-il lorsque celui-ci a été victime d’un « spoofing » ou d’une usurpation d’identité d’un escroc, se faisant passer pour un conseiller bancaire, bénéficiant d’informations confidentielles et faisant valider des paiements par Carte bleue qui se révèlent être finalement une arnaque ? La banque engage t’elle sa responsabilité et doit-elle garantir la victime des sommes qui lui ont été retirées ?

 

Article :

 

Il est de ces jurisprudences qui sont attendues par les consommateurs parfois plus que d’autres.

 

J‘en veux pour preuve notamment cette jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation ce 23 octobre 2024, N° de pourvoi 23-16.267, et qui vient aborder la délicate problématique d’utilisation frauduleuse de carte bleue par des tierces personnes qui contactent par téléphone des clients en se faisant passer pour des responsables de la banque fort d’informations d’ailleurs très personnelles et confidentielles qui mettent en confiance.

 

L’escroquerie bancaire, nouveau fléau ?

 

Ledit client, mis en confiance, s’en remet à son interlocuteur pensant très honnêtement avoir affaire à un responsable ou un collaborateur de l’établissement bancaire et en lui donnant des informations qui vont finalement permettre à cette tierce personne, qui n’est finalement qu’un escroc, de prendre des centaines, voire, des milliers d’euros au détriment de ce client, lequel, bien souvent, se rend compte, d’ailleurs assez rapidement, mais trop tard, de la supercherie.

 

 Malheureusement, cette technique d’escroquerie est en train de se développer de manière quasi hémorragique.

 

Dans pareil cas, très rapidement, le client prévient immédiatement l’établissement bancaire et vient solliciter sa banque au titre de ses différentes garanties pour que celle-ci vienne rembourser le client qui s’est fait malheureusement escroquer par des tierces personnes qui seront de toute façon à jamais introuvables et inidentifiables.

 

Le refus des banques de prendre en charge ses escroqueries

 

Or, ces établissements bancaires, qui sont effectivement exposés à cette pratique qui se multiplie, ont comme premier réflexe finalement de refuser de prendre en charge le sinistre, de rembourser le client, et vient même, c’est un comble, finalement lui reprocher une négligence grave en acceptant de communiquer par téléphone des informations confidentielles, empêchant dès lors toute garantie de l’établissement bancaire.

 

Bon nombre de procès ont été enclenchés, et bon nombre de décisions de justice ont été rendus par les juges du fond, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre,

 

Il était enfin temps que la Cour de cassation s’exprime sur le sujet.

 

C’est chose faite.

 

Ainsi, la Cour de cassation précise qu’aucune négligence grave au sens de l’article L133-19 du Code monétaire et financier ne peut être imputée au titulaire d’un compte qui est contacté téléphoniquement par une personne se faisant passer pour un préposé de sa banque dont le numéro s’est affiché utilise à sa demande le dispositif de sécurité personnalisé pour supprimer puis réinscrire des bénéficiaires de virement dans le but d’éviter justement des opérations de malveillance.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, Monsieur J a constaté que plusieurs virements frauduleux avaient été réalisés pour un montant de 54 500.00 € sur son compte ouvert dans les livres de la banque.

 

Monsieur J a alerté la banque le jour même soutenant avoir été contacté par téléphone par une personne se faisant passer par un préposé de l’établissement lui demandant d’ajouter, grâce à ses données personnelles de sécurité, cinq personnes sur la liste des bénéficiaires des virements.

 

Or, Monsieur J, en l’absence de prise en charge du sinistre par la banque, a donc assigné la banque en remboursement de ces sommes.

 

Procédure pour laquelle la Cour d’appel de Versailles avait donné raison à Monsieur J et c’est dans ces circonstances que la banque avait formé un pourvoi.

 

La banque faisait grief à la Cour d’appel d’avoir condamné l’établissement bancaire à payer à Monsieur J la somme de 54 500.00 € avec intérêts au taux légal ainsi que la somme de 1 500.00 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral avec intérêts au taux légal.

 

Les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées

 

La banque soutenait et rappelait que, selon elle, le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

Dès lors, pour la banque, commet une négligence grave le payeur qui valide à distance et sans vérifier une opération dont il n’est pas l’auteur.

 

La négligence grave du payeur

 

Or, dans cette affaire, la Cour d’appel avait relevé que, suivant ses opérations, Monsieur J avait été contacté par téléphone par une personne se présentant comme assistante de sa conseillère bancaire qui lui avait expliqué qu’il avait été nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer l’attaque informatique et qu’il fallait désormais les réenregistrer, qu’il était alors resté en ligne avec cette personne et avait reçu sur son téléphone mobile des messages l’invitant à valider des ajouts de bénéficiaire, ce qu’il avait fait en saisissant son code confidentiel.

 

Pour autant, la banque reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré qu’il ne s’agissait pas d’acte négligeant que Monsieur J n’avait pas été gravement négligeant en validant les opérations dont il n’était pas l’auteur alors qu’il aurait dû en vérifier toutes les données comme le rappelle au besoin l’article L133-19 du Code monétaire et financier rappelant que cet article précise :

 

« I. – En cas d’opération de paiement non autorisée consécutive à la perte ou au vol de l’instrument de paiement, le payeur supporte, avant l’information prévue à l’article L. 133-17, les pertes liées à l’utilisation de cet instrument, dans la limite d’un plafond de 50 €.

 

Toutefois, la responsabilité du payeur n’est pas engagée en cas :

 

– d’opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation des données de sécurité personnalisées ;

 

– de perte ou de vol d’un instrument de paiement ne pouvant être détecté par le payeur avant le paiement ;

 

– de perte due à des actes ou à une carence d’un salarié, d’un agent ou d’une succursale d’un prestataire de services de paiement ou d’une entité vers laquelle ses activités ont été externalisées.

 

  1. – La responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées.

 

Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.

 

III. – Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si le prestataire de services de paiement ne fournit pas de moyens appropriés permettant l’information aux fins de blocage de l’instrument de paiement prévue à l’article L. 133-17.

 

  1. – Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L. 133-16 et L. 133-17.

 

  1. – Sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n’exige une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44.

 

  1. – Lorsque le bénéficiaire ou son prestataire de services de paiement n’accepte pas une authentification forte du payeur prévue à l’article L. 133-44, il rembourse le préjudice financier causé au prestataire de services de paiement du payeur. »

 

La banque rappelait encore que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

La négligence grave du payeur et les opérations de paiements non autorisées

 

Pour la banque, commet une négligence grave le payeur qui, à la demande d’une personne qui l’a contacté par téléphone en se présentant comme son conseiller bancaire, valide à distance et sans la vérifier une opération dont il n’est pas l’auteur en dépit d’indice permettant un utilisateur normalement attentif de douter de l’identité de son interlocuteur.

 

Pour autant, la Cour d’appel a relevé que, suivant ses déclarations, Monsieur J avait été contacté par téléphone par l’issue d’une personne se présentant comme l’assistant de sa conseillère bancaire qui lui avait expliqué qu’il était nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer une attaque informatique et mobile, des messages l’invitant à valider des ajouts de bénéficiaire, ce que Monsieur J avait fait en saisissant son code confidentiel et qu’il lui avait été enfin expliqué qu’il n’aurait plus accès à son compte, qu’il allait recevoir par la poste un nouvel identifiant de compte et un nouveau mot de passe.

 

Un escroc se faisant passer pour le conseiller financier et détenteur d’informations confidentielles

 

La Cour d’appel avait effectivement retenu que Monsieur J n’avait pas été gravement négligeant quant à l’identité de son interlocutrice qui prétendait être, non pas sa conseillère bancaire, mais l’assistance de celle-ci, l’objet de l’appel qui tendait à réenregistrer des bénéficiaires de virement,

 

Opération qui pouvait pourtant se faire sans intervention d’une employé de la banque qui ne présentait au surplus aucune urgence dans la mesure où Monsieur J n’aurait plus accès à son compte en ligne pendant plusieurs jours et les explications qui lui avaient été fournis suivant lesquelles l’attaque informatique dont il aurait été victime avait pu être déjouée par la suppression des bénéficiaires de virement qui lui fallait réenregistrer avant que l’accès en ligne à son compte soit bloqué et qu’un nouvel identifiant et un nouveau mot de passe lui soit adressés par voie postale, constituait, pour la banque, des indices permettant à un utilisateur normalement attentif de suspecter une fraude,

 

De telle sorte que, pour la banque, la Cour d’appel n’avait pas tiré toutes les conséquences légales des dispositions de l’article L 133-19 du Code monétaire et financier.

 

La banque finissant son raisonnement en considérant que, même de bonne foi, le payeur doit supporter toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’une négligence grave de sa part.

 

Le spoofing et l’usurpation d’identité

 

Dès lors, pour la banque, l’utilisation d’un « spoofing » ou usurpation d’identité n’est pas une circonstance opérante, usurpation d’identité qui a mise Monsieur J en confiance et a diminué sa vigilance, ce qui n’était pas une circonstance suffisante pour excuser sa négligence qui était pourtant grave.

 

La Cour de cassation, fort heureusement, ne partage absolument pas son analyse.

 

La Haute juridiction vient consacrer dans un arrêt de principe qui, à mon sens, mérite une large diffusion dans lequel elle précise, qu’après avoir exactement énoncé qu’il incombait au prestataire de service de paiement de rapporter la preuve d’une négligence grave de son client, l’arrêt constate que le numéro d’appel apparaissant sur le téléphone portable de Monsieur J s’était affiché comme étant celui de Madame Y sa conseillère bancaire et retient qu’il croyait être en relation avec une salarié de la banque lors du réenregistrement et nouvelle validation qu’elle sollicitait de bénéficiaires de virement sur son compte qu’il connaissait et qu’il a cru valider l’opération litigieuse sur son application dont la banque assurait qu’il s’agissait d’une opération sécurisée.

 

Une mise en confiance du titulaire du compte bancaire

 

Il ajoute que le mode opératoire par l’utilisation du spoofing a mis Monsieur J en confiance et a diminué sa vigilance inférieure face à un appel téléphonique émanant prétendument de sa banque pour lui faire part du piratage de son compte à celle d’une personne réceptionnant un courriel, laquelle aurait pu disposer davantage de temps pour s’apercevoir d’éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse.

 

La Cour de cassation considérant que, dès lors, la Cour d’appel a pu en déduire que la négligence grave de Monsieur J n’était pas caractérisée et a donc très naturellement rejeté le pourvoi de l’établissement bancaire.

 

Une négligence grave non caractérisée

 

Ainsi, cette jurisprudence est fort intéressante puisqu’elle vient finalement trancher une problématique relative à la définition même de la négligence grave au sens de l’article L133-19 du Code monétaire et financier qui amène finalement au titulaire du compte qui s’est finalement fait escroquer par un entretien téléphonique dans lequel il pensait échanger avec un responsable bancaire, ce qui l’avait d’ailleurs amené à baisser sa vigilance et se retrouver seul finalement à supporter les conséquences de cette escroquerie.

 

Or, la réalité est que si la baisse de vigilance est obtenue par ces tierces personnes c’est parce que justement celles-ci ont quand même entre les mains des informations à caractère confidentiel qu’elles ont sûrement obtenu sur le « Darkweb » à travers des informations qui, à un moment donné ou à un autre, échappés à l’établissement bancaire.

 

Des informations à caractère confidentiel échappant à la banque

 

Dès lors, ce n’est qu’un juste retour des choses que de voir finalement la banque sanctionnée sur cette problématique de responsabilité bancaire car, s’il est vrai que le titulaire doit être prudent et attentif quant à la conservation et à la communication de ses informations confidentielles et de son dispositif de sécurité personnalisée, il n’en demeure pas moins que si Monsieur J a été « endormi » par un prétendu conseiller bancaire au téléphone, c’est bien évidemment sur la base d’informations confidentielles que ce dernier avait entre ses mains.

 

Ce qui laisse donc à penser que ses informations ont « fuitées » de l’établissement bancaire qui a donc quelque part, immanquablement, une part de responsabilité.

 

La sécurisation des données à caractère confidentiel par la banque

 

Dès lors, cette jurisprudence est intéressante car effectivement tout démarre, à mon sens, sur une problématique de sécurisation des données bancaires par la banque elle-même qui voit ces informations fuitées pour être, par la suite, revendues sur le Darkweb, puis, exploitées par des personnes peu scrupuleuses qui vont se faire passer pour un banquier dans le cadre d’un entretien téléphonique visant justement à empêcher une escroquerie, baissant ainsi la vigilance du titulaire du compte bancaire qui, du coup, va réaliser des opérations qu’il n’aurait jamais réalisé en temps normal.

 

Un client avertissant toujours trop tard son établissement bancaire du spoofing

 

Ce qui est d’autant plus intéressant c’est que, bien souvent, dans ce genre d’affaire très rapidement le titulaire du compte a tout de suite un doute et va immédiatement prévenir son établissement bancaire, parfois dans les minutes ou dans les dix minutes qui suivent, sans que pour autant la banque en tire toutes les conséquences que ce soient car, le mal étant déjà fait, ces derniers ne cherchent pas ou n’ont pas les moyens de mettre fin à cette fuite financière et, par la suite, quand bien même le titulaire du compte s’est précipité auprès de l’établissement bancaire, tant bien même ce dernier les a immédiatement averti, dans la mesure où le mal est déjà fait, la banque se lave les mains de toute forme de responsabilité et vient finalement reprocher une négligence grave du titulaire pour s’exonérer de toute forme de responsabilité.

 

Fort heureusement, cette jurisprudence rappelle donc qu’aucune négligence grave au sens de l’article L 133-19 du Code monétaire et financier ne peut être imputée au titulaire d’un compte qui est contacté téléphoniquement par une personne se faisant passer pour un préposé de sa banque dont le numéro s’est affiché utilise à sa demande le dispositif de sécurité personnalisé pour supprimer, puis, réinscrire les bénéficiaires de virement dans le but d’éviter des opérations malveillantes.

 

A bon entendeur….

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Banque et organisme-caution, un cumul de responsabilité au titre de la déchéance du terme ? 

Étude croisée de deux jurisprudences venant caractériser, tantôt la responsabilité de la banque, tantôt la responsabilité de l’organisme caution, dans le cadre d’une déchéance du terme trop rapidement prononcée par la banque, et de procédures d’exécution trop rapidement lancées par l’organisme caution.  La notion de délai raisonnable du prononcé de la déchéance du terme du prêt immobilier, nouvel axe de défense pour l’emprunteur, toujours seul face à ces deux léviathans,

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à deux jurisprudences qui ont été rendues coup sur coup par la Cour de cassation dans deux affaires, l’une le 29 mai 2024, et la deuxième le 18 septembre 2024, qui viennent aborder la problématique de la validité de la déchéance du terme.


Sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, aussi bien de la part de mon cabinet que de par la doctrine de manière générale,

 

La deuxième jurisprudence venant, quant à elle, aborder, de manière plus spécifique, la problématique des conséquences que cela peut avoir à l’encontre de l’organisme de caution qui, bien souvent, se subroge dans les droits de l’établissement bancaire lorsque la déchéance du terme est prononcée, alors que celle-ci peut, elle-même finalement, engager sa responsabilité.

 

Un cumul de responsabilité entre établissement bancaire et organisme caution

 

Ces deux jurisprudences méritent d’être analysées de concert pour justement voir s’il n’y aurait pas un doublement des hypothèses de responsabilité de l’établissement bancaire et de l’organisme de caution, tantôt au titre de l’attitude de l’établissement bancaire d’un côté, et tantôt de l’organisme de caution de l’autre.

 

Dans la première jurisprudence qu’il convient d’analyser, de mai 2024, il est question d’une déchéance du terme remise en question.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la banque avait consenti à Monsieur T un prêt immobilier et des échéances étant demeurées impayées, la banque avait alors, le 30 mars 2018, mis en demeure l’emprunteur de régulariser la situation dans un délai de quinze jours, puis, le 05 juin 2018, avait prononcé la déchéance du terme.

 

Or, dans le cadre de son pourvoi, l’emprunteur faisait grief à la Cour d’appel de l’avoir condamné à payer à la banque la somme de 126 516.55 € avec intérêts au taux contractuel de 4,05 % à compter du 20 juin 2018, et de rejeter ses demandes.

 

Pour l’emprunteur, la Cour n’aurait pas dû faire application de la clause du contrat de prêt immobilier autorisant la banque à exiger immédiatement, sans préavis avec une durée raisonnable, la totalité des sommes dues au titre de ce prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à cette date sans examiner d’office le caractère abusif d’une telle clause.

 

La durée raisonnable du préavis, qu’en est-il ?

 

L’emprunteur soulignait que la Cour d’appel avait pourtant observé que les conditions générales du prêt stipulées en page 7 sous l’intitulé exigibilité, qu’en cas notamment de défaillance dans le remboursement des sommes dues par l’emprunteur, le prêteur pourra se prévaloir de l’exigibilité immédiate du prêt en capital, intérêts et accessoires, sans qu’il ne soit besoin d’aucune formalité judiciaire et après mise en demeure restée infructueuse pendant quinze jours.

 

La Cour d’appel en avait effectivement déduit qu’en application de cette clause la déchéance du terme avait été valablement prononcée par la banque dans son courrier daté du 05 juin 2018 et que, dès lors, la déchéance du terme était donc parfaitement opposable à l’emprunteur, la créance de la banque étant alors parfaitement exigible.

 

Pour autant, pour l’emprunteur, il appartenait au juge d’examiner d’office le caractère abusif de la clause autorisant la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues au titre du prêt en cas de défaut de paiement d’une échéance à cette date sans préavis d’une durée raisonnable,

 

L’emprunteur considérant que la Cour d’appel avait procédé à une mauvaise interprétation de l’article L 132-1 du Code de la consommation.

 

La Cour construit son raisonnement au visa de l’article L 132-1 du Code de la consommation.

 

En effet, selon ce texte, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels au consommateur sont abusives les clauses qui ont pour effet ou pour objet de créer au détriment du non professionnels du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

 

La notion de clauses abusives et la jurisprudence de la CJUE

 

C’est d’autant plus vrai que plusieurs décisions de la Cour de justice Européenne sont venues effectivement entériner cette approche.

 

Premièrement, et par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 3.1 de la directive 93/13CEE du Conseil du 05 avril 93 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens.

 

Ainsi, s’agissant de l’appréciation par une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquement du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel.

 

Si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence des dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquates et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.

 

De même, et ce, au visa d’une autre jurisprudence et par arrêt du 08 décembre 2022 (C-600/21), la Cour de justice de l’Union Européenne a dit pour droit que l’arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu’il dégageait pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat.

 

L’appréciation du caractère abusif d’une clause de déchéance du terme

 

Cette clause créée au détriment du consommateur ne pouvait être comprise ni comme étant cumulative, ni comme étant alternative mais devait être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le Juge national devait examiner afin d’apprécier le caractère abusif d’une telle clause pour exclure le caractère abusif.

 

A la lueur de cette jurisprudence de la CJUE, la Cour de cassation souligne que la Cour d’appel, pour exclure le caractère abusif de la clause stipulant la résiliation de plein droit du contrat de prêt quinze jours après une simple mise en demeure adressée à l’emprunteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en cas de défaut de paiement de tout ou partie des sommes dues à leur échéance, a retenu que la déchéance du terme a été prononcée après une mise en demeure restée sans effet précisant le délai dont les emprunteurs disposaient pour y faire obstacle.

 

La Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi alors que la clause, qui prévoyait la résiliation de plein droit du contrat de prêt après une mise en demeure de régler une ou plusieurs échéances impayées sans préavis d’une durée raisonnable, créait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement.

 

De telle sorte que pour celle-ci la Cour d’appel avait violé le texte susvisé.

 

La Cour de cassation cassant et annulant l’arrêt rendu et renvoyant les parties devant une autre Cour d’appel.

 

Quel délai raisonnable en cas d’impayés sur un crédit immobilier de plus de 20 ans ?

 

Il est vrai que, à bien y réfléchir, ces jurisprudences grandissantes sur cette notion de délais raisonnables doivent effectivement être interprétées à la lueur du contrat lui-même car il est bien évident qu’en l’état de ces crises économiques où bon nombre d’emprunteurs se retrouvent en situation financière délicate ou difficile, il est vrai que la notion de déraisonnable prend tout son sens.

 

Ceci d’autant plus que lorsque l’emprunteur va contracter un prêt immobilier sur vingt, vingt-cinq et, maintenant bientôt trente ans dans certains cas, la banque ne manque pas de promettre, sinon monde et merveilles, mais à tout le moins d’être un partenaire privilégié toujours disponible en cas de difficultés et, immanquablement, la vie actuelle a son lot de difficultés pouvant être lié parfois à une séparation, parfois un divorce, parfois même un licenciement, ou une autre étape difficile de la vie telle qu’un accident ou la maladie.

 

L’interprétation du délai raisonnable à la lueur du contrat de prêt immobilier

 

Il est vrai que projeter un crédit sur vingt ans ou trente ans, comprenant ainsi 240 à 360 mensualités et pour lequel immanquablement sur ces 240 à 360 mensualités le hasard de la vie fait qu’il serait très présomptueux de penser qu’aucun accident ne pourrait arriver, font que l’on peut s’étonner de ce que les conditions contractuelles du crédit prévoient un pauvre délai de huit jours à quinze jours pour faire face à un impayé alors qu’immanquablement, si l’emprunteur n’est pas en mesure de payer son crédit immobilier, c’est qu’il a immanquablement des difficultés qui ne peuvent raisonnablement se résorber en huit jours ou en quinze jours.

 

Que dès lors, ces jurisprudences amènent à une véritable réflexion sur la notion de lien de proportionnalité entre le crédit immobilier, sa longueur, et les modalités suivant lesquelles la déchéance du terme pourrait être prononcée.

 

L’esprit même de ces décisions de la Cour de justice Européenne, qu’emprunte d’ailleurs la Cour de cassation dans son analyse, amène effectivement à une sorte de contrôle de proportionnalité entre la durée d’un crédit sur vingt ans jusqu’à trente ans, sur 240 à 360 mensualités, pour finalement exposer l’emprunteur en difficultés à une déchéance du terme à huit jours ou à quinze jours d’une simple mise en demeure alors même qu’il est bien évident que si celui-ci se retrouve dans l’incapacité de payer son échéance de crédit, c’est que sa problématique économique est plus importante et ne peut se résorber clairement en huit et quinze jours.

 

Ceci d’autant plus que, est-il besoin de le rappeler, bon nombre d’emprunteurs sont des employés, salariés, et que ces derniers sont tributaires du paiement d’un salaire qu’ils n’ont lieu qu’une fois par mois.

 

Un mois en difficulté, répercute le problème au mois suivant.

 

Quel sens alors donner à une mise en demeure avec un préavis de régularisation de 8 jours ou de 15 jours ?

 

Un préavis de régularisation trop court et inapproprié ?

 

Ainsi, cette projection sur un délai aussi court est effectivement parfaitement inappropriée et que, dès lors, la réflexion qu’impose la Cour de cassation dans cette jurisprudence qui vient compléter bon nombre de jurisprudences que j’ai d’ailleurs pris soin de commenter à plusieurs reprises, laisse effectivement à penser que cette projection doit se faire sur un délai beaucoup plus long en termes de raisonnabilité.

 

Sans quoi, il y a effectivement une disproportion entre la courtesse de la mise en demeure à huit jours ou quinze jours et la longueur du crédit et son montant qui ne peuvent être résorbé en cas d’incident sur huit ou quinze jours.

 

Ceci est d’autant plus vrai que la Loi permet justement à l’emprunteur en difficultés qui se heurte à un impossible dialogue constructif avec l’établissement bancaire de saisir le Juge qui, au visa des dispositions qui régissent cette procédure spécifique de suspension judiciaire des échéances, peut offrir des délais jusqu’à deux ans.

 

L’option de la suspension judiciaire des échéances d’un crédit allant jusqu’à 2 ans

 

Dès lors, là-encore, si certaines banques font « l’effort » d’offrir parfois trois mois à leurs clients pour faire face à une difficulté conjoncturelle qui peut être liée à un licenciement ou à une séparation, n’oublions pas que le Juge a le pouvoir d’offrir jusqu’à deux ans de délais pour passer outre cette problématique conjoncturelle qui ne peut, en l’état des montants engagés et des objectifs qui sont attachés à l’emprunt immobilier qui consistent à préserver et à conserver sa résidence principale font que ce dernier Juge de proximité peut donner jusqu’à deux ans.

 

Malheureusement, cette problématique de suspension judiciaire des échéances est malheureusement trop peu connue mais elle reste une faculté qui n’est pas à ignorer, bien au contraire.

 

Toujours est-il que cette jurisprudence vient amener le Juge du fond à s’interroger dans une sorte de contrôle de proportionnalité du délai raisonnable par rapport à la longueur des engagements, par rapport à l’importance des montants et du déroulement du crédit.

 

Cette jurisprudence est salutaire.

 

Mais, elle peut être aussi analysée sous un autre regard, celui d’une deuxième décision de justice qui vient également mettre en avant l’hypothèse de responsabilité d’un organisme de caution car, effectivement de plus en plus, des actes de prêt sont garantis non plus par une hypothèque mais de plus en plus d’établissements bancaires ont recours à un organisme de caution.

 

La responsabilité de l’organisme caution, trop emprunt à poursuivre l’emprunteur ?

 

Or, l’organisme de caution, également établissement financier dans ce jeu de « bonnet blanc et blanc bonnet » entre établissement bancaire et organisme de caution, établissements financiers, font que ces derniers ont une dynamique où, à peine un impayé est survenu, la banque, si celle-ci ne se précipite pas tout de suite vers une déchéance du terme aux conséquences irréparables, a pour habitude d’enclencher très rapidement l’organisme de caution, puis, de se précipiter vers une déchéance du terme amenant ainsi l’organisme de caution à se précipiter lui aussi dans le cadre de son recours subrogatoire et/ou de son recours personnel de se retourner contre le débiteur en difficultés pour arriver à une procédure d’exécution quasi immédiate.

 

Ce qui nous amène finalement à nous intéresser à cette deuxième jurisprudence pour justement déterminer l’imbrication existant entre établissements bancaires pour justement voir quelles sont les hypothèses de responsabilités propres à l’organisme de caution dans ce triptyque, établissement bancaire, débiteur principal et organisme de caution.

 

La responsabilité de l’organisme caution

 

Dans cette jurisprudence du 18 septembre 2024, la banque avait, suivant offre acceptée le 30 juillet 2024, avait consenti à Madame S, l’emprunteuse, un prêt immobilier garanti par le cautionnement par l’organisme de caution.

 

Or, l’organisme de caution, qui avait réglé le solde du prêt après une mise en démeure de l’emprunteuse par la banque et sa déchéance du terme, avait alors assigné l’emprunteuse en remboursement.

 

C’est dans ces circonstances que Madame S avait formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 08 septembre 2022 dans ce contentieux qui l’opposait seulement à l’organisme de caution sans que celle-ci n’ait eu la présence d’esprit d’appeler dans la cause l’établissement bancaire.

 

Toujours est-il que, dans ce pourvoi, l’emprunteuse faisait griefs à l’arrêt de la Cour d’appel de l’avoir condamné à verser à la caution la somme de 71 538.60 €, outre intérêts au taux légal à compter du 03 janvier 2018 et ce, jusqu’à parfait paiement, et de rejeter sa demande de condamnation de la caution au paiement d’une somme de 128 819.61 €.

 

Pour Madame S, la caution qui a payé dans les limites de son engagement une dette éteinte dispose d’un recours personnel contre le débiteur principal, lequel peut lui exposer les exceptions qui ne lui put opposer au créancier principal constituant une cause d’extension de son obligation.

 

L’obligation de vérification du bien-fondé de la créance,

 

Or, en jugeant que la nature personnelle du recours de la caution, en ce qui concerne les sommes acquittées auprès de la banque, ne permet pas à l’emprunteuse d’opposer à la caution la faute de la banque consistant en l’absence d’indications du taux de période sur l’offre de prêt de nature à minorer le solde du prêt impayé, de telle sorte que, pour l’emprunteuse, la Cour d’appel avait violé l’article 2305 du Code civil.

 

Bien plus, celle-ci rappelait en tant que de besoin que la caution qui a payé le créancier sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal ne dispose pas de recours à son encontre si au moment du paiement ce dernier pouvait faire déclarer la dette principale éteinte.

 

Étant précisé que l’absence de délais suffisant laissés au débiteur pour répondre à la caution équivaut à un défaut d’avertissement.

 

L’absence de délai raisonnable laissé à l’emprunteur par l’organisme caution

 

Or, Madame S faisait grief à la Cour d’appel de s’être bornée à relever pour la condamner à verser la somme de 71 538.60 € à la caution, que l’emprunteuse ne soutenait pas avoir informé la caution d’une quelconque faute pouvant être opposée à la banque comme l’absence d’indications du taux de période sur l’offre de prêt ou sur le caractère injustifié de la déchéance du terme.

 

En effet, elle reprochait à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché, comme elle lui avait pourtant demandé, si la débitrice avait bénéficié d’un délai suffisant entre la première présentation de la lettre caution le 26 décembre et le paiement du créancier à peine une semaine plus tard pour informer la caution des moyens dont elle disposait pour faire échec au recours de la banque.

 

La Cour de cassation partage l’analyse de l’emprunteuse et, au visa des articles 2305 et 2308 du Code civil, considère qu’il résulte de ces textes que, lorsque la caution a payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’a point de recours contre lui dans le cas où au moment du paiement ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte sauf son action en répétition contre le créancier.

 

Le paiement de la caution sans avoir averti le débiteur principal, source de responsabilité ?

 

Ainsi, pour la Cour de cassation, pour condamner l’emprunteuse à payer à la caution les sommes réglées à la banque et rejeter sa demande de dommages et intérêts, la Cour d’appel a retenu que la nature personnelle du recours de la caution en ce qui concerne les sommes acquittées auprès de la banque ne permet pas à la débitrice de lui opposer des fautes imputables à la banque telle que l’absence d’indication du taux de période sur l’offre de prêt, et que l’emprunteuse avait été avertie par la caution du paiement à intervenir.

 

La Haute juridiction considère qu’en se déterminant ainsi, alors que le moyen que l’emprunteuse aurait pu opposer à la banque était de nature à faire éteindre partiellement sa dette et sans rechercher comme il le lui était demandé si l’emprunteuse avait bénéficié d’un délai suffisant entre la première présentation de la lettre de la caution le 23 décembre 2017 et le paiement constaté par la quittance subrogative du 03 janvier 2018 pour informer la caution des moyens dont elle disposait pour faire échec à la demande de la banque, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

Cette jurisprudence est intéressante, d’autant plus que la Cour de cassation dans cette jurisprudence vient apporter un regard sur la portée et les conséquences de sa décision.

 

En effet, celle-ci considère qu’en application de l’article 124 du Code de procédure civile, la cessation des chefs des dispositifs de l’arrêt condamnant l’emprunteuse à verser à la caution la somme de 71 538.60 € outre les intérêts au taux légal à compter du 03 janvier 2018 et jusqu’à parfait paiement en rejetant sa demande de condamnation de la caution au paiement d’une somme de 128 819.61 € entraine la cassation des chefs de dispositif rejetant la demande de délais de paiement de l’emprunteuse et la demande de capitalisation des intérêts de la caution qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

 

Dès lors, cette jurisprudence est intéressante car elle vient finalement compléter la première jurisprudence étudiée.

 

Un cumul de responsabilité entre établissement bancaire et organisme caution ?

 

Ainsi, d’un côté, la banque engage sa responsabilité pour avoir prononcé une déchéance du terme sans avoir pris soin d’octroyer un délai raisonnable au débiteur pour faire face à ses obligations dans le cadre d’un engagement de longue durée et, de l’autre, l’organisme de caution engage également sa responsabilité pour s’être précipité à la libération des fonds au profit de son cher cousin, l’établissement bancaire, sans vérifier auprès du débiteur principal si celui-ci n’avait pas des moyens d’opposer à la banque des moyens de prescriptions venant ainsi, là-encore, reprocher cette fois-ci non plus à la banque mais à l’organisme de caution d’avoir immédiatement libéré les fonds sur la base d’une déchéance du terme précipitée, pour immédiatement assigner en paiement l’emprunteuse sans chercher, en se réfugiant derrière son recours personnel et en se refusant d’aller tout simplement s’interroger sur l’hypothèse de responsabilité de prescription qui pourrait être opposé à l’établissement bancaire.

 

Le délai raisonnable, nouvel outil contre la banque et l’organisme caution ?

 

Dès lors, ces deux jurisprudences mises bout à bout ramènent un certain équilibre dans ce rapport de force entre ce partenariat, établissement bancaire et organisme de caution, avec le fragile pot de terre qui est l’emprunteur en difficultés qui, dans le cadre du parcours d’une vie sur plus de vingt ou trente ans est immanquablement nécessairement amené d’une manière ou d’une autre à rencontrer des difficultés.

 

De telle sorte qu’il est bien évident que cette notion de délais raisonnables doit prendre également tout son sens avec une projection temporelle adaptée au crédit bancaire lui-même.

 

Étant d’ailleurs rappelé, et je finirai sur cette note, qu’il est extrêmement important, lorsqu’il y a un organisme de caution lorsque la banque pousse à la déchéance du terme et que finalement l’organisme de caution assigne en paiement, de ne jamais oublier d’appeler en cause l’établissement bancaire pour justement rétablir cette relation tripartite avec un établissement bancaire, un client emprunteur en difficultés, et un organisme de caution.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Contentieux entre entreprise française et sous-traitant portugais, quel juge compétent ?

Laurent LATAPIE avocat Noel 2024

Une entreprise française, réalisant des chantiers en France sollicite l’intervention d’un sous-traitant portugais. Un litige nait entre les parties au motif pris notamment de ce que le sous-traitant n’aurait pas respecté la règlementation française. L’entreprise française conteste les dernières factures émises par le sous-traitant portugais, qui, mécontent obtient une ordonnance d’injonction de payer européenne du juge portugais. Cependant, le juge portugais est-il vraiment compétent ?

 

Article :

 

Une fois n’est pas coutume, il convient de s’intéresser à une décision qui a été rendue par le Tribunal judiciaire du District de Coimbra, au Portugal, et qui vient opposer un sous-traitant Portugais qui a eu un litige avec une entreprise Française, exploitant en France et dont le sous-traitant a fait diligences en France.

 

Quel juge compétent pour trancher un litige opposant entreprise française et entreprise portugaise ?

 

La première des questions était de savoir si oui ou non la juridiction Portugaise était compétente car le sous-traitant Portugais a cru bon saisir le Juge Portugais afin de se faciliter la tâche et de ne pas avoir à rendre compte aux autorités Françaises.

 

Car en effet, si le lieu de l’exécution du contrat est en France, que l’adversaire et défendeur est Français, et que l’entreprise principale est en France, tout laisse à penser que le contentieux a vocation à se faire en France.

 

Un sous-traitant portugais réalisant ces prestations en France

 

Cependant, le sous-traitant Portugais, qui a envoyé une partie de son staff en France réaliser les travaux en qualité de sous-traitant, a cru bon, en l’état du différend qui opposait l’entreprise Française et le sous-traitant Portugais, gagner en vitesse au niveau procédural et saisir le Juge Portugais afin de gagner du temps.

 

Fort heureusement l’entreprise Française s’est défendue et a contesté la compétence du Juge Portugais au motif pris notamment de ce que, dans la mesure où le litige opposait une société Française avec un lieu d’exécution sur le sol Français, cela amenait nécessairement une compétence du Juge Français.

 

La saisine surprenante du juge portugais par le sous-traitant portugais

 

Et, que le tour de passe-passe consistant au sous-traitant Portugais à passer par une juridiction Portugaise pour faciliter l’obtention d’un titre exécutoire, qu’il a obtenu d’ailleurs sur une simple ordonnance d’injonction de payer, avait vocation à être malmené nécessitant l’intervention de votre serviteur, membre de l’UIA, et d’un Confrère Portugais, également membre de l’UIA, de faire barrage à cette prétention du sous-traitant Portugais immanquablement infondé et procéduralement erroné.

 

Ainsi, l’entreprise Portugaise avait formé une requête en injonction de payer Européenne à l’encontre de la partie défenderesse.

 

La requête en injonction de payer européenne

 

Ce qui était assez culotté puisque, du coup, par ce biais-là il saisissait son Juge de proximité au Portugal en mettant ainsi en difficulté l’entreprise Française, à plus de 2 000 kilomètres de là, qui devait du coup, en catastrophe et sur des délais assez courts en injonction de payer, organiser sa défense et saisir un avocat.

 

Fort heureusement, son conseil, votre serviteur, membre de l’Union Internationale des Avocats et bénéficiant d’un réseau important de Confrères à travers le monde entier, a pu effectivement trouver un Confrère Portugais à même de réagir très rapidement et saisir en opposition de cette injonction de payer le Juge Portugais.

 

L’entreprise requérante, Portugaise, affirmait qu’elle avait conclu avec la défenderesse un contrat d’approvisionnement en vertu duquel ses services, équivalent à une transaction commerciale, étaient fournis,

 

Un contrat d’approvisionnement entre la France et le Portugal ?

 

Dans le cadre de ses transactions commerciales, la requérante s’était engagée à fournir les services demandés par la demanderesse, laquelle s’était engagée en contrepartie à effectuer le paiement en temps utile des factures émises pour les montants connus.

 

Après l’exécution des contrats par le demandeur, les factures suivantes ont été émises et envoyées au défendeur pour le paiement des services rendus et ce, moyennant une somme totale de la modique somme de 245 603.92 €.

 

La société Française a naturellement fait opposition à cette décision, qui était engoncée dans des délais extrêmement courts, mais qui a été formée en temps et en heure en soulevant notamment la compétence internationale de la juridiction au motif pris de ce que la défenderesse était établie en France et que l’exécution du contrat ainsi que les relations commerciales établies s’étaient également déroulées en France.

 

La société Française contestait tout autant l’existence d’une quelconque convention entre les parties attribuant une compétence autre que celle du lieu d’exécution du contrat.

 

Le lieu d’exécution du contrat

 

La société Portugaise a répondu en faisant valoir que les parties dans leurs négociations avaient convenu que la juridiction chargée de régler tout conflit serait le FOR Portugais, en l’occurrence la Cour d’Arganil ainsi qu’il ressort des factures émises par la société Portugaise à la société Française et que la contribution attributive de juridiction était valide.

 

Bien sûr, la société Française ne partageait pas cette analyse.

 

Il convient de rappeler que la compétence internationale du Juge, au visa de l’article 96 du Code de procédure civile Portugais, doit être entretenue par le Tribunal et constitue, selon le droit Portugais, une exception dilatoire de connaissance d’office.

 

Quelle compétence internationale du juge ?

 

Le Tribunal de commerce de Coimbra rappelait en tant que de besoin que le demandeur et le défendeur sont des sociétés commerciales qui se sont établis l’une avec l’autre, la première étant basée au Portugal et la seconde en France.

 

Il apparaissait important d’apprécier la compétence de la juridiction Portugaise où l’action avait été entendue pour effectivement connaitre le litige.

 

Le Tribunal de commerce de Coimbra rappelle que l’article 37 § 2 de la loi 62/2013 prévoit que le Droit procédural définit les éléments dont dépend la compétence internationale des juridictions judiciaires.

 

La compétence est fixée au moment de l’introduction de l’action et les changements de faits intervenus ultérieurement sont sans pertinence, sauf dans les cas spécifiquement prévus par la loi.

 

L’article 59 du Code de procédure civile prévoit que sans préjudice, ce qui est établi dans les règlements Européens ou autre instrument internationaux, les juridictions Portugaises sont internationalement compétentes lorsque l’un des facteurs de rattachement visé aux articles 62 et 63 est présent ou lorsque les parties leur ont attribués compétence en vertu de l’article 94.

 

Il convenait dès lors de s’intéresser aux dispositions Européennes puisque, les parties étant basées dans les états membres de l’Union Européenne, il convenait de se référer aux règles du règlement UE N°1215/2012 du Parlement Européen et du conseil du 12 décembre 2012 relatif à la compétence juridictionnelle sur la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale.

 

Il convient également de reciter l’article 7 § 1 du règlement UE N°1215/2012 du 12 décembre 2012 relatif à la responsabilité contractuelle qui vient également déterminer les compétences juridictionnelles tel que le rappelle d’ailleurs un arrêt de la Cour d’appel de Lisbonne du 14 mars 2023 qui rappelle que, s’il ne ressort pas des termes du contrat que les parties ont conclu un accord sur le for compétent, l’action peut être intentée au lieu du domicile du défendeur domicilié sur le territoire d’un état membre ainsi que du lieu de l’exécution de l’obligation, en cas de vente ou en vertus d’un contrat, ou du lieu où les biens doivent être fourni ou bien dans le cadre d’une prestation de service (ce qui était le cas), l’endroit, le lieu dans un état membre ou en vertus de la relation contractuelle où le service a été rendu ou devait être fourni.

 

La détermination des lieux d’exécution des prestations de service

 

Or, immanquablement, la société Française vivant dans le Var et ayant son siège social dans le Var, les lieux d’exécution des prestations de service en question avaient lieu dans le Var, de telle sorte que l’autorité Portugaise ne pouvait être valablement compétente.

 

Comme le souligne d’ailleurs très justement le Tribunal de commerce de COIMBRA, celui-ci souligne que la demande de la demanderesse tendant à obtenir une ordonnance à l’encontre de la défenderesse est fondée sur un contrat signé entre les parties en vertus duquel la demanderesse s’est engagée à la demande de la défenderesse à fournir des services exécutés à son siège et dans divers endroits en France.

 

Ainsi, s’agissant de la compétence, il ne fait aucun doute que dans le cadre d’un marché de fournitures, lorsque plusieurs services ont été fourni, la juridiction de l’état membre, ou en vertus du contrat, les services ont été ou auraient dû être fourni en France, c’est bien celle-ci qui est compétente dès lors que les services fournis par la demanderesse à la défenderesse ont été fournis dans l’usine de cette dernière située dans ce pays.

 

Qu’en outre, et ce au visa de l’article 94 du Code de procédure civile Portugais, une convention attributive de juridiction doit comporter sans équivoque un engagement des deux parties, de sorte qu’il n’existe aucun doute quant à l’acceptation du for désigné dans une telle convention.

 

En l’espèce, comme le souligne très justement le Tribunal de commerce de COIMBRA, un tel accord se traduirait par la simple mention de l’attribution de compétence dans les factures émises par la demanderesse à la défenderesse.

 

Or, il a été jugé à l’unanimité que la mention présente en final que, en cas de litige, le seul for compétent serait le Tribunal d’ARGANIL avec renonciation à tous les autres.

 

Étant précisé que rien ne laisse à penser que cette stipulation du for compétent a été acceptée par la partie adverse.

 

Il convient de citer la jurisprudence Portugaise, notamment un arrêt de la Cour suprême de justice du 19 novembre 2015 qui précise que :

 

« Même s’il est émis qu’une telle offre peut être tacitement acceptée ou respectée, le seul fait que la partie qui a reçu une facture portant une telle mention a acceptés ou payés les montants correspondants aux prestations auxquelles elles ont le droit ne constituent pas un comportement concluant et il ne saurait être déduit de son silence sur la question de la compétence qu’elle accepte la proposition de convention attributive de juridiction. »

 

De telle sorte que, dans telles circonstances, il serait contraire au principe de bonne foi de rechercher à déduire du silence de la partie l’acceptation de la convention attributive de juridiction envisagée couvrant non seulement les litiges nés des livraisons donnant droit à chaque facture par laquelle cette référence avait été insérée, mais également tout ce qui pourrait découler de la relation de concession commerciale, complexe et fondamentale existant entre les justiciables.

 

Un autre arrêt précise encore, Cour d’appel de Lisbonne du 16 décembre 2021, que l’article 25 § 1.A du règlement UE N°1215/2012 impose l’exigence de la forme écrite pour la validité de la convention attributive de juridiction qui comporte des raisons sous-jacentes de sécurité juridique visant à garantir que les parties sachent ce qu’elles conviennent ainsi que les conséquences découlant du choix libre et éclairé qu’elles font.

 

Supposons, comme son nom l’indique, un accord de volonté, ce qui ne suffit pas à une communication unilatérale de l’une des parties contractantes à l’autre.

 

Ainsi, une simple référence dans les factures envoyées à des conditions générales de vente auxquelles il est fait référence de manière générale sans aucune indication spécifique quant au choix du Tribunal pour régler les litiges nés de cette relation commerciale qui peuvent être consultés sur le site internet du vendeur ne constituent pas une proposition claire de convention de for à laquelle la partie adverse ne pourrait adhérer sciemment à la convention.

 

Elle n’est pas conforme au principe de la bonne foi que les parties sont tenues de respecter, tant dans l’information, que dans l’exécution de leur contrat.

 

De telle sorte que le Tribunal de commerce de COIMBRA considère qu’il n’y a aucune donnée dans le dossier de la société Portugaise qui indique l’acceptation du for par le défendeur et il n’est pas entendu que le paiement des montants des factures ou le silence de ce dernier constituent une acceptation tacite, de sorte qu’un tel choix du for apparait invalide.

 

En effet, il est entendu que le Tribunal du domicile du défendeur est compétent pour connaitre de la présente action qui correspond d’ailleurs au Tribunal du lieu d’exécution de l’obligation contractée, c’est-à-dire, du lieu où les services ont été fourni ainsi qu’il ressort des factures jointes au dossier par le demandeur.

 

C’est dans ces circonstances que, compte-tenu de ce qui précède, l’expression dilatoire d’incompétence internationale de la Cour est accueillie et, par conséquent, l’acquittement de la société Française est prononcé conformément aux dispositions des articles 96, 97, 98 et suivants du Code de procédure civile Portugais et des articles 4, 7 et 25 du règlement UE N°1215/2012 du Parlement Européen et du Conseil du 12 décembre 2012.

 

De telle sorte que, tel est pris qui croyait prendre.

 

En effet, la société Portugaise pensait espérer, par le truchement d’une ordonnance en injonction de payer tenue sur la seule base d’une requête non contradictoire, sans permettre à la société Française de s’expliquer et d’apporter des réponses quant aux contestations qu’elle pouvait émettre sur le fond quant au bienfondé de cette créance importante de plus de 240 000.00 €, a été fort heureusement accueillie à la lueur des règles de procédures Européennes et de compétence internationale au niveau Européen.

 

De telle sorte que le Tribunal de commerce de COIMBRA a très justement rejeté cette procédure qu’a tenté de faire clairement la société Portugaise dans le dos de son partenaire Français.

 

Cela est donc salutaire.

 

Immanquablement, le contentieux sur le fond va redémarrer du côté Français.

 

Je pense qu’immanquablement un nouvel article sera amené sur ce sujet de ces relations commerciales établies entre entreprise Portugaise et entreprise Française dans le cadre d’une nouvelle chronique jurisprudentielle liée à une décision Française cette fois-ci.

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

Est-il possible d’annuler une liquidation d’astreinte assortissant une mesure de mise en conformité ?

Laurent LATAPIE avocat Noel 2024
Laurent LATAPIE avocat Noel 2024
Laurent LATAPIE avocat Noel 2024

 

Est-il possible d’annuler une liquidation d’une astreinte ordonnée par le tribunal correctionnel et assortissant une mesure de mise en conformité ? Surtout lorsque cette condamnation d’astreinte ne comprend ni point de départ ni de délai imparti pour, justement, permettre cette mise en conformité ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation ce 26 mars 2024, N°23-80.499, qui vient aborder la problématique spécifique des liquidations d’astreinte assortissant une mesure de mise en conformité.

 

Une astreinte assortissant une mesure de mise en conformité

 

En effet, il n’est pas rare, lorsqu’une infraction urbanistique a été constatée, que le Procureur de la République enclenche des poursuites et que la juridiction correctionnelle saisie rende une décision visant à condamner, le propriétaire, certes, à une peine principale, mais c’est souvent la peine complémentaire de remise en état ou de remise en conformité sous astreinte qui peut créer problèmes car, par la suite, l’administration fiscale va émettre un titre de perception au titre de la liquidation de cette astreinte qui peut représenter, dans certains cas, des sommes très importantes.

 

Il y a bien sûr une possibilité de procéder à une demande de main levée de cette astreinte devant la juridiction qui a condamné le propriétaire en infraction mais il y a également la possibilité dans certains cas d’en obtenir aussi l’annulation de cette liquidation d’astreinte.

 

C’est justement ce que vient apporter cette jurisprudence qui précise qu’est justifiée la décision d’annulation du titre de perception liquidant l’astreinte assortissant une mesure de mise en conformité décidée à la suite d’une condamnation pour infraction au Code de l’urbanisme.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, et par décision en date du 17 mai 2013, le Tribunal correctionnel avait déclaré Monsieur O coupable d’infraction au Code de l’urbanisme et avait ordonné la mise en conformité des lieux assortie d’une astreinte à raison de 50.00 € par jour de retard.

 

Le 21 septembre 2015, un titre exécutoire en liquidation d’astreinte a été émis et, le 18 octobre 2017, le Procureur de la République a adressé à Monsieur O une lettre de mise en demeure valant commandement de payer la somme de 11 450.00 € au titre de cette astreinte.

 

C’est dans ces circonstances que Monsieur O a formé opposition à la mise en demeure et a adressé un recours gracieux à l’autorité administrative qui a rejeté ses demandes.

 

La saisine du Tribunal correctionnel en annulation de l’astreinte

 

Il a, par la suite, saisi le Tribunal correctionnel avec une requête en annulation du titre de perception liquidant l’astreinte et de décisions prise sur le fondement de cette dernière.

 

Or, le 07 juin 2019, le Tribunal correctionnel a déclaré la requête irrecevable et c’est dans ces circonstances que, à la fois Monsieur O, à la fois le Procureur de la République, ont relevés appel de ce jugement.

 

C’est finalement le préfet qui a effectivement formé un pourvoi contre l’arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Orléans puisque la Cour d’appel avait justement annulé le titre de perception liquidant l’astreinte.

 

Le préfet critiquait l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il avait annulé le titre de perception en liquidation d’astreinte de 11 450.00 € du 21 septembre 2015 ainsi que tous les actes subséquents.

 

Quel est le point de départ faisant courir l’astreinte ?

 

Le préfet considérait que l’astreinte court nécessairement du jour où la condamnation pénale devient définitive, peu importe que la décision la prononçant ne précise pas son point de départ, de telle sorte qu’en infirmant que l’astreinte fixée par le Tribunal correctionnel n’a jamais commencé à courir, faute pour le Tribunal d’avoir fixé le point de départ, la Cour d’appel a méconnue, selon lui, l’article L 480-7 du Code de l’urbanisme.

 

Le préfet considérant encore qu’il ne revient pas au Juge pénal, lorsqu’il statue sur un incident contentieux d’exécution, de supprimer l’astreinte préalablement ordonnée en application de l’article L 480-7 alinéa premier du Code de l’urbanisme, lequel article précise que :

 

« Le tribunal impartit au bénéficiaire des travaux irréguliers ou de l’utilisation irrégulière du sol un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition, de mise en conformité ou de réaffectation ; il peut assortir son injonction d’une astreinte de 500 € au plus par jour de retard. L’exécution provisoire de l’injonction peut être ordonnée par le tribunal.

 

Au cas où le délai n’est pas observé, l’astreinte prononcée, qui ne peut être révisée que dans le cas prévu au troisième alinéa du présent article, court à partir de l’expiration dudit délai jusqu’au jour où l’ordre a été complètement exécuté.

 

Si l’exécution n’est pas intervenue dans l’année de l’expiration du délai, le tribunal peut, sur réquisition du ministère public, relever à une ou plusieurs reprises, le montant de l’astreinte, même au-delà du maximum prévu ci-dessus.

 

Le tribunal peut autoriser le reversement ou dispenser du paiement d’une partie des astreintes pour tenir compte du comportement de celui à qui l’injonction a été adressée et des difficultés qu’il a rencontrées pour l’exécuter. »

 

Le point de départ de l’astreinte liée à l’obligation de mise en conformité

 

Or, en modifiant le point de départ de l’astreinte prononcée par le Tribunal correctionnel le 17 mai 2013 à une date postérieure à l’exécution par le condamné de son obligation de mise en conformité, la Cour d’appel, qui a remis en cause cette mesure, avait, selon le préfet, excédé ses pouvoirs en méconnaissance des dispositions de l’article 710 du Code de procédure pénale.

 

Fort heureusement, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse et précise que pour annuler le titre de perception liquidant l’astreinte à hauteur de 11 450.00 € les décisions subséquentes prises sur le fondement de cette dernière.

 

La Cour d’appel a énoncé qu’aux termes de l’article L 480-8 du Code de l’urbanisme le Juge répressif qui, après avoir condamné le bénéficiaire d’une construction irrégulièrement édifiée, le condamnait à procéder à des travaux de mise en conformité, de lui impartir un délai pour l’exécution de l’ordre de démolition et fixer en conséquence le point de départ de ce délai en assortissant, le cas échéant, sa décision d’une astreinte.

 

Une astreinte fixée sans point de départ et sans délai

 

Dès lors, pour la Cour de cassation, le Juge ajoute que le Tribunal correctionnel a ordonné à l’encontre de Monsieur O la mise en conformité des lieux ou des ouvrages sous astreinte d’un montant de 50.00 € par jour de retard, sans fixer, ni le point de départ, ni la durée du délai qui lui impartissait pour procéder aux travaux.

 

De telle sorte qu’il y a lieu d’en comprendre que l’astreinte fixée par le Tribunal correctionnel n’a donc jamais commencé à courir, faute pour ce dernier d’en avoir fixé le point de départ.

 

Il s’en déduit, pour la Haute juridiction, qu’il convient de faire droit aux demandes en annulation présentées par Monsieur O, en l’absence de support juridique fondant une créance de liquidation d’astreinte.

 

L’annulation inévitable de la liquidation d’astreinte

 

La Cour de cassation considérant que l’astreinte ayant été ordonnée sans fixer le délai imparti pour la mise en conformité des lieux exigé par les dispositions de l’article L 480-7 du Code de l’urbanisme pour décider d’une telle mesure, cette dernière ne pouvait pas être complétée par la fixation d’un tel délai sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale qui donne compétence à la juridiction pour connaitre des incidents relatifs à l’exécution d’une décision mais non pour y ajouter ou retrancher.

 

D’autre part, la Haute juridiction précise que :

 

« L’astreinte ne pouvant être exécutée en l’absence de fixation d’un tel délai, la Cour d’appel ne pouvait dès lors que constater que les mesures prises en application de celle-ci étaient dénuées de fondement juridique et prononçaient ainsi son annulation. »

 

Ainsi, à bien y comprendre, la Cour d’appel n’a pas supprimé l’astreinte mais a tout simplement constaté qu’elle n’était pas exécutable.

 

De telle sorte qu’elle devait être intégralement écartée.

 

Le tribunal correctionnel, statuant sur incident, peut-il corriger l’erreur ?

 

Le raisonnement juridique de la Cour de cassation est pertinent et rappelle dès lors que l’astreinte ayant été ordonnée sans fixer ni le point de départ, ni le délai imparti pour la mise en conformité des lieux, cette astreinte ne pouvait pas être complétée par la fixation d’un tel délai sur le fondement de l’article 710 du Code de procédure pénale qui donne compétence à la juridiction pour connaitre des incidents relatifs à l’exécution d’une décision mais non pour y ajouter ou retrancher.

 

C’est donc à juste titre que la Cour d’appel a considéré que l’astreinte ne pouvait être exécutée en l’absence de fixation d’un tel délai, la Cour d’appel ne pouvait que constater que les mesures prises en application de celle-ci étaient dénuées de fondement juridique et prononçaient par la même leur annulation.

 

Cette jurisprudence est importante puisqu’elle rappelle effectivement que la mise en place d’une astreinte décidée par une décision pénale, afin d’assortir une mesure de remise en conformité et de remise en état, doit être encadrée dans des délais, premièrement, dans un délai imparti pour permettre justement cette mise en conformité et, deuxièmement, en fixant le point de départ de cette d’astreinte qui pourrait être liquidée par la suite, et, faute de précisions de ces éléments, c’est donc à juste droit que la Cour de cassation a confirmé la décision de la Cour d’appel qui avait, du coup, annulé l’astreinte en conséquence.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Les effets de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale 

Laurent Latapie avocat 2022 immobilier construction lotissement
Laurent Latapie avocat 2022 immobilier construction lotissement
Laurent Latapie avocat 2022 immobilier construction lotissement

Un artisan ayant radié son activité se retrouve par la suite en liquidation judiciaire, le mandataire liquidateur imagine pouvoir demander la vente aux enchères publiques de sa résidence principale. Quels sont les effets de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ce 11 septembre 2024, N°22-13.482 et qui vient aborder les effets de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale.

 

En effet, dans cette jurisprudence la Cour d’appel rappelle que les effets de l’insaisissabilité du droit de la résidence principale d’une personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel subsistent aussi longtemps que le droit des créanciers auquel elle est opposable ne sont pas éteints.

 

De sorte que la cessation de l’activité professionnel de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin par elle-même à ces effets.

 

Quels sont les faits ?

 

En effet, dans cette affaire, la difficulté rencontrée est que Monsieur I, artisan, avait cessé son activité professionnelle le 05 décembre 2017, date à laquelle il avait été radié du répertoire des métiers.

 

S’était par la suite placé en redressement judiciaire le 04 septembre 2018 et, finalement, en liquidation judiciaire le 02 octobre 2018 dans une foulée très rapide.

 

Un entrepreneur artisan déjà radié au jour de la liquidation judiciaire

 

C’est dans ces circonstances que le mandataire liquidateur a saisi le Juge commissaire afin de lui demander d’ordonner la vente aux enchères publiques de l’immeuble d’habitation appartenant à Monsieur I, artisan, et à son épouse, qui constituait pourtant sa résidence principale.

 

La vente aux enchères publiques de la résidence principale

 

Monsieur I faisait effectivement grief à la Cour d’appel de Bordeaux d’avoir autorisé le mandataire liquidateur à poursuivre la vente aux enchères publiques d’un immeuble servant pourtant de résidence principale au débiteur.

 

Selon lui, les droits d’une personne immatriculée au registre national des entreprises sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de plein droit insaisissable par les créanciers dont les titres naissent à l’occasion de son activité professionnelle.

 

Que dès lors, dans pareil cas, l’insaisissabilité subsiste aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l’activité professionnelle ne met pas fin par elle-même à ses effets, peu important qu’elle soit intervenue antérieurement à l’ouverture d’une procédure collective.

 

L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur

 

Ainsi, Monsieur Y faisait grief à la Cour d’appel d’avoir retenu, pour écarter l’insaisissabilité de droit de la résidence principale, que, ayant été radié du registre des métiers depuis neuf mois à la date à laquelle une procédure collective avait été ouverte à son encontre, l’artisan ne pouvait bénéficier des dispositions protectrices instituées par la loi compte tenu de la rédaction restrictive du texte et ce, même si ces dettes professionnelles avaient effectivement été contractées alors qu’il était encore en activité.

 

Un artisan radié ne pouvant protéger sa résidence principale ?

 

La Cour de cassation ne partage fort heureusement pas l’avis de la Cour d’appel de Bordeaux et l’artisan, immanquablement, a bien fait de former un recours à l’encontre de cette décision qui ordonnait la vente aux enchères publiques de sa résidence principale.

 

En effet, la Cour de cassation rappelle, au visa de l’article L 526-1 du Code du commerce, que selon ce texte l’insaisissabilité de plein droit des droits de la personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité de cette personne.

 

Une insaisissabilité de plein droit protégeant l’entrepreneur radié

 

De telle sorte qu’il en résulte que les effets de l’insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints.

 

De sorte que la cessation de l’activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin par elle-même à ces effets.

 

Ainsi, pour autoriser la vente aux enchères publiques de l’immeuble litigieux, la Cour d’appel, après avoir constaté que Monsieur I, artisan, était radié du registre des métiers depuis neuf mois à la date à laquelle une procédure collective avait été ouverte à son encontre, retenant ainsi qu’il ne pouvait bénéficier des dispositions protectrices de l’article L 526-1 du Code du commerce compte tenu de la rédaction restrictive de ce texte et ce, même si les dettes professionnelles ont effectivement été contractées alors qu’il était encore en activité.

 

En statuant ainsi, la Cour d’appel a violé le texte susvisé.

 

Par voie de conséquence, force est de constater que les effets de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale d’un artisan, fusse-t-il radié, subsistent tout au long de la procédure collective et aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints.

 

La Cour d’appel allant plus loin dans son raisonnement va même soulever un développement quant à la portée et aux conséquences de la cassation.

 

En effet, elle considère qu’en ordonnant sur la requête du liquidateur la vente d’un immeuble qui échappait au périmètre de la procédure collective, le Juge commissaire et la Cour d’appel, à sa suite, ont donc immanquablement excédés leurs pouvoirs.

 

La Cour de cassation casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu par la Cour d’appel et disant n’y avoir lieu à renvoi, annule pour excès de pouvoir l’ordonnance rendu par le Juge commissaire du Tribunal de commerce de Périgueux qui avait justement ordonné la vente aux enchères publiques.

 

La Cour de cassation allant plus loin encore en précisant rejeter la demande du liquidateur.

 

Le rejet des prétentions du mandataire liquidateur

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient aborder les effets de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale de l’artisan tant bien même ce dernier a été radié avant de se placer en procédure collective.

 

Cette jurisprudence est intéressante aussi car elle vient refléter finalement en pratique un mouvement qui consiste pour le mandataire liquidateur de plus en plus fréquemment de tout tenter pour procéder à la réalisation de l’actif immobilier du dirigeant alors que ce bien est sa résidence principale et que celle-ci est protégée de plein droit par l’article L626-1 du Code du commerce.

 

L’acharnement du mandataire liquidateur à vouloir réaliser les actifs du débiteur

 

J’en veux pour preuve également bon nombre de contentieux qui sont nés enclenchés par des mandataires liquidateurs qui sont intéressés par la réalisation des actifs et pour cause ces derniers sont essentiellement rémunérés de leurs diligences sur les actifs qu’ils arrivent à recouvrir en allant même jusqu’à vérifier si oui ou non le dirigeant était bel et bien présent au jour de l’ouverture de la procédure collective dans son domicile personnel, en laissant à penser que dans la mesure où ce dernier ne serait pas présent au jour de l’ouverture de la procédure collective, à ce moment-là, le bien serait malgré tout saisissable.

 

La Cour de cassation n’a pas été hermétique à cette approche et a répondu en inversant la charge de la preuve et en imposant au dirigeant de rapporter la preuve qu’au jour du redressement judiciaire celui-ci était bien présent sur place.

 

Ce qui, finalement, amène à une certaine évolution jurisprudentielle et démontre l’acharnement que peuvent avoir certains mandataires liquidateurs pour trouver des actifs.

 

Cela amène effectivement à avoir, en tant que chef d’entreprise, un certain nombre de réactions positives et constructives à avoir.

 

Le sort du chef d’entreprise face à sa propre liquidation judiciaire, quelle attitude adopter ?

 

Il fut un temps où effectivement il était conseillé au dirigeant de procéder à une déclaration notariée d’insaisissabilité pour justement protéger son bien jusqu’à ce que finalement cette protection devienne légale et de plein droit à l’ensemble des chefs d’entreprise pour protéger leur résidence principale et, aujourd’hui, si un conseil devait être donné, c’est de penser au jour du redressement judiciaire à rapporter la preuve que vous êtes bel et bien présent dans votre domicile.

 

Dès lors, l’ensemble des justificatifs tel que factures d’eau, électricité, taxes foncières, avis d’imposition, photos de famille,… sont parfois utiles à conserver mais peut-être même que dans certains cas l’établissement d’un constat d’huissier visant à constater que le dirigeant est bel et bien présent dans sa résidence au jour du redressement judiciaire me semble de plus en plus à conseiller, ce que mon cabinet d’ailleurs ne manque pas de faire à ses différents clients pour éviter justement une difficulté future sur cette question-là tant on peut constater parfois une certaine voracité des mandataires liquidateurs qui n’hésitent pas à tenter de réaliser la résidence principale du dirigeant.

 

Preuve en est dans cette jurisprudence puisque le mandataire liquidateur a cru bon imaginer cette réalisation de l’actif de la résidence principale de l’artisan en liquidation judiciaire sur le seul fait que ce dernier avait été radié, fort heureusement, la Cour de cassation a su rappeler à sa juste mesure la portée légale de l’article L 526-1 du Code du commerce.

 

À bon entendeur…

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr