Commodat, mode d’emploi

Laurent Latapie Avocat vente fonds de commerce
Laurent Latapie Avocat vente fonds de commerce

Le commodat est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir. Qu’en est-il du commodat verbal ou bien encore du commodat à durée indéterminée ? comment mettre fin au commodat ? est-il possible de solliciter une indemnité d’occupation en cas de résistance du preneur ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser des jurisprudences qui ont été rendues en novembre dernier et qui viennent aborder le cas particulier du commodat.

 

Rappelons que le commodat est un prêt à usage qui se pratique assez régulièrement même si le nom peut sembler déroutant, présenté comme tel.

 

Définition du commodat

 

Le commodat est réglementé comme étant un prêt usage réglementé par le Code civil.

 

L’article 1875 du Code civil définit le commodat comme un prêt à usage, un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi.

 

Ainsi, le commodat trouve son application lorsqu’un propriétaire d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain ou même parcelle de terre), prête celui-ci gracieusement à une tierce personne (un proche ou un membre de la famille).

 

Le commodat réglemente alors les relations entre les parties.

 

La seule obligation du preneur est alors d’obtenir le bien et de le rendre, de conserver le bien en assumant toutes les dépenses relatives à son entretien (eau, électricité, assurance…).

 

hypothèses de commodat

 

Le commodat trouve également son expression lorsque le bien fait l’objet d’une indivision en cas de succession ou de divorce et que le bien est occupé pendant un certain temps et par un membre de la famille.

 

Cela est souvent fréquent en succession lorsque le bien immobilier de la personne décédée est alors occupé par l’un des descendants ou héritiers, ce gratuitement.

 

A charge pour eux de l’entretenir, de le conserver, sans pour autant payer ni loyer, ni indemnité d’occupation.

 

Mettre fin au commodat ?

 

Ce pose alors la question du mode de fonctionnement du Commodat, comment celui-ci s’exprime, sous quelle forme et quelles sont les modalités pour y mettre fin lorsque le propriétaire du bien souhaite le récupérer et que, comme de rien, le preneur résiste dans les lieux.

 

Dans pareil cas d’ailleurs, le preneur résistant considère que le prêt à usage est indéterminé et que par voie de conséquence il n’a pas vocation à sortir des lieux, pouvant amener une résistance particulière.

 

Dans pareil cas, est-il possible de mettre fin à ce commodat et dans quelles conditions ?

 

Le commodat échappe naturellement à l’augmentation liée aux baux d’habitation.

 

Il n’est pas non plus nécessaire d’avoir un congé ou un préavis particulier.

 

Il peut s’exprimer de différentes manières, soit il est effectivement écrit, soit il est alors verbal.

 

S’il est écrit, le contrat de commodat peut alors prévoir une date d’expiration et à charge pour le preneur de restituer le bien lorsque le commodat arrive à expiration.

 

Et dans pareil cas, la jurisprudence est claire en la matière, il n’est nul besoin pour le bailleur de se manifester, le propriétaire doit se manifester pour obtenir la libération des lieux et ce dernier n’est pas tenu de formaliser un congé.

 

Si aucune date n’est prévue là encore, le commodat demeure comme s’il était finalement renouvelé tacitement.

 

La jurisprudence peut imposer au propriétaire de respecter un préavis de 6 mois, pour mettre fin au commodat et permettre ainsi au preneur de s’en aller dans de bonnes conditions.

 

Commodat sans contrat, comment s’en sortir ?

 

Le cas le plus difficile est lorsque le commodat est mis en place sans aucun contrat, ni aucun délai et alors finalement la jurisprudence s’avère plus facile dans ce cas-là.

 

En effet, dans pareil cas, sans contrat nous sommes en présence d’un commodat dit verbal.

 

Le propriétaire est parfaitement fondé et en droit de récupérer le bien, en invitant le preneur a quitté les lieux et ce sans avoir besoin de motiver ou de justifier de quelque raison que ce soit.

 

Ce dernier ayant juste vocation à manifester une demande claire et non équivoque à l’encontre du preneur.

 

Là encore, la jurisprudence considère qu’aucun congé n’a vocation n’a besoin d’être délivré dans quelque forme que ce soit et en termes de délai, il est surtout question non pas de ce délai de 6 mois mais bien d’un délai raisonnable, permettant à ce dernier de partir.

 

A la lecture de cette jurisprudence, la question à se poser est de savoir si oui ou non le preneur qui résiste est tenu de payer une indemnité d’occupation et dans pareil cas, de savoir à combien celle-ci doit être fixée.

 

Faut-il l’estimer à la valeur locative du bien éventuellement avec un taux de pondération ou estimer que jusqu’à la libération des lieux, le preneur serait redevable des primes d’assurance contre l’incendie, des consommations d’eau, de l’électricité, de téléphone, de gaz afférentes à l’utilisation du bien (appartement, maison, terrain).

 

Rappelons bien que le commodat peut prendre fin sans autre forme de procès par le propriétaire.

 

Celui-ci peut ne serait-ce que le notifier, ne serait-ce qu’à travers de simples conclusions puisque dans cette affaire c’est ce qui avait été fait, afin de mettre fin au commodat.

 

Ainsi, s’ajoute à cela l’idée suivant laquelle si le commodat est accompagné d’un pacte de préférence, il est bien évident que le pacte de préférence qui peut être prévu dans le cadre du commodat, a vocation a ne pas subsister lorsque le commodat est arrivé à expiration.

 

Fin du commodat et indemnité d’occupation

 

Concernant l’indemnité d’occupation, il est bien évident comme on vient de le rappeler que la convention étant un prêt à usage, donc sans forcément de contrepartie financière pour l’occupation des lieux outre que l’obligation d’assurer certaines charges, de telle sorte que ces derniers ne semblent pas redevables d’une quelconque indemnité d’occupation, sauf si par contre ils s’entêtent et persistent à rester dans les lieux malgré le congé et à ce moment-là à générer un véritable préjudice.

 

Le commodat est par nature gratuit, cependant il est bien évident qu’une indemnité d’occupation peut être due pour le préjudice subi par le maintien dans les lieux du preneur.

 

En cas de résistance abusive du commodat par le preneur, qui se refuse à quitter les lieux malgré le congé qui lui a été adressé, malgré la volonté du propriétaire de récupérer son bien, ce dernier peut être effectivement condamné à payer une indemnité d’occupation qui ne se limiterait pas forcément aux dépenses mises à la charge de l’occupant et qui peut dépasser les seules dépenses courantes liées à l’utilisation et à la conservation du bien.

 

La question de la fin du commodat demeure une véritable problématique, tout comme la question du préjudice généré par le preneur résistant.

 

Il convient de rappeler que, selon les dispositions de l’article 1888 du Code civil, le prêteur ne peut retirer la chose prêtée qu’après le terme congé ou à défaut de convention qu’après qu’elle ait servi à l’usage pour laquelle elle a été empruntée.

 

La jurisprudence précisant encore que, selon l’article 1889 du Code civil, si pendant ce délai ou avant que le besoin de l’emprunteur est cessé, il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu quant au sort à donner de la chose prêtée, le Juge peut, selon les circonstances, obliger le preneur à le lui rendre.

 

Exemple de litige liée au commodat

 

Dans l’une des jurisprudences évoquées, la SCI V avait  prêté un appartement occupé par les époux X avait assigné ceux-ci en expulsion sous astreinte et les époux X faisaient grief à la décision rendue, d’ordonner la restitution de l’appartement et d’ordonner leur expulsion.

 

Outre une condamnation à l’article 700, ces derniers contestaient la décision du Juge et considéraient que ce dernier aurait pu rechercher s’il s’agissait en l’espèce d’une chose à usage permanent ou à défaut le Juge aurait dû vérifier si oui ou non le besoin de l’occupant avait cessé, ce qui quand même inversait le sens des choses.

 

La Cour de Cassation ne partage pas son analyse et conforte la décision prise par les Juges du fond en rappelant que s’il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu quant au sort de la chose, le Juge peut obliger le preneur à le lui rendre.

 

Le propriétaire du bien prêté à usage, ou bénéficiant d’un commodat, peut y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable, qui ne sera pas fixé par la jurisprudence en tant que de tel.

 

 Rappelons d’ailleurs que dans cette décision forte intéressante, après avoir relevé que les relations relatives au logement occupé par les époux X relevaient du prêt à usage au commodat des articles 1888 et suivant du Code civil, et que ce prêt n’avait pas de terme prévu par une convention, le juge a parfaitement considéré que la SCI pouvait y mettre fin à tout moment.

 

Ce prêt n’avait pas de terme prévu pour une convention, de telle sorte qu’il y avait lieu de considérer que celle-ci revêtait un caractère permanent en ce qu’il portait sur le logement des consorts X mais la Cour de Cassation en a malgré tout exactement déduit que la SCI pouvait y mettre fin à tout moment en respectant un délai de préavis raisonnable.

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

Réouverture de la liquidation judiciaire clôturée et condamnation du dirigeant

Laurent Latapie Avocat immobilier
Laurent Latapie Avocat immobilier

Le mandataire liquidateur peut-il ré-ouvrir la liquidation judiciaire clôturée afin de poursuivre les mesures d’exécution à l’encontre du dirigeant qui a été condamné au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif ?

 

Article :

 

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue récemment qui vient aborder la problématique de la possible réouverture d’une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d’actif notamment lorsque le mandataire judiciaire souhaite poursuivre, au bénéfice de l’ensemble des créanciers, l’exécution de la condamnation des dirigeants au titre de leur responsabilité pour insuffisance d’actifs.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, la société Z a été mise en redressement puis liquidation judiciaire les 12 juillet et 20 juillet 2010, Maître A étant désigné liquidateur.

 

Le 17 septembre 2012, Monsieur R dirigeant de la société Z, a été condamné à payer au liquidateur la somme de 200 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif

 

Le 12 avril 2013, en exécution de cette décision, le liquidateur a fait procéder à la saisie des droits d’associé détenus par Monsieur R dans la société civile immobilière et, le 3 octobre 2013, il a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de cette société.

 

Un jugement du 7 mars 2014 a ordonné la clôture de la procédure collective pour insuffisance d’actif.

 

Une ordonnance de référé du 19 juillet 2017 a ordonné le placement sous séquestre d’une somme de 400 000 euros, provenant du prix d’un immeuble vendu par la société […], jusqu’à ce qu’il soit justifié du règlement par Monsieur R des sommes dues à différents créanciers

 

La réouverture de la liquidation judiciaire clôturée

 

Le 6 novembre 2017, le liquidateur a demandé la réouverture de la liquidation judiciaire.

 

La question qui se pose est de savoir si le mandataire liquidateur peut ré-ouvrir la liquidation judiciaire clôturée afin de poursuivre les mesures d’exécution à l’encontre du dirigeant qui a été condamné au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif ?

 

Cette jurisprudence laisse à penser que cela est possible.

 

La Cour souligne que des avis à tiers détenteur de l’administration fiscale et des saisies, dont une du liquidateur de la société Z, ont été réalisés en 2013 et 2015, soit antérieurement à la vente ayant généré une créance de la SCI au profit de Monsieur R.

 

En effet, suivant procès-verbal du 12 avril 2013 Maître A ès qualités avait fait pratiquer entre les mains de la SCI dont Monsieur R est porteur de parts, une saisie de droits d’associés.

 

Peu importe, les raisons pour lesquelles le liquidateur avait sollicité la clôture de la procédure de liquidation judiciaire avant d’avoir épuisé toutes les voies d’exécution à l’encontre de Monsieur R pour faire exécuter la condamnation en comblement de l’insuffisance d’actif, il n’en demeure pas moins que dans la mesure ou le mandataire liquidateur apprend que le bien de la SCI a été vendu et qu’une somme d’argent, une partie du prix de vente, revient à Monsieur R, en sa qualité de porteurs de parts, cette somme est alors séquestrée.

Cela justifierait alors la reprise des opérations de liquidation judiciaire et par la même la réouverture de la liquidation judiciaire clôturée.

 

La solution

 

La Cour de cassation, considère, au visa de l’article L. 643-13, alinéa 1er, du Code de Commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, que si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d’actif et qu’il apparaît que des actifs n’ont pas été réalisés ou que des actions dans l’intérêt des créanciers n’ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.

 

Il en résulte que le droit d’agir ainsi reconnu au liquidateur emporte, pour celui-ci, la faculté de poursuivre l’exécution forcée d’une décision obtenue pendant la liquidation judiciaire au bénéfice des créanciers et qu’il n’avait pu ramener à exécution.

 

Ayant constaté qu’étaient intervenus, postérieurement à la clôture de la liquidation judiciaire de la société Z la vente de l’immeuble appartenant à une société civile immobilière dont le dirigeant possédait des parts et le placement sous séquestre d’une somme lui revenant, la Cour d’Appel  en a exactement déduit qu’il était possible de poursuivre, au bénéfice des créanciers, l’exécution de la condamnation de ce dirigeant au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif et que la procédure de liquidation judiciaire pouvait être reprise à cette fin.

 

Il importe pour tout dirigeant ayant fait l’objet d’une condamnation pour insuffisance d’actif de ne pas oublier que quand bien même la procédure serait clôturée, il n’est pas à l’abri si le mandataire liquidateur découvre l’existence d’actifs résiduels, ce dernier sollicite la réouverture de la liquidation judiciaire.

 

Le chef d’entreprise peut-il se défendre ?

 

Pour autant, là encore plusieurs axes de discussions et de défense pour le dirigeant sont possibles.

 

En effet, dans ce cas particulier et cette jurisprudence, des mesures avaient déjà été prises par le mandataire liquidateur contre le patrimoine du dirigeant avant la clôture de la liquidation judiciaire.

 

La Haute juridiction s’étonne d’ailleurs des raisons pour lesquelles le mandataire liquidateur a cru bon clôturer la procédure sans aller au bout de ses mesures d’exécution alors qu’il avait isolé des actifs, et notamment les parts sociales que détenait Monsieur R au sein de cette SCI.

 

Pour autant, dans l’hypothèse ou des actifs apparaitrait postérieurement à la clôture des opérations de liquidation judiciaire, voire même plusieurs années après, pour des raisons complétement distinctes, telle que par exemple une succession dont l’ancien chef d’entreprise serait héritier, il est bien évident que dans pareil cas il n’est pas question d’actif non réalisé, mais bel et bien d’un actif nouveau, apparaissant postérieurement, en suite d’un décès familial, et sans aucun lien d’ailleurs avec la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d’actif.

 

Bien plus, laisser à penser que le mandataire liquidateur pourrait ré-ouvrir les opérations de liquidation judiciaire en toutes circonstances post-clôture pour insuffisance d’actif dès lors qu’il apprendrait qu’un actif successoral aurait vocation à revenir au chef d’entreprise amènerait ce dernier à attendre paisiblement des évènements fatidiques, alors que l’esprit de la Loi, en droit de l’entreprise en difficulté est quand même, rappelons-le, de permettre au chef d’entreprise malheureux de tourner la page et de poursuivre sa vie économique.

 

 

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr