Un client peut-il faire opposition au prélèvement auprès de son établissement bancaire alors même qu’il a communiqué toutes ses références de carte bleue au site de réservation en ligne, qu’il s’agisse d’un site de réservation en ligne de chambres d’hôtel, de restaurants ou bien encore de voyages ou de séjours ?
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Cette question s’impose d’autant plus que les conditions générales de ces sites précisent bien souvent que la réservation en ligne font état que la facturation ne prévoit aucun paiement de garantie, le numéro de carte bancaire étant simplement nécessaire pour la réservation et la carte bancaire ne pouvant faire l’objet de quelque débit que ce soit.
Or, il n’est pas rare de constater qu’en cas de difficultés, l’établissement hôtelier et le site en ligne procèdent à un prélèvement sur le compte de leur client sans que celui-ci en soit avisé et sans que la banque ne manifeste quelque vérification ou refus que ce soit.
La question qui se pose est de savoir si le client peut faire opposition au prélèvement auprès de l’établissement bancaire alors même qu’il a communiqué son numéro de carte bleue au site de réservation en ligne ?
Dans les conditions générales du site de réservation en ligne il est très souvent précisé que la résiliation en ligne n’entraine aucune facturation, ni paiement en garantie ni aucun débit.
Il est donc bien évident qu’en cas de prélèvement, le client peut former opposition auprès de sa banque et la banque ne peut refuser de faire droit à cette opposition au motif que la cliente aurait communiqué un numéro de carte bleue au site de réservation en ligne.
Le Code Monétaire et Financier prévoit que le titulaire du compte bancaire peut faire opposition à un prélèvement déjà effectué et en demander le remboursement à sa banque dans deux situations précises, savoir :
Il convient de rappeler les dispositions de l’article L 133-8 du Code Monétaire et Financier qui règlementent l’opposition à prélèvement
« I. – L’utilisateur de services de paiement ne peut révoquer un ordre de paiement une fois qu’il a été reçu par le prestataire de services de paiement du payeur sauf disposition contraire du présent article.
II. – Lorsque l’opération de paiement est initiée par le bénéficiaire ou par le payeur qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire, le payeur ne peut révoquer l’ordre de paiement après avoir transmis l’ordre de paiement au bénéficiaire ou donné son consentement à l’exécution de l’opération de paiement au bénéficiaire.
Lorsque l’opération de paiement est initiée par un prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement mentionné au 7° du II de l’article L. 314-1, le payeur ne peut révoquer l’ordre de paiement après avoir donné son consentement à ce que le prestataire de services de paiement fournissant le service d’initiation de paiement initie l’opération de paiement.
Toutefois, en cas de prélèvement et sans préjudice du droit à remboursement mentionné à l’article L. 133-25, le payeur peut révoquer l’ordre de paiement au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu pour le débit des fonds.
III. – Dans le cas où il a été convenu entre l’utilisateur qui a ordonné l’opération de paiement et son prestataire de services de paiement que l’exécution de l’ordre de paiement commencera un jour donné ou à l’issue d’une période déterminée ou le jour où le payeur aura mis les fonds à la disposition de son prestataire de services de paiement, l’utilisateur de services de paiement peut révoquer l’ordre de paiement au plus tard à la fin du jour ouvrable précédant le jour convenu.
IV. – A l’expiration des délais mentionnés aux I, II et III, l’ordre de paiement ne peut être révoqué que si l’utilisateur de services de paiement et son prestataire de services de paiement en sont convenus. Dans les cas mentionnés au II, le consentement du bénéficiaire est également requis. Si la convention de compte de dépôt ou le contrat-cadre de services de paiement le prévoit, le prestataire de services de paiement peut imputer des frais pour la révocation. »
La jurisprudence vient clairement répondre sur cette problématique particulière à travers deux jurisprudences directement liées à la réservation en ligne.
Dans la première jurisprudence, Monsieur et Madame X M. et Mme X, titulaires d’un compte joint dans les livres de l’établissement bancaire souhaitant procéder à une réservation en ligne dans un hôtel, ont communiqué sur le site internet le numéro de la carte bancaire de Mme X.
Ils n’ont finalement pas donné suite à leur projet.
Pour autant leur compte a été ultérieurement débité à l’initiative de l’hôtel d’une somme de 780 euros à titre de pénalité, dont ils ont réclamé le remboursement à la banque.
Les consorts X ont alors décidés de poursuivre leur banque en responsabilité afin d’obtenir le remboursement de la somme prélevée sans leur accord et sans que leur opposition ait été suivie d’effet.
Or, le Tribunal d’Instance avait rejeté la demande de Madame X au motif pris que le numéro de la carte de crédit, sa date de validité et le cryptogramme visuel à trois chiffres avaient été communiqués volontairement sur le site internet de réservation en ligne de l’hôtel par cette dernière,
A bien y comprendre, la communication par le titulaire de la carte au site de réservation en ligne autorisait la banque, au vu de ces données transmises par le commerçant à payer et à débiter le compte,
Fort heureusement, la Cour de Cassation ne suit pas ce raisonnement et précise qu’en se déterminant par de tels motifs impropres à établir que Mme X, qui n’avait communiqué à distance les données figurant sur sa carte bancaire au site de réservation en ligne que pour garantir la réservation d’une chambre d’hôtel, sur un formulaire précisant que cette communication ne donnerait lieu à aucun débit,
De telle sorte que le client n’avait absolument pas donné un mandat de payer, et qu’à défaut d’un tel mandat, la banque était tenue de restituer la somme débitée.
Cette décision est salutaire,
Elle rappelle que la réservation en ligne dans la mesure où celle-ci n’entraine aucun paiement ni aucun débit, n’a pas vocation à faire l’objet d’un paiement par la banque.
Qu’en conséquence, le titulaire du compte est tout fait fondé à faire opposition à son prélèvement pour obtenir son remboursement.
La banque doit s’exécuter,
Rappelons le, l’article L 132-4 du code monétaire et financier, précise que « dans le cas où le paiement contesté a été effectué frauduleusement, à distance, sans utilisation physique de sa carte, si le titulaire de celle-ci conteste par écrit avoir effectué un paiement ou un retrait, les sommes contestées lui sont recréditées sur son compte par l’émetteur de la carte ou restituées, sans frais, au plus tard dans le délai d’un mois à compter de la réception de la contestation. »
Dans la décision de mai 2016, la problématique est liée à l’utilisation d’une carte de débit différé puisque la banque avait cru bon donner suite au prélèvement alors même que la cliente et titulaire du compte avait fait opposition au motif pris qu’elle n’avait jamais donné son accord.
La banque, quant à elle, considérait que l’utilisation de la carte par la cliente emportait ordre de paiement irrévocable.
Là encore, la titulaire du compte est parfaitement fondée à faire opposition au prélèvement au motif que la banque ne pouvait se prévaloir d’un ordre de paiement irrévocable, alors qu’au contraire, la cliente n’avait pas donné mandat de paiement.
L’établissement hôtelier n’avait aucune autorisation de débit signée par la cliente de telle sorte que la banque ne pouvait pas débiter son compte,
Ces deux jurisprudences sont intéressantes,
Le client qui frappe d’opposition un prélèvement non autorisé par ses soins peux parfaitement sommer la banque de le rembourser,
Qu’importe le fait que le client ait communiqué ses références de carte bleue au site de réservation en ligne.
A bon entendeur,
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,