L’emprunteur d’un prêt immobilier, rencontrant des retards dans le paiement de ses échéances et qui se heurte à la passivité de l’établissement bancaire, peut-il saisir le tribunal et obtenir la suspension judiciaire des échéances ?
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Il convient de s’intéresser à la nouvelle rédaction de l’article L414-20 du Code de la consommation, tout aussi connu sous l’ancien article L313-12 du Code de la consommation, article permettant de solliciter judiciairement la suspension judiciaire des échéances d’un prêt bancaire.
Cet article permet effectivement d’envisager, en cas de difficultés économiques rencontrées par des emprunteurs, qu’il s’agisse d’un prêt de consommation, d’un prêt personnel ou bien encore d’un prêt immobilier, de solliciter des délais pour faire face à leur difficulté conjoncturelle.
En effet, il n’est pas rare de constater que l’établissement bancaire, pourtant premier partenaire économique de ses clients et emprunteurs qui rencontrent des difficultés économiques et financières conjoncturelles et qui manifestent justement leurs inquiétudes à leur banquier, demeure passif et taisant, laissant les emprunteurs en difficulté seuls avec leurs difficultés,
Et ce, même lorsque les emprunteurs en difficulté sollicitent des délais pour faire face à ses difficultés qui n’ont par nature vocation qu’à être conjoncturelles.
Or, dans certains contrats de prêts, il n’est pas rare de constater que dans les conditions générales il est inséré une clause permettant à l’établissement bancaire d’octroyer des délais pour des périodes malheureusement extrêmement trop courtes, de 3 à 6 mois maximum, et ce, à grand renfort de frais et d’intérêts intercalaires, intérêts majorés qui mettent d’autant l’emprunteur en difficulté qui a besoin d’un second souffle pour repartir de bon pied.
Or, malheureusement les hypothèses de difficultés économiques conjoncturelles sont nombreuses, et peuvent survenir à tout moment, notamment en cas de séparation et de divorce, d’un licenciement ou même en cas de décès lorsque la compagnie d’assurances qui organise l’assurance décès fait des difficultés pour indemniser la victime et désintéresser la banque.
L’année 2020 et cet état d’urgence sanitaire et de confinement, lié à cette crise internationale de COVID, et ce sont des pans entiers de l’économique qui ont été sacrifiés, plongeant un grand nombre de personnes, salariés ou chefs d’entreprises, dans de vraies difficultés économiques et financières certes conjoncturelles mais dont beaucoup n’en voient pas la fin.
Les hypothèses sont donc nombreuses et il n’est pas rare que l’emprunteur se heurte à un mur de silence de la part de l’établissement bancaire dont les propositions, lorsque celui-ci formalise finalement une proposition de report d’échéances, sont très largement insuffisantes et pour des périodes bien trop courtes.
Fort heureusement, l’emprunteur a la possibilité de saisir le Juge en état de difficultés économiques rencontrées par ces derniers alors qu’ils ont toujours manifestés de nombreux efforts de paiement et se heurte juste à une problématique de paiement conjoncturel.
Il convient également de souligner que la jurisprudence permet également la suspension et terme d’échéance même en cas d’échéance du terme du prêt.
Ce point est important, car tant bien même la banque prononcerait la déchéance du terme, tout en restant silencieuse aux appels au secours des emprunteurs, la demande de délais peut être sollicitée même lorsque la déchéance du terme a été prononcée.
Il ne faut par ailleurs pas oublier que l’emprunteur devenu débiteur peut aussi contester la validité de la déchéance du terme.
Plusieurs jurisprudences vont en ce sens.
Dans tous les cas, les emprunteurs peuvent demander une suspension judiciaire des échéances du prêt bancaire et, ou prêt immobilier, et ce devant le juge, alors que l’établissement bancaire s’y refuse.
L’emprunteur peut alors demander au juge une suspension pouvant s’étendre jusqu’à deux ans.
Cependant, il convient d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait que dans cette procédure judiciaire, l’établissement bancaire risque fort d’être son principal et plus farouche adversaire.
En effet, il importe de rappeler, à ce stade, que ce n’est pas une demande acquise de droit.
La banque soutenant malgré tout que, nonobstant les difficultés économiques rencontrées, et qu’elle n’ignore pourtant pas, que la situation financière de l’emprunteur permet de faire face à ses obligations nonobstant les périodes difficiles qu’elle rencontre ou bien encore que la situation difficile est tellement acquise qu’elle est irrémédiable et que par conséquent octroyer 2 ans n’apporterait rien de plus ni à l’emprunteur ni à l’établissement bancaire.
Transformant ainsi le premier partenaire économique de l’emprunteur en véritable adversaire pour lequel il faut impérativement faire preuve de pugnacité contre cette dernière.
Il importe de préciser que l’emprunteur peut obtenir jusqu’à 2 ans de délais.
A charge pour l’emprunteur en difficulté de démontrer le caractère conjoncturel des difficultés.
Il importe encore de préciser que l’emprunteur peut également demander que tout paiement dans le laps de temps octroyé aurait vocation à s’amortir sur le capital restant dû sans s’impacter sur quelques intérêts que ce soit.
Ce que, là encore, le banquier se garde bien de proposer….
L’emprunteur pouvant encore proposer que, dans le laps de temps octroyé, les sommes dues ne produiraient aucun intérêt.
Ce qui peut être effectivement très rassurant et salvateur pour les personnes qui rencontrent des difficultés.
La seule obligation qui perdurerait serait naturellement de payer les cotisations d’assurance obligatoires attachées au prêt, afin de permettre à l’emprunteur de demeurer assuré, et d’être garanti, en cas de sinistre nonobstant la suspension judiciaire des échéances.
L’emprunteur en difficulté peut se retourner en cas de silence et de mutisme de la banque,
L’emprunteur peut aussi aller voir le juge pour expliquer sa situation et à demander des délais,
Ainsi il est important que l’emprunteur ait bien conscience que lorsque celui-ci rencontre des difficultés, qu’il s’agisse d’un licenciement, d’un divorce ou encore d’un décès et qu’il se heurte à un mur de silence ou une résistance particulière de l’établissement bancaire pour l’octroi de délais, ce dernier peut aller chercher en justice les délais et peut obtenir jusqu’à 2 ans de suspension judiciaire des échéances pouvant être accompagnés d’un gel des intérêts.
A bon entendeur.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,