Quelles sont les obligations du professionnel dans le cadre d’une vente de panneaux photovoltaïques ?

Laurent Latapie avocat Interpol 2024
Laurent Latapie avocat Interpol 2024
Laurent Latapie avocat Interpol 2024

Quelles obligations pèsent sur le professionnel dans le cadre d’une vente de panneaux photovoltaïques ? Quelles sont les obligations du professionnel en termes d’exigence de compréhensibilité et des caractéristiques essentielles des panneaux photovoltaïques ? Quelles sont les sanctions en cas de manquement aux obligations précontractuelles liées aux caractéristiques essentielles, au délai de livraison et d’installation, de droit de rétractation ? Quelles sont les conséquences pour le consommateur et pour l’établissement financier qui finance cette pose de panneaux photovoltaïques ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à quatre arrêts qui ont été rendu le 20 décembre 2023 par la première Chambre civile respectivement, N°22-14020, N°21-16.491, N°19-23.906 et N°22-18.928 et qui viennent tous aborder la question des problématiques liées à la vente de panneaux photovoltaïques et l’annulation de leur contrat en cas de manquement aux dispositions du Code de la consommation.

 

Il est vrai que nous avons déjà abordé ce sujet.

 https://www.laurent-latapie-avocat.fr/financement-de-panneaux-photovoltaiques-entre-cession-de-creance-fausse-signature-et-repetition-de-lindu/

L’annulation d’une vente de panneaux photovoltaïques

 

Ces jurisprudences sont d’autant plus importantes qu’effectivement, comme le soulignait très justement Madame le professeur université de la Réunion Marie LEVENEUR AZEMAR dans une chronique qu’elle a publiée à la semaine juridique du 19 février 2024, celle-ci soulignait qu’effectivement les panneaux photovoltaïques avaient « le vent en poupe ».

 

Et que ces jurisprudences méritent d’autant plus d’être étudiées que s’il est vrai que le marché de panneaux photovoltaïques est porteur, il convient également de rappeler que les sommes en jeux sont importantes tant le coût d’installation de ces panneaux photovoltaïques est important, auxquels viennent s’ajouter bien souvent deux problématiques particulières.

 

Premièrement, la problématique du financement de ces panneaux photovoltaïques puisque bien souvent les vendeurs de contrat de panneaux photovoltaïques proposent également des contrats de financement qui vont de pair.

 

Et, la deuxième problématique est aussi et souvent liée, que l’on retrouve assez régulièrement en justice, à des problématiques, soit de malfaçons en cas de sinistre ce que l’on voit souvent à travers notamment des problématiques d’infiltration d’eau puisque les panneaux photovoltaïques sont posés sur les toits, et en cas de malfaçons il n’est pas rare d’avoir des problématiques d’infiltrations par la suite, mais également aussi de malfaçons en termes de raccordement au réseau électrique.

 

Ce qui est également intéressant à souligner est que ces quatre jurisprudences viennent également unifier la réponse de la Cour de cassation à des situations pourtant bien différentes puisque les deux premiers contrats ont été établis hors établissement, le suivant a été conclu à la suite d’un démarchage à domicile et le dernier à l’occasion d’une foire.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans la première espèce, Monsieur J avait, le 02 mars 2015, conclu hors établissement avec la société G un contrat de fourniture et de pose photo générateur au prix de 18 600.00 € financé par un crédit souscrit le même jour avec son épouse auprès d’une banque.

 

Ces derniers évoquant les irrégularités du bon de commande ont alors assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats car il est bien évident que la problématique du contrat de financement est tout aussi importante que le contrat de photovoltaïque en tant que tel.

 

Pour la deuxième jurisprudence, le 08 août 2017, Monsieur Y avait conclu hors établissement avec la société M un contrat de fourniture, d’installation et de mise en service de quatre panneaux photovoltaïques avec micro-onduleur et d’un chauffe-eau au prix de 10 800.00 € financé par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque.

 

Ce dernier invoquant également l’irrégularité du bon de commande, il avait assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

 

Dans la troisième jurisprudence, le 14 juin 2010, dans le cadre d’un démarchage à domicile Monsieur M avait commandé auprès de la société A des énergies renouvelables, l’installation de panneaux photovoltaïques financés par un prêt du même jour souscrit par ce dernier auprès d’une banque.

 

Ce dernier invoquant également l’irrégularité du bon de commande, il avait assigné la société A, prise en la personne de son mandataire liquidateur, ainsi que la banque en annulation du bon de commande.

 

Et, dans la dernière jurisprudence, le 04 juin 2018, à l’occasion d’une foire, les consorts Y ont conclu avec la société F un contrat portant sur l’acquisition, l’installation et la mise en service des panneaux photovoltaïques, cependant, invoquant des carences dans les mentions devant figurées sur le bon de commande, les consorts Y ont assigné le vendeur en annulation du contrat ainsi qu’aux fins d’indemnisation.

 

Ainsi, la Cour de cassation vient sanctionner à bien des égards les entreprises de panneaux photovoltaïques qui n’ont pas suffisamment respecté les dispositions préventives et protectrices du Code de la consommation.

 

Que dit le Code de la consommation pour une vente de panneaux photovoltaïques ?

 

En effet, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L 611-1, L 121-17 et L 121-18-1 du Code de la consommation qu’un contrat de vente ou de fourniture de service conclu hors établissement doit, peine de nullité, indiquer de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

 

Or, si la description de l’installation qui comportait les éléments suivants :

 

  • Un kit photo générateur 2,5 kW,
  • Dix capteurs solaires 250 Wc basse tension,
  • Dix micro-onduleurs M215 emphases,
  • Pose en surimposition,
  • Pose et mise en service de l’installation / Test d’étanchéité,
  • Contrat d’accompagnement,
  • Contrôle de l’installation et assistance.

 

Permettait aux acquéreurs de se faire une idée globale des éléments la composant, elle était cependant insuffisante pour décrire ces caractéristiques techniques aux termes de performance, de rendement et de capacités production.

 

Faisant ainsi ressortir que ces éléments ne satisfaisaient pas l’exigence de compréhensibilité imposée par l’article L 121-17 du Code de la consommation, faute d’informer les acquéreurs sur la production espérée d’électricité et de l’installation.

 

L’exigence de compréhensibilité et caractéristiques techniques

 

La Cour d’appel en a exactement déduit qu’en l’absence d’une telle information portant sur le résultat attendu d’utilisation de cet équipement constituait une caractéristique essentielle, la vente devait être annulée.

 

Quant à la qualité des prestations réalisées, la Cour de cassation précise encore que l’article L 121-18-1 du Code de la consommation dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement sur papier signé par les parties ou avec l’accord du consommateur sur un autre support durable, confirmant l’engagement expresse des parties, ce contrat comprenant à peine de nullité toutes les informations mentionnées au 1 de l’article L 121-17.

 

Que doit comprendre le contrat de vente de panneaux photovoltaïques ?

 

Il en résulte que les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service qui sont au nombre de celles qui visent ces dispositions ne peuvent figurer sur les documents annexes qui ne sont pas signés de toutes les parties.

 

La Cour de cassation considérant que l’insuffisance des mentions du contrat ne pouvait être supplée par des documents dont les acquéreurs avaient été destinataire par la suite, il y a lieu de retenir de ce que la haute juridiction considère que l’ensemble des caractéristiques essentielles doivent être clairement mentionnées dans le contrat et notamment sur l’information relative à la production d’électricité de l’installation, sans quoi, il y a matière à obtenir l’annulation du bon de commande.

 

Dans l’une des jurisprudences, la question spécifique du démarchage a été abordée, la Cour de cassation rappelant en tant que de besoin que, au visa de l’article L 121-23-5ème du Code de la consommation, le contrat conclu à l’issu d’un démarchage doit mentionner à peine de nullité les conditions d’exécutions du contrat notamment les modalités et le délai de livraison des biens ou d’exécution de la prestation de service.

 

Quelle obligation du vendeur de panneaux photovoltaïques en cas de démarchage ?

 

Ainsi, la Cour de cassation fait griefs à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande d’annulation du bon de commande en prenant en considération les conditions générales de vente et notamment à l’article 7 sur la réception des travaux alors qu’il appartenait aux Juges du fond de vérifier si oui ou non le bon de commande comportait un délai de livraison.

 

Dans la troisième jurisprudence, la Cour de cassation vient s’épancher sur une problématique particulière concernant également les obligations qui pèsent quant à l’obligation précontractuelle d’informations qui peut entrainer l’annulation du contrat comme étant constitutif d’un vice du consentement.

 

Quelles sont les obligations précontractuelles en cas de vente de panneaux photovoltaïques ?

 

En effet, la Cour de cassation considérait qu’il résultait de la combinaison de l’article L 111-1 du Code de la consommation qui n’assorti pas expressément de la nullité du contrat le manquement aux obligations d’informations précontractuelles qu’il dénonce et de l’article 112-1 du Code civil qu’un tel manquement du professionnel à l’égard du consommateur entraine néanmoins l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du Code civil si le défaut d’information porte sur les éléments essentiels du contrat.

 

La Cour de cassation considère qu’ayant retenu que le vendeur n’avait pas satisfait aux obligations d’informations précontractuelles prévues à l’article L 111-1 du Code de la consommation dès lors que ni les caractéristiques essentielles des produits achetés, ni le délai de livraison et d’installation de ces produits n’était précisément mentionnés sur le bon de commande dont il résultait que le consentement de Monsieur Y sur les éléments essentiels de contrat avait nécessairement été vicié pour procéder d’une erreur, la Cour d’appel avait donc, à bon droit, déduit qu’il y avait matière à prononcer la nullité du contrat pour vice du consentement.

 

Les obligations liées au caractéristiques essentielles, au délai de livraison et d’installation.

 

Qu’enfin, la dernière jurisprudence vient aborder une problématique particulière relative au bon de rétractation dans le cadre d’une vente qui est faite hors établissement.

 

La Cour de cassation rappelant que, selon l’article L 221-9 du Code de la consommation, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement sur papier signé par les parties ou avec l’accord du consommateur sur un autre support durable, confirmant l’engagement expresse des parties.

 

Ce contrat devant comprendre impérativement toutes les informations prévues à l’article L 221-5 du même Code.

 

À peine de nullité, prévu à l’article L 242-1 du même Code, le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au deuxième de l’article L 221-5.

 

Quel droit de rétractation dans le contrat de vente de panneaux photovoltaïques ?

 

La Cour de cassation en déduit que de la faculté offerte au consommateur d’exercer son droit de rétractation au moyen d’un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l’emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l’intégrité du contrat et que le consommateur doit pouvoir conserver.

 

Ayant constaté que le formulaire de rétractation figurerait au verso du bon de commande, comportait d’un côté sur une seule page l’adresse à laquelle il devait être expédié ainsi que les références de la commande, la date et la signature du consommateur et, de l’autre côté, l’emplacement permettant à celui-ci de signer le contrat ainsi que des éléments d’identification du vendeur.

 

La Cour d’appel, selon la haute juridiction, qui ne pouvait écarter l’application de la norme nationale édictant la sanction de la nullité du contrat au motif qu’une telle norme serait contraire à un principe général de proportionnalité et à l’article 24 de la directive 2011/83/UE du Parlement Européen et du conseil du 25 octobre 2011 relative au droit des consommateurs, en a exactement déduit que le contrat de vente devait être annulé.

 

Cette jurisprudence est extrêmement intéressante puisqu’elle vient tourner autour de deux axes importants.

 

Quelles sont les caractéristiques essentielles d’une vente de panneaux photovoltaïques ?

 

Le premier de ces axes est qu’effectivement il appartient au vendeur, dans le cadre de ses obligations d’informations précontractuelles de donner le plus d’informations possibles, d’indiquer que le contrat de vente ou de fourniture de panneaux photovoltaïques doit, à peine de nullité, indiquer de manière lisible et compréhensible les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

 

Si la description de l’installation permet aux acquéreurs de se faire une idée globale des éléments composant cette installation de panneaux photovoltaïques, il n’en demeure pas moins que celle-ci peut être considéré comme étant insuffisante pour décrire ces caractéristiques techniques.

 

Quelle sanction en cas de manquement dans une vente de panneaux photovoltaïques ?

 

La Cour de cassation invitant à sanctionner par la nullité les contrats de pose de panneaux photovoltaïques en l’absence d’informations relatives à la production d’électricité de l’installation.

 

Ce qui constitue une caractéristique essentielle du résultat attendu par le consommateur de l’utilisation de cet équipement.

 

La Cour de cassation vient également réaborder la problématique du bordereau de rétractation qui ne peut pas être sur le même document que le contrat.

 

Et, surtout, ces quatre jurisprudences sont salutaires car elles viennent en tirer toutes les conséquences concernant les sanctions qu’elles ont vocation à écouler de la nullité du contrat.

 

Cette nullité s’accompagne immanquablement de restitution, comme le soulignait le professeur Marie LEVENEUR AZEMAR, cela s’entend du remboursement au client des sommes versées, de la récupération de l’installation photovoltaïque aux frais du vendeur.

 

Il y a lieu également d’en conclure à également la nullité du contrat subséquent de financement, de telle sorte qu’il est bien évident que, si le contrat principal est annulé, cela a vocation à également libérer le consommateur du contrat de financement qu’il a pris car, comme cela a été abordé en début de cette étude, malheureusement ces installations sont en général fortes coûteuses.

 

De telle sorte qu’il est important, au niveau procédural, d’appeler en cause également l’établissement de crédit qui a financé ce projet car il est bien évident que la mécanique du sort du contrat de financement, afin de libérer le consommateur qui se retrouve libéré du contrat de panneaux photovoltaïques, doit également être abordée et réfléchie de manière globale.

 

Quelles conséquences de la nullité pour l’établissement qui finance le projet ?

 

Ce qui fait que chaque conseil devant assister un client victime d’une pose de panneaux photovoltaïques décevante devra bien être attentif aux demandes principales qu’il ferait à l’encontre de l’entreprise de panneaux photovoltaïques mais également et surtout des demandes subsidiaires qu’il ferait également au contradictoire de l’établissement financier aux fins d’obtenir la nullité du contrat de financement subséquent.

 

Ces jurisprudences sont intéressantes puisqu’elles rappellent que les caractéristiques essentielles du bien ou du service en terme de pose de panneaux photovoltaïques s’entend évidemment pour le consommateur qui a trouvé un autofinancement des informations importantes sur la production espérée de l’électricité de l’installation en question car si bien sûr le consommateur moyen peut être attentif quant aux descriptions techniques de l’installation afin que celui-ci se fasse une idée globale des éléments la composant, il n’en demeure pas moins que la simple description des caractéristiques ne saurait suffire et que c’est bel et bien l’information relative production d’électricité de l’installation qui est, à mon sens déterminante.

 

Ainsi, à défaut, la sanction, certes, pouvant être considérée sévère mais conforme à l’esprit même du Code de la consommation afin de protéger les consommateurs me parait évidente, c’est la nullité du contrat de pose de panneaux photovoltaïques et surtout, ce n’est pas négligeable, avec la nullité du contrat de financement qui va de pair.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

Saisie immobilière et procédure collective, à qui remettre le prix d’adjudication ?

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le rôle de l’avocat en saisie immobilière

Une SCI faisant l’objet d’une saisie immobilière, décide, après l’adjudication de son bien immobilier, de se placer en redressement puis en liquidation judiciaire. Fort de l’arrêt des poursuites individuelles, le mandataire judiciaire souhaite récupérer le prix d’adjudication pour procéder à sa distribution. La banque s’y refuse. Quel est le juge compétent ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ce 06 mars 2024, N°22-22465, et qui vient aborder la problématique de la remise du prix d’adjudication au créancier poursuivant alors que la procédure de saisie immobilière a pris fin et qu’une liquidation judiciaire a été ouverte.

 

La Cour de cassation considérant dans cette jurisprudence que lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l’effet de la remise du prix d’adjudication au créancier poursuivant, le Juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur l’action en restitution des fonds engagés par le mandataire liquidateur sur le fondement des articles L 622-21 et R 122-19 du Code du commerce, laquelle relève de la seule compétence du Tribunal saisi de la procédure collective.

 

Sort de la restitution des fonds et compétence du juge

 

Ces jeux de compétence demeurent malgré tout importants tant le droit de l’entreprise en difficulté est souvent une porte de sortie honorable dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière et il n’est rare de voir le débiteur saisi se retrancher derrière les dispositions protectrices du droit de l’entreprise en difficulté pour, tantôt limiter la « casse », tantôt sauver le bien immobilier, tantôt encore présenter un plan de sauvegarde ou de redressement afin, certes, de payer la créance bancaire mais de sauver surtout le bien immobilier, bien souvent d’ailleurs la résidence principale et foyer familial du débiteur saisi.

 

Cependant, il est bien évident que cette imbrication entre deux matières très techniques et très différentes peut amener à des problématiques de compétence et de jeux d’imbrication entre, d’un côté le droit de la saisie immobilière et toutes ses particularités, et de l’autre côté le droit de l’entreprise en difficulté qui brille également par des dispositions exorbitantes de droit commun qu’il n’est pas toujours facile à manier.

 

Ceci encore plus lorsque la procédure de saisie immobilière est finalement achevée.

 

Une liquidation judiciaire survenue après l’adjudication du bien saisi

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/liquidation-judiciaire-et-conditions-dexercice-de-la-surenchere-en-saisie-immobiliere/

En effet, dans cette affaire et par deux jugements d’adjudication du 08 juillet 2009 rendus sur les poursuites de la banque, créancier inscrit, des biens immobiliers appartenant à la SCI P ont été vendus et les prix de vente ont été consignés.

 

Pour autant, le 09 mars 2010, la SCI P a été placée en redressement judiciaire, puis, le 06 mai 2010, celle-ci a été placée en liquidation judiciaire, Maître R ayant été désigné successivement au mandataire judiciaire puis liquidateur judiciaire de la SCI P, désormais en liquidation judiciaire.

 

Dans ce même laps de temps, et plus particulièrement les 18 et 29 mars 2010, les prix d’adjudication découlant de la procédure de saisie immobilière avaient été remis à la banque, créancier unique au sens de l’article L 331-1 du Code des procédures civiles d’exécution, lequel article précisant :

 

« Seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l’immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l’immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure, les créanciers énumérés à l’article 2377 et au 3° de l’article 2402 du code civil ainsi que les créanciers titulaires d’une sûreté publiée sur les immeubles par destination saisis avant la publication du titre de vente. »

 

Pour autant, le mandataire judiciaire, dès le 31 mars 2021 alors qu’il n’était encore qu’au stade du redressement judiciaire, faisait valoir que les fonds avaient été remis à la banque au mépris de l’arrêt des voies d’exécutions édictées à l’article L 122-21 du Code du commerce consacrant le sacrosaint principe de l’arrêt des poursuites individuelles.

 

L’arrêt des poursuites individuelles

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-immobiliere-projet-de-distribution-et-liquidation-judiciaire/

C’est dans ces circonstances que le mandataire judiciaire a assigné la banque en restitution des fonds devant le Tribunal ayant ouvert la procédure collective puisqu’il revendiquait notamment une plénitude de juridiction de la Chambre des procédures collectives ayant ouvert la procédure collective.

 

Contre toute attente, la Cour d’appel d’Aix en Provence, dans une décision qui avait été rendue le 08 septembre 2022, semblait privilégier la compétence du Juge de l’exécution, ce que ne partageait absolument pas le mandataire liquidateur qui s’était pourvu en cassation.

 

Une incompétence du juge de l’exécution au profit du tribunal de commerce ?

 

Ce dernier considérait que le Juge de l’exécution était incompétent, en considérant notamment que le Tribunal de la procédure collective dispose d’une compétence exclusive pour statuer sur toute question relative à une procédure collective en cours qui prive le Juge de l’exécution de sa compétence de principe en matière de saisie immobilière.

 

Selon lui, la Cour d’appel s’était fourvoyée en jugeant incompétent le Tribunal de la procédure collective au profit du Juge de l’exécution quand l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur saisi et la remise du prix d’adjudication séquestré au créancier poursuivant après l’ouverture de la procédure collective avait vocation à revenir aux organes de la procédure collective,

 

De telle sorte cette violation des règles de procédure collective a amené à une saisine du Juge qui ne pouvait être autre que celle du Tribunal ayant ouvert la procédure collective en tant que telle et ce conformément aux dispositions des articles R 662-3 et R 622-19 du Code du commerce, auxquels s’ajoute l’article L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire.

 

Ceci d’autant plus que la procédure de saisie immobilière était terminée puisque l’adjudication avait été faite et le prix de l’adjudication avait été remis à la banque, de telle sorte que le mandataire liquidateur considérait également que la compétence du Juge de l’exécution suppose l’existence d’une procédure en cours de saisie immobilière.

 

Or, la Cour d’appel ne pouvait raisonnablement juger incompétent le tribunal de la procédure collective au profit du Juge de l’exécution alors même que la remise du prix d’adjudication séquestré au créancier poursuivant avait mis fin à la procédure de distribution, qui n’était plus en cours au jour où elle a statué, de telle sorte que le Juge de l’exécution n’était dès lors plus compétent.

 

La Cour de cassation rappelle dans cette jurisprudence, au visa des articles L 213-6 du Code de l’organisation judiciaire et R 662-3 du Code du commerce, qu’il résulte du premier de ces textes que lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin, le Juge de l’exécution ne peut plus connaitre des contestations et levées à l’occasion de celle-ci, ni statuer sur la demande reconventionnelle née de cette procédure ou s’y rapportant.

 

Il résulte de l’article R 662-3 du Code du commerce que relève de la compétence du Tribunal de la procédure collective l’action du liquidateur judiciaire tendant la restitution du prix d’adjudication prétendument distribué au mépris de la règle de l’arrêt des voies d’exécutions énoncées aux articles L 622-21 et R 622-19 du Code du commerce dès lors que cette action en née de la procédure collective et est soumise à l’influence juridique de celle-ci.

 

La restitution d’une partie du prix d’adjudication mal distribué

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/saisie-immobiliere-annulee-prescription-et-liquidation-judiciaire/

Pour la Cour de cassation, il s’en déduit que lorsque la procédure de saisie immobilière a pris fin par l’effet de la remise du prix d’adjudication au créancier poursuivant, le Juge de l’exécution n’est plus compétent pour statuer sur l’action en restitution des fonds engagée par le liquidateur judiciaire sur le fondement de l’article L 622-21 et R 622-19 du Code du commerce, laquelle relève alors de la seule compétence du Tribunal saisi de la procédure collective.

 

L’arrêt de la Cour d’appel, qui retient que le litige s’insère dans la compétence de ce dernier, voulu exclusive en matière de saisie immobilière par le législateur et que la technicité de ce contentieux est comprise pour définir les critères de l’effet attributif en matière de saisie immobilière, nécessite de cerner à quel moment les fonds sont sortis du patrimoine du débiteur pour rejoindre celui du créancier.

 

Pour autant, comme le dit très justement la Cour de cassation, dans la mesure où elle relève que le prix d’adjudication a bien été remis au créancier poursuivant, la Cour d’appel aurait dû constater que le Juge de l’exécution n’était plus compétent, la procédure de saisie immobilière étant fini, de telle sorte qu’il y avait bel et bien une plénitude de compétence au profit de la Chambre des procédures collectives du Tribunal judiciaire ayant ouvert la procédure collective.

 

La plénitude de compétence du tribunal de la procédure collective

 

Cette jurisprudence est intéressante, certes, dans une approche extrêmement procédurale mais qui permet également de rappeler que, premièrement, le droit de l’entreprise en difficulté présente beaucoup d’avantages notamment pour une société civile immobilière qui a perdu, dans le cadre de la dernière réforme du Code de la consommation, bons nombres d’avantages de moyens de contestation des établissements financiers, mais que, bénéficiant du droit de se mettre sous le coup d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, voir même dans certains cas de liquidation judiciaire, celle-ci peut trouver grands nombres d’avantages au droit de l’entreprise en difficulté qui est immanquablement aux dispositions du droit commun et qui vient malmener le droit de la saisie immobilière en tant que telle.

 

Quel intérêt pour une SCI faisant l’objet d’une saisie immobilière de se placer en procédure collective ?

 

Ce qui ouvre pas mal d’opportunité pour contester la créance bancaire, pour la payer en plusieurs années, et surtout pour envisager de préserver le bien, objet de la saisie immobilière, qui est d’ailleurs bien souvent, dans le cadre de société civile immobilière familiale, la résidence principale du débiteur saisi est bien souvent leur foyer familial.

 

Cependant, il est vrai que l’imbrication des deux droits aux spécificités techniques remarquables que sont le droit de la saisie immobilière et le droit de l’entreprise en difficulté appelle immanquablement à appréhender avec justesse les spécificités procédurales car s’il est bien évident que le droit de l’entreprise en difficulté offre de nombreux avantages, il ne peut sembler que naturel de se diriger vers le Juge compétent, le Juge qui a ouvert la procédure collective, qui est peut-être même plus à même d’entendre le discours du débiteur que le Juge de l’exécution naturellement enclin à faciliter l’application des dispositions du Code des procédures civiles d’exécution et par la même la saisie du débiteur au profit du créancier saisissant.

https://www.laurent-latapie-avocat.fr/contact/

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël,

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr