Qu’en est-il de l’opposabilité de la cession de créance au débiteur par le créancier poursuivant lorsque le débiteur n’a pas été informé de l’existence de l’acte notarié portant endossement ?
Article :
Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en octobre dernier et qui vient aborder la problématique de l’opposabilité de la cession de créance au débiteur notamment lorsque celui-ci n’est pas été informé de l’existence de l’acte notarié portant endossement au profit du créancier poursuivant.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, la banque avait, par acte sous seing privé en date du 23 octobre 2015, cédé à la société V la créance qu’elle détenait sur la SCI VI au titre de deux prêts qu’elle lui avait consenti par des actes notariés des 25 avril 2005 et 22 avril 2006.
Le 8 janvier 2016, deux actes d’endossement de la copie exécutoire des actes notariés de prêt avaient été reçus par notaire.
Le 4 avril 2017, la société avait fait pratiquer entre les mains des locataires de la SCI des saisies-attributions à exécution successive, dont la SCI a sollicité la mainlevée devant un juge de l’exécution, en soutenant notamment que les actes d’endossement ne lui étaient pas opposables
L’opposabilité des actes d’endossement
Dans le cadre de son pourvoi, la SCI faisait grief à l’arrêt de la débouter de toutes ses demandes et, en particulier, de sa demande de nullité de la saisie de créances à exécution successive pratiquée par la société,
Selon la SCI « l’endossement de la copie exécutoire à ordre d’un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au notaire qui a reçu l’acte ayant constaté la créance et au débiteur »,
L’absence de l’une de ces notifications entraîne son inopposabilité aux tiers
La SCI reprochait à la Cour d’Appel de ne pas avoir recherché, comme elle y avait été invitée, à vérifier si le notaire signataire de l’acte d’endossement l’avait notifié, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à la SCI,
Or, la SCI considérait que l’absence d’accomplissement de cette formalité ne pouvait être suppléée par la mention de l’endossement sur le commandement de payer délivré au débiteur.
La notification indispensable de l’acte d’endossement
La Cour de Cassation rappelle que l’endossement de la copie exécutoire à ordre d’un acte authentique constatant une créance doit être notifié par le notaire signataire, et ce, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au débiteur,
L’absence de cette notification entraîne son inopposabilité aux tiers, et donc, au débiteur.
Pour opposer à la SCI la copie exécutoire à ordre portant endossement au profit de la société et rejeter la demande de la SCI de mainlevée des saisies-attributions pratiquées par cette société à son encontre, la Cour d’Appel avait retenu que, conformément au dernier alinéa de l’article 6 susvisé, la SCI avait été informée de la cession de créance par acte du 29 juin 2015 et qu’un commandement aux fins de saisie-vente du 16 février 2016 mentionnait expressément l’endossement du 8 janvier 2016.
Pour autant, la Haute juridiction ne s’y trompe pas,
La Cour de cassation sanctionne la Cour d’Appel qui n’a pas constaté que l’acte d’endossement avait été notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception par le notaire à la SCI,
En effet, l’information donnée à celle-ci de la cession de créance, avant l’endossement des actes notariés, ou la mention de ces endossements dans un autre acte, ne dispensait pas le créancier poursuivant, qui se prévalait de ces actes notariés endossés pour établir sa qualité de créancière de la SCI, de justifier de cette notification,
Dès lors à défaut de notification par le notaire, l’inopposabilité aux tiers permet au débiteur saisi de contester la cession de créance.
Cela a pour effet de permettre d’obtenir la mainlevée des saisies attributions qui ont été faites.
Pour conclure, il importe de rappeler que les moyens juridiques de défense et d’attaque liés à une cession de créance sont nombreux,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,